Tout homme devait mourir un jour et il le savait très bien.
Mais dans un pays développé et avec un taux de criminalité assez faible, il ne pensait pas que ça lui arriverait aussi tôt.
Mais bon, ça restait du domaine du possible. En revanche, ce qui relevait du domaine de l'improbable c'était cet Être X qui lui avait parlé.
Était-ce un délire de mourant ?
En sentant sa conscience sombrer, il laissa cette question de coté. Ce n'était plus la peine de se poser des questions. Ses yeux se fermèrent devant l'ombre qui grandissait.
Mais l'ombre laissa la place à une lumière voilée
Il se rendit compte rapidement qu'il se passait quelque chose d'inhabituel en se sentant soulevé et palpé plus ou moins délicatement.
Ses yeux étaient trop faibles pour discerner quoi que ce soit et il entendait des gens parler fort ou chuchoter parfois.
Ce n'est qu'après un peu de temps qu'il put voir les gens autour de lui avec les yeux d'un enfant.
Il semblait n'y avoir aucun miroir donc il ne savait pas à quoi il ressemblait mais il comprit qu'il s'était effectivement réincarné.
Ça ne ressemblait pas au Japon. Déjà, les cheveux blonds de ses nouveaux parents étaient un bon indice.
Mais il n'y avait pas que ça, l'endroit où il était était dépourvu du confort le plus élémentaire et, bien sûr, les armes semblaient très présentes.
Il y avait un homme, son père probablement, qui arborait très régulièrement une dague.
C'était donc vrai. Il avait bien été réincarné dans un autre monde, bien plus primitif que son ancien.
Il était devenu une petite fille d'ailleurs.
Dans l'immédiat, elle n'avait rien à faire. elle avait déjà du mal à bouger son corps et même à passait trop de temps à dormir.
Mais peu à peu, elle devenait plus forte. Au fil des mois, elle s'entraînait à se déplacer.
Elle ne pouvait encore parler mais elle tentait de comprendre la langue. Évidemment, avec la capacité des adultes à utiliser des mots déformés ou simplets pour parler à un enfant, elle savait qu'elle n'obtenait pas un niveau académique mais elle voulait avoir les bases. Et elle commença à babiller avec ardeur pour bien s'habituer à prononcer des mots. Évidement, ses débuts lui valurent des sourires resplendissants et des caresses sur la joue.
Elle finit enfin par pouvoir se dresser sur ses jambes et faire quelques pas.
Un jour, ses parents parurent agités sans raison et très joyeux.
Ils l'emmenèrent à un spectacle. Ce n'était pas vraiment raisonnable d'emmener un enfant si jeune à un spectacle mais peut-être ce genre de spectacle était très rare. Il leur fallut faire un peu de route parce que leur maison était isolée.
Au final, c'était assez banal. Ça ressemblait à un spectacle pour enfants mais il semblait y avoir plus d'adultes que d'enfants présents.
Il y avait des jongleurs, un montreur d'ours, des chansonniers et tant d'autres.
À un moment, le calme revint et un homme parla longuement en faisant naître d'abondants commentaires.
Après cela, un silence s'installa qui fut rompu quand un homme commença à chanter une douce mélodie qui charmait tous les spectateurs dont la générosité fut sollicitée juste après.
Enfin, un homme s'avança devant l'assemblée et fit apparaître des étincelles colorées qui illuminèrent la nuit. Il joua avec la lumière et fit danser des flammes.
Les réactions furent mitigées. Certains étaient admiratifs mais la plupart étaient clairement mal à l'aise. Ils étaient apeurés et détournaient le regard quand l'homme jetait un coup d'œil vers le public.
Malheureusement, un tel événement était trop à supporter dans le corps d'une petite fille et le sommeil eut raison de la curiosité.
Et la vie reprit dans la pauvreté mais sereinement avant de basculer dans l'horreur.
Une nuit, sa mère la réveilla, la prit dans ses bras et la serra contre ses joues ruisselantes de larmes avant de partir de toute la vitesse que ses jambes pouvaient atteindre.
Il faisait froid. Il faisait sombre. La femme manqua de trébucher à plusieurs reprises et des branches griffaient son visage mais elle courrait toujours.
Son comportement ne pouvait s'expliquer que par la menace d'un grave danger.
Elle partait seule sans son mari. Son père était-il le danger ?
Non, c'était peu probable. Il aimait profondément son épouse et leur fille et il ne buvait que rarement donc il n'y avait aucune raison d'avoir un soudain accès de violence.
Si son père n'était pas le danger et qu'il ne fuyait pas avec elle ce pouvait être pour deux raisons. Il avait peut-être été terrassé par le danger ou bien il l'affrontait en ce moment et sans espoir sinon son épouse n'aurait pas prit la peine de fuir.
Elle s'arrêta soudain et regarda de tout coté. Elle avait du se perdre. Une foret en pleine nuit offrait un refuge bien précaire. En scrutant l'obscurité, il lui sembla voir une lueur.
– Ce doit être le camp des soldats ! Là, on sera sauvées !
Une branche craqua soudain avec fracas faisant sursauter la femme.
Serrant sa petite encore plus fort contre elle, elle reprit sa course dans la direction opposée avant de s'effondrer sans pour autant lâcher son enfant.
Elle n'eut pas le temps de se relever. Un bras puissant l'attrapa et la souleva sans ménagement. Sous la douleur, elle lâcha sa petite fille.
Une créature humanoïde bien plus massive qu'un humain et pourvu de deux cornes sur le crane ricanait en tenant la femme. Un de ses congénères sortit du couvert des arbres en traînant l'homme.
– Alors, l'humain ? Où pensais-tu fuir ?
Il le laissa tomber avec dédain.
– Tu nous as fait perdre notre chasse !
– Est-ce qu'on devrait te manger en compensation ?
– Tu nous dois bien ça, hein ?
– Non, laissez-nous !
– Il y a des soldats pas loin ! Si vous nous tuez, ils nous vengeront !
Les monstres rirent aux éclats.
– Ces humains sont vraiment des faibles. Comme si on allait vous bouffer ! Vous n'être pas des proies dignes de ce nom.
– Assez ri ! On doit reprendre la chasse !
– Et eux ? Qu'est-ce qu'on fait de ces humains ?
– Ce sont des faibles qui nous empêchent de chasser ! Vous êtes prêts à vous battre pour votre vie, dit l'un des monstres en donnant un coup de pied à l'homme qui gémit de douleur.
– Ce n'est même pas drôle.
Un seul coup de hache mit fin aux tourments de l'homme.
Son épouse le rejoignit juste après dans la mort.
Les cadavres furent rejetés avec dédain.
– Ce n'est même pas de la bonne viande. Ce n'est pas une bonne chasse.
Ils aperçurent soudain la petite fille qui les observait.
Sans dire un mot, la hache se dressa.
La fillette savait qu'elle n'était pas de taille à se battre et qu'elle ne pouvait s'enfuir. De toute évidence, ces monstres avaient été capables de suivre sa mère en pleine nuit. Elle n'avait aucune chance de s'échapper.
Un souvenir s'imposa à elle un souvenir plein de joie et d'amusements.
Elle ne voyait qu'une seule solution envisageable.
Elle dit un mot : Brisingr.
Un torrent de flammes s'éleva brusquement et enveloppa les monstres dans une étreinte qui ne leur laissa que le temps de pousser un cri.
Il ne resta bientôt que deux corps calcinés.
Sans exprimer le moindre sentiment, la fillette regarda les corps de ses parents.
Le bruit d'une cavalcade la tira de sa léthargie.
Quatre soldats à cheval arrivèrent sur les lieux et se figèrent de surprise.
Ils constatèrent rapidement que les deux adultes étaient morts.
L'un d'eux mit un genou à terre pour être au même niveau que la petite fille.
– Hé petite, tu vas bien ?
Elle acquiesçât d'un signe de tête.
– Tu viens avec nous ? On te trouveras un endroit où tu seras en sécurité. Comment tu t'appelle ?
Elle le regardait sans ciller.
– Tanya Degurechaff.
