5. Le choix.

Katsuki regardait Izuku et se rendait compte qu'il avait de plus en plus souvent des absences. Il devait l'interpeller pour le faire revenir. Son ami semblait perdu dans ses pensées, mais des pensées si profondes qu'on ne pouvait que difficilement l'en arracher. Katsuki avait peur parce qu'il sentait qu'il perdait Izuku d'une certaine façon, sans savoir quoi faire. Le jeune homme lui échappait, comme de l'eau qu'on essaye en vain de retenir dans nos mains.

La seule solution qu'il trouva, fut d'alerter la psychiatre sur ces absences, elle saurait y faire elle, trouverait les bons mots, les bons médicaments, la bonne façon pour qu'Izuku redevienne lui-même, pour qu'il reste et se rende compte que les Alter n'existaient pas, peu importe combien il le désirait.

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Kacchan l'avait trahi, encore une fois. Izuku se retrouva de nouveau en hôpital psychiatrique, tout ça parce que ses absences n'étaient pas considérées comme normales. Alors que pour lui, elles l'étaient. Chaque fois qu'il retournait dans son vrai monde, il arrivait de plus en plus à bouger, parler, à se reconnecter avec cette réalité. Mais bien sûr pour cela, il devait quitter ce plan totalement nul sans Alter, où Kacchan le trahissait au lieu de croire en lui.

— Je suis désolé, lui dit-il quand le mal fut fait, mais je ne veux pas te perdre, au lieu de l'encourager.

— Pour quelle raison tu me perdrais? demanda Izuku.

— Je ne sais pas, j'ai l'impression que tu t'effaces, que tu restes coincé dans de faux souvenirs, que tu perds la tête et que tu vas retomber dans une sorte de coma.

— Peut-être que ce monde va juste disparaître, fit Izuku, et que je vais retrouver le vrai Kacchan.

— Quel vrai Kacchan? Je suis le vrai Kacchan. Reste avec moi Izuku!

Mais Izuku n'écoutait déjà plus, perdu dans son autre plan, il écoutait son autre Kacchan lui demander de revenir vers lui, et plus il passait de temps dans ce monde avec Alter, plus il lâchait celui sans Alter.

Les médecins le droguaient de force, mais ça ne servait à rien. Izuku devenait plus fort contre le pouvoir qui le maintenait dans ce monde.

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Si Katsuki n'avait jamais vraiment tremblé, voir Izuku devenir de plus en plus catatonique le rendait dingue et lui foutait la trouille comme jamais. Si seulement il avait pu ne jamais avoir ce foutu accident de vélo. Si seulement il trouvait les mots nécessaires pour le réveiller, le faire revenir, le faire rester. Mais c'était comme si Izuku s'enfermait en lui-même, dans un autre monde qu'il croyait réel et qui ne l'était pas, un monde où il se sentait peut-être plus heureux, mais qui n'existait pas.

— Ne peux-tu pas simplement rester avec moi, ici? Est-ce que je ne te suffis pas?

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Cette phrase de Kacchan fut comme un coup de fouet. Izuku eut des doutes tout à coup. Il se laissait bercer par un autre monde, une autre vie, un autre Kacchan, mais il oubliait que le blond de ce monde était là. Et peut-être que… oui peut-être qu'Izuku se fourvoyait, croyait les délires de son cerveau parce que ça l'arrangeait, et que si ça se trouve, il abandonnait le mauvais monde, si ça se trouve il se plongeait simplement dans un tripe qui le couperait du vrai monde. Le doute était très puissant en lui depuis les paroles de Kacchan. Il commençait à ne plus vraiment savoir que faire. Si ça se trouve, il faisait juste le choix facile, celui qui l'arrangeait et vivrait comme un légume rendant malheureux tout son entourage, dont Kacchan et sa mère.

Mais si c'était cette réalité qui était fausse, alors c'était l'autre Kacchan et l'autre Inko qui seraient dévastés. Le choix devenait cornélien, quasi impossible, et Izuku avait l'impression de devoir blesser quelqu'un quoiqu'il arrive.

Pendant un temps, il tenta de ne plus écouter le Kacchan du monde avec Alter, de ne plus l'entendre, de ne plus y retourner. Mais il ne choisissait pas spécialement ses dissociations et il se retrouvait sur l'autre plan sans l'avoir décidé. Là, Kacchan était auprès de lui et le suppliait d'être plus fort que l'Alter. De revenir à lui.

Dans le monde sans Alter, Kacchan avait le même genre de discours, il le suppliait d'être plus fort que ses délires. De revenir à lui.

Izuku ne savait plus.

Il ne savait plus.

Et il allait virer complètement dingue. Pour de vrai.

Izuku finit par confier à sa psy ce qu'elle appelait «ses hallucinations». Il avait décidé d'en parler parce que quelqu'un pourrait peut-être enfin l'aiguillonner. De toute façon il était déjà en hôpital psy, bourré de médicaments par intraveineuse, et on le disait fou, donc qu'est-ce qu'elle aurait pu faire de pire? Elle l'écouta attentivement puis finalement prit la parole:

— Midoriya, vous êtes au courant que vous avez des hallucinations, vous en êtes conscient n'est-ce pas?

— Je ne sais plus, dit-il, et si c'était vrai?

— Ça ne l'est pas. Vous en avez l'impression, mais rien n'est vrai. Je n'imagine pas à quel point ça doit être difficile, à quel point vos hallucinations vous donnent envie de lâcher, mais ne lâcher pas. Vous avez ici des gens qui vous aiment, une vraie vie qui vous attend. Peut-être qu'elle ne vous paraît pas aussi bien que celle que vous inventez, mais si vous lâchez prise, vous risquez de tout perdre.

Izuku resta silencieux.

Elle avait sans doute raison. Mieux valait un monde fade, que pas de monde du tout. Son cerveau lui jouait des tours, lui montrait ce qu'il avait envie de voir, mais tout était faux et la psy promit de s'assurer de lui donner un traitement contre les hallucinations.

Pendant un temps, Izuku tint bon. Il ne passait plus sur l'autre plan, il parlait à Kacchan plus gentiment et cessait de le repousser comme s'il n'était pas «le bon Kacchan». Il n'y pouvait rien lui après tout, si le cerveau d'Izuku était déglingué. Et puis un jour, il repassa sur l'autre plan. Kacchan hurlait après lui, son prénom, il pleurait, ses supplications étaient pires que précédemment, comme s'il était vraiment en train de le perdre et qu'Izuku ne reviendrait plus jamais.

— Ce n'est qu'un Alter Izuku, je te le jure, un foutu Alter de merde, alors je t'en conjure, reviens à la réalité! Reviens-moi! J'ai besoin de toi, je ne peux pas continuer sans toi.

Et les larmes de Kacchan firent mal à Izuku, plus mal encore que cette douleur qu'il ressentait quand il était dans cet autre monde.

— Comment je peux savoir si tu dis la vérité, murmura Izuku, comment je peux savoir qui ment?

— Tu ne peux sans doute pas, répondit Kacchan désespéré, tu dois juste faire un choix.

— Je ne sais plus quoi choisir.

Kacchan eut un petit sourire à travers ses larmes:

— Si tu ne me choisis pas moi, je te tue.

Le cœur d'Izuku avait fait une embardé et son esprit un choix.

Inko et Kacchan étaient tous les deux présents dans sa chambre d'hôpital. Izuku fit un câlin à sa mère, et tendit sa main à Kacchan. Ce dernier la prit et serra fort ses doigts, presque comme s'il allait les écrabouiller.

— Je vous aime, affirma Izuku.

C'était vrai, après tout il s'agissait de sa mère et de son ami d'enfance. Peut-être que l'accident de vélo lui avait volé beaucoup de choses, mais eux étaient restés même quand Izuku les rejetait.

— Je suis désolé de vous inquiéter sans arrêt, ajouta-t-il.

La mère d'Izuku lui sourit.

— Je t'aime aussi, dit-elle. Ne t'inquiète pas, tu vas réussir à t'en sortir et on sera toujours là pour toi.

Izuku acquiesça et une larme coula sur sa joue.

— Merci maman, dit-il.

Puis il lui demanda s'il pouvait parler seul à seul avec Kacchan. Inko, après l'avoir embrassé sur le front, les laissa tranquille tous les deux et sortit de la chambre. Kacchan fronça alors les sourcils:

— Qu'est-ce que tout ça signifie? demanda-t-il méfiant.

— Katsuki…

— Ne m'appelle pas comme ça, je suis Kacchan. Tu essayes de mettre de la distance entre nous n'est-ce pas?

Izuku hocha la tête.

— Je refuse, tu m'entends, je refuse. Tu n'as pas le droit.

— Ce serait plus facile ainsi Katsuki.

— C'est Kacchan, cria le dénommé.

Izuku attendit qu'il se calme et eut mal en le voyant pleurer.

— Je sais ce que tu fais Izuku, tu nous dis adieu, je le sais! Et je refuse, tu ne peux pas abandonner comme ça, tu ne peux pas m'abandonner comme ça.

— Écoute… commença Izuku, je sais que ça va être dur pour toi, pour ma mère aussi, pour les autres. Mais Kacchan a besoin de moi, il ne peut pas rester seul dans un monde rempli de vilains.

— Dans ce monde aussi il y a des méchants, et moi aussi j'ai besoin de toi, pourquoi tu choisis un type qui n'existe que dans ta tête et pas moi?

— Parce que je l'aime.

— Et moi tu crois que je ne t'aime pas?

— Je pense que si, tu as été là depuis le début, mais Katsuki, je ne peux pas, je suis désolé. Ce n'est pas que Kacchan, il y a All Might, il y a les autres, toute ma vie est là-bas.

— Ce n'est pas ta vie, cria le blond, ce n'est pas ta vraie vie.

Izuku vit Katsuki s'effondrer et pleurer, pleurer, pleurer. Il aurait voulu pouvoir faire quelque chose, mais son choix était fait et il était désormais inébranlable.

— Je suis désolé, souffla-t-il.

Katsuki finit par essuyer ses larmes. Lui qui était toujours si fort, si fier, il ne se ressemblait plus du tout, il avait l'air fragile, sur le point de se briser.

— Tu me laisses tomber.

— Je suis désolé, répéta Izuku.

— Tu fais le mauvais choix.

Izuku souffla:

— Sans doute, mais je le fais quand même.

— Parce que tu l'aimes plus que moi.

— Parce qu'il a plus besoin de moi aussi.

Katsuki secoua la tête et Izuku reprit:

— J'ai une chose à te demander.

— Laquelle?

— Oublie-moi. Si je me trompe, et que je finis en légume toute ma vie, ne viens pas me voir, laisse-moi tomber, refais ta vie, aime quelqu'un d'autre, et sois heureux.

— Je ne peux pas le faire sans toi.

— Je suis sûr que si, tu y arriveras. Kirishima, Kaminari et tous les autres vont te soutenir.

— Et ta mère, je lui dis quoi?

— Je ne sais pas. J'espère qu'elle trouvera le courage de comprendre et d'accepter mon choix, mais reste avec elle pour la soutenir, s'il te plaît.

Kastuki secouait la tête encore et encore, il refusait ce choix, mais Izuku était catégorique et resta ferme, même s'il était peiné. Une dernière fois, il tendit ses bras vers Katsuki et celui-ci vint le serrer fort contre lui.

— Je t'aimerai toute ma vie, souffla le blond.

— Je pense que je ne t'oublierai pas.

—Ça ne me réconforte pas.

— Je sais, mais c'est tout ce que je peux te donner.

Katsuki le relâcha seulement après de longues minutes, puis essuya ses larmes avec ses doigts. Izuku lui sourit.

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Voir partir une personne qu'on aime, qu'on n'a pas réussi à retenir, brise le cœur, le corps, l'âme. Katsuki ne s'en remettrait sans doute jamais, mais Izuku avait fait son choix.

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Quand Izuku ouvrit les yeux, il était dans une chambre d'hôpital, il eut peur un instant d'être toujours coincé dans ce monde qui n'était pas le sien, mais il sentit en lui une puissance, un quelque chose qui vibrait dans ses os. Son Alter. Kacchan était là, il lui tenait la main et Izuku lui sourit.

— Je suis de retour, pour de bon, dit-il.

Kacchan se jeta presque sur lui et le serra fort dans ses bras, plus fort que n'importe qui d'autre.

— Je suis heureux de te revoir.

Faux ou vrai?

Izuku ne serait jamais sûr à cent pour cent, mais quand Kacchan l'embrassa, il s'embrasa, et sut qu'il avait fait le bon choix.

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Voilà en gros ce qu'il s'était passé selon Kacchan. Un vilain possédait un Alter qui permettait de tisser une fausse vie dans le cerveau, d'où les douleurs. Cet Alter faisait croire qu'on vivait dans un autre monde, et finissait par vous bouffer entièrement si vous ne réussissiez pas à vous en échapper. Il fallait une force mentale très forte pour y arriver et s'en sortir. Il fallait également beaucoup d'amour aurait ajouté Izuku, car c'était ce qu'il éprouvait pour Kacchan qui l'avait ramené, au final.

L'histoire tenait debout dans un monde où les gens naissaient avec des pouvoirs.

Mais peut-être que tout était faux. Complètement faux.

Néanmoins, Izuku reprit son travail de super-héros avec le sourire, aux côtés de son Kacchan. Celui qui l'aimait, celui qu'il aimait. Et c'était tout ce qui comptait vraiment.

Fin.

L'autatrice: voilà, je vous laisse choisir quelle version de l'histoire est la vraie. J'espère que ce dernier chapitre vous aura plu.