Hermione


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"N'oublie pas, tu es Lavande Brown." dit Hermione d'une voix saccadée tandis que "Théo" et elle montaient les escaliers à toute vitesse. "Gryffondor, cinquième année. Tu es la meilleure amie de Parvati Patil, tu sais, la jumelle ? Sa sœur est à Serdaigle, Padma ?"

Théo, en Lavande, ce qui était profondément déroutant, fronça ses sourcils blonds parfaitement bien épilés :

"Celle avec qui Potter dansait au Bal de Noël ?" demanda-t-il.

"Oui, exactement. Parvati est à Gryffondor. On partage un dortoir toutes les trois."

"Ok… Et avec qui d'autre je suis amie ? Qui risque de me parler ?"

"Euh… Peut-être Ron, ou Dean." dit Hermione en réfléchissant à la liste des potentiels amis de Lavande. "Mais tu ne dois surtout pas attirer l'attention. Tu es supposée être enrhumée dans ton lit, personne ne doit se souvenir que tu étais présente ce soir !"

"D'accord, d'accord." dit Théo.

"Mon Dieu, Théo, ta voix !" couina Hermione en réalisant que la voix de Lavande n'avait rien à voir avec ce timbre grave.

"Merde, j'avais oublié !" s'écria Théo, Lavande, horrifié.

Ils s'arrêtèrent sur une marche d'escaliers et se contemplèrent avec des yeux écarquillés. Hermione réfléchit à une solution, mais Théo s'écria avant elle :

"Je connais un sort pour rendre la voix aigüe !"

"Quoi ? Comment peux-tu connaître un sort pareil ?" demanda Hermione, en essayant de se souvenir d'une formule qui modifie la voix dans le programme de Sortilèges des dernières années.

Les joues de Lavande prirent une teinte rosée et elle se mit à triturer ses mains nerveusement.

"Euh… C'était, euh… Pour une blague avec Blaise, pour imiter Pansy…"

"Et ? Ça a marché ?" demanda Hermione.

"Oui, mais je ne peux pas le faire sur moi-même, tu dois me le lancer. Pointe ta baguette sur mon cou, et prononce "Acutus" !"

Hermione sortit sa baguette et s'exécuta :

"Acutus !"

Un jet bleu jaillit de sa baguette et s'écrasa contre le cou de Théo. Lavande.

"Alors ?" demanda-t-il, et sa voix avait radicalement changé, passant d'intonations grave à une voix bien plus féminine qui ressemblait beaucoup à celle que Lavande avait.

"Parfait." dit Hermione, et ils remontèrent les escaliers à toute vitesse. "Je resterai avec toi pour que personne ne te propose de se joindre à toi pour les exercices."

"Je croyais que tu n'aimais pas Lavande ?" questionna Théo.

"Pas vraiment." admit Hermione. "Mais ce n'est pas elle, c'est toi."

Lavande sourit, et Hermione reconnut le sourire en coin de Théo même sur un autre visage que le sien.

"En tout cas, si quelqu'un vient te parler, j'essaierai de parler à ta place." dit-elle.

"D'accord, d'accord." dit Théo. Lavande. "C'est quoi "l'A.D" ?" demanda-t-il quand ils arrivèrent au quatrième étage.

"C'est comme ça qu'on appelle les réunions d'Harry. Armée de Dumbledore." expliqua Hermione.

Théo lui lança un gros regard en biais plein d'ironie. Apparemment, lui non plus n'aimait pas beaucoup le directeur.

"Et c'est la première séance ?" demanda Lavande. Théo.

"Non, ça sera la quatrième ce soir. Je crois qu'il n'en restera qu'une avant les vacances de Noël."

"Espérons que le rhume de Lavande Brown la cloue au lit pendant encore quelques semaines, alors." dit-il, elle, sarcastiquement.

"Espérons." répéta Hermione.

Quand ils arrivèrent au sixième étage, Théo demanda :

"Et où est cette réunion, exactement ?"

"Dans la Salle sur Demande." dit Hermione. "C'est une Salle un peu spéciale que nous avons découvert en début d'année. Elle prend la forme de ce que nous avons besoin à l'instant où on passe devant. Donc, quand on avait besoin de s'entraîner quelque part là où Ombrage ne pourrait pas nous trouver, la Salle a pris la forme d'une pièce d'entraînement avec des mannequins et des livres de défense."

Hermione dû prendre une grosse inspiration tant cette phrase, ajoutée à leur ascension trop rapide, l'essouffla.

"Je n'ai jamais entendu parler de cette Salle." dit-il d'un ton outré, comme s'il était indigné de ne pas posséder cette information. "Ce n'est même pas dans…"

"L'Histoire de Poudlard." termina Hermione, haletante. "Je ne la connaissais pas non plus, c'est Harry qui me l'a montrée."

"C'est comme si Poudlard voulait qu'on s'entraîne malgré l'interdiction." souffla-t-il après avoir digéré l'existence d'une Salle pareille.

Hermione approuva d'un hochement de tête. Elle était persuadée d'avoir déjà dit ça à Harry quelques semaines plus tôt.

"Et vous êtes sûrs qu'Ombrage ne va pas tomber dessus ?" demanda-t-il.

"Non, c'est protégé. Personne ne peut entrer tant que personne ne dévoile le secret." Puis, elle ajouta sans cacher sa fierté : "J'ai inventé cette condition."

Lavande la regarda avec une certaine admiration qu'Hermione avait rarement vu sur le visage de la blonde.

Ils arrivèrent enfin au septième étage et quand Hermione consulta sa montre, elle fut surprise de voir qu'ils n'étaient en retard que de quatre minutes. Il s'était passé tellement de choses depuis qu'elle avait ramassé le cheveu sur l'oreiller de Lavande qu'elle avait l'impression que ça faisait plus d'une heure. Ils, elles, s'arrêtèrent une seconde pour reprendre leurs souffles.

"Prête ?" demanda la Gryffondor.

Lavande, Théo, hocha la tête. Hermione se mit à faire les trois aller-retours nécessaires pour ouvrir la Salle sur Demande, en répétant sans cesse dans sa tête : "J'ai besoin d'une salle pour m'entraîner à me défendre."

Quand elle termina sa marche, sous le regard interloqué de Lavande, une porte en bois apparut magiquement sur le mur. Il y eut une ombre de choc sur le visage de la blonde, mais Théo réussit à masquer sa surprise rapidement. Hermione poussa l'épaisse porte et ils entrèrent.

Tout le monde était déjà en demi-cercle devant Harry. Lavande et Hermione s'approchèrent discrètement et écoutèrent la fin de son explication :

"-sortilèges de protection. Je pense qu'il faut perfectionner ça avant de se lancer dans l'attaque. Je sais que certains d'entre vous ont encore un peu de difficulté avec le sortilège de Bouclier, peut-être qu'on peut retravailler celui-là ? Et s'il nous reste du temps, on reverra peut-être l'enchantement des Quatre-Points, très pratique si on se perd, et peut-être le Maléfice d'Entrave pour les plus aventureux."

Harry aperçut Hermione dans la foule d'élèves et lui demanda :

"Ah, Mione, tu as trouvé ce que tu cherchais ?"

Hermione sentit Lavande, Théo, se crisper légèrement à côté d'elle quand Harry lui parla.

"Non, c'était déjà fermé." mentit Hermione.

"Mince. Demain, alors." répondit-il avec un sourire.

Tout le monde se tourna vers Hermione quand Harry s'adressa à elle, mais heureusement, personne ne sembla prêter une grande importance au fait que Lavande était à côté d'elle. Elle se fondait parfaitement dans le paysage, même si c'était un peu étrange de la voir sans Parvati. Elle, il, regardait Harry, subjuguée par ses paroles. Hermione savait que Théo voulait absolument s'entraîner au Maléfice d'Entrave.

"Très bien, on se met deux par deux !" annonça Harry en tapant des mains.

Ron se positionna aussitôt à côté d'Hermione.

"Prête ?" demanda-t-il en sortant sa baguette de sa poche.

"Euh… Ron, j'ai pensé qu'aujourd'hui, on pouvait peut-être… changer de partenaire." dit Hermione d'une petite voix.

Ron fronça le nez.

"Pourquoi faire ?"

"On s'entraîne toujours tous les deux." expliqua-t-elle. "Il vaut peut-être mieux s'ouvrir aux autres, voir les techniques différentes pour s'adapter en fonction de son adversaire…"

"Ce n'est pas une mauvaise idée." dit Harry, qui s'était approché d'eux. "Changer un peu. Ron, tu n'as qu'à te mettre avec Neville, il n'a personne."

"Mais…" balbutia Ron, pris de court. "Et toi, tu vas te mettre avec qui ?" demanda-t-il à l'adresse d'Hermione.

"En fait, je pensais me mettre avec Lavande." répondit-elle en essayant de prendre un ton des plus désinvoltes. "Parvati est absente parce qu'elle a un rhume, alors j'ai pensé…"

"Lavande Brown ?" répéta Ron à voix basse, comme s'il existait plusieurs Lavandes dans le Château. "Je croyais que tu ne pouvais pas la supporter ?"

"Justement, je me dis que ça peut nous aider à nous rapprocher, tu vois." broda Hermione, qui jeta un regard à la concernée en question. Théo essayait visiblement d'adopter une posture naturelle, mais Hermione n'avait jamais vu Lavande croiser les mains de la sorte.

"Excellente idée." dit Harry, mais ses yeux étaient rivés sur Cho, et il n'écoutait plus vraiment la conversation. "Brillant. Excusez-moi un instant…"

Il se dirigea vers Cho, et Ron s'approcha de Neville. Tout le monde se mit par deux, face à face, et Hermione se mit devant une "Lavande" stressée.

"Prêts ?" dit Harry quand tout le monde se mit en position. "Très bien, sortez vos baguettes !"

Le visage de Lavande sembla soudain s'allonger de terreur. Au début, Hermione ne comprit pourquoi elle, il, paniquait. Jusqu'à ce que Lavande tapote sa poche et qu'elle réalisa qu'il parlait de sa baguette.

Hermione n'avait pas pensé à ça.

"Sors la." articula-t-elle silencieusement. "Personne ne va y faire attention."

Théo obéit et sortit sa baguette, dont il cacha astucieusement le manche avec sa robe trop grande.

"À vos marques, prêts… Partez !"

Les sorts éclatèrent de partout, illuminant les murs de la Salle sur Demande et faisant trembler l'immense chandelier au-dessus de leurs têtes. Hermione et Théo hochèrent la tête, et sans même avoir besoin de se parler, Hermione attaqua et Théo se protégea simultanément.

Le sort d'Hermione collisa avec le bouclier qu'avait dressé Théo devant lui dans une explosion de rayons blancs aveuglants, et Hermione recula de surprise.

"Petrificus Totalus !" cria-t-elle.

"Protego !" lança Théo avec sa voix fluette déformée.

Le second bouclier fut encore plus rapide que le premier, quasiment instantané, et tellement puissant qu'il aveugla Hermione.

"Stupefix !" riposta Théo.

"Protego !"

Les deux sorts éclatèrent l'un contre l'autre et quelques étincelles firent reculer les élèves à côté d'eux. Hermione ne se laissa pas distraire, cependant. Elle attaqua juste après, pour essayer de le surprendre :

"Rictusempra !"

"Protego !"

Cette fois-ci, le bouclier de Théo fut tellement imposant que le sort d'Hermione rebondit dessus. Elle eut tout juste le temps de l'esquiver, et il alla s'écraser contre le mur derrière, faisant tomber quelques livres des étagères au passage.

Hermione ne voyait plus rien de la Salle sur Demande. Toute son attention était maintenant focalisée sur le duel. Elle ne voyait pas Lavande, elle ne voyait que Théo. Elle reconnaissait ses mimiques, les mêmes contractions de concentration qu'il avait à la Bibliothèque quand il révisait un chapitre ardu, ou en cours de Potions quand il essayait de terminer la recette avant elle.

Il agita sa baguette, et cette dernière projeta un jet de lumière orange qui s'écrasa contre le bouclier d'Hermione. Ses chaussures glissèrent sur le parquet pour éviter un nouveau Stupefix et elle renchérit avec le même sortilège, qui frôla le dessus des cheveux blonds de Lavande sans toucher sa cible.

"Protego !"

"Expelliarmus !"

Hermione n'avait jamais connu ça. Cette adrénaline. Théo et elle avaient exactement le même niveau, les mêmes aptitudes. Elle avait l'impression de se battre contre elle-même, qu'il pouvait deviner son prochain sort sans même qu'elle le formule dans son esprit. C'était fulgurant. Elle lança un Bouclier quand Théo ouvrit la bouche, et relança un Expelliarmus qu'il évita facilement. La frustration de ne pas le toucher et l'excitation qui parcourait ses veines tant le duel était serré produisait un mélange électrique dans son corps. La magie picotait le bout de ses doigts.

"Locomotor Wibbly !"

"Protego !" lança Hermione, à la dernière seconde. Un écran transparent se matérialisa devant elle juste à temps. Elle sentit le souffle du sort de Théo soulever ses cheveux.

Hermione fut sur le point d'envoyer un puissant Ebublio, mais Théo regarda autour de lui avec surprise et baissa sa baguette. Hermione suivit son regard, sa baguette toujours brandie devant elle, et vit que la moitié de la Salle avait arrêté de s'entraîner pour les regarder, tous portant des expressions allant du choc à l'émerveillement. Hermione sentit ses entrailles se contracter, et la magie qui faisait trembler sa baguette disparut brutalement.

"Merlin, quel duel !" lança Fred, admiratif.

Il y eut un bruit général d'approbation dans la Salle. Même Harry les regardait avec la bouche grande ouverte de surprise. Hermione et "Lavande" échangèrent un regard gêné.

Pour être discrets, c'était raté.

"Allez, on reprend sa place tout le monde !" lança Harry, attirant l'attention des autres élèves sur lui de nouveau, ce qui permit à Hermione de relaxer ses épaules. "Mione, Lavande, passez au sortilège des Quatre-Points et celui d'Entrave, vous avez clairement assez perfectionné vos boucliers."

Hermione et "Lavande" se rapprochèrent l'une de l'autre, et tout le reste de la séance, elles restèrent dans un coin sans se faire trop remarquer. Hermione n'avait pas envie que la performance de sa fausse colocataire reste marquée dans leurs esprits et qu'ils en reparlent tous le lendemain. Elle testa plusieurs fois le Maléfice d'Entrave sur Théo, et ce dernier réussit à le contrer à chaque fois, mais avec un peu moins de détermination qu'au début.

Quand il ne resta plus que cinq minutes avant la fin du Polynectar, "Lavande" s'excusa pour aller aux toilettes. À la fin de la séance, tout le monde se regroupa devant Harry.

"Où est Lavande ?" demanda-t-il en observant le groupe devant lui.

"Elle est partie se coucher." dit Hermione. "Elle pense avoir attrapé le rhume de Parvati."

"Mince, la pauvre." répondit-il simplement. "Bon, très bien tout le monde, très bon travail. Vous vous améliorez vraiment de semaine en semaine. Il ne nous reste qu'une séance avant les vacances de Noël…" (Les élèves eurent tous une petite exclamation de déception.) "Mais je prévois un truc sympa pour la dernière. N'oubliez pas de partir par petits groupes, et bonne nuit à tous !"

"Bonne nuit Harry !" s'exclamèrent en chœur plusieurs personnes.

Tout le monde sortit par petits groupes de deux ou trois. Fred et George raccompagnèrent le groupe des plus jeunes, et Ginny partit avec Michael. Harry, Ron et Hermione étaient les derniers. Hermione rangeait soigneusement les livres qui étaient tombés de l'étagère pendant son duel avec Théo.

"Allez-y, je vous rejoins." dit-elle aux garçons qui l'attendaient.

Ces derniers ne se firent pas prier, désireux d'aller retrouver leurs lits après cette longue journée. Harry lui passa la carte du Maraudeur pour ne pas qu'elle se fasse surprendre par Rusard, et elle ne mit pas longtemps à trouver le point de "Théodore Nott Jr" dans les toilettes du même étage.

Elle attendit que les points d'Harry et de Ron soient arrivés au milieu des escaliers pour sortir à son tour, puis elle rangea la carte et entra dans les toilettes sans faire de bruit. Théo avait retrouvé son apparence et était en train de remettre son pull vert quand il l'aperçut :

"Merlin, Hermione, c'était incroyable !" s'écria-t-il, toujours avec la voix déformée qui contrastait maintenant avec son physique. "C'était fou, c'était… c'était…"

"Magique ?" proposa-t-elle avec un grand sourire.

"Oui, exactement, magique !" s'exclama Théo. "Merlin, je n'en reviens pas, ce duel ! Tu étais inarrêtable !"

"Moi, tu plaisantes ?!" s'exclama Hermione avec le même entrain. "Tu as vu le bouclier que tu as lancé ? J'ai failli me prendre mon propre sort au visage !"

"C'est parce que tu l'as lancé avec tellement de force qu'il a rebondi !" cria Théo, complètement surexcité. "Merlin, j'avais jamais vu ça !"

"Moi non plus." confessa Hermione.

Elle était heureuse de voir que la fougue du duel avait été partagée. Elle n'avait jamais ressenti ça, c'était comme s'il s'était battue avec elle-même.

"Tu veux bien me rendre ma voix, au fait ?" demanda-t-il en pointant son cou. "Pas que je n'apprécie pas cette douce mélodie qui sort de ma bouche à chaque phrase, mais j'ai l'impression qu'elle me rend un peu moins virile que d'habitude."

Hermione eut un petit rire. Elle pointa sa baguette sur sa gorge et Théo leva le menton pour lui permettre de lancer :

"Finite Incantatem."

"Merci. Merlin, quelle soirée ! Je n'en reviens pas que j'ai réussi à lancer un Protego aussi vite."

"Et personne n'a remarqué la supercherie." dit Hermione. "Avec un peu de chance, tout le monde aura oublié que tu étais là aujourd'hui."

Théo eut un sourire en coin, celui qui lui creusait des fossettes dans les joues :

"Tu plaisantes ? À partir de maintenant, tout le monde va se souvenir du mémorable duel entre Lavande Brown et Hermione Granger. On est des légendes de Poudlard."

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Le lendemain matin, Hermione réalisa que l'adrénaline qu'elle avait ressenti la veille avait réussi à lui faire oublier Drago. Pendant toute une soirée, elle n'avait pas pensé à lui une seule seconde, et cette pause lui avait fait un bien fou. Elle passait tellement de temps à penser à lui, à s'inquiéter pour lui, à être énervée contre lui, que le fait de le sortir de ses pensées le temps de quelques heures avait réussi à l'apaiser sans qu'elle le réalise.

Elle pensa à ça dans son lit, puis sur tout le trajet jusqu'à la Grande Salle. Elle retrouva Ginny au petit-déjeuner et prit son café matinal habituel en contemplant les tables devant elle. Drago n'était pas encore là, mais Théo était assis à sa place, à côté de Zabini. Quand il lui fit un petit clin d'œil, elle suppressa un gloussement.

"Tu étais en feu, hier." commenta Ginny avec un sourire. "Qui aurait pu croire que Lavande Brown serait une adversaire coriace ?"

Hermione feignit l'indifférence en se servant un bol de porridge :

"Je ne pense pas que Lavande ait beaucoup contribué. J'ai fait tout le travail, j'avais de… l'énergie à dépenser."

Ginny comprit aussitôt son insinuation et se tourna subtilement vers la table des Serpentards pour y promener son regard.

"Toujours pas de nouvelles, alors ?" demanda-t-elle en revenant à ses céréales.

Hermione secoua la tête. Il y avait eu le petit mot à Pré-Au-Lard, mais elle ne comptait pas vraiment ça comme des "nouvelles." Plutôt un écart à sa propre promesse de ne plus lui parler. Un moment de faiblesse. Elle était sûre qu'il regrettait de lui avoir écrit.

"Non, rien."

"Alors, la jalousie n'a pas marché ?"

Hermione eut un petit sourire.

"En fait… Si, je crois que ça marche."

Ginny reposa le bol qu'elle venait de porter à sa bouche et se pencha en avant, les yeux pétillants d'envie, comme à chaque fois qu'elle s'apprêtait à entendre un potin particulièrement croustillant.

"Ah oui ? Tu as trouvé un garçon, alors ?" chuchota-t-elle.

Hermione hocha la tête fièrement.

"Qui ça ?"

"Théodore Nott."

Hermione vit bien que Ginny ne s'attendait pas du tout à ce nom. Elle regarda ses yeux s'agrandir de surprise, et ses mains retombèrent d'ébahissement contre la table, envoyant sa cuillère trois mètres plus loin. Ginny n'y prêta pas la moindre attention, bien trop scandalisée pour le faire.

"Théodo… Le Serpentard, Théodore Nott ?" répéta-t-elle. "Le meilleur ami de Malefoy, Théodore Nott ?!"

"Chuuut !" intima Hermione, bien qu'il n'y avait personne autour d'elles suffisamment proche pour entendre ce qu'elle disait.

"Merlin, Hermione, tu es vraiment…" dit Ginny, avec une certaine fierté qui perçait dans sa voix. "Parfois, tu es vraiment… Sensationnelle. Tu le sais ?"

"Parfois, ça m'arrive." dit Hermione avec un petit rire.

"Pauvre Malefoy, il ne sait pas dans quoi il s'est embarqué." dit Ginny, maintenant amusée. "Il a clairement sous-estimé la grande Hermione Granger. Son meilleur ami, Merlin, Hermione tu es… Brillante. Tout simplement brillante."

"Hé, c'est toi qui as trouvé le stratagème !" rappela la brune.

"Oui, mais je ne pensais pas que tu l'appliquerais aussi bien !" riposta Ginny. "Merlin, Théodore Nott… Tu as flirté avec lui ?"

Hermione faillit recracher sa bouchée de porridge.

"Non, non, pas du tout ! On est juste devenus amis."

"Et ça a suffi à rendre jaloux Malefoy ?" demanda la rouquine avec surprise.

Hermione eut un petit rire :

"Oh oui, crois-moi."

Ginny se retourna de nouveau pour jauger la table des Serpentards. Théo lisait maintenant un bouquin qu'il tenait d'une main pour pouvoir manger de l'autre.

"Hermione Granger, l'amie des Serpentards." dit-elle d'un ton railleur. "Qui l'eût cru ?"

"Hm…" dit Hermione en observant le garçon à son tour. "Il n'est pas… Il n'est pas Malefoy-Serpentard. Il est… presque Serdaigle-Serpentard."

"Il te ressemble." lâcha Ginny de but en blanc, et Hermione dévia son regard de Théo à sa meilleure amie avec étonnement. "J'ai toujours vu une ressemblance entre vous deux. Même physiquement, parfois. Comme des frères et sœurs."

"Ginny, tu ne lui as jamais parlé de ta vie." répliqua-t-elle, bien qu'elle fût surprise par l'écho de ses mots avec ceux que Drago avait prononcés tant de fois. "Il est grand, il a des yeux bleus, et c'est un Sang-Pur. Rien à voir avec moi."

"Je dis juste qu'il y a une ressemblance, c'est tout." conclut Ginny, en prenant une autre cuillère pour la plonger dans son bol de céréales.

"Une ressemblance avec qui ?" demanda Ron qui arriva à la table à cet instant. Harry traînait derrière lui en bâillant à s'en décrocher la mâchoire.

"Merlin Ronald, ne me dis pas que tu es encore en pyjama ?!" glapit Ginny avec horreur.

"Pourquoi, ça te pose un problème ? On est dimanche." rétorqua Ron en se servant un grand verre de jus de citrouille. "Les dimanches, on reste en pyjama. Point final. Surtout quand on a passé la journée entière de la veille à faire son maudit essai de Potions."

Hermione résista à l'envie de pousser un profond soupir agacé. À l'entendre, on aurait pu croire qu'il avait réalisé un exploit alors que c'était le quotidien d'Hermione depuis cinq ans.

"Donc ? Une ressemblance avec qui ?" demanda Ron.

Hermione continua de manger son porridge, s'attendant à ce que Ginny mente pour changer de sujet.

"Entre Hermione et Théodore Nott." dit-elle d'une voix posée. Hermione lui donna un coup dans le tibia mais Ginny l'ignora complètement. "Ils se ressemblent un peu, vous ne trouvez pas ?"

Ron fronça le nez, comme à chaque fois que quelque chose lui échappait :

"Qui ça ?"

"Ron, ça fait au moins dix fois que je te dis qui c'est." grommela Hermione.

"Le Serpentard qui peut voir les Sombrals." dit Harry, et elle fut surprise de constater qu'il avait écouté la conversation tant il paraissait endormi. "Le second du classement général. C'est ça, Mione ?"

"Oui, c'est ça." répondit-elle. "Ginny dit qu'on se ressemble."

Ron se tourna complètement sur le banc pour regarder sans gêne la table verte et argent.

"C'est lequel, Nott ?" demanda-t-il en plissant les yeux.

"Celui à côté de Blaise Zabini, en face de Pansy Parkinson." dit Ginny sans se tourner.

"Quoi, lui ?" s'écria Ron avec dégoût. "Il ne ressemble pas à Mione du tout, il est tout gringalet, on dirait un squelette !"

"N'importe quoi." dit Ginny en levant les yeux au ciel. "Tu dis ça juste parce qu'il est à Serpentard."

"Oui." répondit Ron, comme si c'était évident. "Il est flippant, tout comme sa Maison."

Hermione sentit l'injustice de ses propos lui monter à la tête et elle serra compulsivement sa cuillère contre sa paume.

"Et bien, détrompe-toi, il est très sympathique." démentit-elle sèchement. "Et très intelligent. J'ai révisé quelques fois avec lui à la Bibliothèque, et on s'entend très bien."

Elle vit les couleurs du visage fatigué de Ron fondre instantanément. Il devint rouge tomate aussi vite qu'un battement de cœur.

"Tu as révisé avec lui ?" répéta-t-il, ahuri. "Le Serpentard ?"

"Oui." répondit Hermione, plein de défiance. Sans savoir pourquoi, elle ressentait le besoin incontrôlable de défendre Théo. Encore plus que Drago, parce que contrairement à lui, Théodore n'avait jamais rien fait de méchant.

"Mais… Pourquoi ?" bredouilla Ron, tellement estomaqué que le bout d'œuf sur sa cuillère s'écrasa dans son assiette sans qu'il le remarque.

"Parce qu'il m'a proposé, et que j'ai dit oui." dit Hermione avec un air digne. "Il est extrêmement cultivé, et je me suis rendue compte qu'il pouvait m'apporter beaucoup de connaissances que je n'avais pas…"

"... Mais c'est un Serpentard !" objecta Ron puérilement.

Elle tourna vers lui un regard noir qui le cloua sur son banc.

"Et alors ? J'ai l'air d'être du genre à juger quelqu'un pour ça ? À m'abaisser à la séparation stupide et sectaire de la distinction des Maisons ? Est-ce que tu as déjà vu Théodore faire quelque chose de mal, de tes propres yeux, ou est-ce que tu le vois uniquement à travers ton prisme stéréotypé ?"

Elle termina sa phrase par un claquement de langue irrité et Ron sembla vouloir disparaître sous le banc plutôt que de lui répondre. Il le fit, éventuellement, d'une petite voix étranglée :

"Non, je suppose que… Je suppose que je ne l'ai jamais vu faire quoique ce soit de mal, mais…"

"Tu ne savais même pas qui c'était il y a cinq minutes." observa Ginny, qui paraissait prendre un grand plaisir à voir son frère se faire descendre de la sorte.

"Non, c'est vrai, mais j'ai simplement pensé…" marmonna Ron. "Il est ami avec Malefoy, non ? Il doit forcément partager ses idées de Sang-purs ?"

"Ron, on est des Sangs-purs." pointa froidement Ginny.

Cela termina abruptement la conversation. Ron continua de plisser le nez tout le reste du petit-déjeuner, apparemment déjà trop sollicité pour une heure aussi matinale, et Harry mangea son toast en regardant rêveusement les carreaux décorés de la Grande Salle.

La seule interruption au silence qui régnait entre eux fut l'apparition de Lavande. La vraie Lavande. Quand elle la vit, Hermione se raidit sans le vouloir, comme si elle ne réalisait que maintenant ce qu'elle avait fait la veille.

Lavande était dans un piteux état. Son nez était encore tout rouge et irrité, ses yeux étaient bouffis, et son teint bien plus blafard que d'habitude. Elle se servit un thé en restant debout, probablement avide de retourner se coucher rapidement. Hermione évita son regard et trouva subitement un profond intérêt pour son bol de porridge.

"Oh, hey Lavande." salua Harry amicalement.

Hermione arrêta sa cuillère à mi-chemin entre son bol et sa bouche, le souffle coupé. Harry ne parlait jamais avec Lavande. Pourquoi lui parlait-il maintenant ?

"Toujours ce rhume, hein ?" continua-t-il. "J'espère que tu vas te soigner vite."

Lavande parut surprise par son attention.

"Oh, euh, merci Harry."

Hermione retint son souffle, mais Lavande repartit vers la porte où Parvati l'attendait toute tremblotante.

Elle attendit que Ron ait la tête baissée pour lancer un clin d'œil à Théo.

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Hermione avait développé l'habitude extrêmement agaçante de perdre sa concentration dès qu'elle travaillait à la Bibliothèque. Quand Drago n'était pas avec elle, c'était comme si ses pensées s'effritaient, se désintègraient avant qu'elle n'ait pu les analyser correctement. Elle n'arrivait plus à lire une page entière sans que son esprit ne vagabonde, loin des révisions, loin des essais, loin des BUSES.

Elle pensait à la manière dont il faisait rouler ses bagues sur ses doigts quand il était concentré, comme un tic. Elle pensait à ses yeux, hypnotisants, captivants, dans lesquels elle avait pu se perdre tant de fois avant et qu'elle n'avait pas vraiment vu depuis deux longues semaines.

Hermione essayait de se ressaisir, de retourner à ses révisions et de chasser Drago Malefoy de ses pensées, mais c'était peine perdue. C'était comme si, en partant de leur table à la Bibliothèque, il avait aussi emporté une petite partie d'elle. Un bout de sa personnalité, sa studiosité. Elle n'était plus vraiment Hermione Granger, parce que Drago Malefoy était parti, et qu'elle était vidée de l'intérieur.

Elle avait beau essayer de se venger pour le faire réagir, préparer des plans pour le rendre jaloux et jubiler quand elle voyait la colère prendre le dessus dans ses prunelles, la vérité restait la même.

Drago ne revenait pas.

Et Hermione ne le réalisa que deux semaines après leur dispute dans la salle de classe vide. D'une certaine manière, elle n'avait jamais cru ses mots. Elle n'avait jamais cru qu'il les pensait réellement, qu'elle pouvait être amoureuse de Ron alors que ça crevait les yeux qu'elle n'aimait que lui. Lui, lui, lui. Depuis qu'il s'était assis à la table reculée la première fois, depuis qu'elle avait cherché son nom dans son livre d'Astronomie et qu'elle s'était mise à l'observer dans la Grande Salle, il n'y avait plus eu question de Ron. Plus vraiment. Comment tomber amoureuse de Ron, quand la chute pour Drago avait été si vertigineuse ?

Ça ne pouvait pas se terminer comme ça. Hermione le refusait. Elle savait que Drago avait peur, elle comprenait même pourquoi, mais ce n'était pas une raison. Une entente aussi forte, un amour aussi puissant, ne pouvait pas se terminer aussi brutalement, sans raison valable. Il préférait réfuter ses sentiments plutôt que de les honorer. Il préférait la voir tomber amoureuse d'un autre. C'était égoïste. Égoïste Drago Malefoy, toujours ce qu'il voulait, sans prendre en compte ce qu'elle ressentait.

Hermione essaya d'accepter, de passer à autre chose, mais c'était impossible. Drago s'était infiltré en elle, doucement mais sûrement, s'accrochant à chacune des particules qui composaient son corps, sa tête, son cœur. Elle se levait le matin en pensant à lui et s'endormait le soir en pensant à lui. Son cœur se serrait quand il était près d'elle, et souffrait quand il était loin. Il était odieux, imparfait, méchant parfois, mais elle l'aimait. Et très souvent, c'était tout ce qui comptait.

Et plus les jours passaient, plus il s'éloignait d'elle, petit à petit, et son absence laissait une marque sur Hermione, comme une blessure qui s'agrandissait à chaque fois qu'il ne venait pas à la Bibliothèque, ou sur le banc où elle passait des heures à contempler le ciel étoilé, son pot de confiture enflammé contre son ventre, les cheveux balayés par le vent hivernal.

Hermione aurait pu se laisser aller, céder à la souffrance qui l'attendait lorsqu'elle réalisa qu'il ne reviendrait peut-être pas. Que c'était peut-être fini, vraiment. Ils s'étaient toujours reparlés, d'une manière ou d'une autre, ils avaient toujours réussi à revenir vers l'autre, mettre leurs peurs de côté, ignorer la culpabilité, mais cette fois-ci, peut-être qu'il le voulait vraiment ? S'éloigner ? Ne plus jamais lui parler ?

Hermione aurait pu s'abandonner à cette peur tenace qui l'empêchait de dormir la nuit et la déconcentrait la journée, si Théodore Nott n'avait pas été là.

Sans même le savoir, il réussit à la remonter à la surface. Son obstination à travailler, à être meilleur, la compétition perpétuelle qui les unissait, c'est ça qui poussa Hermione à se lever tous les matins du mois de Décembre. Ce fut lui qui réussit à lui redonner son aplomb, à retrouver sa motivation à travailler pour réussir. Il réussit à bloquer tout autour d'eux, pas seulement Drago, mais aussi la tension qui régnait dans le Château depuis qu'Ombrage était arrivée, la souffrance qu'éprouvait Harry, la pression de la guerre, à l'extérieur, qui pesaient sur leurs épaules au quotidien.

La présence de Théo à ses côtés fut comme un médicament. Leurs révisions ensemble n'avaient rien à voir avec celle qu'Hermione partageait avec Drago. Il n'y avait pas de regards en biais, de phrases lourdes de sens, de vibrations dans le corps d'Hermione dès qu'il parlait. Il n'y avait pas de Lettre à Elise, ou de thé à la cannelle, ou de partitions, ou de petits mots griffonnés sur des bouts de parchemin, il n'y avait que Théo et Hermione, qui apprenaient sans relâche, dans l'objectif de dépasser l'autre, sans jamais le dire à voix haute.

Elle l'aida pour l'Arithmancie, il l'aida pour les formules de Métamorphose abstraites qu'elle avait du mal à saisir. Il lui fit réciter les dates des Guerres des Géants, elle lui montra comment changer la couleur d'une plume. Il lui raconta les légendes de Salem, elle lui parla des peintures de la Renaissance qu'elle aimait.

Hermione était amie avec Harry et Ron depuis ses onze ans, parce qu'ils partageaient le même sens de la justice, le courage, le sentiment d'appartenir à la même famille, dans le sang comme dans le Château. Elle était amie avec Ginny parce qu'elles se faisaient confiance, Hermione pouvait lui confier tous ses secrets et écouter les siens. Elle était amie avec Danny parce qu'elle avait grandi avec lui, qu'ils partageaient des souvenirs et qu'il représentait son rayon de soleil dans un monde qu'elle ne reconnaissait plus.

Elle était amie avec Drago parce qu'ils étaient différents, et que c'était justement ce qui l'avait attirée. Le fait qu'ils soient rarement d'accord, et que toutes leurs conversations étaient enrichissantes, et qu'elle était devenue addict à son imprévisibilité.

Elle se souvenait de chaque début d'amitié parfaitement, pouvant même citer chaque phrase qu'ils s'étaient échangés la première fois. Elle était incapable de le faire pour Théo. C'était comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Ils réfléchissaient pareil. Leurs esprits étaient connectés par un lien indescriptible, fusant avec les mêmes idées au même moment. Ils avaient le même humour, les mêmes envies, les mêmes valeurs. Pourtant, ils avaient grandi dans deux mondes relativement opposés : lui chez les sorciers suprémacistes, elle chez les Moldus.

Mais ils se comprenaient, d'une manière si puissante qu'Hermione pensait que la magie était forcément impliquée. Ce n'était pas normal de fusionner autant avec quelqu'un qu'on connaissait à peine.

Ce fut donc grâce à Théodore Nott qu'Hermione réussit à garder la tête haute pendant ce mois de Décembre. Quand elle sentait les regards persistants de Drago sur elle dès qu'elle était en sa compagnie, elle faisait semblant de ne pas le remarquer, et continuait de réviser, encore et encore, dans cette nouvelle bulle de Bibliothèque qu'elle appréciait, contre toute attente.

"Il y a une nouvelle réunion prévue demain." annonça Hermione à voix basse, trois jours avant les vacances de Noël.

Théo leva la tête de son parchemin et mit plusieurs secondes à comprendre ce dont elle voulait parler.

"Oh." dit-il après un temps. "Et bien, je suppose que je n'y assisterai pas. J'ai croisé Lavande ce matin, elle chantonnait dans les couloirs. Plus de rhume."

Hermione pouvait voir la déception écrite sur son visage quand il dit ça. Il ajouta avec un faux rire :

"D'ailleurs, je dois avouer que croiser la fille que j'étais pendant une heure a été une expérience assez déconcertante."

Il se replongea dans son essai. Hermione se mordit la lèvre inférieure, puis proposa lentement :

"En fait… J'ai pensé qu'on pourrait… ne pas lui dire."

Théo releva la tête, les sourcils froncés.

"C'est-à-dire ?"

"Je pourrais… ne pas lui transmettre l'information de la réunion de demain." expliqua-t-elle dans un chuchotement. "Comme ça, tu pourras prendre sa place de nouveau."

Étrangement, Théo ne sembla pas choqué par sa proposition. Hermione se demanda s'il n'y avait pas déjà pensé sans oser lui partager.

"Et elle ne va pas remarquer qu'elle a raté une séance ?" questionna-t-il.

Hermione haussa les épaules :

"Avec les vacances, tout le monde aura oublié d'ici la rentrée. Et puis, Lavande ne parle pas vraiment aux autres, elle reste surtout avec Parvati et Seamus, et aucun des trois ne sera là demain."

Théo ébaucha un sourire excité qu'il n'arrivait plus à cacher.

"Et bien, espérons qu'on aura autant de chance que la dernière fois. En plus, Ha- Potter, a dit qu'il préparait une surprise pour la prochaine fois. Tu sais ce que c'est ?"

Hermione secoua la tête, réalisant à cet instant que son meilleur ami ne lui avait pas dit ce qu'il avait prévu de leur faire faire.

"J'avoue qu'il a attisé ma curiosité." dit Théo. "Et puis… Rogue a préparé trois nouveaux chaudrons de Polynectar…"

Hermione sourit, et ils retournèrent chacun à leur devoir, planifiant mentalement leur plan secret pour le lendemain.

À l'heure du dîner, Hermione se leva et lança joyeusement à Théo :

"À demain soir, alors."

"J'ai hâte !" répondit-il avec le même engouement que la première fois.

Hermione s'éloigna de la table en se demandant ce qu'Harry avait bien pu préparer pour le lendemain, sans savoir que Drago, caché par l'étagère de "Fleurs et plantes magiques", venait d'entendre leurs au-revoirs.

.

.

Le plan se déroula aussi aisément que la première fois. Avec leurs deux esprits vifs combinés, Théo et Hermione avaient pensé à tout. Hermione avait trouvé les deux pièces de faux Gallions que Lavande et Parvati avaient posées sur leurs tables de nuit, et effaça la date d'un coup de baguette. Théo vola l'un des flacons de Polynectar de Rogue, pourtant hautement sécurisé, et en prit qu'une petite partie pour ne verser qu'une dose dans son chaudron. Hermione trouva un cheveu sur l'une des chemises de Lavande roulée en boule dans la salle de bains, et Théo se chargea de trouver une robe de Gryffondor. Ils jetèrent même un sortilège plus ou moins réussi sur la baguette de Théo pour qu'elle prenne la même couleur que celle de Lavande : un rose fuschia.

Théo but la potion qu'à la dernière seconde, caché derrière la tapisserie de Barnabas le Follet, juste en face de la Salle sur Demande, et rentra après Hermione pour ne pas attirer les soupçons sur leur soudain rapprochement.

Par chance, une grande majorité des élèves n'était pas venue à cause du rhume qui semblait contaminer tout le monde dans le Château, probablement à cause du froid glacial dehors. L'absence de Parvati passa donc complètement inaperçue, et "Lavande" resta dans un coin de la pièce pendant toute la présentation d'Harry.

"J'ai pensé faire une séance spéciale pour aujourd'hui." expliqua-t-il dès que tout le monde se rapprocha de lui. "J'ai pensé qu'avant Noël, on pourrait tous s'entraîner à produire un Patronus."

Plusieurs élèves s'exclamèrent de joie en entendant ça, ce qui fit sourire Harry.

"Et si on y arrive pas ?" demanda Neville nerveusement, en tenant sa baguette comme si elle lui piquait la main.

"Ce n'est pas grave !" dit précipitamment Harry. "Je n'ai pas réussi à en faire un avant des mois, c'est une magie très difficile. Je ne m'attends pas à ce que vous y arriviez aujourd'hui. Sauf peut-être Hermione, évidemment."

La concernée sentit ses joues s'enflammer quand les regards curieux des élèves se posèrent sur elle.

"Tu pourrais en faire un, Harry ?" demanda Lee avec envie. "Pour qu'on voit à quoi ça ressemble de près ?"

Harry, qui n'aimait pas trop les démonstrations de talent publiques, hésita un instant.

"Allez, Harry !" insista Cho. "Montre-nous !"

Hermione ne fut pas surprise de le voir tirer sa baguette en entendant cette demande. Ginny fit une moue discrète.

"Bon, d'accord." dit-il, en regardant partout sauf en direction de Cho. "Alors… Pour créer un Patronus, il faut penser à un souvenir heureux. Mais pas n'importe quel souvenir heureux, un souvenir qui vous procure une joie incomparable. Ça peut être n'importe quoi, tant qu'il représente un moment où vous avez ressenti le plus de bonheur de votre vie. Votre Patronus va prendre la forme de votre animal totem, et doit représenter l'espoir, la destruction du malheur. C'est pour cela que c'est une magie extrêmement puissante, c'est parce qu'elle prend votre énergie la plus vitale pour combattre le Mal."

Hermione avait lu énormément de choses sur la magie des Patronus. Certains disaient que l'animal représentait celui dans lequel on pouvait se réincarner dans la vie suivante, d'autres disaient que c'était notre plus fidèle protecteur. Dans tous les cas, tous les livres se rejoignaient sur la puissance et la beauté de cette magie. Hermione sentait ses doigts frétiller d'anticipation à l'idée d'essayer.

Harry ferma ses yeux une seconde, puis un sourire nostalgique flotta sur ses lèvres une seconde avant qu'il ne les rouvre pour prononcer clairement :

"Spero Patronum !"

Sa baguette vibra dans sa main et laissa échapper un filet argenté, presque nuageux, qui s'enroula sur lui-même jusqu'à former un grand cerf majestueux. Il s'inclina devant Harry, ses bois effleurant le sol de la Salle sur Demande, avant qu'il ne se retourne pour charger droit devant lui. Tous les élèves s'écartèrent de son passage avec des "ouah !" ébahis. Quand il passa devant Hermione, elle sentit une douce chaleur se promener sur sa peau. Puis, le cerf disparut dans un "pouf !" de fumées blanches.

Tout le monde fut bouche-bée par ce spectacle, mais la plus surprise de toutes était de loin Lavande. Théo n'arrivait manifestement pas à contenir son admiration pour Harry.

"Voilà, un Patronus." dit le brun maladroitement, gêné par toute l'attention sur lui. "C'est évidemment un travail individuel. Pensez d'abord à votre souvenir, puis prononcez la formule en imaginant qu'une menace s'approche de vous et que vous avez besoin de protection."

C'était mieux pour Théo et Hermione qu'ils soient chacun de leur côté, parce que se mettre ensemble une seconde fois aurait pu paraître suspect. Hermione resta cependant assez proche de lui au cas où, et réfléchit au souvenir qu'elle pourrait utiliser.

Elle pensa au moment où sa mère avait organisé une surprise, pour ses huit ans, en invitant tous ses copains pendant qu'elle était au théâtre avec son père. La joie qu'elle avait ressenti à cet instant avait été prenante, soudaine. Elle essaya de la capturer en prononçant le sort, mais seuls quelques filaments argentés sortirent de sa baguette avant de se dissiper dans l'air.

En voyant que ce souvenir ne fonctionnait pas, Hermione repensa plutôt au moment où McGonagall était venue sur son palier de porte pour lui annoncer qu'elle était une sorcière. Elle essaya de se souvenir du tourbillon d'émotions qu'elle avait ressenti au moment où elle était apparue : la peur, mais aussi la trépidation d'en savoir plus, la joie d'avoir une place dans ce monde magique qu'elle ne connaissait pas, mais qu'elle avait attendu toute son enfance sans le savoir. Sa magie fut un peu plus réactive, mais les filaments s'évaporaient toujours avant même d'être complètement sortis de sa baguette.

Hermione jeta un regard autour d'elle pour évaluer les progrès des autres. Neville avait le visage contracté par l'effort, et tenait le manche sa baguette avec tant de force que ses phalanges étaient devenues blanches. Ron avait fermé les yeux, et Hermione crut l'entendre répéter plusieurs fois "but de Gryffondor" dans un souffle. Fred et George discutaient à voix basse, se rappelant sûrement d'un souvenir commun qu'ils pourraient utiliser.

Lavande, Théo, était celui qui était le plus près de réussir. Hermione ne savait pas s'il n'y arrivait pas complètement, ou s'il se retenait pour ne pas se faire remarquer. Si Lavande réussissait à produire un Patronus corporel en moins de dix minutes, ça serait certainement le plus gros scoop de l'année.

Hermione essaya de valser entre plusieurs souvenirs heureux de son enfance sans parvenir à produire de Patronus identifiable. À chaque fois qu'elle prononçait le sort, elle sentait son cœur faire un soubresaut. L'énergie dont parlait Harry était là, vibrante sous sa peau, mais elle ne parvenait pas à la tirer suffisamment fort. Peut-être que les souvenirs qu'elle prenait n'étaient pas assez intenses.

Tout le monde était concentré, et écoutait les conseils d'Harry avec attention dès qu'il passait près d'eux. La seule personne qui ne semblait pas intéressée était Marietta Edgecombe, la meilleure amie de Cho Chang. Elle faisait rouler sa baguette le long de ses paumes pour s'occuper.

Soudain, alors que Théo était sur le point de prononcer la formule, Marietta s'approcha de lui, d'elle, d'un pas si rapide qu'Hermione n'eut pas le temps de s'interposer.

"Hé, Lav' ?" appela Marietta en se mettant à côté de la blonde.

Théo mit quelque temps à se rendre compte qu'elle lui adressait la parole. Il releva la tête et jeta un regard paniqué à Hermione, mais Marietta lui fourra sa paume sous le nez et il n'eut pas d'autre choix que de l'écouter :

"J'ai l'impression que j'ai une ligne de main de plus qu'hier." dit-elle très sérieusement. "Qu'est-ce que tu crois que ça signifie ?"

Hermione vit la phrase s'enregistrer dans la tête de Théo sans qu'il n'en comprenne le sens, et il se retint visiblement de l'afficher sur son visage.

"Euh… Comment ça ?" demanda-t-il, de sa voix fluette modifiée.

Marietta poussa une épaisse mèche de cheveux bouclés de son visage pour mieux voir sa propre paume :

"Ben, tu vois, là ? Cette ligne n'était pas là hier, j'en suis sûre. Je sais que celle-là, c'est la chance, et celle-ci, c'est la vie, mais elle, c'est quoi ?"

Elle rapprocha sa main des yeux de Lavande qui scannaient les lignes en question d'un air perplexe.

"Euh… Je ne crois pas qu'elle puisse paraître en plein milieu de la journée, tu sais. Peut-être que tu ne l'as simplement pas remarquée avant ?" proposa-t-il.

Marietta fronça ses épais sourcils.

"Non, non, je suis sûre qu'elle est apparue hier. Elle représente quoi, déjà ?"

Théo bredouilla :

"Je… On ne l'a pas encore étudiée, je crois bien."

Marietta lui lança un drôle de regard, comme si elle voulait jauger si Lavande plaisantait ou non.

"Comment ça, pas encore étudiée ? On fait les paumes de main depuis la troisième année, Lav' !" dit-elle avec un rire. "Et d'ailleurs, tu connais tout le manuel de long en large ! Allez, dis-moi ! C'est grave ?" ajouta-t-elle d'un ton plus inquiet.

"Non, non, mais… Je crois que tu devrais en parler à Trelawney." dit Lavande, avec un regard compatissant parfaitement bien exécuté. "C'est peut-être important, et je ne voudrais pas te faire peur, tu comprends ?"

"Oh, d'accord…" dit Marietta, les sourcils froncés et les yeux fixés sur sa main. "Oui, tu as raison, je lui en parlerai demain… Merci, Lav'..."

Elle s'éloigna et montra sa main à Cho. Son visage portait une expression si grave qu'on aurait dit qu'elle allait mourir d'un instant à l'autre. Lavande fit semblant de chercher quelque chose par terre pour s'approcher subtilement d'Hermione et lui chuchoter :

"C'est une blague ? J'aime la Divination ?"

"Oui." répondit la brune, mi-paniquée, mi-amusée. "Désolée, j'ai oublié de te préciser ce détail."

Théo fit un gémissement plaintif entre ses dents et Harry termina la séance à cet instant.

"Très bien, vous avez fait beaucoup de progrès !" congratula-t-il à l'adresse des élèves dispersés dans la Salle. "On se revoit à la rentrée. En attendant, je vous souhaite à tous d'excellentes fêtes de Noël, le plus loin d'Ombrage possible."

Les élèves se souhaitèrent bonne nuit et prirent congé par petits groupes, comme d'habitude. Il restait encore dix minutes de Polynectar pour Théo, alors Hermione et lui aidèrent Harry à ranger un peu la Salle. Hermione avait été tellement focalisée sur la présence de Théo qu'elle n'avait même pas remarqué qu'elle avait décorée pour Noël, avec des branches de gui qui pendaient du plafond et des chaussettes avec leurs noms brodés tout le long de l'immense antre de la cheminée.

Hermione jeta un regard derrière elle pour voir s'il restait du monde et entendit Cho murmurer à Marietta : "Non, non, vas-y, je te rejoindrai plus tard…"

Puis, Cho se tourna vers Harry avec espoir.

"Oh. Allons-y." ordonna Hermione sur le champ en comprenant les intentions de la Serdaigle.

"Hein, où ça ?" demanda Ron sans comprendre.

"On rentre." asséna Hermione d'un ton si autoritaire que Ron sursauta un peu. "Allez, allez !"

Elle passa son bras sous le coude de Ron pour le tirer vers la sortie. Théo était derrière elle. Hermione le vit se retourner plusieurs fois vers Harry et Cho, qui se rapprochaient l'un de l'autre lentement.

"Ronald, dépêche-toi !"

La porte s'ouvrit et elle poussa Ron vers l'extérieur de la Salle.

"Ouch !" dit-il. "Merlin, qu'est-ce qui te prend ?"

"Tu ne vois donc vraiment rien ?" demanda Hermione avec un soupir agacé. "Cho voulait parler à Harry !"

"Elle n'avait qu'à le faire avant !" grommela Ron. "Elle avait toute la séance pour le faire !"

Hermione dû se mordre la langue pour ne pas soupirer de nouveau.

"Ron… Elle voulait lui parler seul à seul." précisa-t-elle.

Elle regarda le visage de Ron passer de l'incompréhension à la réalisation et il observa l'endroit où la porte était il y a encore quelques secondes avec la bouche ouverte de stupeur :

"Quoi ? Tu veux dire qu'ils vont…"

Il rapprocha ses deux mains avec un bruit de succion mais Hermione lui fit une tape sévère sur le poignet :

"Peut-être, oui, c'est pour ça que je t'ai dégagé de là pour ne pas les gêner ! Harry est amoureux d'elle depuis des mois, il était enfin temps qu'ils se rapprochent…"

En entendant ça, les oreilles de Ron prirent une teinte rouge foncée.

"Ah bon ?" balbutia-t-il. "Tu crois que… oh… je ne… Merlin." termina-t-il, visiblement en plein débat intérieur qu'Hermione ne pouvait pas entendre. "Bon, alors, ne l'attendons pas, il va peut-être vouloir la raccompagner chez les Serdaigles… Tu viens ?"

Hermione tourna la tête et aperçut Lavande qui l'attendait au bout du couloir.

"Euh, non." répondit Hermione.

Ron semblait perdu.

"Quoi ?"

"Je… J'ai dit à Lavande que je l'accompagnerai aux toilettes." dit Hermione d'un ton qu'elle voulait décidé, mais qui s'avéra être aussi hésitant que son mensonge. "C'est euh… c'est privé, tu vois ?"

Ron ne voyait pas du tout, mais il hocha la tête. Quand il se retourna pour rentrer à la Salle Commune, Hermione l'entendit marmonner quelque chose à propos des filles, et quand il fut suffisamment loin, elle tourna sur ses talons et rejoignit Lavande. Elles entrèrent dans les toilettes et il retira sa robe de Gryffondor.

"Pourquoi es-tu partie si vite ?" demanda Théo dès que la porte se referma et qu'Hermione eut vérifié que personne n'occupait de toilettes, surtout Mimi Geignarde, qui avait le don pour se retrouver là où il ne fallait pas.

Hermione se retourna et vit les effets de la potion de Théo tarir : ses cheveux prirent une teinte de blond plus foncé et ondulèrent au fil des secondes.

"Hmm ?" demanda-t-elle distraitement.

"Tu nous a pressés pour partir, j'ai cru que je recommençais à trouver mon apparence." dit Théo.

"Oh, non, rien à voir, je voulais simplement laisser Harry seul."

Lavande perdit la rondeur de ses lèvres et ses yeux s'éclaircissèrent, passant d'un bleu foncé à un bleu ciel plus profond.

"Pourquoi ?" demanda Théo en fronçant ses sourcils blonds.

"Oh euh… Pour le laisser seul avec Cho."

Il ouvrit grand ses yeux redevenus en forme d'amande :

"Oh ! Potter et Chang ?"

"Oui." dit Hermione, qui ne comprenait pas vraiment pourquoi c'était si surprenant. "C'est tout nouveau."

"Oh…"

Théo se perdit dans ses pensées pendant que les effets de la potion se dissipaient complètement. Il tenait toujours la robe de Gryffondor entre les mains.

"Est-ce que tu pourrais éviter de le répéter ?" demanda Hermione avec un petit sourire nerveux. "Je n'aimerais pas vraiment que les informations sur la vie personnelle d'Harry soient répétés jusqu'à la Gazette du Sorcier."

Hermione n'avait aucun mal à imaginer Parkinson hurler "Chang et Potter !" à la table du petit-déjeuner du lendemain. Théo secoua la tête, scandalisé :

"Oh non, bien sûr, je ne dirai rien."

"Finite Incantatem." lança Hermione sur la gorge de Théo, ce qui sembla le réveiller de sa transe étrange.

"Merci. Quelle séance, au fait !" s'écria-t-il, retrouvant son euphorie. "Potter avait raison, c'était vraiment une trop bonne surprise ! Je n'avais jamais vu de Patronus corporel d'aussi près avant, c'est super impressionnant qu'il soit capable de faire ça aussi jeune."

Théo avait dit cette phrase sans une once de moquerie, et Hermione réalisa que c'était l'une des premières fois qu'elle entendait un Serpentard saluer les mérites de son meilleur ami aussi ouvertement. Cette pensée lui réchauffa le cœur.

"En fait, il sait en faire depuis la troisième année." dévoila-t-elle d'un ton un peu suffisant. "C'est Lupin qui lui a appris, pour qu'il puisse se défendre si un Détraqueur s'approche trop près. Il y est très sensible."

Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait ajouté cette dernière information, Théo devait sans doute se rappeler de l'épisode du train de l'année précédente où il s'était évanoui. Drago et Parkinson s'étaient moqués de lui pendant des semaines. Théo déglutit et hocha la tête :

"Ouais, je sais." dit-il, d'une voix soudain un peu plus étranglée. "Je… je ne les aime pas beaucoup non plus, à vrai dire. C'est pour ça que je suis content d'avoir travaillé ça ce soir."

Elle fut surprise par cette confession. Elle se rappela de la manière dont Drago avait fait semblant de s'évanouir dès qu'il avait croisé Harry et se demanda s'il ne l'avait pas fait pour détourner l'attention de Théo, qui souffrait des effets des Détraqueurs autant que lui. Hermione mourrait d'envie de lui poser des questions, mais ne poussa pas. Elle savait que ça serait de la curiosité mal placée, comme Drago lui rappelait souvent.

Théo changea les couleurs de la robe de Gryffondor en vert émeraude et l'enfila.

"Merci de m'avoir invité ce soir, Hermione." dit-il quand ils sortirent des toilettes. "Je sais que ça doit pas être facile pour toi de planifier tout ça, et je suis reconnaissant que tu te sois donné tout ce mal juste pour moi."

Hermione eut un sourire et plongea son regard dans le bleu attendrissant de Théo. Ce n'était donc pas un truc de Serpentard de ne jamais dire merci.

"Avec plaisir. Tu mérites autant de t'entraîner que chaque personne dans cette Salle, je suis désolée que tu sois obligé de te transformer pour le faire."

Théo eut un sourire malicieux :

"Tu sais quoi ? Je crois que je commence à apprécier Lavande Brown."

"Même si elle aime la Divination ?" demanda Hermione.

"Sans commentaire. Bonne nuit, Hermione."

Il la salua de la main et prit le couloir de gauche pour retourner aux cachots. Hermione réalisa l'heure tardive en voyant le ciel noir à travers les fenêtres. C'était la pleine lune. Elle resserra son pull en laine contre elle pour se réchauffer et prit le couloir de droite en accélérant le pas pour ne pas croiser Harry et Cho et ruiner leur moment.

Le bruit de ses pas contre le sol en pierre était le seul bruit qui résonnait autour d'elle. Tous les portraits étaient profondément endormis dans leurs cadres. Hermione était en train de se dire qu'elle aurait dû demander la carte à Harry pour vérifier que Miss Teigne n'était pas dans le coin, quand quelqu'un lui attrapa l'avant bras avec force. Hermione eut à peine le temps de sursauter qu'une grande main se posa sur sa bouche pour couvrir son cri de surprise, et elle se fit emmenée vers la gauche brusquement.

Son coeur battait trop vite, mais Hermione n'avait pas peur. Malgré la pénombre, elle n'eut aucun mal à reconnaître ses mains. Elle pouvait sentir la bague en argent sur son index frôler sa lèvre inférieure. L'odeur de menthe envahit ses narines.

Hermione l'entendit ouvrir une porte, et il entra dans la petite pièce. Il ne la projeta pas contre le mur comme elle l'avait fait pour lui hurler dessus, deux semaines plus tôt, mais Hermione pouvait aisément sentir sa colère dans sa poigne contre son bras. Quand il la relâcha, ils se retrouvèrent face à face dans un endroit étroit qu'elle ne reconnaissait pas. Elle prit sa baguette pour lancer un Lumos, et dès que le placard à balai fut éclairé, elle vit ses deux pupilles grises et pleines de colère fixées sur elle.

Hermione sentit les poils de sa nuque se relever, et son souffle se coupa quelque part entre son ventre et sa gorge.

"Je peux savoir ce que tu foutais avec Théo, Granger ?" demanda Drago d'une voix glaciale.

.

.


Drago


.

.

"Je peux savoir ce que tu foutais avec Théo, Granger ?" demanda-t-il, en sentant les ondulations de la colère parcourir sa peau.

Si elle rougissait, ou montrait le moindre signe qu'ils avaient échangé plus que quelques phrases polies, Drago allait enfoncer son poing dans l'étagère en métal à côté de lui.

Granger eut le mérite de cacher sa surprise. Ses yeux chocolats se fendirent, et elle braqua sa baguette sur lui pour l'éclairer :

"Qu'est-ce que ça peut te faire ? Je croyais que c'était justement ce que tu voulais !"

"Que tu couches avec mon meilleur ami dans des toilettes ?!" répliqua-t-il avec ardeur. "Non, certainement pas !"

Sa phrase la fit hoqueter de choc.

"Pardon ?!" s'indigna-t-elle. "Je n'ai pas couché avec Théo, Mon Dieu ! Comment peux-tu croire ça une seule seconde ?"

En réalité, il ne le croyait pas lui-même. Il savait très bien que Granger n'était pas ce genre de fille à coucher avec un garçon dans des toilettes. Mais le rire qu'ils avaient partagé résonnait encore trop dans son esprit pour qu'il puisse discerner ce qu'il disait.

"J'en sais rien, peut-être parce que je viens de vous voir sortir des toilettes du septième étage en riant comme des imbéciles ? Explique-toi, Granger !"

"Non, je ne le ferai pas !" protesta-t-elle avec colère. "Je n'ai pas besoin de me justifier, surtout auprès de toi ! Tu es celui qui m'a dit que je devais tomber amoureuse de quelqu'un d'autre, tu te souviens ?"

Le souvenir lui donna la nausée. Il avait encore du mal à réaliser qu'il avait prononcé ces mots. Il n'aurait jamais pensé que les ré-entendre de sa bouche puisse lui faire aussi mal. Il serra son poing et prit plusieurs inspirations :

"Je n'ai jamais parlé de Théo." dit Drago, sans crier, mais avec assez fort pour qu'elle comprenne la rage qu'il était en train d'éprouver à cet instant. "Jamais. Tu sais très bien ce que je ressens quand vous êtes ensemble."

"Et tu sais très bien ce que je ressens quand tu parles à ma place." renchérit-elle, les joues toutes rouges, mais Drago ne savait pas si c'était de l'embarras ou de la colère. "J'en ai marre que tu contrôles tout, tout le temps. Je n'ai pas le droit d'être amoureuse de toi, mais je n'ai pas le droit de devenir amie avec Théodore, je n'ai pas le droit de t'adresser la parole, mais je dois prétendre que tout est normal. Est-ce que tu peux me laisser placer un mot dans toute cette histoire, ou c'est toi qui doit décider de tout, tout le temps ?"

Drago sentit son battement de cœur tambouriner sa poitrine et il savait qu'il s'accordait avec celui de la fille en face de lui. La fille enflammée, qui remuait dans tous les sens pour montrer son mécontentement, et malgré la jalousie qui le transperçait depuis des semaines, Drago avait du mal à se laisser aller dans la colère. Pour la première fois depuis le match contre les Gryffondors, il se sentait vivant.

"Je te l'ai déjà dit, Granger." siffla-t-il. "Je le fais pour te protéger."

"Et pour la millième fois, Malefoy, je n'ai pas besoin d'être protégée !" répliqua-t-elle sur le même ton. "Je sais ce qui m'attend, je connais les risques, je les ai analysés depuis qu'on a commencé à être amis tous les deux ! Arrête de croire que je ne peux pas me défendre, ça en devient franchement rabaissant !"

"Je n'ai aucun doute que tu arriverais à te défendre." dit-il, et il était sincère. Il n'avait jamais remis en cause les aptitudes de Granger qui dépassaient probablement son imagination. "Mais comprends-moi, Granger, ma famille…"

"Je n'ai pas peur de ton père." trancha-t-elle férocement. "Je n'ai peur de personne qui pense mon sang plus impur que le tien."

Et Drago pensa à cet instant qu'il ne l'avait jamais vue aussi courageuse. Insensée, peut-être, mais putain de courageuse. Lui-même n'avait jamais osé prononcer ces mots à voix haute, il faisait encore des cauchemars de Lucius certains soirs, et il était terrifié rien qu'en entendant le son de sa voix.

"Putain de bravoure de Gryffondor." maugréa-t-il. "Tu n'as aucune idée de ce que tu racontes."

"Et tu n'as aucune idée de quoi je suis capable." rétorqua Granger avec hargne. "J'en ai marre que tu me sous-estimes, Drago."

Son prénom dans sa bouche lui fit ébaucher un demi sourire malgré lui. Il avait l'impression de ne pas l'avoir entendu depuis des mois.

"Je ne te sous-estime pas. J'ai simplement peur de te perdre."

Ces mots étaient probablement la confession la plus sincère qu'il avait dite de sa vie. Parce que c'était ça, l'essence même de leur désaccord. Il était tellement amoureux d'elle qu'il ne pouvait pas risquer sa vie pour être avec elle.

Elle ne mesurait pas à quel point il tenait à elle. Peut-être qu'il ne lui avait pas assez dit. Peut-être qu'elle ne réalisait pas jusqu'où il irait pour elle. Et que ça ne suffirait sûrement pas.

"Tu es en train de perdre ce qu'on a, par peur de ce qui pourrait arriver dans le futur." dit-elle, d'un ton qui montrait clairement qu'elle n'approuvait pas ces propos.

"Je sais déjà ce qu'il va se passer dans le futur, Granger." répliqua-t-il avec un soupir exaspéré. "Et comment expliqueras-tu qu'une née-Moldue, la meilleure amie de Potter, celle qui est censée délivrer le monde des sorciers du mal qui se propage de jour en jour, veuille protéger le fils de l'homme qui le propage ?"

Les yeux de Granger s'agrandirent et sa main qui tenait sa baguette tomba le long de son flanc.

"C'est donc ça ?" souffla-t-elle, stupéfaite. "Tu ne veux pas que je ressente le besoin de t'aider quand tu en auras besoin ? Tu veux que… tu veux que je te déteste suffisamment fort pour t'ignorer quand la guerre éclatera ?"

Drago se pinça l'arête du nez. En rentrant dans ce placard à balai, il s'était attendu à une dispute suffisamment intense pour apaiser la brûlure qu'elle lui infligeait depuis qu'elle traînait avec Théo, certainement pas à un cours de psychologie improvisée.

"Je fais ça pour ne pas que tu aies un choix à faire." expliqua-t-il finalement, d'une voix dénuée d'émotions. "Pour que tu n'aies pas à choisir, le moment venu, entre Potter et moi. Ou plutôt, pour ne pas que tu te sentes mal de choisir le camp de Potter. Parce que c'est toujours lui que tu choisiras."

Granger le contempla pendant plusieurs secondes sans rien dire, comme si elle le voyait pour la première fois. Un éclair de quelque chose passa sur son visage - de la compréhension, de la pitié, Drago aurait été incapable de le dire, et c'était rare de ne pas pouvoir lire Granger, c'était frustrant.

Au bout d'un long moment, Drago se demanda si elle n'allait pas sortir, sans rien dire. Accepter son plan. L'ignorer, l'envoyer dans le camp opposé de la guerre.

Mais à la place, elle fit tomber sa baguette par terre et s'approcha, tellement vite que Drago eut à peine le temps de cligner des yeux, et elle l'embrassa.

Il sentit ses lèvres fraîches contre les siennes et se figea.

Il n'aurait jamais cru qu'elle ferait ça. Jamais. Il n'aurait jamais pu le prédire. Mais dès qu'il sentit ses mains s'accrocher à son pull, désespérément, comme si elle voulait qu'il se perde avec elle, qu'il tombe à ses côtés dans ce grand vide effrayant, Drago répondit à son baiser sans réfléchir une seule seconde. Il oublia tout : Théo, son père, la guerre. Tout ce qui comptait pour lui, à cet instant, était les lèvres de Granger contre les siennes. La chaleur de sa peau, ses mains sur son col, la fraise de ses cheveux contre sa joue.

Embrasser Granger était la sensation la plus libératrice que Drago ait expérimenté de sa vie.

Il n'était plus retenu par la Terre sous ses pieds, par la gravité, la réalité. Il n'était retenu que par elle. Que par ses mains qui le tenait comme si elle avait peur qu'il s'échappe, que par le délice de ses lèvres, que par les sons qu'elle produisait sans le savoir, ces petits hmm de contentement qui faisait vibrer Drago tout entier. Il perdit toute notion du temps, de lieu. Il posa sa main sur sa hanche pour le plaquer contre lui, et son autre main se perdit dans ses cheveux bouclés, comme il rêvait toujours de faire quand il la regardait en classe.

Il pensait avoir atteint le summum de l'extase, jusqu'à ce qu'elle inspire et murmure contre lui :

"Drago…"

Il sentit ses bras s'hérisser en entendant son prénom chuchoté de la sorte, rauque, et secret. Ça lui envoya une vague brûlante qui se propagea dans son corps, comme un tsunami qui s'écrasa en lui et l'engloutit tout entier. Il fit glisser la main de ses cheveux jusqu'à sa mâchoire, et sentit son cœur pulser contre la peau fine sous son oreille. Quand il détacha ses lèvres des siennes pour l'embrasser pile à cet endroit, Granger demanda doucement :

"Comment tu peux dire des choses comme ça, et être si égoïste en même temps ? C'est… c'est incompréhensible."

Le dernier mot se termina dans une respiration saccadée et Drago sourit en la sentant si réactive à ses lèvres.

"Comment peux-tu te rapprocher de Théo juste sous mon nez ?" demanda-t-il, la colère de cette demande enfouie sous le bonheur de la sentir tout près contre lui. "L'inviter à une table de la Bibliothèque juste pour me narguer ?"

"J'ai le droit d'être amie avec qui je veux." dit Granger d'un ton borné, mais elle frissonna quand Drago atteint la partie sensible de sa mâchoire, qu'il couvrit de baisers.

"Tu savais que ça allait me rendre fou." susurra-t-il dans son oreille. "Tu l'as fait exprès pour me rendre jaloux."

"Oui." répondit-elle, plus franchement qu'il ne l'aurait cru.

"Tellement Serpentard de ta part." commenta-t-il avec un sourire narquois.

"Tu m'as dit que je devais tomber amoureuse de quelqu'un d'autre." rétorqua Granger.

"Je parlais de Weasley." dit-il.

"Je ne suis pas amoureuse de Ron." répondit-elle du tac au tac, les yeux fermés. "Je suis amoureuse de toi."

Elle porta ses mains à ses cheveux et tira dessus, pas trop fort, mais suffisamment pour le rapprocher d'elle. Drago lui embrassa la commissure des lèvres, ignorant son propre cœur qui battait à tout rompre en entendant cet aveu. Il avait toujours du mal à y croire, mais entendre ça venant de la bouche de Granger était toujours aussi fou. Il n'arrivait pas à croire que c'était elle qui prononçait ces mots, et non pas une Granger tirée de ses rêves hallucinatoires.

"Je suis furieuse contre toi." chuchota-t-elle, mais elle l'embrassa quand même, juste une seconde, avant de se reculer. Ses joues étaient rouges, son regard plein de défi. "Je suis furieuse contre toi. Je passe la moitié de mon temps à te haïr. Je ne devrais même pas… je ne devrais même pas être en train de te parler maintenant. Tu as été odieux avec Harry et Ron, je…"

Il la coupa en l'embrassant et elle s'abandonna dans ses bras, une attitude tellement en contradiction avec ses propres mots qu'il ne savait plus ce qu'elle pensait vraiment.

"Je suis sérieuse, Drago." dit-elle, la main toujours accrochée à ses cheveux. Elle tira dessus en s'éloignant de sa bouche et il dût se retenir pour ne pas faire un bruit de protestation. "Je suis furieuse contre toi."

"Tu es toujours furieuse contre moi." murmura-t-il.

"Je suis toujours furieuse contre toi." répéta-t-elle. "Et je passe mon temps à m'inquiéter pour toi comme une idiote, alors que tu es le garçon le plus insupportable qu'il m'ait été donné de rencontrer."

"Mais tu m'aimes."

Ça sortit tout seul, il n'avait pas prévu de dire ça, mais il avait désespérément envie qu'elle le répète, même si elle était furieuse, même si ce n'était pas bien. Ses prunelles chocolat le transperça, comme si elle pouvait lire son âme. Prends-la, pensa-t-il. Elle est déjà à toi.

Mais elle ne le répéta pas.

"Ça peut marcher, Drago." murmura-t-elle à la place, si bas qu'il n'aurait pas entendu s'il n'était pas si près de ses lèvres. "On peut le faire, j'en suis sûre. Il faut juste que tu aies confiance en moi."

Et là, dans ce placard à balai étriqué, loin de la réalité, Drago la crut. Pendant une fraction de seconde, il s'abandonna à la possibilité d'avoir Granger comme il la voulait : entière, rien qu'à lui. Plus de jalousie. Plus de culpabilité. Plus de retenue. Il pourrait lui dire qu'il l'aimait, il pourrait même le crier devant tout le monde, et elle pourrait lui chuchoter à l'oreille, encore et encore.

Il émit un son sans le vouloir, comme une supplique, et Granger dût le prendre comme une hésitation, parce qu'elle continua :

"Pourquoi gâcherait-on ça ? C'est peut-être la meilleure chose qui pourrait nous arriver, pourquoi la gâcher pour quelque chose qui nous dépasse ?"

Il l'embrassa pour la faire taire. Elle avait le goût de la cannelle et de l'espoir.

"On ne peut pas, Hermione." dit-il, la voix éraillée.

Pourtant, il l'embrassa encore, et encore, jusqu'à ce que sa peau devienne brûlante, jusqu'à ce qu'elle lui donne sa fièvre qui l'animait en permanence. Quand il se recula pour la regarder, il pouvait voir la flamme danser dans ses prunelles, celle qu'il aimait tant.

"Laisse-nous une chance." dit-elle.

Il ne répondit pas, mais posa une dernière fois ses lèvres sur les siennes. Le geste lui rappela leurs poignées de main, leurs promesses secrètes. Comme s'il venait de sceller quelque chose.

"Granger…"

"Je suis toujours furieuse contre toi." dit-elle en fronçant les sourcils, comme s'ils étaient en plein milieu d'une dispute et pas en train de s'embrasser.

"Tu es toujours furieuse contre moi." répondit-il.

Sa bouche étaient gonflée et rouge, et Drago n'arrivait plus à en détacher son regard.

"Je suis toujours furieuse contre toi." répéta Granger.

Elle se hissa sur la pointe des pieds et posa son front contre celui de Drago. Le contact le fit frémir, même s'ils venaient de partager un moment bien plus intime que celui-là. D'une certaine manière, Drago se sentait encore plus proche d'elle comme ça, leurs deux respirations mêlées, comme s'ils se partageaient un secret.

"Je ne peux pas être la seule à le vouloir, Drago." chuchota-t-elle doucement après plusieurs secondes. "Tu dois le vouloir aussi. Tu dois y croire. Tu dois t'excuser, tu dois revenir vers moi, tu dois réparer ton erreur, faire fonctionner ça. Nous. S'il te plaît." ajouta-t-elle dans un souffle.

Il hocha la tête. Il savait qu'elle avait raison. Il ne pouvait pas s'éloigner d'elle. Maintenant qu'il connaissait ce que ça faisait, autant la paisibilité de la Bibliothèque avec elle que la passion de leurs baisers, Drago savait qu'il était incapable de s'en détacher. Pas totalement. Et sa volonté faiblissait à mesure qu'elle parlait. Pourquoi gâcher ça, tant qu'ils pouvaient encore l'avoir ? Pourquoi ne pas en profiter encore un peu, égoïstement, jusqu'à ce que la guerre ne les rattrape et ne les sépare ?

Granger se retira doucement de ses bras et il la laissa faire. Drago était entré dans ce placard avec une colère qui rugissait en lui, avide de la décharger sur elle après l'avoir vue avec Théo. Maintenant, pour la première fois depuis des semaines, il se sentait bien. Entier.

Granger ramassa sa baguette éclairée par terre et lui lança un dernier regard.

"Dors bien." dit-elle finalement, puis elle ouvrit la porte, et s'échappa dans la nuit.

Drago resta là longtemps, dans la même position, plongé dans le noir.

.

.


Hermione


.

.

Quand Hermione retourna dans la Salle Commune des Gryffondors, elle fut surprise de constater qu'à peine un quart d'heure s'était écoulé depuis qu'elle avait quitté Ron. Elle le retrouva devant la cheminée, allongé de tout son long sur le tapis, en train de terminer un essai en se frottant les paupières de fatigue. Harry n'était pas encore revenu.

"Hey. Où est Lavande ?" demanda-t-il quand il vit le tableau se refermer derrière elle.

"Elle est déjà revenue." dit Hermione en feignant la surprise. "Tu ne l'as pas vue passer ?"

Ron fronça les sourcils :

"Ah, non…"

Il retourna à son essai à moitié terminé de Métamorphose et Hermione s'assit sur le canapé derrière lui. Elle était pantelante depuis son baiser avec Drago. Elle sentait sa magie palpiter sur le bout de ses doigts et rangea sa baguette pour ne pas envoyer un sort sans le vouloir.

Elle essaya de se calmer, profitant de la chaleur des flammes de la cheminée sur sa peau, mais elle pouvait toujours le sentir. Elle sentait ses lèvres sur son cou et la menthe sur ses vêtements. Elle entendait ses murmures à son oreille et ses mains contre ses joues.

Hermione posa ses mains sur ses genoux et inspira plusieurs fois.

"Tout va bien ?" demanda Ron en l'entendant respirer aussi fort, sans lever la tête de son parchemin.

"Oui, oui, les escaliers…" marmonna-t-elle en guise d'explication.

Ron hocha la tête, bien qu'il n'y avait qu'un seul escalier qui reliait la Salle sur Demande avec la Salle Commune des Gryffondors.

Hermione avait besoin de penser à autre chose, alors elle sortit un parchemin et une plume et répondit à la lettre que Krum lui avait envoyée il y a quelques semaines. Elle répondit à ses questions sur Poudlard et lui décrivit l'ambiance étrange du Château depuis qu'Ombrage y avait mis les pieds. Une distraction. Ça marchait presque, jusqu'à ce qu'un flashback ne traverse ses paupières et qu'elle se retrouve de nouveau dans ce placard à balai. Elle était furieuse contre lui. Tellement furieuse, et pourtant, elle mourrait d'envie de retourner l'embrasser.

Idiote.

En cinq minutes, Hermione avait déjà écrit la moitié du parchemin, et sa main continuait de survoler le papier sans s'arrêter. Tout à coup, le tableau pivota, et Harry entra dans la Salle Commune. Hermione leva la tête de sa lettre et remarqua tout de suite ses cheveux ébouriffés à l'arrière de son crâne et les plaques rouges sur ses joues.

"Qu'est-ce que tu faisais ?" demanda Ron, le champion du tact en personne. Hermione fut tentée de lui donner un coup de pied dans le mollet pour son indélicatesse mais Harry s'assit dans le fauteuil à côté, alors elle se retint.

Quand il ne répondit pas, Hermione risqua un regard vers lui. Sa bouche était entrouverte dans une expression de choc.

"Ça va, Harry ?" demanda-t-elle.

Il haussa vaguement les épaules, trop bouleversé pour parler.

"Qu'est-ce qu'il y a ?" demanda Ron en se hissant sur un coude pour l'observer. "Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

À en juger son expression faciale, Ron oscillait visiblement entre l'inquiétude et l'amusement. Quand Harry ne dit toujours rien, Hermione le pressa un peu :

"C'est à propos de Cho ?" En entendant son prénom, la tête d'Harry valsa sur le côté. "Elle t'a coincé après la réunion, c'est ça ?"

Avec un air hébété, il hocha la tête. Ron ricana mais Hermione le coupa en le fusillant du regard.

"Et, euh… Qu'est-ce qu'elle voulait ?" demanda-t-elle innocemment en continuant d'écrire sa lettre pour ne pas brusquer Harry.

"Elle…" Harry se racla la gorge avec difficulté. "Elle, euh…"

"Vous vous êtes embrassés ?" questionna-t-elle.

Ron se releva avec avidité, renversant son pot d'encre qui se répandit sur le tapis.

"Alors ?" questionna-t-il d'une voix pressante.

Pour toute réponse, Harry hocha lentement la tête.

"AH !" hurla Ron avec un éclat de rire.

Il se roula sur le tapis, hilare, éclairé par les flammes oranges face à lui qui accentuaient la rousseur de ses cheveux. Harry eut un petit sourire et détendit enfin sa posture, qui était crispée depuis son entrée dans la Salle Commune. Hermione leva les yeux au ciel en voyant la réaction puérile de Ron, et continua à écrire sa phrase sur le manque de respect du programme des cours d'Ombrage.

"Alors ?" demanda Ron en se retournant vers Harry. "Comment c'était ?"

"Mouillé." répondit Harry avec une petite grimace.

Ron fit un bruit écoeuré.

"Parce qu'elle pleurait." expliqua-t-il, abattu.

"Oh." dit Ron bêtement. "Tu embrasses si mal que ça ?"

"Je sais pas… C'est possible…"

"Bien sûr que non." dit Hermione d'un ton absent.

"Comment tu le sais ?" demanda Ron, toute trace d'amusement partie de sa voix.

"Tout simplement parce que Cho passe la moitié de son temps à pleurer, ces temps-ci." répondit-elle, blâmant une énième fois le manque d'attention de ses deux meilleurs amis. "Elle pleure pendant les repas, aux toilettes, un peu partout dans le Château."

"Un bon baiser, ça aurait dû lui remonter le moral !" commenta Ron avec un sourire.

"Ron." dit Hermione d'un air très digne, en trempant la pointe de sa plume dans son encrier. "Tu es le garçon le plus insensible que j'aie jamais eu l'infortune de rencontrer."

"Ça veut dire quoi, ça ?" s'indigna Ron. "Tu connais des gens, toi, qui pleurent quand on les embrasse ?"

"Oui, c'est vrai ça !" surenchérit Harry, d'un ton où perçait le désespoir. "Tu en connais, toi, des gens comme ça ?"

Hermione eut un flashback des lèvres de Drago contre les siennes. "On ne peut pas, Hermione." Elle pouvait sentir la menthe sur sa langue.

Elle se reconcentra sur les deux garçons en face d'elle qui attendaient une réponse avec impatience, et ressentit un peu de pitié en voyant leur désolation.

"Vous ne comprenez donc pas ce que Cho peut ressentir en ce moment ?" demanda-t-elle.

"Non." répondirent-ils d'une même voix.

Hermione soupira et posa sa plume.

"Eh bien, évidemment, elle est très triste à cause de la mort de Cédric. En plus, je pense qu'elle ne sait plus très bien où elle en est parce qu'elle aimait Cédric, et que maintenant elle aime Harry sans arriver à déterminer qui elle aime le plus. Ensuite, elle se sent coupable en pensant que c'est une insulte à la mémoire de Cédric d'embrasser Harry, et elle se demande ce que les autres vont penser d'elle si elle se met à sortir avec lui. D'ailleurs, elle n'arrive sans doute pas à définir ses sentiments pour Harry, parce que c'est lui qui se trouvait avec Cédric quand il est mort et donc, tout cela est très embrouillé et très douloureux. Ah oui, il faut aussi ajouter qu'elle a peur d'être exclue de l'équipe de Quidditch de Serdaigle parce qu'elle vole très mal en ce moment, qu'elle stresse pour les BUSES, et qu'Ombrage a menacé de virer sa mère au Ministère."

Un silence étonné accueillit son discours.

"Il est impossible de ressentir tout ça sans exploser." dit finalement Ron.

"C'est parce que tu as la capacité émotionnelle d'une cuillère à café." répliqua froidement Hermione.

Ils échangèrent un regard, et Hermione et Ron éclatèrent de rire en même temps. Harry les joignit, et toute la pression des dernières minutes se déchargea enfin dans leur fou rire. Le son de leurs rires combinés résonna contre les murs de la salle et Hermione élut ce son comme l'un de ses préférés au monde.

"Tu vas la revoir ?" demanda-t-elle à Harry après s'être calmée.

"Il faudra bien, non ?" répondit-il, aussi accablé que si Hermione lui avait suggéré de prendre des cours de Potions supplémentaires. "Nous avons d'autres réunions de l'A.D."

"Tu sais très bien ce que je veux dire." s'impatienta Hermione.

Manifestement, Harry n'y avait vraiment pas pensé. Ses yeux devinrent voilés, et Hermione devina qu'il se rappelait des couples enlacés de Madame Pieddodu. Elle le regarda avec un sourire attendri. Elle était partagée entre la joie de voir son meilleur ami savourer les prémices d'une relation amoureuse, et son soutien pour Ginny, qui serait probablement effondrée si elle entendait ça.

"Oh, de toute façon, tu auras sûrement plein d'occasions de l'inviter." conclut Hermione en reprenant sa plume.

"Et s'il n'en a pas envie ?" demanda Ron, en voyant l'horreur sur le visage d'Harry à cette pensée.

"Ne sois pas stupide, Harry aime Cho depuis une éternité, n'est-ce pas, Harry ?" dit évasivement Hermione, dont les pensées avaient un peu dérivées.

Elle s'imaginait Drago l'inviter à Pré-Au-Lard, l'embrasser au centre du village, boire un thé avec elle entouré de plein de monde. Elle ressentit une petite piqûre de jalousie à l'idée qu'Harry soit capable de faire tout ça sans avoir besoin de se cacher.

Harry ne répondit pas. Pendant plusieurs minutes, on n'entendit plus que le crépitement du feu dans la cheminée. Hermione avait toujours sa plume dans la main mais elle n'écrivait plus : des petites gouttes d'encre noire s'écrasèrent sur le papier ancien sans qu'elle le remarque.

"À qui tu écris ce roman ?" demanda soudain Ron, en essayant de lire le morceau de parchemin qui traînait à présent par terre.

Hermione le tira automatiquement vers elle pour l'empêcher de lire.

"À Viktor." répondit-elle sèchement.

"Krum ?"

"Tu en connais d'autres ?"

Elle vit les effets de la jalousie sur le visage de Ron et ressentit une satisfaction malsaine à l'idée qu'il le soit pour Viktor. Mais au lieu de s'emporter comme l'aurait fait Drago, Ron baissa la tête sur son essai et grommela quelque chose dans sa barbe. Il se remit à écrire, et Hermione réalisa à cet instant que la jalousie de Drago n'avait rien à voir avec de la simple peur de la voir avec quelqu'un d'autre. C'était de la possessivité, presque maladive. Il ne la voulait rien que pour lui, malgré ce qu'il disait. Il était incapable de la voir avec quelqu'un d'autre, comme elle aurait été incapable de le voir tomber amoureux d'une autre.

C'était sûrement très toxique, mais Hermione ne put s'empêcher de sourire un peu en y pensant. C'était elle qui lui faisait cet effet. C'était elle qu'il voulait. Elle, et personne d'autre.

Hermione termina sa lettre et la cacheta soigneusement. Harry fixait le feu, probablement en train de se remémorer le moment où il avait embrassé Cho, et Hermione se demanda s'il avait ressenti les mêmes émotions qu'elle, ce feu ardent qui avait allumé chacun des nerfs de son corps. Rien qu'en y repensant, sa magie fusa sans qu'elle le contrôle et sa plume s'enflamma. Hermione souffla dessus pour l'éteindre sans qu'Harry ou Ron ne la remarque.

Les deuxièmes années qui jouaient à une Bataille Explosive allèrent se coucher, et Hermione, Ron et Harry furent encore une fois les derniers dans la Salle Commune. Hermione bâilla, sentant enfin la fatigue peser sur ses muscles après cette longue journée, et elle se leva en lançant un "bonne nuit !" aux garçons, auxquels ils répondirent par deux mouvements de la main dans sa direction.

Quand Hermione arriva discrètement dans son dortoir, son regard fut tout de suite attiré par les cheveux blonds de Lavande, étalés sur son oreiller. Hermione se sentait un peu mal de l'utiliser de la sorte, mais elle savait, au fond d'elle, que c'était pour le bien de Théo. Qu'il en avait bien plus besoin qu'elle.

Hermione enfila son pyjama et se brossa les dents, perdue dans ses pensées. Elle avait embrassé Drago. Pas lui, elle. Elle n'avait aucune idée d'où était venue cette pulsion de courage qui l'avait portée. Peut-être que c'était une réaction chimique de son corps, peut-être qu'elle était physiquement magnétisée à lui. Elle passa ses doigts frais sur ses lèvres en essayant de se souvenir de la manière dont il les avait capturées. Elle pouvait presque sentir sa langue tracer le contour, et ses joues s'enflammèrent à ce souvenir.

Hermione attacha ses cheveux rebelles en nattes et fut sur le point de s'allonger dans son lit, quand quelque chose attira son attention par la fenêtre. Le ciel était noir, constellé d'étoiles, et les branches enneigées des arbres à la lisière de la forêt ondulaient doucement dans l'obscurité. Hermione plissa les yeux, et vit soudain une silhouette d'hibou se détacher de la noirceur de dehors. Ébène.

Elle se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit doucement pour permettre à l'hibou d'entrer. Ce dernier secoua ses plumes pleines de neige et hulula tout bas, comme pour la saluer. Puis, il tendit la patte et Hermione décrocha le parchemin.

Avant qu'elle ne puisse l'ouvrir, Ébène s'engouffra par l'embrasure de la fenêtre et s'enfuit de nouveau dans le ciel, probablement pour retrouver le confort de la volière.

Il n'y avait que deux lignes sur le papier :

.

Tour d'Astronomie, minuit.

Prends un de tes pots de confiture.