Derek avait attendu trois jours pour mettre son idée à exécution. Elle était fort simple. Après avoir observé Stiles plus qu'il n'aurait pensé le faire, il en était venu à une conclusion étonnante, mais qui l'arrangeait fortement.

L'hyperactif était relativement à l'aise avec lui. Plus en tout cas qu'avec Peter et Cora. Derek pensait qu'avec un tout petit peu de temps, les choses iraient mieux, mais le fait est que l'humain les fuyait autant qu'il le pouvait, en passant un maximum de temps dans la chambre qu'on lui prêtait. Il se crispait dès que les Hale venaient le voir, excepté Derek. Puis il ne pouvait ignorer son odeur, sensiblement moins piquante lorsqu'il se trouvait en sa présence. Il ne saurait en expliquer la raison, mais soit: il mentirait s'il disait que cela ne lui allait pas parfaitement. Derek avait besoin que Stiles lui parle, alors le fait qu'il ait l'air relativement à l'aise en sa compagnie était quelque chose de très positif.

A côté de cela, il commençait lentement mais sûrement à retrouver un peu de son autonomie. Il mentirait s'il disait que la prise de douleur régulière des loups-garous n'y était pas pour quelque chose – et il ne manquait jamais de les remercier intérieurement pour cela. Le fait est qu'il n'arrivait tout de même pas à se détendre avec qui que ce soit d'autre que Derek.

Ainsi, Stiles accueillit presque avec soulagement la proposition que lui fit l'ancien alpha ce matin-là. Cora et Peter étaient partis faire des courses, avait-il dit. Et Derek en avait profité pour lui dire que prendre l'air lui ferait du bien. La ville était belle et il serait bête qu'il reste enfermé dans sa chambre. Il lui avait toutefois précisé qu'en raison de ses blessures, il ne valait mieux pas qu'il marche à outrance.

La promenade se ferait donc en voiture dans sa grande majorité, ce qui était loin de déplaire à l'hyperactif. Prendre l'air, oui. Faire trop d'efforts avec son corps encore un peu trop abîmé, non. Marcher de la chambre jusqu'aux toilettes, c'était déjà beaucoup pour lui. Mais ça, il n'en parla pas à Derek, bien trop heureux qu'il lui accorde cette sortie en tête à tête. Parce que même s'il arrivait plus ou moins bien à se détendre en sa présence, restait ancrée au fond de lui la peur qu'il change d'attitude à son égard. Ainsi, il surveillait chacune de ses mimiques, chacun de ses gestes et avait à cœur l'idée de ne jamais le contredire, de l'embêter le moins possible. Sait-on jamais, se disait-il. Il avait beau avoir accepté de lui faire confiance, ce n'était que partiellement – et momentané. D'autant plus que si Stiles allait mieux, ce n'était pas seulement en termes d'état physique. Psychologiquement parlant, il arrivait de nouveau à se maîtriser.

Et sa voix, il l'avait retrouvée.

Stiles n'avait pas réessayé de parler depuis la fois dernière, mais il sentait qu'en lui, tout était différent, que sa gorge était moins… Serrée et qu'elle ne le maintenait plus dans ce mutisme forcé. Ce qui l'avait débloqué, l'hyperactif n'en avait aucune idée mais, parce qu'il aimait bien tout justifier, il mit ce petit miracle sur le compte des quelques jours qui s'étaient déjà écoulés depuis son agression. Il avait aussi émis l'hypothèse que la patience de Derek l'avait un peu aidé. Il était toujours plus agréable de savoir qu'on ne le forcerait à rien plutôt que d'être pressé dans tous les sens. Parce que s'il y avait bien une chose qu'il savait concernant Derek, c'est qu'une fois qu'il donnait sa parole, il la tenait.

Jusqu'à maintenant, il n'avait jamais fauté.

Evidemment, le chemin – court, fort heureusement – jusqu'à la Camaro ne fut pas une mince affaire et il put compter sur le soutien physique important de l'ancien alpha. Il ne le lâcha qu'une fois qu'il fut bien installé sur son siège. Stiles retint une grimace en attachant sa ceinture – il lui tardait le jour où chaque courbature douloureuse ne serait plus qu'un vieux souvenir. Qu'on lui prenne sa douleur était une chose, mais ne plus en avoir du tout en était une autre. Enfin, Derek s'installa à côté de lui, au poste de conducteur et il démarra sans attendre.

Stiles se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas sourire. Il se sentait relativement bien pour la première fois depuis des jours et… Bordel, il avait la chance de monter dans ce bolide dont il avait toujours admiré les courbes en secret – un peu comme celles de son propriétaire. Il était rare que Derek accorde le privilège à quelqu'un de monter dans sa si précieuse Camaro. Sa famille mise à part, seul Isaac avait jusqu'ici eu ce droit. Et puisqu'il était hors de question pour Stiles de laisser l'ombre de son souvenir obscurcir ses pensées, il s'efforça de ne songer qu'à l'intérieur rutilant de la voiture. Il avait si peu eu l'occasion de la détailler qu'il comptait bien en profiter. Ne méritait-il pas un peu de répit dans ses réflexions généralement toutes plus moroses que les autres? Très honnêtement, penser à autre chose pendant un moment lui faisait vraiment du bien. Et c'était si vrai qu'il apprécia de voir le paysage défiler à travers la vitre. Il ne songeait même pas au fait que c'était dans cette même ville qu'on l'avait passé à tabac pour des raisons stupides, dans cette même ville également qu'habitaient tous ses agresseurs. Il n'y pensait pas trop parce que de toute façon, il ne comptait pas rester ici plus longtemps que nécessaire.

Une fois rétabli, il s'en irait – encore. Il se donnait l'impression d'un lâche mais il savait qu'il n'avait pas vraiment le choix. La haine à son égard était inévitable.

- Tu n'as pas froid?

La voix toujours aussi posée de Derek le sortit un peu brutalement de ses pensées. Il reprit toutefois contenance assez vite et secoua doucement la tête. Il pouvait parler, il le sentait, mais… Craignait un peu de le laisser entendre, car cela signerait sans doute la fin de la période de tranquillité totale que Derek lui accordait. Peut-être que, toujours sans le forcer, il essaierait de le presser un peu plus. Stiles n'était sûr de rien, mais il préférait imaginer toutes les possibilités possibles plutôt que de se retrouver surpris, à ne savoir ni que dire, ni que faire.

Sauf qu'il ne pouvait pas prévoir le fait que Derek avait bel et bien prévu de le surprendre… D'une manière à laquelle il ne s'attendait pas le moins du monde.

- Il va falloir qu'on discute, Stiles.

Le susnommé lui jeta un coup d'œil inquiet. Le ton de Derek restait peut-être posé, mais ses mots n'étaient pas dépourvus de sens, bien au contraire – et ils semblaient véritablement vouloir dire plus que ce qu'ils laissaient entendre. Mais le pire pour Stiles, c'était qu'il ne voyait aucun lien entre sa question et… Cette obligation sous-jacente. Il ne le forcerait pas, sous-entendant toutefois que la chose était nécessaire. Il brûla soudainement d'envie de lui demander ce qui lui prenait, de quoi il voulait parler… Mais serra la mâchoire pour s'empêcher d'ouvrir la bouche.

- Je te laisserai tout le temps dont tu as besoin, tu le sais, lui rappela le loup-garou sans le regarder. Je ne te jugerai pas et je ne dirai rien à personne. Mais j'ai besoin de savoir ce qu'il se passe.

Il fit une très courte pause, histoire de laisser à Stiles le temps d'assimiler ses mots.

- Il faut que je sache ce que tu n'as pas fait.