C'est en entendant ces mots que Derek se dit qu'il était temps de passer à la vitesse supérieure, d'arrêter d'être passif. Parce qu'à cause de ce côté-là, qu'il avait développé à cause de sa peur extrême de lui faire du mal, Stiles commençait à avoir une autre image de lui… Allant jusqu'à lui prêter des intentions qu'il n'avait pas.

- Je n'ai pas parlé, répliqua-t-il, bien décidé à lui faire comprendre que la discussion était loin d'être terminée.

- Tu m'as donné ta version des faits, rétorqua l'hyperactif, le visage complètement fermé.

- Et tu ne penses pas que j'ai un droit de réponse?

La question dut désarçonner quelque peu Stiles puisqu'une légère surprise se peignit sur ses traits.

- Eh bien, je…

- C'était rhétorique, le coupa le loup-garou. J'ai un droit de réponse. Il y a des choses, dans ce que tu m'as dit, qui sont complètement fausses et il est hors de question que tu ailles te coucher avec des idées mensongères plein la tête. Il fallait qu'on en parle depuis le début, je suis d'accord: mais quitte à avoir une discussion à ce sujet, autant le faire bien et pas simplement se balancer nos versions sans vraiment les confronter.

Stiles haussa un sourcil et son visage se fit légèrement moins fermé… Mais n'afficha pas ce que Derek aurait désiré: l'hyperactif lui semblait simplement embêté, comme si la perspective de devoir rester encore un peu le dérangeait. Et au vu de ce qu'il pensait, c'était compréhensible.

Mais Derek ne comptait pas le laisser se complaire dans le mensonge né du silence qu'il lui avait malgré lui imposé.

- Je t'ai mal jugé, avoua-t-il, et c'était assez déplacé de ma part de partir du principe que tu ne décidais pas consciemment de ce que tu voulais, je le reconnais.

Il s'agissait là d'une de ses plus grosses erreurs, même si… Elle partait d'un très bon sentiment. Derek voulant tout, sauf lui faire du mal, il avait au final fait tout l'inverse en prenant pour vraies ses propres pensées sans demander au préalable l'avis du concerné quant à leur véracité.

- Mais je refuse que tu penses quequelque chose chez toi m'a dégoûté, reprit-il de plus belle sans le quitter des yeux. Comme toi, je sais décider ce que j'aime, ce avec quoi je peux être d'accord et jamais cette histoire n'aurait eu lieu si j'avais été foncièrement contre. Je sais que je suis parfois borné, mais le déni quant à ce qui me dérange ne fait pas partie de mon vocabulaire.

Autrement dit, ce que ce baiser représentait par rapport à sa potentielle sexualité n'était pas un problème pour lui. Parce qu'il avait bien compris ce qu'avait essayé de lui dire Stiles en passant par des chemins détournés: non, embrasser un homme ne le dégoûtait pas.

C'était peut-être même le contraire.

Il balaya d'un revers de pensée celle qui lui vint soudainement lorsqu'il vit Stiles se mordre la lèvre inférieure alors que son odeur se retrouvait piquée par un stress naissant. Même si la chose ne le dérangeait pas en soit, Derek se dit qu'il ne recommencerait pas. Mais, parce qu'il se devait d'être complètement honnête avec l'hyperactif, il se décida à avouer bien plus que ce qu'il avait dit jusqu'à maintenant.

- Et tu n'es pas le seul à avoir aimé, pour ta gouverne.

Maintenir le contact visuel avec l'humain tout en lâchant ces mots n'avait rien d'aisé. Il s'agissait même peut-être de la chose la plus difficile qu'il avait eu à faire ces derniers temps. Derek n'avait pas pour habitude de faire l'étalage de ce qu'il pouvait ressentir: son truc, c'était les actes. Il parlait rarement de ses ressentis, préférant s'intéresser à ceux d'autrui. Et s'il n'avait pas apprécié leur échange intime, jamais celui-ci n'aurait duré plus d'une seconde.

Mais Stiles ne lui apparut pas le moins du monde rassuré par sa confession. Pire que cela, il n'y paraissait pas réceptif et finit par lui avouer le fond de sa pensée:

- Je ne te crois pas.

Son ton et sa voix n'avaient rien de froid, mais ses mots l'étaient. Ils témoignaient de son ressenti le plus honnête par rapport à la confession de Derek qui lui apparaissait tout, sauf vraisemblable. Pour lui, elle n'avait strictement aucun sens. L'imaginer être sincère à ce sujet, c'était… Non, il n'y arrivait pas. Derek qui avait aimé embrasser un autre homme? L'embrasser, lui? Stiles trouvait ça invraisemblable au point que le seul fait qu'il puisse envisager cette possibilité était stupide. Ils n'avaient rien à voir, tous les deux. Rien. Et ce qu'il s'était passé entre eux restait une belle bêtise, peut-être l'une des meilleures de sa vie dans la mesure où elle l'avait complètement transporté… Avant de le faire brutalement chuter.

Alors non, il ne pouvait pas croire Derek et trouva ce qui était, selon lui, la meilleure façon de lui montrer qu'il avait raison.

Parce qu'il ne pouvait pas supporter cette mine surprise qui s'affichait sur son visage et qui lui apparaissait fausse, si fausse…

- Stiles, ça ne me servirait à rien de mentir, argua le loup-garou après avoir repris contenance.

Il marquait un point, mais l'hyperactif se refusait toujours autant d'y croire. Il avait vraiment douillé ces derniers jours et refusait, en plus de toutes les raisons auxquelles il avait pensé plus tôt, d'avoir souffert pour rien. Parce que si Derek avait aimé, s'il avait vraiment apprécié… Il ne l'aurait pas ignoré de cette façon. Il en était de même concernant sa honte.

- Alors prouve-le-moi, lâcha l'humain d'un air qu'il voulait détâché…

… Mais qui ne l'était pas vraiment. Parce qu'il était sûr d'avoir raison. Comment Derek pourrait-il prouver la véracité de quelque chose qu'il ne pensait pas? C'est donc avec une certitude quelque peu malsaine qu'il se fit du mal en posant la question qui complétait son injonction:

- Si je te demandais de m'embrasser à nouveau, est-ce que tu le ferais?

Stiles était plutôt tranquille à ce sujet. Il n'avait aucun doute quant à l'issue des évènements et partait du principe qu'avec cette question-là, Derek n'aurait d'autre choix que celui de le laisser retourner se coucher.

Sauf que le loup-garou ne fut pas décontenancé plus d'une seconde car même si la question le surprit effectivement beaucoup, il choisit de ne pas le montrer plus que nécessaire. Il savait que s'il voulait avoir une chance de le convaincre de sa sincérité, il lui fallait continuer de se montrer actif. La passivité, c'était destructeur – et voilà où ils en étaient à cause de cela.

- Oui.

Stiles écarquilla les yeux avant de froncer les sourcils et de secouer la tête. Sans doute aurait-il honte s'il pouvait se voir à l'heure actuelle… Parce que ses joues avaient rougi en réaction à son affirmation assurée.

- Tu mens.

Le déni, il ne voyait que ça pour se protéger de ses espoirs potentiels. Parce que croire Derek signifierait… Donner davantage d'importance à ce qu'il s'était passé. Or, c'était justement ce qu'il devait oublier, mettre de côté pour que leur existence à tous les deux reprenne leur cours.

- Tu veux toujours que je te le prouve? Lui demanda Derek sans le quitter ses yeux, en se rapprochant de lui.

Cette fois, il était dans l'attaque. Mais Stiles ne se démonta pas – il devait se concentrer sur ses convictions.

- Oui, souffla-t-il. Prouve-moi que j'ai raison.

Prouve-moi que j'ai tort, désira-t-il malgré lui.