Chapitre 9: Après le chaos.
Les températures étaient si bonnes que c'en était risible. Teddy ne savait pas si enterrer autant de morts sous un soleil resplendissant était de bon augure. Le temps ne s'importunait pas des états d'âmes des hommes et changeait à sa guise. Lorsque les poignées de terre recouvrirent le dernier cercueil, celui de Maria, l'horreur de la situation éclaboussa Teddy en pleine face.
Plus rien ne serait jamais comme avant. Leur meute avait été presque réduite de moitié et même s'il n'avait pas perdu Jane et Henri, c'était un carnage. Leur ancien Alpha ne se réveillait pas. Timothy était encore dans un état critique malgré les soins de pointe de Hermione. La meute ne pourrait jamais se reconstruire en un claquement de doigts. Les pleurs et sanglots des membres de sa famille élargie lui parvinrent avec autant de force que le poids de sa culpabilité. C'était via sa connexion avec Fenrir qu'il n'avait jamais comprise que celui-ci avait pu pénétrer dans leur village et les détruire.
Depuis le retour de la bataille, Teddy avait fragilisé le peu de connexion qui l lui restait avec Jane et Henri. Son loup n'était que tourné vers sa meute originelle : la meute de Fenrir.
Jane n'avait pas voulu lui adresser la parole depuis. Teddy peinait à contrôler ses pouvoirs et son aspect physique. Il s'était donc terré dans sa chambre.
Même pour l'enterrement, il avait été incapable d'avoir un physique tout à fait normal. Ses crocs étaient acérés. Et il lui fallait toute son attention pour ne pas que les crépitements qui traversent sa peau le transforment en loup contre son gré. Teddy avait du mal à croire qu'il avait bien des pouvoirs. Son lui du passé aurait été extatique à cette idée mais en cet instant, il ne ressentait que de la crainte et de la honte.
Si la prophétie dont avait parlé Harry était vraie, il devrait arrêter Fenrir. Teddy en avait déjà le tournis.
Il avait été difficile de trouver un accord entre les Aurors et les loups. En effet, l'équipe du Ministère et le Conseil des loups-garous voulaient interroger et emprisonner le sous-fifre qui avait été capturé par Ron. Teddy n'avait pas suivi toutes les négociations mais des représentants du Conseil des loups et l'équipe de Ron se trouvaient à présent tous dans une salle du Conseil des Loups de Londres. La pièce circulaire était semblable à un tribunal.
Les chefs de meute ne souhaitant pas s'éloigner de leurs petits à cause des agissements flous de Fenrir avait envoyé leurs betas. Il y avait donc majoritairement des personnes ayant assisté aux jeux avortés et au carnage. On avait accordé à Teddy, Henri et Jane le droit d'assister à la cérémonie car ils étaient liés à cette prophétie étrange. David et la protégée de Maria, nouvelle Omega de la meute, avait aussi été conviés. Pour remplacer Maria et surtout parce que la meute de Timothy était pour l'instant sans réel Alpha successeur.
Être entouré de tous ces Anciens angoissait Teddy. Et ce, même s'il savait que Ron, Hermione et Harry seraient forcément de son côté. Il tentait de porter toute son attention sur la discussion malgré son esprit en vrac.
« Comme je l'ai expliqué, notre équipe est certaine qu'un ancien mangemort est en collaboration avec Fenrir et sa meute. C'est lui qui est responsable de toutes les attaques isolées. Et surtout, sa meute est composée de membres de nos communautés. Il y a des chances que comme Albion, les autres loups de sa meute soient des cracmols. » expliqua Ron.
— Comment pouvez-vous en être certains ? s'agaça l'un des membres du Conseil des loups. Pourquoi ce ne serait pas tous des sorciers enrolés de leur plein gré ?
— D'après les divers témoignages que nous avons reçus, la meute de Fenrir s'éleverait à une soixantaine de loups. C'est environ un peu moins de la moitié des cracmols disparus mais cela pourrait correspondre, expliqua Hermione.
— Quoi qu'il arrive. Si nous en capturons, nous les jugerons selon la loi des loups, déclara l'un des membres.
— Pas avant qu'il ne passe par le Ministère, réagit Ron. Le Conseil des Sorciers n'acceptera de lever des fonds que si l'on retrouve les Cracmols et que leur famille ont des réponses.
— Ce genre d'actes abjects ne peut être résolu que par la mort ! s'écria le lycanthrope le plus âgé de la discussion.
— Pas selon le code sorcier, répondit Seamus Finnigan.
— Votre code a maltraité notre espèce pendant des générations donc vous savez où vous pouvez vous le mettre ! rétorqua un autre.
— On vous aidera à tuer Fenrir et même le sorcier qui l'aide si vous nous permettez que les cracmols puissent revoir leur famille, déclara Harry soudainement. Et si leur sentence pouvait ne pas se solder de manière si abrupte. »
Teddy sentit Jane se tendre à la demande de son parrain. Visiblement, elle ne semblait pas d'accord avec cette proposition.
« Une de nos sorcières a fait une prophétie concernant cette guerre et nous nous doutons que les trois jeunes gens si présents sont concernés. Si vous acceptez notre requête, nous pourrons lever plus de forces sorcières pour vous aider à attraper plus rapidement Fenrir Greyback pour de bon. » ajouta Hermione avec un aplomb et une assurance qui forçait le respect.
Il y eut une concertation qui dura une dizaine de minutes avant que l'un des représentants au teint hâlé ne prenne la parole.
« Nous acceptons la requête à condition que vous passiez un pacte spécial avec la louve Omega de la meute de Richard pour protéger notre peuple. Nous voulons également que Jane Smith et Henri Brown aient accès à la prophétie. Il est hors de questions que seuls des sorciers aient une main-mise sur ce que le Destin a placé sur notre route.
— Nous acceptons cette requête, déclara Ron après un temps. Nous prendrons toutes les dispositions pour organiser l'arrivée de madame Smith et monsieur Brown le plus tôt possible. »
Teddy ne savait pas comment ses proches feraient pour déjouer les règles de la salle de Mystères en faisant pénétrer plusieurs créatures à l'intérieur. Mais pour être honnête, c'était pour l'instant le cadet de ses soucis. Toute son attention était portée par ce qui les attendait de manière inexorable. L'interrogatoire d'Albion Walker , l'un des cracmols capturé sur le champs de bataille par oncle Ron.
Toute la salle se tut lorsqu'un garde de deux mètres fit pénétrer le jeune homme. Albion entra dans la pièce, une chaîne magique autour du cou et de ses poignets. Ses yeux bleus clairs étaient teintés d'une haine indifférente alors qu'il avançait. Son corps anguleux et puissant semblaient recéler une puissance insoupçonnée. Il mettait mal à l'aise Teddy et plus il s'approchait, plus son odeur lui était familière. Son loup le considérait comme un frère de meute. Lorsqu'il croisa son regard, Albion lui lança un sourire mauvais qui le fit frissonner.
« Albion, vous êtes interrogé aujourd'hui en raison de votre participation à l'attaque de la meute de Timothy Smith, commença l'Alpha le plus âgé du Conseil.
— C'est donc mon procès qui commence… ricana le prisonnier.
— Vous feriez mieux de rester sérieux si vous voulez pouvoir revoir votre famille, lui conseilla Ron, sur les nerfs.
— Qui a dit que j'en avais envie ?
— Monsieur, êtes-vous bien un membre de la meute de Fenrir ?
— Oui. Comme Teddy, juste là. » déclara-t-il en le désignant.
Le concerné se tendit à son interpellation. D'où connaissait-il son nom ?
« Depuis quand êtes-vous un loup-garou et pourquoi ne vous êtes vous pas manifesté auprès du Conseil pour vous recenser ?
— Depuis un an. Fenrir m'a kidnappé près de chez moi et il m'a fait passé des épreuves avant de me transformer. je connais rien à toute votre histoire de législation. Mon Alpha n'a pas jugé que c'était utile de m'en parler.
— Quel genre d'épreuves ? » coupa Ron.
Albion sourit avec sarcasme et se mit à détailler des histoires de torture horrible: arrachage d'ongles, violences physiques, verbales, course contre la mort, tentatives de noyade. Il en parlait avec tant de détachement que c'en était presque aussi effrayant. Un silence de mort traversa l'assemblée et le membre chef dût l'arrêter dans sa lancée.
« Vous deviez donc passer toutes ces épreuves pour qu'il choisisse si vous méritiez de rester en vie ? demanda Ron.
— De devenir un loup-garou de sa meute oui.
— Combien de cracmols sont morts lors du processus ? questionna Hermione.
— Quarante. »
Le coup était dur. Presque la moitié des disparus étaient morts et si Teddy se fiaient à ses visions, ils avaient été déchiquetés et dévorés. Il n'y aurait aucun corps à enterrer ou à rendre aux familles.
« Vous avez déjà participé à ses agissements ?
— Comme tous les loups encore en vie…
— Y avez-vous pris du plaisir ?
— Je ne saurais dire. Vous savez quand on est loup, ce n'est pas toujours facile de faire la différence.
— Pourquoi avez vous décidé de répondre avec autant de facilité ?
— Je veux bien que vous arrêtiez Fenrir. C'est pas l'Alpha le plus fun du monde et puis… ça me dérangerait pas de prendre sa place. Je serais plus docile et accepterait même de me recenser et faire tout le bordel dont vous parler…expliqua Albion en frottant son menton contre son tee-shirt gris.
— Quel est l'objectif de Fenrir ?
— Je vous le dirais que si vous m'assurez que je pourrais devenir le chef de la meute à sa mort.
— Pourquoi ne pas l'avoir tué directement si c'est ce que vous désiriez ?
— Je ne pouvais pas ! Son influence d'Alpha est trop puissante. Et puis je suis pas le successeur direct s'il crève. C'est ce Lupin. »
Cette vérité eut l'effet d'une bombe dans l'assemblée et tous se tournèrent vers Edward. Toute cette attention l'angoissa et il vit flou une fraction de secondes. Lui, le bêta officiel de Fenrir ? Il était relié à ce monstre par le sang et plus il se plongeait dans ses pouvoirs et à l'intérieur de lui, plus Teddy pouvait cartographier les êtres et esprits de cette meute qui lui était jusque là étrangère. Cela n'avait pas de sens. Si Fenrir mourait, il deviendrait donc l'Alpha de sa meute officielle. À moins que Fenrir abdique, chose impossible.
« Nous tuerons Fenrir, déclara Ron. Pour cette histoire d'Alpha, vous devrez vous entretenir avec Edward Lupin directement. Vous pourrez même revoir votre famille qui vous cherche.
— Je suis okay dans ce cas, répondit Albion, ravi. Pour mes parents, vous pouvez leur dire que je suis en vie. Mais j'ai pas besoin de les voir. Ils m'ont jamais aimé avant cette histoire. Pas besoin qu'il se rachète une conduite ! ricana-t-il.
— Quels sont les objectifs de Fenrir ? » demanda Ron après un temps.
Son odeur laissait transparaitre son trouble et la tristesse ténue qu'il ressentait.
« Il veut se venger de sa défaite lors de la quatrième guerre des loups. Mais il veut surtout l'immortalité et créer une meute avec des pouvoirs magiques. C'est pour ça qu'il veut des cracmols. C'est plus simple pour ses expériences.
— Comment compte-t-il si prendre pour cette histoire d'immortalité ? demanda Harry, alarmé.
— Il parle de trouver la corne d'argent pour cacher un morceau de son âme dedans. Le sorcier chelou qui l'épaule a dit qu'il l'aiderait. »
La corne d'argent n'était-elle pas un mythe ? Teddy n'eut pas le temps d'y réfléchir car Albion était ramené dans sa cellule .Il y avait donc plusieurs objectifs qui se dessinaient déjà. Consulter de nouveau toute la prophétie, retrouver les traces de la meute de Fenrir. Et Teddy, Jane et Henri devraient trouver la corne d'argent que Fenrir voulait utiliser pour y conserver son âme. Et il serait préférable qu'il le fasse avant que deux cycles de la Lune n'ait lieu. Plus ils attendaient, plus la meute de Timothy, défaite par Fenrir serait liée de manière indubitable à sa meute. Teddy le sentait. Certains des petits louveteaux hébergés chez Harry étaient au bord du gouffre. Leur âme commençait déjà à apparaitre dans les liens mentaux liant les loups de la meute enragée de Fenrir. Et Teddy n'était pas certain que leur corps et leur esprit chétifs pourraient le supporter.
La situation était catastrophique et plus il y repensait, moins il trouvait que la tâche était réalisable. À la sortie du Conseil, Jane refusa de le toucher et Henri évita son regard. Ses amis semblaient se détourner de lui et Teddy en aurait été presque paniqué si ses pouvoirs ne lui avaient pas échappé et qu'il n'avait pas été obligé de se cacher pour ne pas tout saccager.
Les ombres avaient saccagé le restaurant de sa famille. Elles avaient laissé leurs traces macabres sur le mobilier et la panique commençait à se répandre dans l'esprit d'Ayaba. Les mots du Roi lui revinrent en mémoire. On était qu'au lendemain de la chute de la Reine. Le frère de Grace et son ami se remettaient à peine de leur noyade avortée. Et personne ne savait comment échapper aux ombres. Tous les sorciers qui le pouvaient avaient le droit de quitter le pays. Ce mal rattaché à un seul nom, Fatumbi, les guettaient tous.
La peur s'insinuait dans l'esprit d'Ayaba alors qu'elle aidait son oncle et sa tante à ramasser les débris au sol. Si Omilaye et Oyeniran ne s'étaient pas mise à utiliser la magie pour réparer les sièges, Ayaba aurait oublié qu'elle était dotée de pouvoirs. En sortant la baguette à l'intérieur de sa robe, la jeune sorcière se rendit compte qu'elle s'était trompée. Elle avait pris la baguette d'Edward et même si elle pouvait l'utiliser, ce n'était pas la sienne. Comme une idiote, elle fixa le bout de bois durant un instant incommensurable. Tout allait trop vite. Sa vie était secouée dans tous les sens et Ayaba n'avait pas de plan. Pas de plan pour ne pas avoir l'impression de couler.
Les sentiments de peur, de craintes et les cris qui l'assaillaient dans sa tête étaient ceux d'Edward mais elle se mêlaient à sa propre angoisse. Elle n'arrivait plus à faire la différence. Que se passerait-il si sa famille finissait par s'effondrer comme la reine ? S'ils n'arrêtaient pas cette Fatumbi, cette âme qui n'avait pas trouvé le repos, que deviendraient-ils ?
« Ayaba ?
— Oui…? répondit-elle brusquement
— Tu aides ou pas ? demanda son oncle , soucieux et agacé.
— Oui… Je vais vous aider. »
Ayaba n'aurait jamais penser que le sort "Reparo" puisse être aussi salvateur. Ils passèrent toute la soirée à nettoyer les traces de magie noire et à réparer le restaurant.
Ses parents avaient bien reçus le message envoyé par la cour aux membres de la diaspora. Et sa mère, angoissée, l'avait appelée sans une once d'hésitation. Même si son père et sa grand-mère n'étaient pas forcément d'accord, elle préférait qu'Ayaba passe le reste de son été en Angleterre.
Ayaba hésitait. Ce n'était pas ce qu'elle avait imaginé pour ses vacances et elle voulait passer du temps avec son amie Grace. C'était censé être leur premier été en tant qu'adultes avec de nouvelles libertés. Pourtant, elles avaient toutes les deux étaient prises d'assaut par la réalité traîtresse. Ayaba ne voulait pas laisser ses cousines non plus. Elle aurait l'impression de les abandonner à leur sort. Sauf qu'il pouvait aussi arriver quelque chose à ses parents. Elle ne savait pas jusqu'où ses ombres pouvaient aller, ni ce qu'elles pourchasseraient.
Pour la troisième fois, Ayaba tenta de réparer le chandelier magique de sa tante qui ne retrouvait jamais l'agencement lumineux qu'il avait avant sa chute.
« Tu devrais laisser tomber. C'est un chandelier fait dans le monde des sirènes avec des pierres de larmes des hommes, soupira sa tante alors que la Lune finissait par apparaitre dans le ciel bleu nuit.
— C'est vraiment impossible ?
— À moins que tu ne trouves plus d'une centaine de larmes pour en faire des cristaux.
— C'est sans doute pas si difficile, s'amusa tristement Ayaba.
— C'est vrai. Mais il faut la force et la maîtrise pour en faire de belles pierres. Je retournerais sous la mer, ne t'en fais pas.» déclara-t-elle en se saisissant délicatement du chandelier pour le ranger.
Ayaba prit les débris avec elle et elles se dirigèrent ensemble jusqu'à la pièce qui servait de débarras. Le désordre était tel que la famille utilisait un charme pour la fermer. Ayaba n'avait jamais réussi à comprendre comment chacun faisait pour ne pas finir noyer sous cet océan d'objets à chaque fois qu'il mettait un pied à l'intérieur.
Le chandelier trouva sa place entre une pile de livres niveau élémentaire et un vieux lecteur cassette.
Lorsqu'elle sortirent toutes les deux, Ayaba fut surprise d'entendre la voix sérieuse de sa tante, silencieuse jusqu'ici:
« Je t'ai entendu discuter avec ta mère. Tu sais ce que tu vas faire ?
— Je ne sais pas trop…
— Si tu décides de partir ou rester, on ne t'en voudra pas… Juste n'oublie jamais d'où tu viens Ayaba, comme nous te l'avons appris.
— Tata, pourquoi tu dis ça comme si je ne pourrais jamais remettre les pieds ici ? demanda-t-elle, un peu alarmée.
— Je préfère te le dire avant qu'il n'arrive quoi que ce soit. On ne sait pas de quoi est fait demain ma chérie. » lui répondit sa tante avec un sourire qui se voulait rassurant.
Ayaba la trouvait fatiguée. Ses bijoux étaient mis de travers pour la première fois. Dans un geste presqu'inconscient, elle remit en place sa boucle d'oreille droite qui se tortillait sur elle-même. Cela amusa tante Ayo qui déclara qu'au moins, une de ses enfants s'intéressait à ce genre de détails. Puis elle lui proposa de partager une pastèque ensemble. Ayaba était fatiguée mais Omilaye et Oyeniran étaient déjà parties se coucher. Et elle avait l'impression que sa tante avait besoin d'être accompagnée. Ayaba se trouva dans l'incapacité de refuser et accepta. Leur discussion avait été compartimentée dans un coin de son esprit alors qu'elle partageait ce fruit avec sa deuxième mère, au creux de la nuit.
Dormir lui avait semblé impossible. La Lune éclairait trop sa chambre. Malgré elle, Ayaba fut obligée de penser à Edward. Elle n'entendait plus de hurlement dans sa tête mais elle se sentait fébrile. Une force à l'intérieur de son âme, de son coeur lui sussurait de retrouver son âme-sœur malgré le danger. Ayaba sentait qu'il n'allait pas bien. Les rêves d'Ayaba se teintaient d'ombres et de sang.
Incapable de trouver le sommeil, elle décida d'aller dans la petite cour familiale. L'eau de leur source était translucide et brillait dans l'obscurité. Ayaba soupira et se mit à fixer les constellations, pensive. Ses mains furent prises de quelques éclats magiques et lui démangèrent mais elle préféra les ignorer pour se concentrer sur les étoiles.
Il ne faisait pas très froid. Le ciel était dégagé et on ne pouvait jamais voir depuis Londres de ciel si beau. Dévorée par les astres, Ayaba fit danser son regard à travers les constellations qu'elle connaissait mal. Malheureusement, le peu de cours d'Astronomie qu'elle avait reçu de Famuyiwa étaient perdus quelque part dans sa mémoire. Les seules constellations qu'elle était capable de reconnaître étaient les deux ours et celle du chien. Elle était incapable de les voir d'ici et Ayaba ne savait pas si elle devait ressentir du soulagement ou de la peine à cette idée. Que voyait Edward en cette soirée d'été ? Car Ayaba était certaine qu'il regardait le ciel avant de se coucher. Il en était impossible autrement. Si la Lune attirait autant le loup , elle devait être la maitresse de son existence.
Ayaba fut sortie de ses tergiversations par l'arrivée de Famuyiwa. Sa cousine entra dans la cour si précipitamment et avec une expression si soucieuse qu'elle l'effraya presque. Elle n'avait pas l'habitude de voir de telles émotions la traverser. Ayaba apercevait-elle de la douleur ou de la peine ou n'était-ce que le fruit de son imagination tourmentée ?
Ayaba lui demanda si ça allait et Famuyiwa lui répondit avec l'assurance et la douceur qui la caractérisaient si bien. Lorsque Famuyiwa lui dit de ne pas s'inquiéter pour elle, Ayaba ressentit une recrudescence de questionnements boueux. Elle aimerait bien être aussi forte qu'elle. Ayaba lui avoua avec facilité qu'elle craignait de revoir Edward. Et pas une fois, Famu ne la jugea. D'une seule compression sur son épaule, la prêtresse avait réussi à diminuer ses angoisses. Sa douceur compréhensive lui apportait un soulagement indicible. Néanmoins, il y avait toujours cette petite voix dans sa tête qui l'effrayait. Ayaba ne pouvait pas se reposer sur elle constamment, n'est-ce pas ?
Prise dans toutes ces intrigues amoureuses ridicules, elle n'avait pas vraiment eu le temps de s'enquérir de la santé de sa cousine. Elle aussi, tous ses plans avaient été mis entre parenthèses au profit de cette menace étrange. Elle faisait partie de l'équipe en charge d'attraper Fatumbi après tout. Comment la plus âgée faisait pour rester aussi solide alors qu'Ayaba avait l'impression de ployer face aux intempéries de sa vie ?
Après la réunion du Conseil des loups, Ron et Seamus avaient passé toute la journée à Londres à interroger Albion pour retrouver les identités des disparus.
De leur côté, Harry, Hermione et Draco étaient retournés en Ecosse avec les plus jeunes. Ron leur avait laissé les derniers dossiers de mangemorts et leurs déplacements à analyser pour resserrer la liste des principaux sorciers suspectés de collaborer avec Fenrir. Ils avaient donc passé le reste de leur soirée à trier des documents, à se poser des questions et à éliminer les pistes les moins probables.
Harry était énervé. Dire que ce Fenrir voulait se la jouer à la Voldemort en créant une sorte d'horcruxe ! Il avait l'impression que la vie avait tendance à bien trop jouer avec ses nerfs. La guerre écrasait à nouveau leur vie et Teddy et ses amis l'inquiétaient. Il n'avait pas besoin d'être devin pour remarquer que leurs relations s'étaient tendues depuis l'horrible bataille. Harry n'avait pas vraiment eu le temps de parler à Teddy de ses ressentis et de toute cette histoire car les loups étaient partis faire un premier état des lieux de leur village caché.
Lorsqu'ils étaient entrés, ils avaient à peine mangé et s'étaient terré dans leur chambre. La maison s'était modifié pour permettre d'accueillir les rescapés. Elle avait triplé de volumes. Une multitude de nouvelles pièces étaient apparues et d'anciennes avaient disparu pour laisser plus de place et conserver l'intimité des lieux.
La nuit venait de tomber. Hermione, Harry et Draco avaient réussi à rétrécir la pile d'un tiers. Cela avait surpris Harry d'observer à quel point Draco et Hermione travaillaient ensemble avec efficacité et facilité. Personne n'aurait pu croire que c'était la première fois qu'ils se retrouvaient sur la même affaire. Harry n'aurait pas dû attendre moins de deux têtes de promotion et rats de bibliothèque.
Plongé dans leurs recherches, ce fut le retour de la bande de loups qui leur avaient permis de se rendre compte de l'heure tardive. Harry avait donc fait des sandwichs pour tous, doutant des capacités culinaires de Hermione. Draco ne savait pas se servir de ses mains pour cuisiner. Harry avait toujours trouvé cela étrange dans la mesure où les potions n'étaient qu'une sorte de préparaition beaucoup plus longue.
Ils avaient donc dévoré les sandwichs préparés avec soin. Puis Harry était parti faire un tour du côté des petits louveteaux réunis dans un dortoir. Lorsqu'il revint dans son bureau, il retrouva Draco et Hermione endormis sur leur fauteuil respectif.
Amusé, Harry se saisit des assiettes pour les téléporter dans le lave-vaisselle. Puis il se demanda qui est-ce qu'il devrait déplacer en premier.
D'un côté, Draco s'était déjà endormi plusieurs fois sur le canapé de son salon ou les fauteuils dans son bureau sans se réveiller. De l'autre, Hermione était du genre à tellement bouger dans son sommeil que Harry était certain qu'elle pourrait s'écraser au sol et se réveiller à cause de la douleur. Il se décida donc à transporter sa meilleure amie vers la chambre qu'elle devait partager avec Ron.
Lorsqu'il s'approcha d'elle pour la soulever, Hermione fronça les sourcils, prête à ouvrir les yeux puis se replongea dans son sommeil en sentant la caresse familière de son ami sur sa tempe. Harry passa l'un de ses bras sous ses genoux pour la porter. Il fut destabilisé quelques instants par son poids qu'il avait oublié. Il était certain que si elle avait été réveillée, Hermione se serait plainte de gêne et Ron aurait éclaté de rire.
Harry sortit de la pièce en espérant que tous les chamboulements opérés par la maison n'auraient pas d'impact sur la chambre de ses amis. Dès qu'il emprunta le couloir magique, il tomba sur Ron la main sur la poignée d'une des nombreuses chambres. Il semblait épuisé. Cela était sans doute liée aux annonces qu'il avait dû faire aux familles des victimes. À cette certitude lourde de ne pouvoir les sauver. Harry avait été auror. Il connaissait cette douleur lancinante. Son coeur fit une embardée du fait de la simple présence de Ron. Il laissa échapper ces mots sans même réfléchir:
« C'est celle de Draco.
— Ah… Je savais pas qu'il avait sa propre chambre. » répondit Ron sur la réserve.
Harry crut apercevoir une pointe d'amertume dans sa voix. L'affaissement de ses épaules larges et cette inflexion n'avaient jamais vraiment changé. Ron avait juste appris à mieux les gérer pour ne pas exploser tel un ouragan. La jalousie de Ron était ainsi. Elle avait un côté agaçant, farouche mais à cet instant Harry n'avait pas la force de lui en vouloir. Les critiques de Ron lors de leur dispute tournaient en boucles dans la tête de Harry. Et même s'ils avaient été tous les deux dans des excès, tout leur désaccord n'était pas à jeter à la poubelle. Harry ne lui avait jamais parlé de sa relation confuse avec Draco et encore moins de cette chambre qui ne disparaissait pas.
Depuis combien de temps Harry n'avait-il pas été honnête et entier avec Ron ? Pourquoi n'avait-il jamais pu s'ouvrir à nouveau après la disparition de Ginny ? Que restait-il de leur amitié ? Est-ce que tout ce qu'ils avaient traversé finiraient par ne faire partie que d'un passé insubstansible ?
Ron était l'ancre de son existence.
Sa vie pouvait facilement se diviser en deux parties : celle avant et après l'apparition de ce garçon qui avait tout bousculé dans son monde étroit et sans espoir. Ron lui avait sauvé la vie. Et Harry pesait ses mots. Il ne savait ce qu'il serait devenu si Ron ne s'était pas assis en face de lui dans cette cabine de train. À cette époque, Harry espérait avec une telle force que la magie pourrait le sauver. Elle l'avait sauvé en lui permettant d'échapper à sa vie broyée mais c'était Ron et son sourire qui lui avait permis de trouver quelque chose qui comptait vraiment : l'amitié. Sans elle, Harry aurait pu devenir une personne horrible. Il le sentait au fond de lui. Que serait sa vie si Ron n'avait pas été là ? Il aurait sans doute fini par haïr ce monde, par vouloir détruire toutes les personnes à l'intérieur sans se soucier de leur intégrité.
De lui-même, Harry n'était pas certain qu'il aurait réellement pu croire qu'il était possible d'aimer, de chérir et d'être aimé par des personnes qui comptaient vraiment. C'était Ron qui lui avait appris tout ça. C'était lui qui l'avait introduit dans sa famille comme un frère. Et il lui avait offert ses plus beaux cadeaux d'anniversaire. Et malgré sa maladresse, sa lourdeur et son caractère de feu, il avait continué d'illuminer sa vie encore et encore.
Harry ne voulait pas le perdre malgré leur dispute, malgré leur éloignement. Ils devaient pouvoir recoller les morceaux de leur amitié.
« Je suis désolé. » déclarèrent-ils en choeur.
Les deux amis se stoppèrent, figés par la surprise et le soulagement. Et Ron brisa le silence avec un sourire qui toujours réchauffait le cœur de Harry.
« On a beaucoup à se dire, déclara-t-il.
— Et on ne peut définitivement pas laisser Hermione comme ça, ajouta Harry.
— C'est vrai. Elle pourrait tomber par terre à n'importe quel moment. » s'amusa Ron en ouvrant la porte de leur chambre.
Harry déposa avec douceur Hermione sur le grand lit double tandis que Ron se chargeait de la déchausser et de la changer en pyjama avec un Multicorfors. Après s'être assurés qu'elle était à l'aise et l'avoir recouverte d'un duvet, les deux amis fixèrent Hermione dans un réflexe presque pavlovien pour ne pas se faire face. C'était comme si elle pouvait leur insuffler de la sagesse dans son sommeil. Sa présence était rassurante et Harry perdit son attention dans la caresse de Ron sur le front recouvert de boucles éparses de Hermione.
« Je voulais te dire que… Même si je ne suis toujours pas d'accord avec ce que tu as fait à Teddy… Que j'aiderais du mieux que je peux… Il… Il n'a pas vraiment le choix… Mais je t'en veux encore….
— Je n'attends pas vraiment que tu me pardonnes pour ça. Je sais que ce n'était pas forcément juste ce que j'ai fait. Mais je ne regrette rien, déclara Ron sans quitter des yeux sa femme.
— Ouais… Par contre j'aurais pas dû te dire ce que je t'ai dit c'était injuste…
— Moins que moi, le coupa Ron en le fixant enfin avec ses yeux, si clairs même dans la pénombre. Je suis vraiment désolé. Je n'aurais pas dû te dire ça. Mione m'a toujours dit que je devais t'avouer tout ce que j'avais sur le coeur. Ne pas laisser ça couler mais ça ne justifie rien. Je… Tu me manques. »
Son aveu bouleversa Harry. Avec ses simples mots, la dure réalité s'engouffra à l'intérieur de lui et cette émotion diffuse et dure qui le saisissait lorsqu'ils étaient ensemble prenaient enfin tout son sens. Dans cette pile de souvenirs, de doutes, de regrets, sous ce manteau d'angoisses qui recouvraient leur relation se cachait ce sentiment implacable et douloureux. Son meilleur ami lui manquait. Et il voulait raviver ce lien qui les unissait. Harry ne voulait plus le voir s'étioler.
« Tu es mon frère Ron. Tu sais ça ? murmura Harry, la bouche sèche.
— Oui. C'est pour ça que je ne veux plus qu'aucune douleur ne nous sépare comme ça. Jamais plus. Je ne veux plus qu'on affronte nos vies seuls.
— On peut reconstruire notre amitié, pas vrai ?
— J'en ai envie. Et j'y crois si tu y crois aussi…
— J'y crois. »
Ron saisit sa main dans la sienne et Harry entreprit des mouvements circulaire du dos de son poing, angoissé. Malgré lui, ses yeux se portèrent sur l'horloge de la pièce. Il était cinq minutes avant minuit.
« Tu n'as jamais vraiment eu de chance le jour de ton anniv, fit remarque Ron en baillant.
— Laisse tomber. C'est une malédiction à ce stade. Pourtant chaque année, les enfants essaient de faire un effort. L'année dernière, c'était la Pleine Lune et Teddy a failli casser la barrière de la maison à cause de son instabilité.
— C'était avec l'histoire de gnomes infilitrés dans le village ? demanda Ron perplexe.
— Non. C'était il y a deux ans dans son ancien lycée cette histoire… Bref, les créatures ont toujours des problèmes de toute façon. » balaya Harry d'un revers de main avant de s'apprêter à sortir. Je vais vous laisser, bonne nuit.
Il fut arrêté par la poigne de Ron.
« On devrait commencer cette résolution maintenant, tu ne crois pas ? souffla-t-il les yeux humides.
— Je…
— Ce n'est pas facile d'affronter ça tout seul. Et… Je n'ai pas envie de réveiller Hermione encore…avoua-Ron.
— Je pourrais venir cette année au cimetière avec tout le monde… Mais je ne sais pas si je peux…
— Tu pourras toujours. » déclara Ron en lui ouvrant grand ses bras.
Être enlacé par Ron lui rappelait indubitablement Ginny. Le cerveau de Harry les avaient tant liés l'un à l'autre qu'il avait fini par faire cette association. Il n'avait plus osé se perdre dans l'étreinte de Ron depuis sa disparition . Depuis son étiolement, Harry évitait de le serrer dans ses bras par peur de perdre le contrôle et faire quelque chose qu'il regretterait. Comme tenter de retrouver vainement Ginny à travers cet ami qui pleurait la perte de sa sœur. Harry n'avait pas voulu que ce désir tordu apparu à la mort de sa femme ne détruise cette amitié si chère pour lui. Alors il s'était renfermé. Il n'avait plus voulu recevoir la moindre tendresse de Ron malgré la proximité platonique qu'ils avaient toujours eus ensemble. Plus jamais il n'avait partagé une couche avec ses deux meilleurs amis. Après toutes ces années, pouvait-il retrouver toute cette affection physique sans se détruire ?
Il fixa Ron et ses yeux ciel qui lui suppliaient presque de le rejoindre dans cette étreinte. Et Harry saisit sa main en jetant ses hésitations au placard comme lorsqu'il avait sauté dans le vide pour embarquer avec lui dans sa voiture volante. Ses bras forts l'enlacèrent et ils tombèrent tous les deux sur le matelas. L'odeur de ses deux meilleurs amis l'envahirent et Hermione se retourna pour enlacer sa taille dans son sommeil, attrapant le bras de Ron au passage. En sandwich entre eux, Harry cala sa respiration à celle de Ron qui l'écrasait presque contre sa poitrine, soulagé. L'horloge sonna minuit. Il sentit de l'humidité sur le haut de son crâne et Harry ne put retenir les larmes silencieuses qui glissèrent sur ses joues.
Il n'avait pas pleurer ainsi depuis longtemps. C'était un mélange étrange de colère, de tristesse et de soulagement à l'idée de ne pas se sentir sombrer avec autant de force qu'auparavant.
« Joyeux anniversaire Harry. » chuchota Ron.
On était cinq jours après l'affreuse attaque. C'était le 31 juillet. Le jour de la mort de Ginny.
Lily avait réussi à dormir d'un sommeil agité qui n'avait rien eu de réparateur. Jane ne l'avait pas rejointe de toute la nuit. La louve d'était emprisonnée dans sa chambre sans sortir. Lily avait entendu ses grognements inhumains, sa rage ainsi que le fracas tous les objets qu'elle avait jetés au sol. Jane ne s'était pas calmée de la nuit. Et elle n'était pas monter sur son lit de fortune pour que Lily la serre fort et puisse la bercer malgré la douleur. Jane avait décidé d'affronter cette catastrophe toute seule. Et Lily ne s'était jamais sentie aussi inutile. Elle n'était pas une âme-soeur comme Rachel qui avait réussi à calmer Henri par un simple toucher. Elle n'avait pas des pouvoirs comme Albus qui pouvait soigner ou rafistoler n'importe qui d'un coup de baguette magique. Lily n'avait pas de pouvoirs pour aider Jane à traverser cette épreuve. Et elle n'avait pas la force de rentrer avec son pistolet dans une main prête à serrer la forme sauvage de Jane. Malgré son amour, Lily savait que dans cet état, son amoureuse pourrait la tuer d'un seul coup de patte.
Les loups-garous étaient beaux mais même les plus sereins d'entre-eux pouvaient devenir des créatures instables. C'était ce qu'il se passait alors que la meute de Timothy était écrasée, disloquée, reliée à Fenrir malgré elle. C'était ce qui se produisait alors que certains criaient et pleuraient leurs morts. Alors que certains visages qu'elle connaissait de vue n'étaient plus et que d'autres perdaient peu à peu la face. Teddy était resté enfermé dans sa chambre, ses pouvoirs hors de contrôle s'échappant de lui. Et Lily ne comprenait pas pourquoi il n'appelait pas son âme-sœur.
Dans toute cette cacophonie, elle-même ne comprenait pas pourquoi elle n'avait pas accepté d'être une louve pour soutenir Jane. Puis elle ressentait la chaleur de James, endormi sur le même matelas gonflable qu'elle et Lily se souvenait pourquoi. Même cernée de créatures magiques et de sorciers, jamais Lily n'avait voulu abandonner son statut d'humaine. Elle ne voulait pas prendre le risque de mourir lors de sa transformation de louve. Même si elle aimait Jane, Lily ne voulait pas être à ses côtés ainsi. Lily s'était toujours promis que quoi qu'il lui arrivait, elle resterait toujours aux côtés de James. Car son jumeau la protégeait comme elle le protégeait. Et Lily voulait finir sa vie avec lui en tant qu'humaine même si son existence était plus courte, même si un mur existerait toujours entre ses proches et elle.
Treize ans auparavant
Papa était mort. Il était mort d'une manière bête. Il avait encore trop bu sauf que cette fois, il ne s'était pas réveillé. Lorsque Lily avait touché sa main, elle avait été froide. Et ses yeux fixés sur elle. Vides. Elle avait eu peur. Elle avait crié. Et c'était James qui avait appelé les pompiers, en cachant ses bras dans un grand tee-shirt.
Si Papa était mort et qu'il ne reviendrait pas, peut-être que Maman se déciderait à les chercher. Elle les sortirait de ce placard et repartirait avec eux. C'était ce que Lily avait espéré même si elle ne se souvenait plus que de ses yeux verts comme les siens. Maman était partie trop tôt pour faire "la pute" si Lily utilisait les mots de Papa.
Son Papi et sa mamie étaient morts lors de leur accident de voiture. James et Lily Dursley étaient donc seuls au monde.
Et Lily avait eu peur qu'ils ne soient séparés. Surtout lorsque la dame qui s'occupait d'eux avait vu le placard et les marques bleues sur ses bras et ceux de son frère.
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Lily avait pensé que Harry Potter n'était qu'une illusion. Elle avait déjà entendu son père en parler lorsqu'il les enfermaient dans le placard quand ils faisaient trop de bruits. Mais elle avait pensé que ce monsieur n'avait jamais existé.
Il n'avait pas l'air content d'être là, ni de parler avec la dame du centre pour enfants. Lily ne comprenait pas tout mais elle savait qu'il parlait d'eux. "Maltraitance", "Seule famille", "Séparation". Au cours de la discussion, la dame rousse qui accompagnait le monsieur essaya de toucher James mais il se mit à hurler et à s'énerver. Lily comprenait un peu. James était fâché et elle aussi. Même si elle ne le montrait pas, elle ne voulait pas être séparé de lui. Est-ce que si elle se montrait sage, ce Monsieur Potter accepterait de les prendre tous les deux ?
Lily essaya de tenir la main de l'adulte avant son départ mais il se déroba si vite qu'elle n'en eut pas l'occasion. Le monsieur l'avait regardé avec peur et dégoût. Et elle avait pensé que c'était fichu pour eux.
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Trois jours plus tard, Monsieur Potter était revenu avec sa femme. Ils leur avaient annoncé qu'ils les prendraient avec eux. Lily avait été soulagée. Elle ne serait pas séparée de James. Même s'il ne disait rien et faisait la tête, elle savait que son frère était aussi rassuré. Lily espérait juste que ces adultes ne seraient pas trop méchants et qu'ils auraient assez de cachettes dans cette nouvelle maison au cas où. Tout le trajet en voiture, c'était surtout la dame rousse qui avait fait la conversation. Elle s'appelait Ginny et les assura plusieurs fois que monsieur Potter savait conduire même s'il n'était pas très habile. Elle leur avait offert à chacun une tablette de chocolat. Sa voix était douce et enjouée. Sa main chaude alors qu'elle les avaient aidés à mettre leur ceinture. Et son sourire l'un des plus beaux qu'elle n'avait jamais vu. Lily l'avait comparé à une fée. Et elle n'avait pas pensé que vivre avec cet étrange couple changerait radicalement sa vie .
Lily devait à nouveau se vêtir en noir en moins d'une semaine d'intervalle. Mais malgré les événements terribles, elle ne s'imaginait pas ne pas se recueillir sur la tombe de la femme qui avait été la seule figure maternelle de sa vie. Pour se faire, Lily devait retourner dans sa chambre pour trouver ses habits, parler avec Jane et regarder l'étendue des dégâts à l'intérieur.
Lily n'avait aucune envie de saisir son arme mais elle ne voulait pas être blessée bêtement. Il n'y avait pas besoin de nouvelles tragédies. Alors qu'elle avançait dans le couloir, elle fut surprise de voir sa porte ouverte. Soulagée, Lily se précipita pour l'ouvrir totalement. Et son coeur se brisa.
Toute la chambre avait été mise sans dessus-dessous. Des débris de verre jonchaient le sol mais il n'y avait aucune trace de Jane. Où était-elle ? Était-elle descendue avec les membres de sa meute pour se restaurer au rez-de-chaussée ?
« Jane est partie faire du tri dans les débris du village avec Henri et plusieurs autres membres de la meute. » déclara Teddy en s'engouffrant dans la pièce.
Il portait sa chemise noire et un pantalon. Ses ongles étaient acérés et ses yeux brillaient encore d'un éclat étrange sous leur forme lupine.
« Mais vous partez cet après-midi, non ?
— Oui. Je vous déposerai au manoir Malfoy après le cimetière.
— On ne reste pas ici ? demanda Lily, abasourdie.
— Harry préfère que vous soyez dans un lieu plus sûr pour le reste de l'été, expliqua-t-il. James pourra partir chez un ami pour son travail ou faire le trajet entre les mondes sorcier et moldu au pire. Dans tous les cas, la maison a presque fini son changement de disposition pour accueillir toute la meute.
— Du coup, on doit préparer nos bagages avant d'aller voir Maman ? » demanda Albus en les rejoignant, comme une fleur.
Lily ne les écoutait déjà plus. La seule chose à laquelle elle pouvait penser, c'était que Jane ne lui avait pas dit au revoir. Elle n'avait laissé que des débris derrière elle. Elle ne l'avait pas laisser s'enquérir de son état. Lily savait qu'elle n'allait pas bien mais elle avait besoin de le voir de ses propres yeux. Son visage et son corps meurtris. Elle avait besoin que Jane lui partage ses doutes. Depuis que Lily avait accepté son amour pour elle. Non.
Depuis le début de leur amitié, Jane lui avait promis qu'elles affronteraient tout ensemble. Le monde pouvait bien ne pas les comprendre, elles devaient grandir ensemble, se battre ensemble et toujours s'enlacer. C'était l'assurance et le sourire de Jane qui lui avaient permis de quitter le placard à balai dans lequel son esprit avait été enfermé pendant des années. Lily croyait en leur amour. Elle avait accepté de jeter tous ces concepts de normalité aux oubliettes. Elle ne craignait plus le loup de Jane depuis des lustres. Elle pouvait monter sur le dos de cette louve et parcourir des montagnes et des kilomètres à ses côtés. Lily pouvait l'attendre si elle le lui demandait. Lily était capable de le faire. Elle n'était pas assez folle pour croire qu'elle pourrait se jeter dans chacune de ses batailles. Mais Lily s'était juré qu'elle protégerait et ferait toujours fleurir leur amour. Jane pouvait compter sur elle pour ça. Lily construirait cette maison, proche de sa meute mais assez éloignée pour qu'elles puissent être elles-mêmes et guérir ensemble. Jane n'était pas uniquement la fille héritière d'une meute influente. Lorsque Lily la regardait, elle voyait une fille forte, resplendissante et lumineuse.
Alors pourquoi Jane ne s'était pas retournée vers elle ? Pourquoi ne l'avait-elle pas laissé la soutenir ? Pourquoi l'avait-elle laissé derrière ? Pourquoi Jane ne la laissait-elle pas la protéger, si ce n'était pas des autres, d'elle-même ? La pensait-elle donc si faible, si inutile, si misérable ?
« Lily, tu veux que je lui demande de venir te voir ? demanda Teddy en posant sa main sur son épaule.
— Non. Elle a plus important à faire, déclara Lily alors que la colère bouillait à l'intérieur d'elle.
— Mais…
— C'est bon. Prenez soin l'un de l'autre et ne mourez pas.» invectiva-t-elle.
Lily s'avança vers son armoire. Elle fut soulagée de constater que Jane n'avait pas cassé le cadeau de Harry. La montre était toujours dans sa boîte, plus brillante que jamais. Lorsqu'elle se retourna, Albus commençait déjà à user du "Reparo" pour retaper sa chambre. Et parce qu'il était adorable, Scorpius l'épaula comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Ce tableau arracha un sourire à Lily, malgré sa douleur. Elle attrapa au vol la robe qui venait d'être rafistolée et se rendit dans la salle de bain pour s'habiller.
Lorsqu'elle rejoignit toute sa famille, elle fut surprise de trouver Harry aux côtés de Ron et Hermione pour la virée au cimetière. Habituellement, son oncle s'y rendait toujours seul. Albus et Teddy tenaient déjà la médicomage. James lui serra la main . Puis il attrapa l'épaule de Harry avant qu'ils ne transplanent. Tous ensemble.
Le Soleil ne fatiguait pas et avait décidé d'offrir ses meilleurs rayons pour la visite au cimetière. Le caveau de la famille Weasley était fleuri de mille couleurs en cette période de l'année. Il était entretenu avec soin par Molly et Arthur toutes les deux semaines, lorsqu'il passait rendre visite à leurs enfants partis trop tôt.
Toutes les têtes rousses étaient réunies pour se recueillir sur la tombe de Ginny, juste à côté de celle de Fred. Il y avait des soupirs de tristesse entrecoupés d'anecdotes amusantes sur les défunts. Harry ressentait cette entraide familiale avec un peu trop de force et d'ardeur. Il sentait l'habituelle douleur ravivée par cette journée mais aussi les traces de la guérison qui habitait tous les cœurs. Et peut-être même le sien. Sinon, il n'aurait jamais eu le courage de venir et d'observer le sourire soulagé et maternel de Molly lorsqu'elle l'avait aperçu.
Il faisait beau. Harry avait posé sur la tombe de son amour, des roses blanches et des lilas qui vinrent rejoindre la pierre fraîche. Ses enfants déposèrent à leur tour ce qu'ils désiraient puis toute la famille Weasley s'était retrouvée au Terrier. La journée n'était pas rongée d'une tristesse implacable. Ginny ne l'aurait pas désiré.
Harry trouva facilement sa place auprès de Hermione et Ron. Même s'il était épuisé par l'effort qu'il avait fourni, Harry préférait qu'Albus puisse profiter de sa grand-mère. Cela avait l'air de faire du bien à Molly d'avoir toute sa famille autour d'elle. Même si Lily et James avait plus de difficulté à se fondre dans cette petite troupe, cette visite annuelle les avait habitués à rester auprès d'une Victoire volubile.
Ils finirent par quitter la petite tribu. Molly discuta dans un coin avec Teddy, inquiète. Puis vint voir Harry :
« Je suis vraiment contente que tu sois venu Harry. Tu seras là l'année prochaine, pas vrai ?
— Je crois bien, la rassura-t-il.
— Ron ne me parle pas beaucoup de cette histoire. Je n'ai les infos qu'avec les journaux mais l'état de Teddy est quand même préoccupant. Tu es sûr que tu ne veux pas qu'on garde les enfants à la maison ? On a de la place avec Arthur.
— Ne te fais pas de soucis pour les trois. On s'est arrangés avec Draco pour qu'il reste dans son manoir. Comme ça, Albus et Scorpius pourront être ensemble.
— Tu es certain que ça ne dérange pas monsieur Malfoy ?
— Non et je leur dirai de passer faire un petit coucou à leur grand-mère préférée pendant les vacances.
— Je suis leur seule grand-mère encore en vie. Ça ne compte pas comme un vrai compliment, ronchonna Molly.
— Tu es quand même la meilleure, objecta Harry. Et pour Teddy, je te promets de tout faire pour le protéger.
— Protégez vous tous, déclara la plus vieille avant de lui asséner un énorme bisou sur la joue. Je vais quand même proposer à Albus de passer me voir. Je suis sûre qu'il n'y a rien de très intéressant dans ce manoir sinistre. Il n'aura qu'à ramener Scorpius avec lui et Lily et James par la même occasion ! Ils ont tellement grandi ! »
Harry ne tenta pas de l'arrêter, sachant pertinemment qu'on ne pouvait pas enlever une idée de la tête de Molly. Ses enfants arrivèrent enfin sur le perron. Et il put les faire transplaner jusqu'aux portes du manoir Malfoy.
La bâtisse n'avait jamais changé. Et Harry se demandait encore comment Draco faisait pour vivre dans un endroit chargés d'autant de souvenirs horribles et lourds. Le manoir n'était pas aussi terrifiant qu'à l'occupation de Voldemort mais il émanait un luxe vide d'occupants qui le mettait mal à l'aise. Contrairement à sa maison, c'étaient les habitants qui s'adaptait au manoir et pas l'inverse. Lorsqu'il sonna la cloche, Harry fut surpris de la rapidité avec laquelle Scorpius leur ouvrit la porte.
Le garçon était toujours aussi adorable et proposa tout de suite à ses invités de monter leurs bagages à l'aide d'un sort. Il eut la prévenance de ne pas trop s'attarder sur son état et se rapprocha d'Albus de manière presque imperceptible pour le soutenir dans cette journée de deuil. Dans ce hall d'entrée que Harry ne pourrait jamais oublié, il fit ses dernières recommendations à James et Lily. Et surtout à James qui devrait naviguer entre les deux mondes à cause de son travail.
« Tu es sûr de vouloir fermer le café ? demanda Lily, perplexe.
— C'est mieux ainsi. Ce n'est pas comme si les revenus du café nous était nécessaire pour vivre.»
Albus serra Harry dans ses bras avec la prévenance et la bursquerie qui le caractérisait et Lily le rejoignit sans se faire prier. James gromela dans sa barbe mais fut attiré dans l'embrassade par sa soeur. Puis ils firent aussi leurs au-revoirs à Teddy.
« Je vais vous faire visiter, déclara Scorpius.
— Ton père n'est pas là ? demanda Harry.
— Il s'occupe du jardin. » répondit-il avant d'entrainer les trois jeunes à sa suite.
Harry était donc laissé seul dans ce hall beaucoup trop grand avec Teddy. Et il n'arrivait pas à se concentrer sur son filleul qui méritait pourtant toute son attention. La seule chose à laquelle il pensait était le fait que Draco était dehors, près des fleurs. Devait-il le rejoindre ou attendre ici ? Ce fut la voix de Teddy qui le sortit de ses tergiversations :
« Harry, on a un cadeau pour toi, déclara-t-il soudainement.
— C'était pas nécessaire…
— Tu nous fais le coup chaque année. Et même si c'est bizarre, surtout avec tout ce qui se passe. Joyeux anniversaire.» lui coupa-t-il avec un sourire.
Teddy avait tant grandi. Mais il était toujours aussi prévenant. Malgré ce qui l'attendait. Dans une situation similaire, Harry aurait tant bouillonné de douleurs qu'il aurait eu du mal à penser aux personnes autour de lui. Lorsqu'il le regardait ainsi avec ses yeux plus tout à fait humains, Harry ne pouvait s'empêcher de voir Remus à travers lui.
Il attrapa la boîte que le plus jeune lui tendit. Lorsque Harry regarda à l'intérieur, son coeur rata un battement. La montre qu'il avait faite tomber huit ans plus tôt marchait à nouveau. La petite aiguille avait cessé de se suspendre dans le temps et continuait sa course sur le cadran. Une petite carte écrite de l'écriture soignée de Lily accompagnait ce cadeau. "N'oublie pas de la porter. Et ne la casse pas cette fois 3".
Harry passa la montre sur son poignet, un peu décontenancé. Il ne savait même pas s'il avait remercié Teddy qui guettait la moindre de ses réactions. Harry avait chaud. Il ne savait pas s'il avait envie de pleurer. Trop d'émotions contradictoires le saisissaient et il aurait bien cassé son bracelet si son filleul ne l'avait pas aidé à l'enfiler.
« Harry…? questionna-t-il une pointe d'inquiétude dans la voix.
— Je vais chercher Draco. Tu peux nous attendre sur le porche si tu veux…
— D'accord. » souffla Teddy.
Harry sortit de la bâtisse en courant presque. Les caillous crissaient sous ses chaussures noires mais il ne prit pas la peine de ralentir pour conserver le silence presque religieux des lieux. Il se dirigea vers l'immense forêt qui bordait le manoir des Malfoy. Il connaissait le chemin par coeur. Il le prenait chaque année. Peut-être n'était-il pas venu au rassemblement des Weasley mais jamais il n'avait pu rater ce rendez-vous. Et depuis des mois à présent, il envoyait son Patronus chaque soir. Mais alors qu'il le faisait auparavant pour mieux faire face au deuil de Ginny, pour ne pas sombrer de douleur, il envoyait son cerf pour une autre raison à présent.
Harry avançait entre les pins alors que les rayons du soleil peinaient à atteindre le sol. La forêt était peu amicale tout comme le manoir mais il existait entre ces fougères un lieu empli de lumière et de beauté mélancolique. Un jardin secret. Le seul endroit sur terre où Harry avait l'impression qu'il pouvait se noyer sans craindre de brûler, de se craqueler, de se liquéfier et de disparaitre.
Lorsqu'il apperçut les premières roses blanches, lorsque la clairière s'ouvrit à lui, les battements de son coeur s'accélèrèrent. Il sentit ses entrailles se retourner. Malgré le malaise qui le prit, son esprit semblait au clair alors qu'il avançait et que le parfum des roses blanches envahissait tout.
Harry n'eut aucun mal à trouver la silhouette de Draco. Entouré de ce parterre de fleurs, il arrosait les plantes de sa baguette. Il ne l'avait pas encore vu. Et dans cette suspension du temps avant que leur monde respectif ne s'entrecroise, Harry put observer ses cheveux défaits cascader sur son visage, chuter alors qu'il se penchait pour prendre soin de ses plantes qu'il avait faites pousser pour Luna. Concentré sur sa tâche, les traits détendus, il lui offrait une parcelle d'abandon que Harry ne pouvait qu'effleurer de son regard avide et perdu. Ce ne fut que lorsque la main pâle de Draco se déplaça pour caresser la fleur anormale. Sa rose bleue, magique, translucide parmi toutes les autres. Cette fleur vraie qui transportait toutes ses émotions qu'il ne pouvait dire à voix haute, que Harry se rendit compte de la violence avec laquelle sa passion le saisissait.
Ses sentiments au bord des lèvres, Harry réprima un sanglot. Un autre de ses pas, plus sonore, alerta Draco qui détacha ses doigts de la rose magique comme si elle l'avait brûlé.
« Tu es enfin là ! Je pensais que tu ne viendrais jamais… s'exclama Draco en rattachant ses cheveux avec empressement.
— Désolé… ça a été plus long que prévu.
— C'est une bonne chose que tu aies pu y aller cette année… répondit-il simplement en l'invitant à le suivre pour qu'ils se rapprochent du lac.
— Tu sais que tu pourrais lui rendre visite. Après ou avant les Weasley.
— Ça va aller. Je n'ai jamais aimé les cimetières et puis, j'ai une autre façon de lui rendre hommage, déclara Draco avec simplicité. Beaucoup plus classe… »
Draco lui offrit un de ses sourires narquois : celui que Harry avait fini par trouver adorable. Draco faisait comme si ce petit cocon fleuri de douceur ne lui demandait aucun effort d'entretien. Il minimisait beaucoup trop la beauté de cette roseraie au bord de l'eau.
« C'est vrai que le jardin est magnifique. Elles seraient ravies de voir une beauté pareille, avoua Harry alors qu'ils observaient l'eau placide.
— Tu parles de moi ou… ?
— Qu-QUOI ⁉ » paniqua-t-il alors que le rouge lui montait aux joues.
Draco éclata de rire à sa réaction. Son rire était semblable à une éclaboussure. C'était surprenant et rafraichissant à la fois. Ses paumettes rosirent et Harry ne put deviner si c'était son compliment ou sa réaction idiote qui était responsable de cette coloration qui ravivait son visage placide.
« T'es vraiment un connard ! bougonna-t-il.
— C'est toi qui es incapable de comprendre le second degré à ton grand âge. C'est si drôle de de te faire perdre la face ! s'amusa Draco.
— Tu comptes faire pousser autre chose que des roses blanches ?
— Aucune idée. Peut-être que ton Patronus me donnera un éclat de génie un jour.
— Je peux faire apparaitre d'autres roses si tu veux. »
Pour illustrer ses propos, Harry fit apparaitre sous sa main, la fleur translucide. Le sort était semblable à celui effectué pour faire apparaitre un Patronus. Harry l'avait créé quelques mois plus tôt. Et comme avec l'histoire de la chambre, il avait gardé pour lui la cause de cet instant de perdition embarrassant. Alors qu'il s'attendait à ce que l'attention de Draco soit tout entière sur sa main, il le fixait de ses étranges yeux gris. Croiser son regard eut l'effet d'un électrochoc mais ce qui déstabilisa le plus Harry était la réaction évitante de Draco qui se recula d'un pas vif.
« Tu fais toujours ce genre de sort que je ne peux pas exécuter pour frimer…
— Peut-être qu'un jour, tu réussiras à faire un Patronus. Ce n'est pas aussi dur que toutes les potions que tu as concoctées !
— J'en doute mais peu importe ! ronchonna-t-il peu convaincu avant de saisir la fleur comme un malpropre. Il n'y a que le sauveur pour offrir des cadeaux le jour de son anniversaire…
— Qui a dit que ce cadeau n'était pas un caprice de ma part ? rétorqua Harry.
— Pardon ?
— Offrir des fleurs pour le jardin n'est plus suffisant. J'avais besoin de voir ta réaction Draco… » souffla-t-il en comblant la distance que le blond avait pris soin de créer.
La digue qui contenait tous ce déluge de sentiments qu'il était de plus en plus difficile à contenir venait de ployer sous cet élan. Il suffisait à Harry d'un seul geste et il pourrait serrer Draco contre lui, s'emparer de ses lèvres et faire disparaitre l'inquiétude et l'incompréhension qui se bataillaient sur son visage bouleversé. Leurs masques invisibles s'étaient brisés au sol et Harry voulait défaire une à une toutes leurs défenses pour être dépositaire de cette myriade d'émotions que lui offraient Draco, contre son gré.
Il suffisait à Harry qu'il fasse preuve d'un autre éclat de courage digne d'un Gryffondor pour faire exploser ce statut-quo rassurant dans lequel ils s'étaient enmurés. Pour effeuiller cette amitié contenue, compréhensive et pudique qu'ils partageaient. Pour faire fondre cet euphémisme décrivant leur relation.
Harry aimait Draco.
Ce simple aveu fit vibrer l'énergie de Harry d'une façon si soudaine qu'il eut envie d'imploser ou de pleurer. Car enfin, il s'avouer qu'il aimait Draco. Ce n'était pas plus compliquer que ça. Et il ne ressentait pas la culpabilité étrange qui l'assaillait jadis lorsqu'il se rendait compte que la présence de Ginny migrait en second plan dans sa vie. Harry aimait Draco et il n'était plus pétrifié par cette idée. Sauf qu'il voulait lui avouer en des cieux qui seraient plus propices. Harry ne voulait pas déclarer son amour à Draco le jour de la disparition de Ginny.
Il ne savait pas si c'était encore une dérobade qui le saisit après ce premier saut. Mais soudain, il craignit d'avoir le coeur brisé une nouvelle fois.
Harry se dégagea de la transe dans laquelle il s'était laissé emporté en fixant Draco d'aussi près. Et il déclara alors qu'ils devaient se dépêcher, brisant l'atmosphère turbulente qui les entourait. Harry ne pouvait pas créer plus de chaos.
Teddy les attendait après tout.
