prologue: une faille dans la matrice

C'était un mardi matin exceptionnellement calme. Pour une fois dans sa vie, ton frère Harry n'avait pas besoin qu'on le conduise au travail, ce qui te laissait le temps de t'asseoir et de savourer ton café. Il était délicieux, comme tu l'aimais.

La grimpette par l'escalier de secours ne fut pas de tout repos. Tu n'étais jamais venu ici auparavant, mais tu l'avais fait quand même. Tu prias silencieusement pour qu'aucun de tes voisins ne regarde par la fenêtre à ce moment précis. L'air printanier faisait frissonner ta peau (c/p), tu portais encore le vieux t-shirt vert et blanc que tu avais enfilé pour aller te coucher. Cela ne te dérangeait pas, tu as toujours été une adepte du froid.

De là-haut, tu pouvais voir le petit café au bout de la rue. Très fréquenté comme d'habitude, t'observais les petites taches colorées qui couraient dans tous les sens, essayant à la fois de se procurer leur nourriture et d'arriver à l'heure au travail. La hauteur te donnait l'impression d'être puissante. Tu les entendais, à peine. Seules la société et la circulation bavardaient au loin. Cela donnait un sentiment d'éloignement, une pensée apaisante en ce début de matinée. Remettre à plus tard la préparation des cours, c'était ton style. Bien que tu fusses une bonne élève (très bonne d'après certains, mais tu n'en faisais pas étalage), tes habitudes d'étude étaient tout simplement horribles. Et tu étais toujours en manque de caféine et en manque de sommeil, bien au-delà de ce que l'on observe normalement chez les étudiants.

Des pas légers résonnèrent dans la ruelle, plusieurs mètres plus bas. Une distraction, excellente. Une autre excuse pour rester à l'air frais un peu plus longtemps. Tu jetas curieusement un coup d'œil par-dessus la balustrade, en t'efforçant de discerner ce qui se passait. Tu savais que c'était curieux, mais celui qui traversait les ruelles de la ville à 7 heures du matin était sûrement trop pressé pour lever les yeux.

Tu avais tort. Lorsque tes yeux trouvèrent la silhouette en contrebas, tu sursautas. Dans l'ombre, tu ne pouvais pas vraiment distinguer un visage. Il s'agissait d'un homme, grand, vêtu d'une capuche. Sa tête était inclinée vers le haut, tout droit vers toi. Il se tenait parfaitement immobile, juste en dessous de toi. Ses mains reposaient paresseusement dans les poches de son jean foncé. La façon dont les ombres de la ruelle se déplaçaient autour de lui te donnait la chair de poule, plus que le froid.

Un temps de silence. Tu fis une grimace involontaire pour dire 'putain, c'est quoi ce bordel' et tu redressas la tête après quelques secondes angoissantes de 'contact visuel'. Tu avais l'impression qu'il te regardait. Mais en y réfléchissant, c'était tirer des conclusions hâtives. Le pauvre homme ne savait pas qu'une femme à la chevelure en bataille le reluquerait d'en haut.

Tu roulas des yeux devant ta propre réflexion, et tu retournas à l'intérieur. Tu allais probablement être en retard. Avec ta maladresse habituelle, tu éclaboussas ton haut d'un peu de café tiède. Génial. Tu l'enlevas dès que tu atteignis ta chambre, la jetant dans les profondeurs de la pièce. D'habitude, tu étais plutôt ordonnée, mais c'était un de ces matins-là. Le hasard d'une ruelle te mettait dans tous tes états.

Avec l'empressement habituel, tu fis ta routine matinale, comme n'importe quel autre jour (mais avec un peu de tranquillité, Harry étant déjà sorti de l'appartement). Ton frère avait tendance à crier, à chanter ou à faire exploser du rock, ou (à Dieu ne plaise) les deux en même temps. Ce matin, cependant, un saint ami de son travail dans la distribution lui avait proposé de l'emmener. Tu l'aimais de tout ton cœur, mais bon débarras. Certes, Harry n'était plus vraiment un enfant, il avait dix-neuf ans et était accro à la gym, mais à tes yeux, il serait toujours un peu un putain de bébé.

Les dents et les cheveux brossés, la tenue choisie, tu étais presque à l'heure quand tu t'en souvins. Aujourd'hui, était le jour tant redouté - le jour de la lessive. En gémissant, tu jetas tes clés de voiture sur le meuble alors que tu venais de les prendre. Tu retournas dans le couloir en trottinant, attrapant un sac en plastique et poussant la porte de ta chambre. Si seulement cette foutue laverie n'était pas bondée le soir, tu aurais pu acheter un bagel avant ton cours du matin. Tu empilas au petit bonheur la chance tes vêtements sales dans le sac. Pendant un instant, tu envisageas de laver le t-shirt vert et blanc (et maintenant taché de café), qui était tristement froissé là où il avait atterri sur ton bureau, mais tu n'avais pas la force d'aller le récupérer. Mais bon. Il y avait toujours la semaine prochaine.


La laverie au bout du pâté de maisons était absolument glaciale. Super. Ne prêtant guère attention à l'autre gars à l'intérieur, tu traînas ta merde jusqu'à la machine la plus proche et l'y entassas, en te débattant un peu. Tu tentas de claquer la porte, mais le conformisme social avait toujours le dessus sur toi. Tu la fermas juste un peu plus fort que nécessaire. Tout le monde déteste le jour de la lessive.

Et maintenant, tu attendais. Tu n'étais pas du genre à répondre aux mails ou à jouer à des jeux mobiles, mais plutôt à sortir ton téléphone et à ouvrir l'application livres, t'asseyant sur un banc pour continuer ta conquête littéraire en cours. C'était assez palpitant, vraiment. L'histoire d'une fille qui savait charmer les serpents. Tu ne lisais pas autant que tu l'aurais voulu, en toute honnêteté. C'était la raison pour laquelle tu avais pris le train des livres en ligne. Une partie de toi avait l'impression de trahir les livres de poche avec lesquels Harry et toi aviez grandi, mais il fallait sauver les arbres, n'est-ce pas ?

Les écouteurs en place, tu t'affalas sur le banc et te recroquevillas, capuche relevée. L'heure affichée sur ton téléphone t'indiquait que tu pourrais tout juste arriver en cours si tu ramenais ton linge en courant jusqu'à ton appartement. Tu remercias silencieusement le ciel qu'Harry ait fait cavalier seul ce matin.

Le temps passait lentement et quelque chose commençait à te tracasser. Pour une raison ou une autre, tu n'arrivais pas à te plonger dans l'histoire comme tu le faisais d'habitude. Lire en public était toujours un défi, bien sûr, mais il y avait quelque chose de particulièrement étrange en ce moment et tu n'arrivais pas à comprendre pourquoi. Dans un moment de prise de conscience, tes yeux se détachèrent de ton téléphone et se fixèrent sur le carrelage. Tentativement, tu retiras l'un de tes écouteurs. Le grondement des machines à laver et des sèche-linge emplit tes oreilles. Agaçant, certes, mais pas la cause de l'anxiété qui s'installait peu à peu.

C'est alors que tu osas jeter un coup d'œil par-dessus ton épaule. Un homme était assis sur un banc adjacent au tien, vêtu d'un sweat à capuche. Capuche relevée, plutôt séduisant et âgé d'une vingtaine d'années d'après ce que tu pouvais en déduire. Il avait l'air tout à fait normal, si ce n'était le fait qu'il regardait fixement ton putain de portable. Tu ne regardais rien de honteux, mais ton doigt était toujours crispé sur le bouton de mise en veille, comme tu t'en rendis compte.

Tu lui lanças un regard noir tandis que ses yeux se posaient sur les tiens. Des iris verdâtres et de belles pommettes agaçantes. Son visage était complètement dépourvu d'émotion, des yeux de cadavre. Putain, c'est flippant. Une petite voix au fond de ta tête te dit que tu étais trop dure, qu'il s'était probablement simplement endormi. Mais l'angle dramatique de sa tête te disait le contraire. Quoi qu'il en soit, tu n'allais pas te faire frapper, crier dessus ou kidnapper par un joli garçon dans une putain de laverie automatique.

Par miracle, ta lessive fut finie quelques minutes plus tard, après avoir regardé devant toi avec indignation. Après un bref échange de regards, l'homme détourna la tête vers le mur opposé. Tu ne sentais plus son regard sur toi alors que tu récupérais ton linge, vidant la machine avec une nouvelle bouffée d'énergie précieusement conservée. Dieu merci pour ce café. Tu en aurais bientôt besoin d'un autre.

En te détournant de la machine, tu te rendis compte que la laverie était désormais vide. Étrange, car tu n'avais pas entendu l'homme de tout à l'heure sortir. Tu ne l'avais même pas entendu prendre ses affaires, mais la machine qu'il avait utilisée était vide. Il avait dû prendre ses vêtements avant que la minuterie ne se déclenche. Ça, c'était un putain de ninja. C'était ça, ou alors tu étais aussi étourdi que ça ce matin. Avec un petit rire inquiet, tu te dirigeas vers la porte et ton appartement. Cette matinée était vraiment bizarre, mais au moins il n'y avait plus personne qui rôdait derrière toi. C'est une chance, pensas-tu.

Les rues commençaient à s'animer, il fallait se dépêcher. Avec un peu de chance (et des feux de circulation bien réglés), tu n'aurais qu'un quart d'heure de retard, ce qui n'était pas beaucoup plus grave que la moyenne. En revanche, tu devais monter les trois étages de ton immeuble en trottinant. Trois fois bravo pour la forme physique!

En introduisant ta clé dans la serrure, tu franchis la porte et tu retrouvas la chaleur de ton appartement. En bondissant dans ta chambre, tu jetas tes vêtements sur le lit (que tu avais fait ce matin, comme une championne), sachant que tu les plierais ce soir, quand tu trouverais le temps.

Puis, loi de Murphy oblige, ton téléphone se mit à sonner. Appel entrant de Haz-Dog.

"Hé, je suis un peu pressé, quoi de neuf?" Tu t'efforças de ne pas être méchante. Une petite dispute entre frères et sœurs n'était pas à l'ordre du jour ce matin.

"Yo, on est mardi, n'est-ce pas, (t/p)?" La voix de Harry se fit entendre par-dessus les bips et les échos du supermarché où il travaillait. Il avait l'air enjoué. Foutus lève-tôt.

"Oui, je viens de passer à la laverie, pourquoi?" Tu avais déjà une idée de ce qu'il allait dire.

"Meuuuf, tu as pris mon linge, n'est-ce pas? S'il te plaît, dis-moi que tu as au moins mis quelques-uns de mes maillots de sport!" Tu pouvais deviner qu'il était en train de faire un facepalme. Tu te souris à toi-même. Quel idiot adorable!

"Non, désolée." Je ne veux pas être cette fille.

Harry ne fit que gémir au téléphone, ce à quoi tu répondis en ricanant, "Tu roupilles, tu perds, mon pote..."

Tu allais conclure et raccrocher, l'humeur égayée par la gaminerie de Harry, quand quelque chose attira ton attention. Tes sourcils se froncèrent, ton poignet écartant le téléphone de ton oreille tandis qu'Harry se lamentait sur sa précieuse lessive non faite.

Tu étais sûre de ne pas l'avoir pris. Tu en étais absolument certaine. Pourtant, il était là, et la seule conclusion raisonnable était que tu étais en train de perdre la boule. Le t-shirt que tu avais porté au lit hier soir, le même vert et blanc sur lequel tu avais renversé du café il y avait une heure, le t-shirt que tu savais ne pas avoir emporté avec toi, était posé là, sur la chaise de ton bureau. Pliée avec soin, contrairement au reste de tes vêtements. Se moquant de toi.

Putain, quel mardi!


N/A:

Un petit disclaimer, cette histoire va plonger dans les UA de proxy et de manoir, mais je suis pleinement conscient que Marble Hornets est une entité séparée de ces deux UA. Comme beaucoup d'autres, je ne supporte pas l'UA du manoir neuf fois sur dix, alors même si je l'utilise pour un peu de ~piment~, je vais prendre ma propre tournure, plus sombre.

Pour les besoins de cette histoire, les pastas qui apparaissent seront techniquement des "proxies", mais je considère ces personnages plus comme des Easter eggs qu'autre chose, car ils n'apparaîtront probablement pas beaucoup au-delà de ce dont j'ai besoin pour l'intrigue.

Merci de m'avoir lu x


TRADUCTION: Something Amiss (Hoodie x Reader) de tierra

ORIGINAL: story/12961622/Something-Amiss-Hoodie-x-Reader/1