j'ai traduit et mis en page ce chapitre dans la file d'attente du marathon des films Harry Potter au Grand Rex à 6h du matin, c'est ce que j'appelle du commitment!

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Hermione


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Hermione consulta sa montre. 23h45.

Avant, la perspective de sortir après le couvre-feu lui aurait été inconcevable pour Hermione. Elle se souvint de sa propre horreur quand Harry lui avait dit qu'il comptait descendre par la trappe que gardait Touffu, en première année. Elle avait été plus effrayée à l'idée qu'un professeur ne l'attrape plutôt que ce qu'il se cachait sous cette trappe. Pourtant, en lisant le mot, Hermione n'eut aucune hésitation. Elle enfila un gilet par-dessus son pyjama, prit sa baguette, un pot de confiture que Danny lui avait envoyé, et pria pour qu'Harry soit endormi, et pas en train de consulter la carte du Maraudeur pour repérer Cho.

Parce qu'il y verrait le point d'Hermione se rapprocher dangereusement de son ennemi juré, au beau milieu de la nuit.

Elle ressortit sans un bruit et descendit les escaliers vers la Salle Commune déserte. Le feu s'était éteint, laissant quelques braises rougeâtres qui éclairaient à peine le canapé. Elle sortit par le tableau endormi et se faufila discrètement vers les escaliers qui menaient à la tour d'Astronomie. Elle savait qu'allumer sa baguette serait stupide, parce qu'un faisceau de lumière à cette heure-ci attirerait forcément Rusard, alors elle resta dans le noir, en tâtonnant devant elle pour ne pas tomber en ratant une marche.

Plus elle montait, plus le vent glaçial frappa Hermione qui avait du mal à garder les yeux ouverts. Elle monta les marches lentement, et ouvrit la porte de la plateforme d'Astronomie tout doucement. Il n'y avait personne, mis à part un garçon, grand, les cheveux blonds décoiffés par le vent, adossé contre la rambarde, dos à elle.

Hermione referma la porte et s'approcha de lui à pas feutrés.

"Drago." appela-t-elle quand elle ne fut qu'à deux pas de lui.

Elle crut que son prénom se mêlerait aux vents qui balayaient la plateforme, mais Drago l'entendit. Il se retourna, et ses yeux gris se posèrent tout de suite sur ses cheveux et s'illuminèrent.

"Oh, Merlin." lâcha-t-il sans le vouloir.

Hermione imagina l'état dans lequel elle devait être à une heure si tardive. Elle frotta ses cernes par réflexe, dans l'espoir vain de les faire partir.

"Désolée, je…"

"Tes nattes." dit-il en montrant sa coiffure. "C'est… ma coiffure préférée de toi. Ça avait le don de me rendre dingue pendant les premières années."

Il tendit la main pour en prendre une entre ses deux doigts, en la contemplant avec une attention si touchante qu'Hermione sentit son cœur chavirer.

"Tu disais qu'elles étaient affreuses." accusa-t-elle d'une voix calme, se souvenant des mots cruels qu'il avait employés tant de fois pour décrire ses cheveux.

Drago eut un petit rire sans joie :

"J'étais simplement terrifié à l'idée que tu saches ce que je pensais vraiment de toi." expliqua-t-il à voix basse. "Je voulais que tu penses que je les trouvais horribles pour ne pas que tu réalises à quel point je te trouvais belle. Pourtant, c'était flagrant. Je n'arrivais pas à décrocher mon regard de toi quand tu avais ces nattes."

Elle eut un sourire timide et il continua de fixer sa coiffure. Visiblement, il n'avait toujours pas perdu cette habitude. Ses yeux glissèrent ensuite sur sa bouche, et Hermione se demanda s'il n'allait pas s'approcher pour l'embrasser, mais au lieu de ça, il pointa du doigt son gilet :

"Tu vas avoir froid, tu devrais allumer ton pot de confiture." conseilla-t-il.

Hermione ne réalisa qu'à cet instant à quel point elle était congelée. Le temps de Décembre ne pardonnait pas, surtout pas à l'endroit le plus haut de tout Poudlard. Hermione avait déjà la chair de poule. Elle prit son pot et envoya une gerbe de flammes bleues à l'intérieur. Ça réchauffa un peu ses doigts, mais le reste de son corps continuait de trembler. Elle tendit le pot à Drago, mais il secoua la tête.

"On alterne." décida-t-elle. "Sinon, tu vas mourir de froid."

"Je n'ai pas froid." dit-il en haussant les épaules, comme s'il ne se tenait pas au centre de plusieurs rafales glacées.

"Menteur."

"Tu en as plus besoin que moi." insista-t-il.

Hermione leva les yeux au ciel et lui fourra le pot contre le ventre.

"Seigneur, prends la maudite confiture !" piailla-t-elle, soudain agacée.

Drago, lui, souriait de toutes ses dents en voyant son irritation.

"Je croyais que tu étais furieuse contre moi ?" demanda-t-il en serrant le pot contre lui.

"Ça ne veut pas dire que je veux que tu meures frigorifié en haut de la Tour d'Astronomie." dit-elle.

Drago observa le petit feu lécher le verre. Le reflet bleu des flammes se mélangeait avec la couleur de ses yeux. Ils n'étaient plus gris.

"Pourquoi tu m'as demandé de venir ici ?" demanda-t-elle en observant la plateforme autour d'eux.

En entendant cette question, Drago fit alors quelque chose qu'Hermione n'avait vu qu'une seule fois de toute son existence. Il rougit. Et Hermione crut que c'était une réaction à la chaleur soudaine de ses flammes sur sa peau froide, jusqu'à ce qu'il baisse les yeux d'embarras. Drago timide. L'un de ses préférés. Le plus humain de tous les Dragos qu'elle connaissait.

"Euh, et bien…" bredouilla-t-il. "Je t'ai… J'ai préparé quelque chose."

"Préparé ? Quoi donc ?" demanda Hermione, qui n'avait pas du tout anticipé une telle réponse.

Il tritura ses mains comme Théo l'avait fait la veille. Elle se demanda lequel des deux avait pris le tic de l'autre.

"Tout à l'heure, tu m'as demandé de réparer mon erreur." dit Drago sans la regarder. "Et j'ai pensé à venir sur le banc pour m'excuser, mais je pense que ce n'est pas suffisant. Je voulais te prouver à quel point tu comptes pour moi, alors… j'ai préparé… un date."

Il chuchota le dernier mot comme s'il avait peur qu'elle éclate de rire en l'entendant. Pourtant, Hermione n'avait aucune envie de se moquer de lui, elle aurait difficilement pu trouver une meilleure raison pour venir ici.

"Un date ?" répéta-t-elle sans pouvoir cacher l'excitation dans sa voix. "Ici ?"

"Ouais…" marmonna-t-il en regardant la Tour d'Astronomie comme s'il regrettait son choix. "Je sais qu'il est tard, et qu'il fait froid, et tout ça, mais… Je ne voulais pas qu'on parte en vacances sans te parler vraiment." Il plongea son regard dans le sien. "Tu m'as manqué, Hermione."

Hermione sentit ses jambes faiblir en l'entendant prononcer son prénom de cette manière. Elle avait toujours adoré quand il l'appelait Granger, parce qu'il avait une façon de le faire qui le différençait des autres, mais entendre son prénom de sa bouche envoyait un véritable courant électrique dans son corps. Sa magie se raviva instantanément, envoyant une dose de chaleur plaisante le long de ses bras qui fit disparaître sa chair de poule.

"Tu m'as manqué aussi." avoua-t-elle.

Elle vit les traits de Drago se détendre un peu quand il l'entendit dire ça. Il avait toujours les joues rosies de gêne, ce qui déclenchait chez Hermione une réaction opposée à la colère qu'elle était censée ressentir pour lui. C'était difficile de lui en vouloir quand il était aussi mignon.

Soudain, il leva sa baguette, et tout à coup, une centaine de petites lumières illuminèrent le sol de la plateforme et la balustrade. Hermione décrocha son regard de lui pour regarder autour d'elle, bouche-bée. Quand elles furent toutes allumées, on aurait dit qu'ils étaient entourées de guirlandes dorées. Hermione s'approcha de la rambarde, et réalisa que les petits faisceaux étaient en fait des fées.

"Je les ai volées de l'arbre de Noël de la Salle Commune." expliqua Drago avec un sourire en voyant sa réaction.

"C'est magnifique." souffla Hermione.

Les éclairages que produisaient les fées donnaient une lumière dorée qui éclairait toute la plateforme, la même couleur que les cheveux de Drago, et répandait une tiédeur qui réussit à arrêter les tremblements de froid de la Gryffondor. Elle était tellement happée par le spectacle qu'elle ne remarqua pas la couverture verte que posa Drago au centre de la plateforme d'Astronomie.

"Tiens." dit-il en lui tendant un muffin au chocolat.

"Oh, mon Dieu, Drago, tu as préparé un pique-nique ?" demanda-t-elle en se retournant.

"Non, pas grand chose..."

Il sortit une bouteille de jus de citrouille, deux verres, un autre muffin, et des Plumes en sucre, la confiserie préférée d'Hermione, et il posa tout sur la nappe. Hermione s'assit en face de lui, et contempla le festin avec des gros yeux. Ce n'était certainement pas "pas grand chose". À ses yeux, c'était le meilleur pique-nique de sa vie.

"Wow, c'est… Merci, Drago." dit-elle, l'émotion perçant sa voix sans qu'elle puisse la contrôler.

Il haussa les épaules de nouveau, mais Hermione pouvait voir qu'il était un peu fier.

"Mange." dit-il, le bras toujours tendu vers elle pour qu'elle prenne le muffin.

Hermione le prit et croqua dedans, et le chocolat fondit sur sa langue. Elle n'avait pas réalisé à quel point elle avait faim. En la voyant manger, Drago sembla satisfait et s'autorisa à prendre un morceau de l'autre muffin.

"Alors… Tu vas où, pendant les vacances ?" demanda-t-il pour combler le silence.

Hermione se retint d'éclater de rire. La différence entre leur conversation dans le placard à balai et celle-ci était frappante. Drago avait l'air troublé, comme s'il n'était pas sûr de bien faire ou de bien dire. Quand il versa le jus dans son verre, il en renversa un peu partout. C'était la première fois qu'elle le voyait comme ça, maladroit, timide, et elle fut presque tentée de le lui faire remarquer, mais se ravisa pour ne pas l'embarrasser davantage.

"Je vais dans les Alpes avec mes parents." dit-elle plutôt.

"Oh." répondit-il en lui tendant son verre de jus de citrouille qu'il venait de lui servir. "Les Alpes de France ou d'Italie ?"

"De France."

"Qu'est-ce que vous allez faire là-bas ?"

"Du ski." répondit-elle, et en voyant l'incompréhension se peindre sur son visage, elle expliqua : "C'est un sport moldu. On s'attache des planches en bois aux pieds et on glisse sur le flanc des montagnes enneigées."

Drago la regarda par-dessus son verre une seconde, puis il éclata de rire, manquant de renverser le jus sur la nappe. Hermione sentit une pointe d'exaspération en voyant qu'il avait la même réaction que Ron.

"Hé !" s'indigna-t-elle de sa voix haut perchée qu'elle n'arrivait définitivement pas à contrôler. "Ne te moque pas, je te signale que c'est un sport très important dans la culture moldue…"

"Oh, je ne remets pas en doute le sport, Granger." railla Drago. "Je rigole parce que t'imaginer en faire est hilarant."

"Et pourquoi donc ?" demanda-t-elle en levant le nez, piquée dans son égo.

"Parce que tu as le vertige." expliqua-t-il, comme une évidence. "T'imaginer descendre un flanc de neige sur des planches, sans aucun contrôle, est une image très drôle. Et que, par conséquent, tu haïs le ski, mais tu n'oses pas le dire parce que tu as peur que tes parents le prennent mal, ou que Potter et Weasley se moquent de toi. J'ai pas raison ?"

Hermione mit du temps à avaler sa gorgée de jus tant il avait visé juste. C'était troublant, la manière dont Drago l'analysait.

"Euh… C'est vrai que je n'aime pas particulièrement ça." dit-elle à contre-coeur. "Mais comme j'ai annulé l'année dernière, je ne me voyais pas refuser auprès de mes parents une nouvelle fois."

Drago leva les yeux au ciel en entendant cette raison.

"Granger, c'est que nous deux ici." dit-il en montrant les alentours. "Il n'y a personne à satisfaire. Admets-le, tu détestes le ski."

Hermione sentit un sourire animer le coin de ses lèvres contre son gré.

"Je n'aime pas le ski." confessa-t-elle.

"Donc, tu vas passer tes vacances à faire un sport que tu n'aimes pas." conclut Drago. "Tu vois ? Hilarant."

"Et toi ?" demanda Hermione. "Tu rentres, pour les vacances ?"

Elle connaissait déjà la réponse, mais l'ombre de gravité qui tomba sur son visage suffit. Il se resservit un verre de jus pour ne pas la regarder.

"Ouais." dit-il finalement. "Ouais, je rentre."

"Tu vas fêter Noël avec tes parents ?" demanda Hermione, en espérant que la question ne soit pas trop intrusive au point qu'il se referme complètement.

Drago prit le muffin et entreprit d'en arracher quelques morceaux qui tombèrent sur la nappe. Quand il resta silencieux, Hermione comprit qu'il n'allait pas répondre à sa question. Elle fut étonnée quand il expliqua avec réticence :

"Chaque année, mes parents organisent un immense gala, et invitent la moitié de la population de Sang-purs du pays. Donc, chaque année, je dois être là pour serrer la main de chaque personne qui entre chez moi avec un faux sourire sur le visage. Je déteste ça."

"Oh." dit Hermione. Elle ne connaissait rien des traditions des Sangs-purs, mais elle se doutait que c'était un événement réservé aux plus grandes familles "sacrées", parce qu'elle n'avait jamais entendu les Weasley en parler. "Donc, Pansy sera là, non ? Et Blaise ?"

C'était la première fois qu'elle les appelait par leurs prénoms. Drago ne releva pas.

"Pansy sera là, avec son père. Blaise n'est plus invité. C'est… c'est compliqué."

Hermione sentit que la conversation lui faisait mal, alors elle arrêta d'en parler et termina son muffin en silence.

"J'ai une surprise pour toi." annonça-t-il d'un coup.

Hermione releva la tête et arqua un sourcil en montrant le pique-nique improvisé :

"Ce n'est pas ça, la surprise ?"

"Pas vraiment." dit-il en retrouvant son sourire. "Ce n'est que la première partie. Termine ton jus, je t'emmène quelque part."

Hermione, qui n'avait aucune idée de ce qu'il avait pu mijoter, but d'une traite la fin du jus de citrouille et se releva sans comprendre. Drago lui prit la main, et elle se demanda s'il pouvait sentir les tremblements qui n'avaient rien à voir avec les bourrasques de vent. Ils s'approchèrent de la rambarde.

"Qu'est-ce que…?" demanda-t-elle, mais Drago la coupa :

"Toujours avec les questions, Granger. Regarde, profite de la vue."

Hermione regarda au loin. La vallée qui entourait Poudlard s'étendait jusqu'à perte de vue. Le reflet de la lune, ronde et pleine, était dessiné sur la surface glacée du Lac Noir.

Soudain, Drago posa ses deux mains sur la balustrade et se pencha.

"Drago !" couina Hermione en le voyant faire.

"Accio." murmura-t-il dans le vent.

Hermione eut à peine le temps d'entendre ce qu'il venait de faire qu'un objet vola jusqu'à eux. Elle devina la silhouette cornue de son Nimbus 2001. Son cerveau épuisé comprit enfin, et elle recula avec horreur.

"Non." dit-elle, fermement. "Non. Absolument hors de question."

"Allez, Granger, monte." dit-il en prenant le balai.

"Drago, c'est hors de question." répéta-t-elle. "Je ne monterai pas sur ce balai."

"Pourquoi ?" demanda Drago.

"Parce que j'ai le vertige." dit-elle en détachant chaque syllabe, comme s'il ne comprenait pas sa langue. "J'ai horreur de la hauteur et des balais en général. Tu le sais très bien !"

"Tu n'auras pas le vertige avec moi." dit-il, plein de confiance. Le Drago timide avait disparu. "Je suis un excellent pilote."

"À moins que tu comptes voler à moins de dix centimètres du sol, permets-moi sérieusement d'en douter."

"Essaye !" Drago insista. "Si tu n'aimes pas, ou que tu te sens mal, je te promets que je descendrai. Tu n'auras pas peur. Viens avec moi."

Elle croisa ses bras sur sa poitrine pour montrer son refus. Il roula des yeux et enjambea son balai d'une main.

"Je croyais que tu étais une Gryffondor vaillante, qui n'avait besoin de personne et qui n'avait peur de rien ?" rappela-t-il d'un ton teinté de moquerie.

"Tu ne m'auras pas à ce petit jeu." dit Hermione, bien qu'elle sentait la phrase atterrir douloureusement dans le creux de son estomac.

"Granger, j'ai planifié tout ce date avec le seul objectif de te montrer à quoi ressemble une balade en balai." dit-il d'une voix posée, du moins, bien trop posée pour quelqu'un qui s'apprêtait à décoller de la tour la plus haute du Château. "Je te promets que tout ira bien. Tu me fais confiance, non ?"

Il lui fit un grand sourire et elle leva les yeux au ciel :

"Tu ne peux pas utiliser cet argument."

"Si je peux. Allez, monte."

Parfois, Hermione détestait sa curiosité. Elle avait le vertige, elle détestait ça, pourquoi voulait-elle essayer avec Drago ? Ça allait être tout aussi horrible que les autres fois où elle était montée sur un balai. Pourquoi sa curiosité remplaçait son angoisse ? Les pieds d'Hermione avancèrent sans son accord. Tout le bas de son corps était parcouru de tremblements incontrôlables, de froid et de peur.

"Pas de loopings." avertit-elle, d'une voix qu'elle espérait pleine de menace. "Pas de piqués. Pas d'accélération soudaine. Pas de freinage trop brusque. Pas trop haut."

"Oui, oui, oui." dit Drago en chantonnant à moitié. "Monte."

Contre toute attente, son corps réagit et elle passa sa jambe par-dessus le manche pour s'asseoir derrière lui. C'était très inconfortable, elle se demandait comment Drago, Harry, Ron, Ginny et les jumeaux pouvaient subir ça pendant des heures sans se plaindre. Elle avait déjà mal aux cuisses, et elle avait l'impression de glisser alors qu'ils n'avaient même pas encore bougé. Drago enleva délicatement son pied du sol et le balai remua sous elle : par réflexe pur, elle s'agrippa à Drago de toutes ses forces.

"Aïe, ok, Granger, je vais avoir besoin de mes bras pour voler." avertit-il avec un rire étranglé.

Il prit ses mains crispées contre lui et les descendit pour qu'elle entoure sa taille. Il se tourna vers elle, un sourire en coin dessiné sur son magnifique profil. Hermione détestait le fait qu'il soit autant en contrôle à cet instant.

"Prête ?" demanda-t-il.

"Non." répondit aussitôt Hermione, le son camouflé par son pull contre ses lèvres.

"C'est parti."

Ils montèrent, juste assez pour dépasser la hauteur de la rambarde, et Hermione produisit le gémissement le plus pathétique qui lui ait été donné d'entendre de sa propre gorge. Le balai continuait d'avancer, alors elle ferma les yeux avec force et se colla encore plus au dos de Drago. Il sentait la menthe et elle resta focalisée sur l'odeur pour ne pas penser au vide juste en dessous d'elle.

Elle sentit le vent s'engouffrer dans ses vêtements, mais étrangement, ce n'était pas aussi horrible qu'elle aurait pu l'imaginer. Elle s'était attendue à se faire projeter dans tous les sens, mais le balai était plutôt stable. Elle sentait les muscles de Drago rouler sous sa joue à mesure qu'il levait le Nimbus 2001. Au bout d'un long moment de souffrance silencieuse, il s'arrêta et se redressa.

"Ouvre les yeux, Granger." dit-il.

"Comment peux-tu savoir qu'ils sont fermés ?" demanda-t-elle d'un ton impérieux, bien qu'elle avait le visage enfoui dans son pull et qu'elle avait bel et bien les yeux fermés.

"Parce que je te connais." s'amusa Drago.

Hermione mit du temps à obtempérer, mais quand elle le fit, aucun son ne sortit de sa bouche. Elle regarda, émerveillée, l'étendue du Lac devant elle, les arbres qui bordaient la Forêt Interdite, et surtout, les millions d'étoiles qui scientillaient dans le ciel. Hermione n'avait jamais été aussi proche d'elles, comme si elle pouvait les toucher rien qu'en levant le bras.

"Oh." dit-elle après plusieurs secondes, un bafouillement plus qu'autre chose.

"Tu vois ? Je t'avais dit que ça valait le coup." dit Drago avec une pointe de prétention.

Il la laissa contempler le paysage quelques minutes, sans rien dire. Quand ses yeux s'habituèrent à la pénombre, Hermione put deviner la forme de la hutte d'Hagrid, juste à côté de la forêt, dont le toît était recouvert d'une immense couche de neige. Elle lui paraissait toute petite à cette hauteur. Un peu plus loin, elle reconnut les contours de la gare de Pré-Au-Lard.

"Recule un peu." ordonna Drago d'un coup.

"Pardon ?" demanda Hermione, se souvenant subitement sur quoi elle tenait. Ses doigts se crispèrent de nouveau sur son pull.

"Recule, je vais te faire face."

Hermione fut sur le point de protester, mais elle n'eut pas le temps de le faire. Il pivota sur le balai, comme si c'était facile, comme s'ils n'étaient pas à plus de soixante mètres du sol. Il bascula sa jambe de l'autre côté, aussi aisément que s'il avait été par terre. Hermione fut contrainte de s'accrocher au manche du Nimbus avec un petit cri d'effroi.

"Merlin, Granger, tu es toute blanche." commenta Drago quand il fut face à elle.

"Sans blague ?" répondit-elle ironiquement. "J'ai le vertige."

"Ne regarde pas en bas, regarde-moi." conseilla-t-il calmement.

Hermione le fit, et quand elle croisa son regard bleu qui contrastait avec le ciel noir et le sol blanc, elle oublia soudainement sa peur.

"Regarde-toi !" s'exclama-t-il en la pointant du doigt. "Tu voles ! C'est pas si horrible que ça finalement, si ?"

Et il avait raison. Elle se souvint de sa phobie des cours de Vol de première année, et de sa terreur lorsque Fred et George l'avaient défiée de monter sur un balai au Square Grimmaurd. Étrangement, voler avec Drago n'était pas aussi atroce qu'elle aurait pu le penser, même s'ils étaient plus haut que toutes les fois où Hermione avait dû affronter son vertige. Mais étant donné qu'elle ne voulait pas lui donner raison, elle secoua résolument la tête, et il émit un rire proche du soupir.

Drago sortit le pot de confiture de sa poche et le fit léviter entre les deux, puis il forma un cercle autour d'eux avec sa baguette :

"Intactum !"

Aussitôt, les rafales autour d'eux s'attenuèrent, et Hermione reconnut le sort d'Impassabilité que Molly avait utilisé pendant l'été pour créer une barrière invisible entre la porte de la cuisine de Square Grimmaurd et le reste de la maison. Là, c'était comme si le vent rebondissait contre une bulle, étouffant les sons et préservant la chaleur des flammes bleues d'Hermione. Cette dernière ressentit une petite pique de jalousie à l'idée que Drago ait réussi ce sort aussi aisément : elle était incapable de le faire.

"Alors ?" demanda Drago en se mettant dans une position confortable sur le balai. "Tu vas me dire ce que tu faisais avec Théo ?"

Hermione hoqueta de surprise :

"Drago Malefoy, est-ce que tu viens de me coincer sur ton balai au beau milieu de nul part pour m'interroger ?!" cria-t-elle, scandalisée.

Elle s'attendait à ce qu'il réplique d'une voix acerbe, mais il rit. Un vrai rire, qui se perdit dans l'air hivernal autour d'eux, et qui détendit Hermione à l'instant où elle l'entendit.

Ce garçon était indéchiffrable.

"Non, je suppose que non." dit-il après un temps. "C'est difficile de t'en vouloir quand tu ressembles à ça."

Il la montra d'un geste de la main et Hermione eut un rire sans joie :

"Quoi, crispée, toute rouge, sur le point de vomir ?"

Drago s'approcha d'elle sans quitter son sourire.

"Non." dit-il, et il effleura sa natte avec le bout de ses doigts. "Courageuse."

Hermione avait du mal à se trouver courageuse à cet instant. Ses jambes et ses doigts étaient tellement contractées autour du manche qu'elle commençait à avoir des crampes.

"Pour quelqu'un qui a le vertige, tu te débrouilles très bien." remarqua-t-il, sans la moindre moquerie dans son ton. Il était sincèrement impressionné. "Prête à entrer dans l'équipe des Gryffondors."

"Oh non, je ne voudrais pas voler la vedette à Harry. Il te bat si bien." dit-elle effrontément, analysant la manière dont le sourire en coin de Drago se transforma en une grimace indignée.

"Attention Granger." prévint-il, mais Hermione voyait qu'il avait envie de rire. "Tu es bien insolente pour quelqu'un qui est assise sur le balai d'un Attrapeur. Qu'est-ce qui m'empêche de nous faire partir en piqué jusqu'au Lac ?"

Il pointa du doigt le Lac Noir juste en-dessous d'eux, mais Hermione n'osa pas regarder en bas. Elle continua de le fixer en haussant les épaules :

"Parce que je te fais confiance."

Une expression presque vaniteuse remplaça sa grimace. Hermione savourait plus qu'elle ne devait leurs échanges spontanés, les répliques brûlantes qu'ils se renvoyaient l'un à l'autre comme au tennis. Elle avait toujours secrètement adoré ça.

"En fait, je t'ai emmené ici pour te dire quelque chose. J'imagine que je me suis coincé moi-même pour pouvoir te le dire sans pouvoir m'enfuir." avoua Drago.

Ça attisa la curiosité d'Hermione. Elle ignora la douleur dans ses phalanges et l'écouta attentivement.

Il se passa une main dans les cheveux, comme à chaque fois qu'il était sur le point de se confier, et les secondes suivantes s'écoulèrent dans un silence de plomb.

"Tu as raison." lâcha-t-il, enfin.

Hermione fronça les sourcils :

"Raison de…?"

"J'ai beaucoup réfléchi à ce que tu as dit, dans le placard à balai." continua-t-il, préférant fixer les flammes du pot de confiture plutôt qu'elle. "Et je pense que c'est comme pour Londres. Je savais que je ne pouvais pas venir te voir, je savais que c'était contraire à toutes les règles, que je risquais beaucoup en le faisant. Si ma famille s'était aperçue de mon absence, si Lucius avait compris que je me baladais dans Londres, au milieu des Moldus, je… je n'imagine même pas ce qui aurait pu m'arriver."

Hermione eut un frisson en imaginant la punition qu'il aurait subi. Il lui reprochait sa bravoure de Gryffondor, mais Hermione le trouvait courageux, surtout ce jour-là.

"Mais… En fait, je n'avais pas vraiment le choix." dit Drago avec un demi-sourire accroché aux lèvres. "Ce n'était pas un dilemme. Ce n'était même pas une question, en fait. Je devais te voir. C'était primordial, viscéral même. À partir du moment où j'ai commencé à m'inquiéter pour toi, je n'ai pas eu d'autres choix que d'aller te chercher. Ce n'était plus "Est-ce que je brave les interdits pour aller vérifier qu'elle va bien ?" C'était "Comment braver les interdits pour vérifier qu'elle va bien." Tu vois ?"

Hermione hocha la tête sans parler, trop subjuguée par ses mots pour répondre quelque chose d'intelligent.

"Quand je t'ai dit de me lâcher pour sortir avec Weasley, ou Goldstein, ou n'importe quel autre connard… (elle claqua sa langue contre son palais pour lui reprocher sa grossièreté, mais il ne corrigea pas), je savais que c'était la bonne décision. Que c'était ce que je devais faire, pour ton bien. Mais, même si je le sais… Je ne peux pas. C'est physiquement impossible d'être loin de toi. Je ne peux pas le supporter, ça me ronge de l'intérieur, ça me détruit à petits feux."

Drago tourna enfin son regard de la jarre et la fixa, l'air plus malheureux que jamais. Hermione ressentit l'envie pressante de s'approcher de lui pour le prendre dans ses bras.

"Quand je t'ai vue avec Théo à cette table de la Bibliothèque…" murmura-t-il, la voix pleine de souffrance qui s'insinua douloureusement en elle. "Je n'étais pas jaloux parce que j'avais peur que vous soyez en train de tomber amoureux. J'étais jaloux, parce qu'il avait le droit d'être ton ami. De te parler, de t'entendre rire, de t'écouter parler de poésie et de la culture moldue, et j'étais jaloux, putain, j'étais même enragé à l'idée que ça soit Théo à cette table, et pas moi. Qu'il ait le droit à ça, et pas moi."

Elle vit sa main se contracter contre le manche du Nimbus, et il ferma les yeux une seconde, comme pour chasser cette pensée pénible.

"Et c'est pour ça que je suis d'accord." termina-t-il, la tristesse soudain envolée de ses prunelles. "C'est égoïste, et je vais probablement le regretter quand le moment sera venu, je sais que ça va nous faire souffrir. Je le sais. Mais j'accepte, Granger. Je suis à toi. Parce que je ne peux pas vivre sans toi. Profitons-en, pour le temps qu'il nous reste."

Le souffle d'Hermione se coupa en entendant ces derniers mots, ceux qu'elle attendait depuis des mois.

"Vraiment ?" demanda-t-elle, presque effrayée qu'il ne change d'avis.

"Vraiment." affirma-t-il. "Je vais me battre pour toi, pour nous. Et je te promets que je te protégerai. Toujours. Même quand le monde sera contre nous, je te protégerai. Tu seras toujours ma raison, la première, au-dessus de tout."

Comme pour appuyer ses propos, il contempla le ciel qu'ils frôlaient presque. Ils étaient au-dessus de tout, littéralement. Loin de la guerre, loin du Seigneur des Ténèbres. Dans leur bulle.

"Parole de Malefoy, et tout ça." ajouta-t-il avec un sourire, en reprenant ses propres mots des années précédentes, lors de leurs innombrables promesses et défis qu'ils s'étaient lancés. Cette fois-ci, cependant, cette parole paraissait être la plus sincère de toutes.

Hermione sentait le soulagement que procurait ses mots détendre ses muscles un par un, au point qu'elle put se redresser. Ils se regardèrent en silence quelques secondes. Hermione était incapable de trouver quelque chose à dire d'aussi beau, d'aussi puissant. Elle n'arrivait pas à communiquer sa joie d'entendre une telle promesse. Ses émotions se mélangeaient sans qu'elle puisse les comprendre, son cerveau était en ébullition.

Elle pensa à Harry et Ron, à quelques mètres en dessous d'elle, qui n'avaient aucune idée qu'elle était liée à un garçon aussi intensément, et que le garçon en question était le Serpentard qu'ils haïssaient ouvertement depuis des années. La culpabilité revint instantanément se loger dans son estomac, comme une enclume qui lui rappelait que ce qu'elle faisait était mal.

"Je suis contente que tu aies changé d'avis, Drago, vraiment, je le suis, mais…" Elle se mordit la lèvre et observa la Tour des Gryffondors à sa droite. Toutes les fenêtres étaient éteintes.

Il parut comprendre ce qu'elle ressentait sans même qu'elle ait besoin de poser des mots dessus :

"Je sais. Je suis désolé." dit-il avec un sourire triste. "Je sais que je t'ai fait du mal ces derniers temps, et j'aimerais te dire que ça n'arrivera plus, mais ça serait mentir."

"Je m'en fiche que tu me fasses du mal." dit Hermione, et il afficha une expression surprise. "À partir du moment où tu essayes d'être meilleur, c'est le plus important. Je m'en fiche de tes colères, de tes peurs, de ta jalousie. Je peux les gérer."

Sa voix était tellement pleine de certitude que Drago resta silencieux.

"Ce que je ne supporte pas, c'est quand tu te moques de mes amis." asséna-t-elle plus fermement. "Je te l'ai déjà dit, Drago, mais attaquer Harry, Ron, Ginny, Neville, les jumeaux, c'est hors limite. J'ai déjà du mal à vivre avec la culpabilité de leur cacher un tel secret, si tu leur crache dessus aussi ouvertement, ça ne pourra jamais fonctionner."

Elle montra d'un doigt l'espace entre eux deux mais se rattrapa bien trop vite au manche du balai pour pouvoir terminer son geste. Drago la regardait avec un mélange d'appréhension et de contrariété dans ses yeux. Elle pouvait voir le gris remplir doucement ses pupilles, comme une fleur qui éclot.

"Quand tu insultes la mère de Ron, de Ginny, Fred et George, tu n'insultes pas simplement les Weasley. Tu m'insultes moi, Drago. Parce que cette femme que tu as critiquée, Molly, c'est la femme qui m'a accueillie chez eux, c'est elle qui m'a intégrée dans sa famille de sorciers, alors que je n'avais aucun héritage, aucune trace de magie dans mon arbre généalogique. Quand tu insultes la mère d'Harry, tu n'insultes pas seulement ton adversaire de Quidditch, tu insultes la mémoire d'une femme qui s'est sacrifiée pour son fils, celle qui a sauvé le monde des sorciers."

Elle vit Drago passer sa langue sur ses dents, comme s'il se contrôlait pour ne pas répliquer trop vite, trop méchamment.

"Je préfère être clair, Granger." dit-il, la voix chargée d'une froideur qui n'était pas là quelques secondes plus tôt. "Je m'excuse auprès de toi, parce que je ne veux pas te faire du mal. À toi. Tout ce qui compte pour moi, et tout ce qui a toujours compté pour moi, c'est toi. Personne d'autre."

"Si j'insultais la mère de Pansy devant toi, comment réagirais-tu ?" demanda-t-elle, et elle vit que ses mots avaient touché un point sensible quand il tressaillit, faisant trembler le balai entre ses cuisses.

"C'est différent." cracha-t-il.

"Je ne vois pas vraiment en quoi."

Drago mêla sa main à ses cheveux, soupira, et capitula. Sa mâchoire se détendit, et quand il la regarda de nouveau, ses yeux étaient bleus.

"Granger, tu es la personne à qui j'ai le plus demandé pardon dans ma vie, parce que tu es celle dont le pardon compte le plus pour moi. Quand je te dis que je suis désolé, ce ne sont pas des paroles en l'air, ce ne sont pas des mots vides de sens juste pour pouvoir t'avoir de nouveau. Quand je t'ai lancé ce sort sur tes dents, quand j'ai fait ce badge de merde pour me moquer de Potter, quand j'ai insulté Hagrid… Je me suis excusé, parce que je n'arrive pas à vivre avec moi-même quand tu m'en veux. Et tu es celle qui m'a le plus donné ton pardon, Merlin sait pourquoi. Si j'avais fait la moitié des choses que je t'ai fait à Pansy, elle ne me reparlerait sans doute plus. Je ne sous-estime pas la confiance que tu m'accordes, je la chéris, même si je ne sais pas vraiment ce que j'ai fait pour la mériter."

"Tu n'es pas une mauvaise personne, Drago." répondit-elle d'une voix douce. "Tu es simplement quelqu'un avec des mauvaises influences, qui ne sait pas comment réagir quand ça ne va pas. Tu balances des méchancetés pour cacher ton véritable mal-être, et je comprends, Drago. Je comprends pourquoi tu le fais, mais je ne peux pas le tolérer. Tu m'avais promis que tu n'insulterais plus Harry et Ron, et tu as brisé ta promesse."

Elle vit que ces mots eurent un effet considérable sur Drago. Il essaya de cacher la peine qu'il ressentait, mais elle le vit, cet éclair de chagrin qui passa sur son visage quand il comprit qu'il avait trahi sa promesse. Il n'essaya pas d'argumenter en rappelant que c'était pour le Quidditch. Il regarda les étoiles au-dessus de sa tête et laissa les mots d'Hermione s'imprégner en lui, comme s'il voulait se souvenir de ce moment en particulier pour le futur.

"Je suis désolé d'avoir brisé ma promesse." finit-il par murmurer.

"Es-tu désolé d'avoir insulté la mère de Ron ?" demanda Hermione.

Le visage de Drago s'assombrit.

"Non."

"Quoi ?"

"J'en ai rien à foutre de Potter et Weasley." lâcha-t-il, la violence de ses paroles faisant crisper Hermione davantage sur le balai. "Je suis désolé, Granger, mais c'est vrai. Je ne vais pas m'excuser pour ça alors que je n'ai aucune pitié pour eux. Je m'excuse d'avoir brisé notre promesse, mais je ne regrette pas une seule seconde ce que j'ai dit après ce match. Potter le méritait, et Fred Weasley méritait bien pire."

"C'est faux." répondit obstinément Hermione, qui ne supportait pas quand Drago parlait mal de ses amis les plus chers. "Tu crois que Ron méritait cette chanson ?"

"Ce n'est pas moi qui ait écrit cette chanson." répéta-t-il.

"En tout cas, tu n'en avais pas l'air offensé." protesta Hermione.

"C'est le Quidditch." répondit Drago avec un haussement d'épaules, comme si c'était une bonne raison. "Parfois, il faut déstabiliser l'adversaire. Tu crois que ton Viktor joue gentiment, lui ? Qu'il fait un câlin aux membres de l'équipe adversaire quand il perd ?"

"Arrête de l'appeler comme ça." siffla Hermione.

Elle voulut lui dire qu'il ressemblait à Ron quand il disait ça, mais elle était bien trop haute pour pouvoir se permettre de le faire. Drago était sûrement capable de laisser sa colère prendre le dessus et faire un looping.

Drago baissa la tête en arrière et contempla les étoiles une nouvelle fois, en prenant de grandes inspirations. Hermione comprit qu'il essayait de se calmer et le laissa faire, sans parler, en regardant sa pomme d'Adam remonter le long de sa gorge à chaque inspiration qu'il prenait.

Au bout d'un long moment, il se remit droit, plongea son regard dans le sien et continua d'une voix bien plus douce :

"Je sais que tu n'es pas d'accord avec moi. Mais la différence entre toi et moi, c'est que tu vois trop le bien chez les gens. Je ne m'en plains pas, putain, c'est même la plus belle bénédiction de ma vie de savoir qu'Hermione Granger puisse voir un peu de bien en moi. Mais je n'ai pas ça. Je déteste Potter, et tous les Weasley, et c'est réciproque. Tu es tellement embourbée que tu ne te rends pas compte de mon point de vue, tu ne vois que celui de Potter et Weasley, et je ne te demande pas de le changer, parce que je sais que tu les aime et je respecte ça. Mais ne me demande pas de les apprécier, parce que ça ne sera sûrement jamais le cas."

"Tu ne peux pas haïr Harry et Ron et m'aimer moi." dit Hermione en secouant la tête.

Drago arqua un sourcil :

"Pourtant, c'est ce que je fais. Tu es une personne à part entière, Granger. Tu n'aimes pas Pansy, pourtant, c'est l'une des personnes les plus importantes de ma vie, elle fait partie de ma famille."

"Comment peux-tu haïr ma famille ?" demanda-t-elle, sa voix de plus en plus basse.

Ses yeux s'agrandirent un peu et Hermione réalisa que sa phrase avait un double sens. Harry et Ron, et ses parents. Son sang. Elle ne la rectifia pas pour autant. Sa question resta autour d'eux une seconde, et Drago ne sut quoi répondre, alors Hermione abrégea sa peine :

"Je vais avoir besoin d'un peu de temps pour te pardonner." admit-elle. "Je suis furieuse contre toi, toujours. Si tu veux mon pardon, tu dois aussi t'excuser envers Harry et Ron. Je comprends que ça soit une compétition de Quidditch, mais tu es allé trop loin, et tu dois t'en rendre compte, Drago. Ce n'était pas simplement de la rivalerie entre Maisons, c'était personnel. Et si je n'insulte pas ta famille, tu ne devrais pas pouvoir insulter la mienne." Il ouvrit la bouche, prêt à contester, et Hermione le coupa avant qu'il ne puisse prononcer un mot : "Mais… Je sais que c'est une grande avancée pour toi de te confier à moi comme ça. Il y a encore quelques mois, j'arrivais à peine à te faire sortir trois mots, et maintenant, tu arrives à exprimer tes sentiments, et… je… Je suis fière de toi, Drago."

Elle grimaça un peu en réalisant ce qu'elle venait de dire. Elle s'attendait presque à ce qu'il ricane en entendant ça, comme s'il plaçait une quelconque importance au fait qu'elle soit fière de lui. C'était Drago Malefoy, l'arrogant garçon buté et colérique. Qu'est-ce qu'il pouvait en avoir à faire de sa fierté ?

Pourtant, il ne ricana pas. Toute sa colère fondit de son visage et il la contempla silencieusement, presque… ému ?

Hermione n'arrivait pas à placer des mots sur ce qu'elle ressentait vraiment, mais elle n'eut pas besoin de le faire. Parce que Drago glissa le long du manche à balai, posa ses deux paumes glacées sur ses joues, et l'attira vers lui pour l'embrasser.

Dès que leurs lèvres se touchèrent, Hermione ne ressentit plus une once de vertige. Ses mains se détachèrent du balai automatiquement pour se mêler à ses cheveux, et elle se rapprocha inconsciemment de lui, passant même ses jambes autour de sa taille pour être collée contre lui. Drago émit un son rauque, primitif, comme s'il avait du mal à retenir sa joie à l'idée de la sentir près de lui, et ça mit feu à chaque nerf dans le corps d'Hermione.

Ce baiser-là, Hermione réalisa, était complètement différent des deux autres. Le premier avait été intense, fougueux, plein de colères inavouées, et avait fait exploser la tension qui s'était accumulée entre eux dans une violence telle que leurs magies avaient jailli sans qu'ils puissent la contrôler. Le second avait été désespéré, presque une supplique. Hermione l'avait embrassé pour le convaincre de revenir, pour lui transmettre son manque. Elle avait voulu lui montrer, au-delà des mots, à quel point elle l'aimait.

Celui-là était le plus doux de tous, et Hermione décréta sur le champ que c'était son préféré. Leur premier vrai baiser. Il était égal, aucun des deux n'essayait de reprendre l'ascendant sur l'autre. Il était intense, mais pas à travers une émotion dont ils essayaient de se débarrasser, il n'y avait pas de message caché, c'était simplement Hermione et Drago, dans leur sincérité la plus pure, qui étaient enfin libérés du poids constant sur eux.

Drago avait posé sa main derrière elle pour stabiliser le balai, mais Hermione n'en avait soudain plus rien à faire de leur équilibre. Il pouvait même les mettre la tête à l'envers, elle continuerait probablement de l'embrasser. Ils tombaient déjà. Et elle n'avait pas peur de la chute. Simplement du choc à la fin.

Mais à quoi bon penser au futur, quand le présent était aussi bon ?

Elle se détacha de lui pour reprendre son souffle, mais ne changea pas de position, à moitié à califourchon sur lui et ses mains toujours dans ses cheveux. Drago posa son front contre le sien, sa peau émanant de cette douce odeur de menthe qu'elle retrouvait maintenant sur sa langue. Lui aussi était essoufflé.

Quand elle leva le nez pour le regarder à travers ses cils, elle remarqua que ses yeux étaient d'un bleu profond, toujours aussi hypnotisants, même en altitude, même quand le vent les menaçait de les faire tomber de leur balai.

"Cette couleur, c'est ma préférée." lâcha-t-elle, sans même réaliser qu'elle l'avait dit à haute voix.

"Laquelle ?" demanda-t-il, en jetant un bref regard vers la lune et le ciel noir.

"Harry m'a demandé quelle était ma couleur préférée il y a quelques jours, et j'ai répondu le marron, comme la Bibliothèque, ou le thé à la cannelle, ou les vieux livres." dit-elle, à peine consciente de ce qu'elle racontait tant elle était, littéralement, dans les nuages. "Mais je crois que j'ai menti. C'est le bleu, ma couleur préférée, désormais. Le bleu océan, celui de tes yeux quand tu es Drago. Pas le faux Drago, pas Malefoy, Drago, le vrai. Mon Drago."

Elle sourit mais il eut un petit mouvement de recul et sa bouche se barra dans une expression coupable. Il recula et la main d'Hermione contre son cou tomba sur le manche à balai.

"Justement, Granger, en parlant de ça…" dit-il, soudain hésitant, comme si chaque mot qu'il allait prononcer devait être dit avec précaution. Il se passa une main dans les cheveux et détourna le regard d'elle. "Je dois te dire quelque chose. En fait, ça fait quelque temps que je dois le faire, mais je n'ai jamais trouvé le bon moment, et je n'avais pas prévu de te le dire ce soir, mais ça me tue de te cacher la vérité comme ça."

Sans savoir pourquoi, Hermione eut une intuition. Avant qu'il ne rouvre la bouche, elle demanda :

"Est-ce que c'est lié à ton état de jeudi dernier, après la Bibliothèque ?"

Ses yeux s'agrandirent, et elle sut qu'elle avait eu visé juste. Il y avait définitivement eu quelque chose d'étrange dans son comportement. Ça n'avait pas été seulement de la fatigue, il y avait une explication logique.

"Ce n'est pas des cours d'Alchimie que tu prends, les jeudis soirs." devina-t-elle. "Si ?"

Hermione pouvait voir l'admiration et la peur se battre dans les yeux bleus de Drago.

"Non." lâcha-t-il après plusieurs secondes de silence. "Non, ce n'est pas… Comment tu le sais ?"

Hermione fit un mouvement d'épaules négligé :

"Et bien, certaines personnes disent que je suis la sorcière la plus brillante de ma génération."

Drago eut un rire, mais il était trop tendu pour qu'il paraisse naturel.

"J'aime bien, quand tu es arrogante. Ça te va bien." complimenta-t-il, l'admiration ayant visiblement gagné le combat.

"Tu aimes quand je ressemble à une Serpentarde." corrigea Hermione.

"Touché. C'est mon point faible, je le crains." dit Drago sans gêne. "Mais sérieusement, comment tu peux savoir ça ?"

"Je l'ai déduit, tout simplement." expliqua-t-elle, de manière très factuelle. "Je n'avais jamais entendu parler de cours particulier d'Alchimie, je savais que ce n'était pas avant la sixième année, et Rogue n'a jamais organisé de club ou quoique ce soit qui pourrait ressembler à ce que tu décrivais. Et puis, j'ai beau ne pas connaître grand-chose de cette branche de Potions, je savais qu'il n'y avait pas de raison pour que tu sois aussi épuisé après un cours. Et tu n'étais pas seulement éreinté, tu étais aussi… éteint. Comme si chaque membre de ton corps manquait de vitalité. C'était terrifiant. J'ai cru que tu allais t'effondrer au milieu du couloir sans que Théo ou moi puissions faire quoique ce soit."

"Serdaigle, alors." dit Drago avec un sourire. "Tu es bien trop intelligente pour moi."

"Ne dis pas de bêtise." coupa-t-elle. "Alors, quand j'ai compris que ce n'était pas des cours d'Alchimie, je t'ai observé, du moins, un peu plus que d'habitude."

Il arqua un sourcil :

"Tu m'as observé ? Où ça ?"

"En cours de Potions. Et j'ai vu que tes mains ne tremblaient plus, et que tu n'avais pas de blessure visible sur toi. J'ai compris que tu avais pratiqué un effort physique intense, mais qu'il ne te laissait pas des marques. Du moins, pas des marques physiques."

"C'est vrai." dit Drago pour l'encourager. "Et donc, que crois-tu que je fais, les jeudis soirs ?"

"Je pense que tu es bien avec Rogue." dit-elle, ses pensées déroulant à mesure qu'elle parlait, comme si elle alignait tous les points à l'instant précis. "Je sais que tu t'entraînes pour quelque chose, que ça te prend beaucoup de force. En Défense contre les Forces du Mal, peut-être ?"

Drago retroussa les lèvres et dodelina de la tête :

"Pas totalement." dit-il, une réponse trop vague qui ne donna pas la satisfaction à Hermione qu'elle espérait.

"Comment ça, pas totalement ?" demanda-t-elle, contrariée. "Tu ne viens jamais dîner après tes séances, et tu as l'air toujours faible le lendemain matin, comme si tu avais mal dormi, ou que tu avais des courbatures. Tu te bats forcément. Vous faites des duels, c'est ça ?" demanda-t-elle, désireuse d'avoir la réponse à sa question qui trottait dans son esprit depuis le jour où il était reparti tout claudiquant de la Bibliothèque avec Théo.

"Je m'entraîne, oui." dit Drago, qui semblait prendre un certain plaisir à la voir deviner. "Mais pas avec mon corps."

Il tapota sa tempe avec son index et Hermione fronça les sourcils.

"Est-ce que tu as déjà entendu parler de l'Occlumancie, Granger ?" demanda-t-il, son ton redevenu sérieux.

Hermione avait déjà croisé le mot dans des bribes de livres sur la magie, mais sans jamais creuser plus. Elle connaissait le principe, mais elle avait toujours relié ça à de la magie noire.

Il dût voir la réponse dans ses yeux, parce qu'il continua d'un ton très calme :

"C'est la science de pouvoir fermer son esprit aux intrusions mentales."

Un frisson désagréable parcourut l'échine d'Hermione.

"Quelles intrusions mentales ?"

"La Légilimencie." dit Drago, un mot qui roulait bien sur sa langue mais qui cachait sans doute une magie trop noire pour qu'Hermione puisse l'apprécier.

Elle grimaça par réflexe, autant pour le dégoût que lui inspirait la science que la réalisation que Drago lui avait menti depuis des mois.

"C'est ce que Rogue te fait tous les jeudis soirs ?" demanda-t-elle, sans pouvoir cacher complètement l'indignation dans sa voix. "Il rentre dans ta tête pour te soutirer des informations ?"

"Oui, et non." répondit Drago, toujours aussi vague. "Il m'entraîne plutôt à fortifier mon esprit pour que personne ne puisse rentrer dedans. Pour que je sois en contrôle de mes souvenirs. Quand j'Occlude, il est maintenant impossible de saisir mes pensées, elles sont toutes enfermées en sécurité."

Hermione réalisa ce qu'il voulait dire et se pencha en avant vers lui :

"Comme nous ? Nos moments à la Bibliothèque ?"

Il acquiesça.

"Pas que à la Bibliothèque." précisa-t-il, visiblement soulagé de pouvoir lui en parler. "Tout. Nos moments à la Bibliothèque, le banc, les salles de classe vides, Londres… Mais aussi les pensées que j'ai eu à ton égard, tous les petits moments où je suis tombé amoureux de toi sans même m'en apercevoir. Si mon père rentrait dans mon esprit, il ne verrait rien d'autre que Malefoy, comme tu aimes l'appeler."

"Oh. Wow." dit Hermione, estomaquée. Elle était tellement impressionnée par l'explication de Drago qu'elle oublia de lui en vouloir pour ne pas lui avoir dit plus tôt. "Et tu arrives à le faire ? Fermer ton esprit, je veux dire ?"

Drago réfléchit à sa réponse plusieurs secondes.

"J'étais capable de le faire, mais depuis quelque temps, j'ai un peu de mal. Quand tu m'ignores, j'ai du mal à trier suffisamment mes pensées pour pouvoir fermer complètement mon esprit, et je n'arrive plus à méditer."

méditer ?" répéta Hermione, qui eut la soudaine impression de parler avec Lavande des derniers devoirs donnés par Trelawney.

"Oui, c'est une branche de la magie qui se concentre surtout sur soi-même, pour connaître son propre esprit et pouvoir le dompter, le ranger à sa façon. Et si j'Occlude bien, je peux… m'éteindre. Je peux rendre tout autour de moi moins tangible, plus flou. Je ressens moins. Je peux me perdre dans mes propres souvenirs rangés en sécurité et les consulter encore et encore, mais ils sont inaccessibles pour un Legilimens qui tenterait d'entrer."

"C'est là que tes yeux sont gris." devina Hermione en analysant ses prunelles.

Drago hocha la tête. Hermione n'avait donc pas rêvé, ses yeux changeaient bel et bien de couleur en fonction de son humeur. Elle avait toujours pensé que gris équivalait à Malefoy et bleu à Drago, mais elle comprenait maintenant que les nuances de couleur se modifiaient en fonction de son esprit plus ou moins ouvert. Là, sur le balai, que tous les deux, il n'utilisait aucune Occlumancie : ses yeux étaient bleus, sans aucune trace de gris tempête.

"Et c'est Rogue qui t'a appris ça ?" demanda-t-elle, avec une pointe de mépris qu'il entendit très bien. Il se tendit un peu, et lui répondit d'un ton un peu plus froid :

"Oui, et je lui dois beaucoup. Sans lui, je ne pourrais pas te protéger de ma propre tête. Tu serais en danger rien qu'en parlant avec moi."

"À quel point as-tu rangé tes souvenirs ?" demanda-t-elle, curieuse de savoir ce qu'il avait accompli.

"Jusqu'à dernièrement, j'ai protégé tous les souvenirs qui te concernent. J'en garde aussi quelques-uns de Pansy, Blaise et Théo pour moi, ceux qui sont trop secrets pour être partagés. Je ne garde que la surface, pour que si quelqu'un entre un jour, il ne voit que le garçon haineux qui n'a pas changé depuis la première année."

"En combien de temps as-tu réussi à plier ton cerveau comme ça ?"

"J'ai commencé en Février." répondit-il.

Hermione laissa échapper une exclamation de surprise :

"C'est tout ?!"

"Oui, je me suis pas mal entraîné cet été." Puis, il ajouta, plus amer : "C'est la seule chose que je peux faire, dans ce Manoir."

"Rogue doit être content de tes progrès. Même si j'ai du mal à l'apprécier pour autant. Il a l'air de te maltraiter."

"C'est moi qui lui ai demandé de forcer un peu plus que d'habitude, jeudi." expliqua Drago, désireux de défendre son maître. "J'avais besoin qu'il me pousse dans mes retranchements pour voir si j'arrivais à fermer mon esprit plus facilement, mais il a raison. Sans méditation, il est impossible de contrôler son esprit. Il m'a laissé jusqu'à la fin des vacances pour m'entraîner."

Soudain, ses yeux se fendirent un peu et il continua, soudain plus sérieux :

"C'est justement l'une des raisons de pourquoi je t'en parle aujourd'hui, Granger. Quand Rogue m'a parlé de l'Occlumancie, j'ai tout de suite vu comment elle pourrait être bénéfique pour moi. Pour te protéger. Mais je crois qu'elle peut t'aider, aussi. Tu imagines, si quelqu'un de mal intentionné venait à fouiller ton cerveau ? Et je ne parle pas seulement de nous, je parle des gens que tu aimes. Tu risquerais de mettre en danger Weasley, Potter. Même Théo." (Il se retint à grand peine de ne pas relever ce dernier nom.) "Je pense que tu devrais apprendre l'Occlumancie. Et je pense que je pourrai t'apprendre, quand j'aurai suffisamment perfectionné ma Légilimancie."

Mais Hermione pensait à tout autre chose :

"Oh, mon Dieu, Drago !" s'écria-t-elle en réalisant le champ de possibilités qui s'ouvrait à elle. "C'est exactement ce dont Harry a besoin !"

Les traits de visage du garçon en face d'elle s'affaissèrent quand il entendit la mention du nom de son ennemi.

"Pour être tout à fait honnête, Granger, je n'ai pas pris ces cours pour aider Potter." grinça-t-il entre ses dents. "Je voulais t'apprendre à toi."

"Oh." dit-elle.

Hermione s'imagina apprendre l'Occlumancie, pas certaine de vouloir s'aventurer dans cette science sinistre.

"Je ne sais pas trop…"

"On verra à la rentrée." promit-il, plus rassurant. "Ce n'est pas aussi horrible que ça en a l'air, jeudi dernier était un mauvais exemple. Je ne pensais pas dire ça un jour, mais c'est pratique dans beaucoup de situations, presque… relaxant, parfois. J'ai réussi à calmer beaucoup d'accès de colère en méditant, ou en Occludant. Et je serai un bien meilleur professeur que Rogue. Tu n'as qu'à t'entraîner à méditer pendant les vacances, ça te fera une bonne base pour commencer en Janvier."

Hermione hocha la tête, promettant silencieusement d'essayer. Elle ne savait pas vraiment à quoi s'attendre, mais elle savait que si Drago lui proposait, c'était pour une bonne raison.

Ils arrêtèrent de parler et contemplèrent la pleine lune. Elle étincelait, projetant sa lumière blanche sur le visage de Drago, et accentuant chaque trait de son visage parfait, lui donnant l'apparence d'une statue grecque en marbre. Hermione ne ressentait plus du tout le vertige, elle s'était habituée à la hauteur, étonnamment. Elle se demandait même si Drago ne lui avait pas lancé un sortilège tranquillisant sans qu'elle s'en aperçoive.

Au bout d'un long moment, quelques flocons de neige commencèrent à tomber sur eux.

"On devrait y aller." dit Drago, la neige parsemant déjà ses cheveux. "Tu vas mourir de froid si tu restes là."

Il reprit le pot de confiture et se releva suffisamment pour conduire le balai vers la Tour d'Astronomie, qui brillait encore sous les éclats des fées. Hermione ne fit pas de commentaire sur le fait qu'il pilotait son balai à l'envers, bien que la seule pensée qu'il puisse sentir les bourrasques de vent dans son dos et manquer de s'encastrer contre la façade du Château réussit à lui donner la nausée.

Quand ils arrivèrent enfin au-dessus du sol, Drago sauta de son balai en suspension dans les airs. Mais quand Hermione voulut descendre, une douleur fulgurante remonta le long de son mollet gauche. Manifestement, sa crampe n'était pas vraiment partie, peut-être simplement anesthésiée par le froid. Elle gémit de douleur. Drago se précipita en-dessous d'elle dans la seconde :

"Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? Granger, qu'est-ce que tu as ?"

"Une crampe." grommela-t-elle en pointant sa jambe du doigt.

"C'est parce que tu as passé une heure à garder tes jambes contractées contre le manche." pointa-t-il.

"Je n'allais pas les laisser pendre dans le vide !"

Drago fit descendre le balai pour la rapprocher du sol, et Hermione sentit ses mains encercler sa taille pour la tirer gentiment vers lui. Elle se laissa tomber, les bras de Drago la tenant fermement contre lui.

"Quel gentleman." commenta-t-elle avec amusement. "Merci."

Mais Drago ne la reposa pas. Tout en continuant de la tenir contre lui, il sortit sa baguette de sa poche arrière et la pointa sur son mollet douloureux :

"Lenire cramp."

Dès que le sort entra en contact avec sa jambe, Hermione la sentit se décrisper, et elle put poser son pied sans aucun mal.

"Oh, merci. Je ne connaissais pas ce sort." admit-elle, une phrase qu'elle n'aimait pas beaucoup prononcer.

"Il faut jouer au Quidditch pour le connaître." dit Drago. "Très utile après une session particulièrement difficile. Accio."

Hermione observa le pique-nique entamé et les centaines de fées voler jusqu'à lui. Il mit tout dans un sac qu'il passa en bandoulière par-dessus son épaule. Peut-être que c'était la familiarité de son geste, peut-être que c'était l'organisation si précise de son rendez-vous, en tout cas, un doute s'insinua en Hermione, et elle se retrouva plantée là, à observer son sac en bandoulière, la bouche tordue par l'angoisse.

Dès que Drago se tourna vers elle, il sentit que son attitude avait changé. Il se rapprocha d'elle en quelques enjambées.

"Tu as toujours mal ?" demanda-t-il, pressant et doux à la fois, en regardant son mollet.

"Est-ce que tu as… déjà fait ça ?" demanda Hermione, sa phrase un peu trop tremblante.

Drago continuait de fixer sa jambe :

"Oui, je t'ai dit, plein de fois après le Quidditch, pourquoi, ça n'a pas marché ?"

"Non, je parlais du date."

Drago releva la tête brusquement et la fixa une seconde, comme pour juger s'il était sérieuse ou non.

"Si j'ai déjà fait ça ?" répéta-t-il, apparemment trop fatigué pour comprendre ce qu'elle voulait dire.

"Ça." dit Hermione en montrant la plateforme autour d'elle. "Les fées, le balai, le pique-nique, tu as déjà fait ça, avec une autre fille ? Plusieurs filles ? Tu as déjà… déjà emmené d'autres filles ici, en date ?"

Drago réalisa enfin de quoi elle voulait parler et lui rit pratiquement au nez :

"Merlin, c'est ça qui t'inquiète ?" demanda-t-il, comme s'il ne pouvait pas y croire. "Et c'est qui de nous deux qui essaye de coincer l'autre maintenant ?"

Hermione croisa ses bras sur sa poitrine par réflexe :

"On n'est plus sur ton balai. Tu pourrais fuir pour éviter de répondre à ma question, la porte est juste là."

Drago souriait toujours comme si elle venait de lui dire la blague la plus drôle de sa vie.

"Putain, Granger, je viens de t'annoncer que j'acceptais enfin… ça, nous, alors que mon père est un Mangemort, que l'intégralité de ma famille n'accepte pas ton sang et qu'ils préféreraient que tu meures plutôt que tu tiennes cette baguette dans ta main, mais tu as peur que je puisse avoir emmené d'autres filles ici ?"

"Ça veut dire oui alors." devina-t-elle, une horrible sensation lui brûlant la poitrine.

Drago roula des yeux sans perdre son sourire et s'approcha d'elle. Il se pencha, et déposa un petit baiser sur sa joue, juste au-dessus de sa pommette.

"Granger, je suis amoureux de toi depuis mes onze ans." murmura-t-il. "Je n'ai regardé que toi pendant cinq longues années. Il n'y a que pour toi que j'aurais organisé ce date. Comment peux-tu en douter ?"

Le soulagement que ressentit Hermione en entendant ça fut équivalent aux rougeurs qui lui montaient aux joues, pile à l'endroit où il avait posé ses lèvres. Elle haussa les épaules en essayant de dissimuler le sourire rassuré qui menaçait d'ourler la commissure de ses lèvres.

"Je te raccompagne." annonça Drago, toujours amusé à l'idée qu'elle puisse être jalouse.

Il ouvrit la porte et intima à Hermione de le suivre. Elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, la perspective d'être fatiguée le lendemain en cours bien trop éloignée dans sa tête pour s'en soucier. Elle se sentait dépourvue d'un poids qui la ralentissait depuis des semaines. Pouvoir parler à Drago de la sorte, sans s'inquiéter du monde extérieur et de ses menaces, avait été tellement libérateur qu'Hermione avait l'impression de prendre une grande inspiration après être restée en apnée trop longtemps.

Quand ils descendirent les escaliers de la Tour d'Astronomie, Drago prit sa main, et Hermione prit conscience de son évolution en voyant la faculté avec laquelle il le fit. Il avait changé. Elle l'avait changé. Il était capable de s'excuser, de prendre du recul, de regretter. Elle espérait que ces deux semaines dans son Manoir n'allait pas freiner tous ses efforts, qu'il n'allait pas redevenir le garçon insupportable qu'elle haïssait tant. Le Malefoy.

Ils arrivèrent à l'angle du couloir de la Salle Commune des Gryffondors, et Drago s'arrêta sur ses pas pour se tourner vers elle.

"Je te laisse ici. Bonne nuit, Hermione."

"Bonne nuit Drago."

Il lui sourit et l'embrassa pour la dernière fois de la journée. C'était un baiser rapide, juste une manière de dire bonne nuit, mais pourtant, la série de frissons qui accompagna le contact de ses lèvres embrasa sa peau, malgré la fatigue.

Il lui donna le pot de confiture vide et elle le serra contre elle en le regardant disparaître dans l'obscurité. Le bruit de ses pas résonna dans les escaliers, puis s'évanouit doucement.

Hermione avança jusqu'au tableau. Elle fut surprise de voir que la Grosse Dame n'était pas endormie, comme si quelqu'un venait de la déranger quelques minutes plus tôt. L'un de ses yeux peints était à demi-ouvert et elle remua dans son cadre :

"Le mot de passe ?" croissa-t-elle, trop ensommeillée pour réaliser l'heure tardive à laquelle Hermione entrait.

"Burgundy."

Le tableau s'ouvrit et Hermione s'engouffra dans l'entrée. Elle s'attendait à ce que la Salle Commune soit plongée dans le noir, mais quand elle arriva dans la pièce circulaire, elle fut aggressée par une dizaine de Lumos pointés sur elle.

Hermione fit tomber le pot de confiture sur le parquet, qui explosa en mille morceaux.

La moitié des Gryffondors étaient réveillés, et la regardait avec de grands yeux scrutateurs. Seamus était tout devant, et Lavande se tenait juste derrière, vêtue de son pyjama lilas. La première pensée qui lui vint fut qu'ils avaient découvert son plan avec Théo. Qu'ils avaient compris pour le Polynectar, et qu'ils s'apprêtaient à la dénoncer à McGonagall. Mais cette théorie fut vite balayée quand Dean lui demanda d'une voix anxieuse :

"Hermione ? On te cherchait partout, où étais-tu passée ?"

"Euh, j'étais…" bredouilla-t-elle, en pointant du doigt derrière elle, comme si ça pouvait expliquer son escapade. Elle n'avait pas prévu que quelqu'un lui demande où elle avait passé sa fin de soirée, et encore moins que ce soit la moitié de sa Maison.

Dans un instant de panique, elle réalisa qu'Harry avait vu son nom sur la Carte du Maraudeur. Avec Drago. Sa peur enfla en elle et elle eut du mal à respirer. Elle chercha Harry dans la foule, mais ne le trouva pas. En fait, maintenant qu'elle distinguait toutes les têtes autour d'elle, Hermione réalisa qu'il n'y avait aucun Weasley. Neville était là, assis sur un accoudoir du canapé, manifestement sur le point de s'évanouir à tout instant.

"Qu'est-ce qu'il se passe ?" demanda-t-elle, sa voix partant dans les aigües à mesure que l'angoisse montait en elle. "Où sont Harry et Ron ? Et Ginny ?"

Seamus, qui était le plus près d'elle, tourna vers elle un visage pâle et terrifié.

"Tu n'es pas au courant ?" demanda-t-il, en chuchotant presque. "Harry et les Weasley sont partis avec McGonagall pour aller dans le bureau de Dumbledore il y a vingt minutes. Harry était très malade, il a dit qu'il avait fait un cauchemar, qu'il avait vu…"

Il jeta un regard autour de lui, comme s'il attendait que quelqu'un prenne la parole à sa place. Hermione sentit sa cage thoracique se compresser. Harry, les Weasley, Dumbledore ?

"Vu quoi, Seamus ?" demanda-t-elle avec une agressivité rare.

Seamus tressaillit, mais ne dit rien.

Ce fut Neville qui termina sa phrase, dans un murmure grave, étranglé :

"Il a dit que le père de Ron avait été attaqué par un serpent."

.

.


Drago


.

.

Quand Drago descendit les escaliers de Poudlard pour retourner dans sa Salle Commune, ses pas étaient légers. Il souriait comme un idiot dans la pénombre, complètement insensible à l'heure, sans même faire attention à se cacher de Miss Teigne. Quelques portraits réveillés chuchotaient à son passage, mais Drago n'y faisait pas attention. Il faisait tournoyer sa baguette dans sa main, à deux doigts de siffloter.

Pour la première fois depuis des semaines, il se sentait bien. Pansy l'avait pardonné, Granger avait accepté son date. Certes, elle était toujours énervée contre lui, et s'il était tout à fait honnête, il comprenait pourquoi : il savait que ce qu'il avait fait au match contre ses précieux Potter et ses dizaines de Weasley avait été un coup bas.

Peu importe le nombre de fois où il s'était moqué de ses cheveux ou de son attitude de Miss-Je-Sais-Tout, Granger n'avait jamais bronché. Elle était toujours restée digne, intouchable. Mais quand il touchait à ses amis ou ses parents, c'était qu'il pouvait l'atteindre. C'était là qu'elle ripostait, avec hargne, et c'était même ce qui l'avait rendu addict pendant un temps. Voir le masque impassible de Granger se fendre pour répliquer. Drago avait adoré ça. Pouvoir l'atteindre, voir quel point sensible la faisait craquer.

Mais après avoir passé tant d'heures en sa compagnie, après avoir appris à la connaître, à percer petit à petit le mystère ambulant que représentait Hermione Granger, Drago avait réalisé l'étendue de sa loyauté. Il avait compris qu'elle faisait ça pour les défendre, parce qu'elle les aimait. Alors, Drago avait arrêté de la titiller là-dessus. Il avait plutôt tout fait pour passer de l'autre côté. Du côté des gens qu'elle aimait, et qu'elle protégeait si fort. Même si ça voulait dire qu'il devait partager cet espace avec Potter et les Weasley. Il préférait largement ça plutôt que d'errer seul, sans sa chaleur, sans ses thés à la cannelle et sa voix haut-perchée.

Il s'améliorait. Elle l'améliorait. Blaise l'avait dit lui-même, Pansy aussi. Il avait évolué, positivement, grâce à son influence, et il comptait bien en profiter encore un peu. Il ne savait pas si c'était le bon chemin à prendre, ses parents ne l'approuveraient certainement pas, et c'était contraire à tous les principes dans lesquels il avait grandi. Mais quand il était avec Granger, c'était les moments où il se sentait le mieux. Où il avait l'impression d'être une bonne personne. Et même si c'était dangereux, Drago s'était laissé tenter.

Granger lui avait refilé sa bravoure de merde de Gryffondor. Il souffla un rire en réalisant ça.

Drago était en train d'arriver au troisième étage quand il entendit soudain un bruit de porte qui claqua juste au-dessus de sa tête. Le bruit se répercuta contre les murs, et plusieurs portraits du couloir se réveillèrent avec des airs indignés sur leurs expressions peintes.

Drago resta immobile. Il était plongé dans le noir, mais si quelqu'un traversait le couloir, il se ferait forcément remarquer. Les rondes des préfets était finies depuis longtemps, mais il savait que Rusard inspectait le Château pendant la nuit. S'il Drago se faisait attraper là, au beau milieu de la nuit, il risquait une semaine de retenue minimum. Il se pressa contre le mur derrière lui et écouta. Peut-être que ce n'était qu'un courant d'air…?

Soudain, il entendit des bruits de pas frénétiques à sa droite. Drago jura entre ses dents et alla se réfugier derrière une immense plante, à l'angle du haut des escaliers. Il eut à peine le temps de se cacher qu'une autre paire de pas se fit entendre à sa gauche.

"Professeure McGonagall !" s'écria une voix perçante, le genre de voix qui faisait hérisser tous les poils de Drago, de ses bras jusqu'à sa nuque.

Ombrage. C'était difficile de ne pas la reconnaître, elle était tellement horripilante qu'il n'avait même pas besoin de la voir pour savoir que c'était elle, comme s'il pouvait sentir l'odeur de rose écoeurante qu'elle embaumait en permanence de là où il se trouvait. Drago se crispa davantage : si McGonagall et Ombrage le trouvait planqué là à une heure aussi tardive, il risquait bien plus que quelques heures de retenue.

"Ah, Dolorès." répondit McGonagall, d'une voix surprenamment calme. "Qu'est-ce qui vous amène ici si tard ?"

"Plusieurs élèves de Gryffondors ne sont pas dans leurs dortoirs !" répondit Ombrage, avec une certaine urgence dans son ton qui contrastait totalement avec celle de son interlocutrice.

Drago sentit son cœur faire un bond : est-ce qu'elle avait remarqué l'absence de Granger ?

"Je vous demande pardon ?" demanda McGonagall, bien que Drago était persuadé qu'elle avait très bien entendu.

"Des élèves de Gryffondors, introuvables, pas dans leurs dortoirs ! Je dois absolument voir le directeur, c'est inadmissible !"

"Et bien, non, Dolorès." répondit McGonagall, toujours aussi calme. "En fait, la première personne que vous devriez consulter après avoir remarqué l'absence d'élèves dans leurs dortoirs, c'est leur Directeur ou Directrice de Maison. En l'occurrence, moi."

Ombrage produisit un son étranglé proche de l'indignation.

"Mais… C'est justement ce que je suis en train de faire !"

"Pas vraiment, non, puisque vous êtes tombée sur moi complètement par hasard."

"Le directeur…"

"... n'est pas disponible pour le moment." coupa McGonagall d'un ton de plus en plus sec. "Mais puis-je peut-être lui porter un message de votre part ?"

"Que plusieurs élèves ne sont pas dans leurs dortoirs !" répéta Ombrage, dont la voix partait dans des aigües outrés. Drago grimaça, tenté de se boucher les oreilles pour couvrir ce son insupportable, mais bien trop curieux d'entendre le reste pour le faire.

"Voyez-vous, c'est là que je ne comprends pas très bien votre implication dans toute cette affaire, Dolorès." continua McGonagall, en détachant chaque syllabe comme si elle parlait avec quelqu'un de très stupide. "Comment pouvez-vous savoir que ces élèves ne sont pas dans leurs dortoirs ?"

"Je, euh… C'est…" bredouilla Ombrage, soudain à court de mots.

"Je vois." dit McGonagall. Drago se fit la réflexion qu'elle parlait à Ombrage de la même manière qu'elle parlait avec ses élèves, avec cet air stricte dont il avait secrètement un peu peur. "Dois-je en conclure que vous avez posé un sortilège de Trace sur certains d'entre eux ?"

"Non, bien sûr que non !" se défendit Ombrage avec un semblant de dignité. Drago pouvait l'entendre taper du pied d'impatience. "C'est Argus qui m'a rapporté que la plupart des élèves de Gryffondor sont levés, figurez-vous, et qu'il en manque certains, dont Potter !"

"Insinuez-vous que je fais mal mon travail, Professeure Ombrage ?" demanda McGonagall, d'une voix soudain si froide que Drago frissonna derrière la plante. "Que je suis censée être au courant que mes élèves sont réveillés au beau milieu de la nuit, et qu'ils vagabondent dans les couloirs comme bon leur semble ?"

"Non, non, je ne remets pas en cause votre travail, Minerva…" répondit Ombrage, en essayant de conserver la dignité dans sa voix, sans grand succès.

"Étant la Directrice de Maison des Gryffondors, permettez-moi d'en douter." interrompit sèchement McGonagall. "Il est clair que vous me reprochez mon manque d'autorité auprès de mes élèves."

"Loin de moi l'idée de vous reprocher quoique ce soit, Minerva." dit Ombrage, au bord de l'impatience. "Mais les faits restent les mêmes, Potter et d'autres élèves ne sont pas dans leurs dortoirs, il faut donc absolument consulter le directeur pour qu'il…"

"Oh, mais je sais parfaitement où ils sont." répondit McGonagall, qui avait retrouvé son ton tranquille.

Ombrage s'étrangla sur ses mots :

"Pa-pardon ? Vous savez où ils sont ? Mais alors, pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ?"

"Plus tôt, c'est-à-dire au moment où vous insultiez mes compétences de professeure, ou encore plus tôt, quand je vous demandais si vous aviez posé un sortilège de Trace sur certains de mes élèves ?"

Ombrage fit un bruit étrange, comme si elle avait pris une inspiration trop vite.

"Où sont-ils ?" demanda-t-elle, toute trace d'amabilité perdue.

"Dans le bureau du Directeur." annonça tranquillement McGonagall.

Drago fronça les sourcils. Granger était rentrée il y a moins de cinq minutes, elle ne pouvait pas être dans le bureau de Dumbledore. Il se demanda si McGonagall n'essayait pas de la couvrir, sans comprendre pourquoi.

"Mais vous venez de me dire qu'il n'était pas disponible !" s'emporta Ombrage en tapant du pied, comme une enfant à qui on venait de refuser de donner une sucette.

"Il n'est pas disponible, puisqu'il est occupé avec les élèves que je viens d'accompagner à son bureau."

"Et pourquoi les avez-vous emmenés dans son bureau à une heure pareille ?"

Drago sentait une douleur pénible remonter le long de sa jambe gauche à cause de sa position inconfortable, mais il n'osa pas se redresser de peur que l'une des deux professeures ne l'entende remuer.

"C'est le Professeur Dumbledore qui m'a demandé de le faire." répondit calmement McGonagall. Drago eut la nette impression qu'elle était en train de prendre un certain plaisir à mener Ombrage en bateau de la sorte.

"Et pour quelle raison ?" demanda Ombrage d'un ton impérieux.

"Je ne la connais pas, je le crains. J'ai simplement obéi au Directeur qui m'a demandé de lui emmener Potter en urgence, accompagné de plusieurs autres élèves."

"Je vais le voir." décréta Ombrage en montant de quelques marches de l'escalier.

Drago se tapit davantage contre le mur pour ne pas se faire remarquer et la crampe dans sa jambe s'accentua. Il pouvait apercevoir Ombrage, au pied des marches. Elle était vêtue d'une horrible robe de chambre rose pétante et d'un bonnet de nuit de la même couleur. Drago pensa à la réaction de Pansy quand il lui dira qu'Ombrage portait un bonnet de nuit pour dormir et se pinça le bras pour se retenir d'éclater de rire.

"Le Directeur ne peut pas vous recevoir." répéta McGonagall, qui monta de quelques marches également pour être au même niveau qu'Ombrage.

Drago crut voir un pan de la robe de chambre écossaisse de sa professeure de Métamorphose et s'enfonça davantage dans sa cachette. McGonagall était une bien plus grande menace qu'Ombrage.

"En tant que Grande Inquistrice de Poudlard, j'estime qu'il est…"

"... Et en tant que Directrice-adjointe de Poudlard, je vous répète que le Directeur m'a spécifiquement demandé de ne pas la déranger parce qu'il avait des affaires à régler." coupa McGonagall, en levant le nez pour regarder Ombrage de haut.

"Je veux savoir de quoi…"

"Hé !" cria un portrait du couloir. Drago tourna la tête et vit qu'il s'agissait d'un homme chauve, qui avait soulevé son masque pour dormir de quelques centimètres pour fusiller les deux femmes du regard. "Vous pourriez vous disputer ailleurs ? On est en train de dormir, ici !"

"Si le Directeur est occupé, ça ne sert à rien d'essayer d'entrer dans son bureau !" intervint une femme d'un autre tableau sur le mur des escaliers.

Drago entendit Ombrage lâcher un sifflement de colère entre ses dents serrées.

"Je vais m'entretenir avec le Directeur, que vous le vouliez ou non !" piailla-t-elle, faisant protester les portraits tout autour d'elle.

"Très bien, dans ce cas, je vous accompagne !" dit McGonagall d'un air digne.

Elles montèrent les escaliers ensemble dans un concert de martèlements de pieds et de glapissements scandalisés. Drago attendit quelques minutes dans le silence pour être sûr que personne d'autre n'allait apparaître d'un coup, puis il sortit discrètement de sa cachette et descendit les escaliers à toute vitesse. Tous les portraits s'étaient endormis, certains ronflaient même suffisamment fort pour couvrir le son de ses pas.

Drago arriva dans le Hall sans croiser personne, alors il fonça vers les cachots en se demandant bien ce qui pouvait se passer dans le bureau de Dumbledore à une heure pareille. Drago n'était jamais entré à l'intérieur, mais il savait que c'était situé juste au-dessus de la Tour d'Astronomie. Pourtant, ils n'avaient croisé personne en sortant, encore moins Potter. Il espérait que Granger n'allait pas avoir des ennuis, si tous les élèves de Gryffondor étaient vraiment levés, ils se demanderaient sûrement ce qu'elle faisait dehors à une heure aussi tardive. Il espérait qu'elle avait appris à mieux mentir depuis la troisième année.

Quand Drago arriva dans les cachots, où tout était silencieux, il ralentit la cadence de ses pas et s'autorisa à souffler un peu. Il traversa le couloir humide et familier, murmura le mot de passe et passa la porte qui se matérialisa dans le mur.

La fête était terminée, preuve qu'il était bien trop tard. Deux élèves rangeaient les bouteilles d'alcool à moitié vides dans des gestes léthargiques, et plusieurs autres dormaient dans les canapés éparpillés un peu partout dans la Salle. Certains n'étaient même pas à Serpentard. Personne ne nota son arrivée, alors Drago se rendit à son dortoir, avec la ferme intention d'aller se coucher.

Quand il entra, il remarqua tout de suite les cheveux de Pansy étalés sur l'oreiller de son lit. C'était la première fois qu'elle dormait dans son lit depuis qu'elle l'avait pardonné. Elle dormait déjà, le visage recouvert par l'épaisse couverture de Drago. Théo n'avait pas fermé les rideaux de son lit, comme souvent, et Drago crut voir qu'il avait superposé deux couettes pour ne pas avoir froid et eut un petit sourire. Pas frileux, tu parles.

Le seul lit qui était fermé était celui de Blaise, mais Drago ne savait pas s'il était là.

Il fit sa toilette silencieusement pour ne pas réveiller tout le monde et souleva délicatement la couverture pour se glisser à l'intérieur. Il sentit une texture étrange toucher son bras.

"Qu'est-ce que…" chuchota-t-il en tatônant son matelas. "Oh putain, non !"

C'était Eris, qui était allongé en boule entre Pansy et lui, pile à l'endroit où Drago comptait poser son bras. Le chien se réveilla et secoua la queue frénétiquement en le voyant.

"Qu'est-ce qu'il y a ?" demanda Pansy, à moitié endormie.

"C'est ton putain de chien !" se lamenta-t-il dans un murmure. "Pans', ça ne me dérange pas que tu viennes dans mon lit pour dormir, mais je n'ai jamais accepté qu'il soit là !"

Pansy se blottit davantage, dos à lui, complètement insensible à ses protestations.

"À partir de maintenant, Eris est forcément là quand je suis là." marmonna-t-elle d'une voix ensommeillée. "Et Daphné dort avec Owen ce soir, alors j'étais obligée de venir ici."

Drago, qui n'avait aucune idée de qui était Owen, grogna en guise de réponse. Il se rallongea et sentit le poids de la bête presser contre sa jambe.

"Il me gêne." se plaignit-il.

"Il fait trois centimètres Drago." répliqua froidement Pansy.

Le concerné grogna une seconde fois. Eris se rapprocha alors de lui et entreprit de lui lécher le visage.

"Ah non ! Ça non, mauvais chien !" s'écria-t-il. "Pansy ! Il me lèche le visage !"

Pansy soupira et elle se retourna vers lui :

"Ça veut dire qu'il t'aime, espèce d'idiot." grinça-t-elle. "Viens là mon bébé."

Elle prit Eris dans ses bras et remit la couverture par-dessus elle. Drago eut tout juste le temps d'apercevoir la langue rose d'Eris pendre avant qu'il ne se fasse recouvrir. Puis, Drago entendit les respirations de Pansy s'approfondir de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle s'endorme de nouveau.

Il était épuisé, il pouvait sentir la fatigue peser sur ses paupières, mais il savait qu'il serait incapable de dormir. Alors, Drago fit quelque chose qu'il n'avait pas fait depuis bien trop longtemps. Il accorda ses respirations avec celles de Pansy à côté de lui, ferma les yeux, et médita.

Il fut surpris de la rapidité à laquelle son esprit réussit à se calmer. Il savait que Granger avait un impact important sur sa manière de gérer ses pensées, mais il n'avait pas réalisé à quel point. Il était reposé, calme. En une soirée, elle avait réussi à apaiser des angoisses ancrées dans son crâne. Il pensait ne plus jamais être capable de contrôler son esprit comme avant. Il avait tort.

Occluder après des semaines sans le faire était comme boire un verre d'eau après avoir couru. Drago avait presque oublié la sensation que ça faisait, pas seulement dans sa tête, mais aussi dans son corps, comme si ses muscles se détendaient enfin, l'un après l'autre. Il crut même laisser échapper un soupir de réconfort. Heureusement que tout le monde dormait autour de lui.

La porte de sa bibliothèque mentale se dessina et Drago s'approcha. Il pensait qu'en ouvrant la porte, des dizaines de livres s'écrouleraient sur lui, mais il avait surestimé les dégâts de son absence : seuls quelques volumes étaient tombés de ses bibliothèques, et quelques pages volaient dans la pièce. Drago inspira l'odeur de cannelle et se mit au travail. Il rangea les livres qui étaient tombés en se rémémorant les moments qui correspondaient, comme le jour où Dobby était près de lui à tricoter après un cauchemar particulièrement violent, ou la soirée où Granger avait peiné à trouver la symbolisation d'une rune pour son cours.

Puis, une fois que tous les livres avaient été remis à la bonne place, Drago rangea les souvenirs qu'il n'avait pas pu mettre jusque-là. Le match contre les Gryffondors, la chanson de Pansy, sa rage d'avoir perdu, ses mots contre Potter et les jumeaux et leurs visages crispés par la haine. La douleur à l'arrière de sa tête quand Potter et George Weasley l'avaient plaqué par terre, les coups, les insultes, quand il s'était étouffé, quand il avait rembarré Blaise et fait pleurer Pansy. La confrontation avec Fred Weasley dans les couloirs, son secret le plus intime lâché au beau milieu d'un couloir.

La dispute avec Granger dans l'escalier de la Tour d'Astronomie aurait pu remplir un livre entier. Drago le choisit précautionneusement, et enferma dedans tout ce dont il se souvenait de ce moment. Ses joues rouges, sa voix haut-perchée, la chaleur qu'elle émanait, la colère dans chacun de ses mots. La fraise dans ses cheveux, la cannelle sur sa peau. La manière dont elle avait murmuré, tout doucement, comme si elle avait peur qu'il l'entende "C'est vrai, c'est vrai, Drago, je suis aussi addict que toi."

Drago mit beaucoup de temps à retranscrire leur premier baiser. Il essaya de se souvenir des sensations qui l'avait parcouru, le soulagement qu'il avait ressenti, tellement puissant qu'il avait dû s'appuyer sur le mur pour ne pas tomber, quand Granger avait répondu avec autant d'agressivité que lui, quand il avait senti la colère, la rage, la frustration, tout condensé dans un seul baiser. Il se souvint de ses mains, d'habitude si douces et méticuleuses, qui l'avaient attiré férocement contre elle, de la tension entre eux qui s'était enfin dissipée dans une explosion de magie. Drago était persuadé qu'il souriait.

Il termina de ranger ses souvenirs, même les plus insignifiants. Il ne voulait rien oublier, tout garder pour pouvoir les consulter encore et encore, quand il n'aurait plus que ça.

Mais quand il arriva à l'anniversaire de Pansy, Drago se sentit partir doucement dans le sommeil. Il essaya de lutter, mais la sérénité de son esprit n'aidait pas. Sa tête s'enfonçait dans son oreiller et il vit la porte de sa bibliothèque se fermer, puis s'éloigner, de plus en plus, comme s'il glissait en arrière sur le sol, puis il sortit de son esprit… Il entendait le clapotis de l'eau sur les vitres du dortoir…

Drago était dans cet état de somnolence, à mi-chemin entre l'éveil et le sommeil, quand il entendit un bruit étrange.

Il mit une bonne minute à comprendre que le bruit ne provenait pas de sa tête, d'un souvenir égaré ou d'un rêve en train de se former. Non, le son était bien là, dans le dortoir. Le bruit l'éveilla. Drago ouvrit péniblement les yeux et vit que la pièce était toujours plongée dans le noir. Il pouvait sentir Eris dans le creux de son cou et grommela à moitié, sans pour autant le repousser. Ses bras étaient ankylosés, sa tête lourde, avide de sombrer de nouveau. Il referma les yeux, mais le bruit recommença, comme un faible geignement quelque part vers le fond de la chambre.

Ce ne fut que quand il entendit son prénom, déformé par une voix qu'il ne reconnaissait pas, un gargouillement incompréhensible, que Drago se réveilla complètement. Il s'assit sur son lit et plissa les yeux pour apercevoir quelque chose dans l'obscurité. Il pouvait deviner la silhouette de Théo qui ne bougeait pas. Pansy était à sa droite, profondément endormie. Les gémissements continuaient, de plus en plus fort :

"Non, non…"

Drago tourna la tête vers le lit de Blaise. Il ne savait pas s'il avait été trop endormi pour que le son l'atteigne complètement ou si Blaise venait seulement d'élever la voix, mais ses protestations emplissaient maintenant tout le dortoir.

"Non, il faut qu'on… Non, on ne peut pas… NON…"

"Blaise ?" appela Drago d'une voix pâteuse. Il toussa et recommença : "Blaise ? C'est toi ?"

"Non, non, non, sortez-moi de là !"

À travers le rideau émeraude qui entourait son lit, Drago vit la forme de Blaise remuer dans tous les sens, comme s'il essayait de s'échapper. Pourtant, il était seul. Drago fronça les sourcils et appela un peu plus fort :

"Blaise, réveille-toi !"

Pansy remua dans son sommeil.

"Non, NON !" cria Blaise.

Il bougeait tellement que Drago pouvait entendre le matelas grincer sous son poids.

"Qu'est-ce que…" commença la voix ensommeillée de Pansy, pleine de reproches de la réveiller une seconde fois.

À cet instant, Blaise poussa un hurlement de terreur et se propulsa hors du lit, se prit un pan du rideau qui s'arracha de sa tringle, et tomba brutalement par terre dans un vacarme assourdissant. Le bruit réveilla Théo et Pansy, qui se redressèrent tous les deux brutalement.

"C'est quoi ce bordel ?" demanda Théo d'un ton bourru, les yeux toujours fermés.

Drago bondit de son lit et se précipita sur Blaise. Il était empêtré dans les rideaux de son lit et se débattait avec force, tellement que Drago eut du mal à l'aider sans se prendre un coup de poing.

"Non, non, NON !" hurlait-il, s'étouffant à moitié sur ses mots.

"Blaise, réveille-toi, tu fais un cauchemar !" dit Drago d'une voix paniquée.

Il mit une bonne minute à réussir à dégager Blaise du rideau. Il était torse nu, Drago pouvait voir son estomac se contracter à chacune des respirations violentes qu'il prenait. Il avait les yeux fermés, les veines de son cou ressortaient contre sa peau foncée. Mais même sans le tissu qui le recouvrait, il continuait de bouger dans tous les sens, comme s'il se battait contre quelqu'un d'invisible.

"Non, non, non, non, je dois sortir… de là…" marmonna-t-il.

"Blaise, putain, réveille-toi !" hurla Drago.

Mais Blaise ne semblait pas l'entendre. Son corps était secoué de spasmes, et les sons qui sortaient de sa bouche devenaient incompréhensibles, une sorte de gargouilli étranglé.

Drago entendit Pansy s'approcher en courant et Théo chercher frénétiquement sa baguette qui avait roulé sous son lit. Eris avait commencé à aboyer, mais les cris de Blaise étaient bien plus forts et terrifiants pour que le chien se fasse entendre.

"Qu'est-ce qui lui prend ?!" demanda Pansy dans un hurlement perçant.

"Je ne sais pas, on dirait qu'il fait un cauchemar !" répondit Drago sans quitter son meilleur ami des yeux. "Blaise, tu m'entends ? BLAISE ?"

Drago essaya de le secouer pour le sortir de son rêve, mais quand il lui prit l'épaule, Drago retira brusquement sa main avec un cri de douleur. Sa peau était brûlante.

Théo se jeta par terre à droite de Blaise, sa baguette enfin dans sa main, l'air aussi affolé que Drago :

"Putain, putain, Blaise, réveille-toi !"

Il pointa un Lumos sur Blaise et Drago vit alors que son corps était recouvert d'une particule de sueur, et que des grosses tâches rouges inondaient son torse. Il réalisa à cet instant que ce qu'il avait pris pour des gestes de lutte étaient en fait des convulsions, qui traversaient son corps comme des vagues de souffrance.

Théo prit l'autre épaule de Blaise mais glapit de douleur quand sa main le toucha, exactement comme Drago quelques secondes plus tôt. Il se tourna vers Pansy, les yeux révulsés :

"Il m'a brûlé !"

"Fais quelque chose, n'importe quoi !" hurla Drago, sans même savoir à qui il s'adressait.

Il essaya de prendre un bout de rideau pour faire basculer son meilleur ami sur le côté, mais au moment où il prit le tissu, les yeux de Blaise s'ouvrirent.

Alors, par pur réflexe, sans même le réaliser, Drago sursauta et tomba en arrière sur le sol en pierre. Parce que les yeux de Blaise n'avaient plus rien de leur jolie couleur caramel, ils étaient noirs. Plus une once de blanc. On aurait dit que quelqu'un lui avait retiré ses orbites et qu'ils n'apercevaient que deux cavités vides. Pansy poussa un cri d'effroi et se rattrapa de justesse au pilier du lit. Eris continuait d'aboyer comme un fou.

Drago ressentit alors cette terrible sensation, la même que quand Théo était apparu couvert de sang dans la cheminée du Manoir de Blaise trois ans plus tôt. Une sensation horrible, abominable, pire que le froid tétanisant des Détraqueurs, comme une brûlure glaciale qui tomba de sa tête jusqu'à ses pieds, le tétanisant complètement.

La peur.

Sa tête se vida. Il regarda son meilleur ami gesticuler en se cramponnant aux rideaux, et dont le souffle étranglé ne cessait de passer entre ses lèvres, comme s'il chantait : "non, non, non, non…" en boucle. Ses yeux assombris roulaient, son corps tremblait, et Drago était impuissant. Pendant une seconde, il ne sut quoi faire. Comme quand Théo était tombé dans l'antre, il resta là, pétrifié, incapable de penser à un moyen de réveiller Blaise, de le faire sortir de ce supplice. Il pouvait voir les veines de son cou qui menaçaient d'exploser tant elles étaient gonflées. Il pouvait voir l'endroit de sa poitrine où son cœur tambourinait, si fort que Drago pensait presque pouvoir l'entendre au milieu du chaos.

Et dans un flash, il imagina que c'était la fin. Que Blaise était en train de mourir. Que peut-être, d'un instant à l'autre, son cœur faiblirait, et les spasmes s'arrêteraient, et il lâcherait une dernière respiration, et après ? Drago serait-il confronté à la vision du cadavre de Blaise, son meilleur ami, son frère ? Imprimé sur ses paupières pour toujours, hantant ses jours et ses nuits ? Se rappellerait-il sans cesse de ce qu'il aurait dût faire, pu faire, pour le sauver ?

Drago ne se rappelait même pas de la dernière fois qu'il avait entendu le son de sa voix. Peut-être quand il lui avait dit au revoir, quand Drago avait prétexté devoir prendre l'air pour aller sur la Tour d'Astronomie ? Ou peut-être quand il s'était moqué de Théo qui essayait d'Occluder, en vain ? Ou alors, quand il lui avait demandé quelle note il avait eu au dernier essai de Potions ?

Une autre pensée se superposa alors dans son esprit. La même qu'il avait eue, le soir où Théo était arrivé recouvert de sang.

Que ferait Granger dans cette situation ?

Cette fois-ci, cependant, il ne resta pas tétanisé. Cette pensée l'anima, le sortit de sa torpeur, et il lâcha le premier truc qui lui passa par la tête :

"Que quelqu'un aille chercher un bézoar !"

Théo et Pansy le regardèrent d'un air hagard, apeuré. Pansy était livide.

"MAINTENANT !" hurla Drago.

Pansy sursauta et traversa le dortoir à toute vitesse. Quand elle sortit, Eris redoubla ses aboyements paniqués.

Drago posa deux doigts sur le cou de Blaise pour trouver son pouls et dût physiquement maintenir ses doigts à son contact tant sa peau était bouillonnante. C'était comme prendre une braise dans sa main. Mais quand Drago sentit les pulsations effrénées contre la peau de son cou, il oublia la douleur de la brûlure tant le soulagement l'emporta.

"Qu'est-ce qu'on fait, Drago ?" demanda Théo, d'une voix tellement terrorisée que Drago eut l'impression qu'il parlait avec le Théo de onze ans, celui qui avait peur de son père et de la mort et qui dormait en boule la nuit.

"Blaise, réveille-toi, putain de merde, réveille-toi, RÉVEILLE-TOI !"

Il lui donna des claques sur la joue mais la tête de Blaise roulait contre le sol. Sa lèvre inférieure pendait et ses mains jaillissaient dans les airs, comme s'il cherchait quelque chose, ou qu'il voulait s'agripper pour ne pas tomber malgré le fait qu'il était déjà par terre.

"Non, non, non, non…" gémissait-il sans s'arrêter.

Drago vit de la mousse se former aux creux de ses lèvres et comprit que son corps réagissait pour faire tomber la fièvre. Drago ne connaissait aucun sort de guérison, mis à part Episkey que Blaise lui avait appris quand il s'était cassé la cheville. Alors, dans un geste désespéré, Drago arracha la baguette de Théo de sa main et la pointa sur le torse de Blaise :

"Aguamenti !"

Un puissant jet d'eau s'échappa de la baguette de Théo et aspergea Blaise en continu, ce qui sembla enfin le sortir de sa transe. Il se protégea les yeux avec son bras et quand il rouvrit les yeux, ils avaient retrouvé leur couleur naturelle.

"Blaise ? Blaise, tu nous entends ?" appela Théo qui était penché au-dessus de lui, les cheveux trempés par le sort de Drago. "Blaise, c'est nous, c'était un cauchemar, reviens, Blaise !"

Sa voix se cassa dans une série de sanglots qu'il devait contenir depuis longtemps.

Blaise se débattit encore quelques secondes, puis il aspira l'air à grandes bouffées et roula sur lui-même, comme s'il voulait vomir. Il eut plusieurs hauts-le-cœur bruyants et Drago posa une main sur son dos, avec l'intention stupide d'adoucir les spasmes qui le parcourait. Au fur et à mesure, il sentit la chaleur diminuer doucement, jusqu'à ce que la sueur devienne glacée sous ses doigts.

"Blaise ?" appela Drago, même s'il se doutait qu'il ne pouvait pas l'entendre avec les sanglots de Théo et les aboyements d'Eris qui emplissaient la petite salle. "Blaise ?"

Blaise tomba sur le rideau et se roula sur le dos. Il regarda Théo et Drago alternativement, et Drago ne l'avait jamais vu aussi effrayé. C'était tellement rare de le voir comme ça que ça rendit l'atmosphère encore plus tendue.

"J'étais…" murmura-t-il, la voix enrouée d'avoir tant crié et les yeux lointains, quelque part que ni Théo ni Drago ne pouvait voir. "J'étais en feu. J'étais en feu, et il n'y avait personne qui venait nous chercher…"

"C'était un cauchemar." dit Drago d'un ton qu'il voulait rassurant, mais qui ressortit tout perçant. "Tu as rêvé."

"Non !" hurla Blaise en se redressant subitement, tellement vite que sa jambe cogna le flanc de Drago. "Ce n'était pas un rêve, j'étais là-bas, je sentais les flammes !"

Drago secoua la tête :

"Blaise, tu n'as pas quitté cet endroit. Tu es tombé de ton lit et on a essayé de te réveiller pendant cinq minutes, il n'y a pas de feu ici, c'est juste le dortoir. Prends une grande inspiration, Pansy revient avec un…"

"Non, non !" cria Blaise, et le son était tellement similaire à ses hurlements de terreur que Drago eut peur qu'il soit retourné dans sa transe. "Non, j'étais là-bas, j'allais brûler !"

Pansy passa le pas de la porte et se dirigea vers Blaise en courant, trébuchant à moitié sur son chemin :

"Blaise ? Tu es réveillé ?" demanda-t-elle, l'angoisse perçant sa voix.

Elle s'agenouilla à côté de lui et ses yeux cherchèrent frénétiquement quelque chose sur son corps, une blessure, une coupure, une cicatrice. Drago réalisa qu'elle s'attendait aux mêmes marques sur son corps que sur celui de Théo. Mais la peau de Blaise était vierge, il n'y avait même plus les tâches rouges de chaleur. Il n'était pas battu, il n'avait pas brûlé, ça n'avait été qu'un puissant cauchemar.

Drago s'autorisa à respirer un grand coup et s'assit lourdement par terre, la baguette de Théo toujours serrée dans sa main.

"Ce n'était pas un rêve, Pans', j'étais là-bas, j'étais en feu !" s'égosilla Blaise.

Drago ne remarqua qu'à cet instant la présence d'une autre fille, juste derrière Pansy. Elle venait manifestement de se faire réveiller brutalement, elle avait la trace de l'oreiller sur sa joue et ses cheveux étaient tout emmêlés. Elle zigzagua entre Drago, Pansy et Théo et se pencha vers Blaise pour lui donner un flacon :

"Tiens, prends ça. Je n'ai pas de bézoar, mais ça devrait te faire du bien."

Elle lui tendit une petite potion turquoise. Drago reconnut, enfin, qui était l'intruse : la sœur de Daphné, qui était un peu plus jeune qu'eux. Astoria, si sa mémoire était bonne. Pourquoi Pansy avait-elle ramené cette fille au beau milieu de ce bordel, Drago n'en avait aucune idée.

"Qu'est-ce que c'est ?" demanda-t-il, d'une voix un peu plus sèche que prévu.

Astoria lui jeta à peine un regard, le bras toujours tendu vers Blaise.

"Une solution de Force."

"Ce n'est pas de ça dont il a besoin." grinça Drago. "Il a besoin d'un Bézoar, il a clairement été empoisonné."

Astoria le contempla par-dessus son épaule, l'air passablement agacée :

"Il n'a pas été empoisonné, sinon il serait inconscient. Le poison attaque les cellules nerveuses en premier. Il ne pourrait même pas parler, et encore moins hurler."

Drago fut sur le point de répliquer, parce que sans savoir pourquoi, il trouvait cette fille profondément irritante, mais Blaise l'en empêcha. Il frappa la main d'Astoria qui envoya la potion s'éclater contre le pied du lit de Théo. Le contenu se renversa dans les sillures de la pierre avec un crépitement sonore.

"Blaise !" protesta Pansy d'une petite voix.

Ce dernier se releva, dominant tout le monde par sa taille. La lumière du couloir l'éclairait à peine, mais suffisamment pour voir son front trempé par la transpiration et l'Aguamenti de Drago. Il enfila un t-shirt qui traînait là, qui se colla à sa peau poisseuse, et traversa le dortoir en deux grandes enjambées, avant de disparaître sans un mot de plus.

"Blaise !" appela Théo, scandalisé. "Blaise, Merlin, où tu vas ?"

"Laisse-le." dit Astoria, d'une voix bien trop calme après ce qui venait de se passer.

Étrangement, personne n'osa la contredire, malgré le fait qu'elle ne leur avait jamais adressé la parole et qu'elle n'avait aucune légitimité à savoir ce que Blaise voulait ou non. Théo s'essuya ses joues couvertes de larmes et Pansy prit Eris dans ses bras pour le rassurer.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ici ?!" s'indigna l'un des préfets de septième année, qui venait d'apparaître sur le palier de la porte. "Il est cinq heures du matin, bande d'imbéciles, vous avez réveillé tout le monde ! Retenue, chacun !"

Pansy et Drago haussèrent les épaules d'un même mouvement, mais Théo perdit le peu de couleurs qui lui restait. C'était la première fois qu'il avait une retenue. Astoria commença à se diriger furieusement vers le préfet pour protester la punition, et Drago réalisa soudain qu'il avait mal. Il cracha un juron et baissa la tête pour regarder sa main endolorie.

Sa paume était recouverte par une cloque rouge écarlate.