Chapitre 8 : Rouge vs Vert
L'école entière était en ébullition, depuis le dortoir jusqu'à la grande salle en passant par les couloirs, tous les élèves ne parlaient que de ça : le match de Quidditch Gryffondor vs Serpentard. Hermione n'en pouvait déjà plus alors qu'elle commençait à peine ses œufs brouillés. Non pas qu'elle n'était pas du tout intéressée par l'événement sportif, c'était bien plus intéressant que simplement des entraînements, sans compter que cela apporterait des points pour la coupe des quatre maisons, mais elle ne pouvait pas placer un mot à ses amis sans être interrompue par d'autres étudiants qui y allaient de leurs commentaires ou encouragements aux membres de l'équipe.
Enfin, à bien y réfléchir, ce n'était probablement pas le réel problème. Non, si elle devait être honnête avec elle-même, si elle en avait assez d'en entendre parler, c'était notamment car l'idée de ce match l'angoissait. Severus allait participer alors qu'il n'était pas entraîné et allait devoir affronter James dans la course contre le vif d'or, tout en devant éviter les cognards. En somme, il risquait non seulement de se faire blesser, mais aussi et surtout de se ridiculiser, en sachant que ses chances de réussite face au « meilleur attrapeur de la saison et des cinq précédentes » étaient nulles. Bien sûr qu'elle voulait que Gryffondor gagne, mais pas à ce prix-là…
- Ne t'en fait pas Hermy, on va gagner ultra facilement !
Lasse, elle regarda Sirius qui lui tenait doucement l'épaule, tout en lui souriant :
- D'autant qu'on sait qu'ils ont dû trouver un attrapeur en dernière minute, s'amusa Peter qui semblait bien trop espiègle face à ce constat.
- Ils auraient mieux fait de déclarer forfait, intervint James en ricanant. Enfin, on verra bien qui ils ont choisi, mais je sens que je vais m'ennuyer, j'aurais préféré m'entrainer pour le prochain match plutôt que de perdre du temps pour rien.
- Ce n'est pas une perte de temps, vous allez gagner plein de points pour la coupe, fit remarquer Lily avec joie. On compte sur vous tous !
- Avoir confiance en vous est une bonne chose pour des sportifs, ajouta Remus avec néanmoins quelques réserves, mais ne vous reposez pas sur vos lauriers. Vous avez fait ça contre Poufsouffle il y a quatre ans et on s'en souvient encore.
Sirius soupira de désarroi en se remémorant visiblement ce match en question :
- Lunard, on avait dit qu'on n'en reparlerait plus, se lamenta-t-il avec théâtralisation.
- Ce jour terrible où la défaite nous avait frôlée ! continua James de la même manière.
- Mais heureusement, tu as réussi à te rattraper de justesse sur ton balai, de façon héroïque, et ce, malgré la douleur d'un bras cassé par le brutal contact d'un cognard ! Ce jour où tu as sauvé le match en t'accrochant et en attrapant le vif d'or en dépassant de justesse ce bon vieil Amos.
Sirius venait d'attraper James par le bras et le lui souleva comme s'il venait de gagner à nouveau, sous le rire des Gryffondors les plus proches et de Lily qui secouait quand même la tête. Remus aussi s'amusa de l'action, puis Sirius reprit avec plus de sérieux :
- N'empêche, on a pris de la jugeote depuis le temps et on fait bien plus attention que ce fameux jour. À l'époque, on ne faisait pas assez d'efforts à l'entrainement, surtout les esquives, là où Amos était excellent.
- En même temps, il avait 17 ans, intervint Peter. Il avait beaucoup d'expérience.
- Et il était déjà très doué de base, ajouta James avec respect.
Hermione se sentit encore plus inquiète pour Severus après le petit déjeuner. Comment allait-il s'en sortir ? Heureusement Lily et Remus étaient de suffisamment bonne humeur pour la dérider un peu, ce qui était déjà beaucoup en soi.
Une fois dans les tribunes, plutôt bien placée dans l'une des grosses rangées où les élèves de Gryffondor avaient mis des pancartes pour encourager les athlètes de leur maison, Hermione observa le terrain. En face, ceux de Serpentard avaient fait de même, mais les élèves étaient beaucoup plus calmes, tous déjà assis et presque trop studieux. Cela choqua aussi ses deux amis qui ne manquèrent pas de faire remarquer qu'il se tramait sûrement quelque chose.
Puis les équipes arrivèrent sur le terrain et des murmures montèrent des tribunes quand la majorité d'entre eux reconnurent Severus en tant qu'attrapeur.
« Mais il ne fait pas partie de l'équipe normalement »
« Leurs deux attrapeurs de bases ont été blessés bizarrement… si ça se trouve, c'est lui qui voulait la place ! »
« Potter va en faire qu'une bouchée »
« Il va finir au mieux à l'infirmerie... »
« Il va se faire laminer ! »
« Il sait tenir sur un balai, lui ? »
« Je l'ai déjà vu, il se débrouille pas si mal, mais Potter est meilleur ! »
- Par tous les fondateurs de Poudlard, Hermy, dis-moi que je rêve, finit par supplier Lily.
- Tu es bel et bien éveillée, lui confirma-t-elle simplement.
- Il va se faire massacrer…
Certes, elle s'était fait la même réflexion, mais l'entendre de la part des autres Gryffondor, et surtout de la part de Lily, lui fit mal au cœur pour son ami. Elle inspira un grand coup et affirma plus pour elle-même qu'autre chose :
- Il faut lui faire confiance… il a un plan d'action… il ne va pas se mettre en danger, il n'est pas stupide.
- Tu étais au courant ?
Lily la regardait maintenant avec curiosité.
- Oui, admit-elle tandis que les joueurs prenaient place sur les balais au centre du terrain.
La rouquine ne dit rien de plus, de toute façon, les deux équipes prenaient leur envol en statique en attendant le coup d'envoi, ce n'était plus le moment de parler. Severus et James étaient les plus en hauteur et se faisaient face. La tension était palpable, même de loin, et il ne faisait aucun doute que les attrapeurs ne se saluaient pas chaleureusement pour la rencontre à venir.
Puis le coup de sifflet du professeur Bibine retentit et tous les joueurs se lancèrent dans la bataille sportive. Les Serpentards avaient attrapé le souaffle et les poursuiveurs étaient investis, alors que les batteurs cherchaient les cognards pour embêter d'emblée les autres joueurs. Les Gryffondors jouaient en défense pour l'instant, alors que James était plus haut et cherchait déjà le vif d'or. Étonnamment, dans toute cette cohue, seul Severus n'avait pas bougé pour le moment. Installé sur son balai, il observait le jeu au lieu de participer…
« Hahaha il n'a pas compris qu'il jouait le con ! »
« C'est vraiment un boulet ! »
« Nan, mais il est sérieux ? »
Alors que les élèves de sa tribune se moquaient, Hermione avait l'impression qu'au contraire, Severus savait pertinemment ce qu'il faisait, même si cela la dépassait. Les Serpentard venaient de marquer le premier but du match et, tandis que les sang et or volaient jusqu'aux anneaux des vert et argent, l'un de leurs batteurs s'approcha de lui. C'était Rosier et Severus lui dit quelque chose alors que les Gryffondor se battaient pour égaliser. Ils eurent le temps de le faire avant que Rosier n'acquiesce et reparte en jeu, son équipe ayant récupéré la balle. Leur capitaine hurla quelque chose d'incompréhensible, mais ses équipiers semblèrent comprendre, car leur façon de jouer se modifia très légèrement. Hermione en était sûre, Severus n'avait pas pour objectif d'attraper le vif d'or.
Plusieurs fois, Rosier se rapprocha de lui et à chaque fois, Severus paraissait formuler une stratégie. Quoi qu'il en fût, après un moment, les Gryffondors finirent par perdre de plus en plus le souaffle, sous les exclamations énervées de leurs fans. Puis, d'un coup, Severus regarda autour de lui et, tandis qu'il était resté statique jusqu'alors, il commença à virevolter et ne s'intéressa plus au jeu de ses équipiers. Finalement, peut-être voulait-il attraper la balle dorée au nez et à la barbe de James !
- Mais qu'est-ce qu'il fait, soupira Lily qui avait visiblement espéré que Severus reste statique tout le long du match.
Hermione, de son côté, s'étonna plutôt de l'aisance avec laquelle Severus se déplaçait sur son balai. Il était bien plus doué qu'elle ne l'avait imaginé, réussissant à voler de façon fluide et stable, comme s'il évoluait de façon naturelle dans les airs. Pour quelqu'un qui n'aimait pas le Quidditch, il était plus doué que certains autres élèves qui auraient espéré faire partie de l'équipe de Gryffondor.
Pendant que Lily continuait de s'inquiéter et de marmonner qu'il ferait mieux de se poser au sol, Hermione continua de l'observer avec de moins en moins d'appréhension. Il savait vraiment ce qu'il faisait, c'était un fait, elle s'était inquiétée pour rien, même si elle ne l'imaginait toujours pas capable d'attraper le vif d'or. C'était le cas de tout le monde d'ailleurs, les autres avaient d'ailleurs cessé de le regarder, comme s'il était devenu invisible du fait de sa non-dangerosité et de son potentiel à se blesser quasi inexistant après avoir prouvé qu'il savait voler.
Il semblait pourtant réellement chercher la balle dorée, tout en jetant des coups d'œil réguliers autour de lui pour trouver James. Puis à un moment, elle eut l'impression qu'il la regarda parmi la foule de Gryffondor. Cela ne dura que quelques secondes, mais elle avait un peu envie d'y croire, comme s'il avait cherché un peu de soutien avant de se lancer, d'un coup, dans une pointe de vitesse droit sur James.
Il n'était plus invisible aux yeux de tous alors que, quelques secondes avant James, il avait clairement vu le vif d'or en premier. Les Gryffondors, qui se plaignaient jusqu'alors d'un autre but contre leur camp, se mirent à hurler des encouragements à James qui rattrapa étrangement facilement Severus malgré son avance. Bien que tous criaient des félicitations à leur attrapeur fétiche, Hermione eût la sensation de voir le Serpentard se décaler volontairement pour laisser son adversaire passer devant lui, malgré la boule d'or filant devant eux.
Ce n'était peut-être pas une simple illusion, car dès que James passa en pôle position, Severus fit un très léger signe avec une jambe. L'instant d'après, tous les Serpentards de la tribune d'en face se levèrent et une fanfare se mit en route, jouant un air populaire… chez les moldus !
« Putain, ils m'ont fait peur les cons ! »
« Mais qu'est-ce qu'ils chantent là ? »
« Ils sont devenus barges ? »
- Je rêve où… commença Lily alors que les élèves commencèrent tous à chanter d'une même voix.
« Oooh Weeeeeeeheeeeeheeeee deeeee heeeeeheeeeeheeeeeheeeee weeeeooooh aweem away ! »
- Le lion s'endort ce soir ! s'exclama Hermione qui ne savait pas si elle devait rire ou s'offusquer du choix des Serpentards.
- Severus… soufflèrent d'une même voix les deux amies, tout en se regardant.
Clairement, c'était une idée à lui, cela ne pouvait en être autrement. Hermione reporta son attention sur ce dernier, qui talonnait toujours James. Ce dernier détestait être dérangé par de la musique, son adversaire semblait le savoir, mais James tentait de ne rien montrer. Il n'arrivait pas pour autant à se débarrasser de l'attrapeur adverse qui paraissait le déranger plus encore que la musique dans sa chasse au vif d'or.
James essayait absolument tout pour se débarrasser de Severus, sans succès. Ses virages, ses piqués et ses remontées ne suffisaient pas, l'obligeant à cesser sa poursuite, alors que le Serpentard profitait de l'aspiration du Gryffondor pour conserver une vitesse équivalente. Oui, le but de Severus était de déstabiliser James au maximum, et il y parvenait.
« Mais il va le lâcher oui ! »
« C'est de l'antijeu là ! »
« Mais ils vont arrêter de chanter, oui ! »
« Comment ça se fait que James arrive pas à s'en débarrasser ! »
« Bordel, mais c'est un parasite ce type ! Vas-y James, tu vas y arriver. »
- Comment arrive-t-il à suivre James de la sorte ? s'étonna Lily.
- C'est fou, on dirait qu'il sait exactement où il va aller, avant même qu'il le fasse ! ajouta Remus.
C'était probablement le cas… Hermione aurait pu parier que Severus utilisait la legilimancie sur James. Quoi qu'il en fût, cela fonctionnait… James n'arrivait pas à se concentrer, il était gêné par les mouvements d'air à l'arrière de son balai, entraîné par Severus, et la musique par-dessus tout ça n'aidait pas. Il perdait patience, et cela ne laissait rien entrevoir de bon…
Après de longues minutes ainsi, Hermione et les autres n'en pouvaient plus de la chanson des Tokens… pire encore, le jeu du chat et de la souris entre James et Severus commençait à agacer tout le monde. La tension était maintenant partout, sur le terrain et autour, et un mauvais pressentiment l'a pris d'assaut.
Moins d'une minute après, James lui donna raison de s'inquiéter. Il fit un piqué impressionnant jusqu'au sol, cherchant clairement à faire abandonner Severus à le suivre, voir à le faire s'écraser. Heureusement, Severus se montra plus agile que prévu et cette fois, James fit une remontée en pleine vitesse. Ce que personne n'avait vu venir en revanche, c'était Sirius… ce dernier était sortie de ses cages, avait attrapé une batte de son collègue et lança avec hargne un cognard en plein sur Severus qui ne put l'éviter. Lily poussa un cri et couvrit sa bouche tandis qu'Hermione hurla :
- SEVERUS NON !
Ce dernier avait été touché en plein dans les côtes et avait lâché prise alors qu'il était en pleine montée, entraînant sa chute libre. Les Serpentards cessèrent la fanfare alors que les Gryffondors encourageaient clairement leur attrapeur qui était libre de ses mouvements. Hermione crut que son cœur allait exploser de stress, mais avant même que le professeur Bibine ne sorte sa baguette pour amortir la chute de son élève, Severus… s'envola sans balais ! Tourbillonnant sous forme d'une fumée noire et argentée, il ne chercha pas à rattraper son balai et se contenta d'atterrir sur le sol, plus ou moins en douceur, avant de s'étendre par terre.
Sans chercher à comprendre, sans même parler ni écouter Lily ou Remus, Hermione se précipita vers les escaliers pour descendre sur le terrain et rejoindre Severus. Les cris de joies lui firent comprendre que le match était fini alors même qu'elle arrivait sur l'herbe.
- Severus ! cria-t-elle en arrivant en courant.
Pomfresh, Bibine et les équipiers du banc de touche de Serpentards étaient déjà vers le blessé. Ces derniers la regardèrent d'un œil mauvais, sans l'empêcher pour autant de s'approcher.
- Ne bougez pas, Rogue ! le houspilla Pomfresh.
- On vous a dit de rester allongé ! ajouta Bibine.
Severus soupira et se rallongea tout en tournant la tête vers son amie :
- T'as vu… ça ? Je suis doué… hein ?
Marmonna-t-il avec un sourire moqueur alors qu'il manquait clairement de souffle.
- Tu aurais pu te tuer ! fit-elle remarquer.
- Ça… valait le coup.
Le professeur Bibine, surprise de voir une élève de Gryffondor parler avec Severus, la laissa s'approcher un peu plus. Hermione secoua la tête :
- Ne refait jamais plus de Quidditch ! supplia-t-elle presque.
- Je me contenterai… de l'arbitrage… la prochaine fois.
- Ça, c'est mon rôle, fit remarquer le professeur Bibine.
- Et mon rôle, c'est de réparer vos côtes qui sont clairement cassées. Poussez-vous tous, il faut l'amener à l'infirmerie !
Une foule était en train de s'approcher alors que l'infirmière fit mettre Severus en lévitation. Il grimaça, mais demanda néanmoins, d'un coup :
- Qui… a gagné ?
Hermione se contenta de secouer la tête, exaspérée. Comme si cela avait la moindre importance !
…
Cela finit par en avoir, déjà car entendre « le lion est mort ce soir » chanté en français, en boucle, toute la soirée, fut agaçant, mais surtout, James et Sirius étaient devenus juste horribles. Ils se sentaient humiliés et n'avaient de cesse de se plaindre d'avoir été blousés par l'arbitrage, qui n'aurait « jamais dû laisser une fanfare faire un tel bruit », sans compter que « Severus avait forcément triché pour réussir à suivre James » et qu'il n'aurait « pas dû avoir le droit de voler sans balai, sans que cela disqualifie les Serpentards ». Ce fut la réflexion de trop :
- Tu te rends compte qu'il aurait pu mourir ? s'offusqua alors Hermione en se tournant vivement vers Sirius.
- Bibine aurait ralenti sa chute, n'exagère pas ! Il aurait tapé le sol avec beaucoup moins de force.
- Il avait déjà des côtes brisées et tu penses que lui rajouter un trauma crânien aurait été une bonne chose ?
- Il a triché ! grogna Sirius.
- Parce que c'est pas un peu abusif qu'un gardien attrape une batte pour lancer un cognard directement sur un joueur ?
Le comportement de Sirius restait encore en travers de la gorge d'Hermione qui, plus encore maintenant, se sentait outrée et énervée par ce dernier. Il tenta de se défendre en croisant ses bras devant lui et en arguant, sans répondre à la question :
- C'est obligé qu'il ait ensorcelé James pour le ralentir, il lui a lancé un maléfice, c'est sûr !
- Mais bien sûr, ironisa-t-elle. Il utilise la magie noire en plein match, devant tous les professeurs et sans que Dumbledore le remarque.
- Il a déjà essayé de nous tuer avec une de ses créations ! répondit cette fois James qui tapa du poing sur la table. Arrête donc de défendre un type que tu ne connais pas, Hermione.
Remus posa sa main sur l'épaule de James pour le faire se rassoir, mais sa hargne était telle qu'il se contenta de secouer son bras pour que son ami le lâche. Cela n'effraya pas la lionne qui se leva à son tour :
- Parfois j'ai l'impression que c'est toi que je ne connais pas !
- Ça suffit.
Cette fois, ce fut à Lily de s'en mêler. Elle soupira et d'une voix calme reprit :
- Calmez-vous un peu, ce serait bête de nous déchirer pour une histoire de sport. Gryffondor a perdu de 40 points, mais c'était un beau match où tout le monde a bien joué et sans tricheries. S'il y en avait eu, c'eut été au professeur Bibine de les siffler et pas à nous d'en juger. Alors, vu que les résultats sont officiels, ce n'est pas la peine de nous battre pour des futilités. On vaut mieux que ça.
- Toi aussi, tu le défends de nouveau, cracha presque James. Après tout ce qu'il a fait… et ce n'est pas une simple question de Quidditch ! Il s'agit juste de ce satané mage noir en puissance et de sa personnalité toxique et dangereuse et…
-Tu fais vraiment une fixette sur lui, c'est du grand n'importe quoi ! le coupa vivement Hermione. J'ai l'impression que dès qu'il s'agit de Drago, tu perds tout sens des réalités, Harry !
Au lieu de répondre, James haussa un sourcil surpris et Hermione se figea un instant. De qui parlait-elle au juste ? Et pourquoi était-elle maintenant en train de pleurer ? À l'instant même où elle chercha à comprendre, des flashs étranges se succédèrent. Son mal de tête indiquait qu'il s'agissait de souvenirs, pourtant cela n'avait aucun sens.
Elle vit le manuel scolaire de Severus, tenu dans les mains de James qui le lisait avec intérêt alors qu'elle lui disait de se méfier. Elle vit ensuite des yeux verts, clairement ceux de Lily, sur un visage qui ne semblait toutefois pas cohérent, qui la regardait avec une panique certaine, juste avant qu'une vision d'horreur de la frappe : un jeune homme aux cheveux blond, presque blanc, allongé à même le sol, dans une mare de sang.
Puis tout devint sombre et les flashs laissèrent place à des brides de conversation sans queue ni tête.
« Harry est persuadé qu'il a la marque … »
C'était elle qui avait dit cela, avec exaspération. Harry… ils étaient en désaccord, sur un sujet qui paraissait important, mais ils étaient amis.
« Tu te méfies toujours beaucoup trop, souviens-toi de l'éclair de feu… »
Un sentiment de colère et de honte la là frappa en entendant cette réflexion. Elle savait qu'elle était souvent anxieuse, mais la voix qui venait de lui faire remarquer l'avait blessée. Elle aurait tant aimé son approbation, mais pourquoi ?
« Je suis là mon Ronron… »
Ronron… Ron… oui, c'était lui ! C'était de lui dont elle voulait l'approbation… mais il ne lui donnait que rarement ! Il l'énervait tellement et pourtant, elle continuait d'espérer. Mais espérer quoi exactement ?
« Ouvrez vos livres pages 394… »
Cette voix lui donna des frissons… elle connaissait cette voix ! Hermione se concentra comme elle put.
« Je ne doute pas que votre vie personnelle soit absolument passionnante… »
La voix était autoritaire et presque effrayante, pourtant elle savait à qui elle appartenait, elle en était sûre !
« C'est la deuxième fois que vous parlez sans y avoir été invitée… »
Severus… c'était sa voix non ?
- Hermione, calme-toi…
Oui, c'était la voix de Severus Rogue…
- Je suis là !
Hermione sentit une main attraper la sienne. Difficilement, elle tenta d'ouvrir les yeux mais le peu de lumière autour d'elle lui donna tout de même du fil à retordre pour faire le focus.
- Tout va bien Hermione, tu es à l'infirmerie.
Tournant légèrement la tête, elle croisa le regard noir de son ami qui lui tenait toujours la main, l'air inquiet.
- Severus… qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Je ne sais pas vraiment, avoua-t-il. J'étais à l'infirmerie pour mes fractures quand Lily et les abrutis t'ont amené ici.
- Oh… je crois me souvenir… dans tous les sens du terme.
En disant cela, Hermione grimaça et se redressa pour s'adosser contre sa tête de lit. Severus l'aida en remettant en place son oreiller :
- C'est eux qui t'ont assommé ? demanda-t-il avec colère et sérieux.
- Bien sûr que non, jamais ils ne feraient ça Severus ! Non, on se disputait certes, mais une partie de ma mémoire a voulu revenir et je suis tombée dans les pommes.
- Tu te souviens de quelque chose de nouveau ?
- Pas complètement… je me souviens seulement de deux prénoms, le reste était juste mon imagination. Ce n'était rien de logique…
- Comme le fait que j'étais professeur ? se moqua-t-il avec un sourire narquois.
- Heu… je ne sais plus… pourquoi ?
- Tu m'as appelé plusieurs fois, expliqua-t-il. Mais à un moment, tu m'as supplié de ne pas te retirer de points.
Hermione se sentit rougir et elle remercia la nuit d'être tombée. Les quelques lueurs liées à la cheminée et aux chandelles encore allumées ne devaient pas trop dévoiler sa gêne. Elle l'avait vraiment appelé plusieurs fois ?
- Contrairement au professeur Slughorn, tu nous apprendrais sûrement plus de choses, dit-elle alors en préférant plaisanter.
- Mais je te retirerais clairement des points, sans aucune pitié.
- Hey, mais pourquoi tu ferais ça ?
- Parce que tu es à Gryffondor et c'est une raison amplement suffisante, plaisanta-t-il.
Hermione ricana tout en secouant la tête, persuadée que c'était néanmoins entièrement vrai. Il était bien du genre à favoriser sa maison, après tout, il était bien du genre à se mettre en danger pour gagner des points face à Gryffondor à tout prix.
- Comment tu vas en fait ? Pomfresh a pu soigner tes côtes ?
- Elles sont complètement réparées, répondit-il en souriant.
- Alors pourquoi tu es encore ici ? s'inquiéta-t-elle.
- Rien de grave.
- C'est-à-dire ?
- Rien j'ai dit, ne t'en fais pas.
- Severus…
- Tu ne lâches jamais le morceau hein ?
Elle acquiesça alors qu'il soupira, mais elle fut presque certaine de le voir sourire très légèrement :
- J'ai une déchirure musculaire… c'est plus difficile à soigner que les os. Mais je m'en tire bien.
- Sérieusement ? Mais, retourne te coucher, qu'est-ce que tu fais debout ! s'indigna-t-elle.
- Tu t'agitais, j'allais pas te laisser tomber de ton lit ! Et je t'ai dit que ça allait, j'ai déjà connu bien pire.
- Pire qu'une déchirure musculaire ? douta-t-elle en soupirant.
- Je ne sais pas ce qui était le pire entre la fracture de la mâchoire, les ligaments croisés ou bien l'appendicite, dit-il simplement.
- Mais comment tu as pu avoir tout ça ?
Severus ne répondit pas tout de suite, mais avant qu'elle ne redemande encore une fois, il dit avec nonchalance :
- Disons que je suis du genre malchanceux… et encore, je peux au moins me vanter de ne pas être douillet. Je suis quasiment certain de pouvoir résister à plusieurs doloris sans même broncher, ajouta-t-il avec un sourire mauvais.
- Ce n'est pas drôle, le houspilla-t-elle. Retourne t'allonger, Severus.
- Cheffe oui, cheffe.
Il se moquait encore, mais cela eût le mérite de la faire rire un peu. Il se redressa de sa chaise en tentant de cacher sa douleur derrière son masque d'impassibilité. En revanche, il ne put cacher une démarche claudicante et lente pour retourner jusqu'à son lit, non loin du sien. Il n'avait pas remis le paravent de son lit, ni du sien, leur permettant de continuer à se voir, ou plutôt à s'entrevoir dans la pénombre :
- En fait, Severus…
- Oui ?
- Félicitations pour le match.
Elle l'entendit souffler son amusement, puis grogner légèrement, clairement de douleur, avant de reprendre son air hautain et sarcastique :
- J'ai clôturé ma carrière de sportif par une victoire. Je peux profiter de ma retraite tranquillement. Sur ce, dors, Hermione, tu as besoin de repos.
- C'est vrai que toi, tu n'en as pas besoin, s'amusa-t-elle.
Bien entendu qu'ils avaient besoin de dormir, tous les deux, pourtant ils profitèrent de la nuit et de la tranquillité pour continuer de parler, de tout et de rien, pendant ce qui devait être des heures. Jusqu'à ce que le sommeil ne les rattrape tous les deux pour de bon.
Le lendemain matin, Hermione fut réveillée par l'infirmière qui lui demanda de rester au moins jusqu'au soir, s'assurant ainsi que celle qui était, maintenant, considérée comme une travailleuse acharnée, se repose. Elle lui intima alors de dormir un maximum, faisant cette fois allusion aux paravents qu'elle remit en place avant d'aller s'occuper de l'autre patient.
Sans avoir le choix, Pomfresh restant sur place pour les surveiller au cours de la journée, elle se rallongea et s'endormit encore un moment. Ce furent les voix familières de Lily et des maraudeurs qui la réveillèrent :
- Mais on veut juste, commença Sirius qui se fit couper par la soignante.
- Elle a besoin de se reposer et votre amie dort, alors vous la verrez ce soir.
- Elle va pouvoir sortir aujourd'hui ? sembla vouloir se rassurer le jeune Black.
- Si elle va mieux, oui ! Mais en attendant, laissez-là se reposer.
Hermione aurait pu se manifester, mais sachant qu'il y avait James et en voulant toujours légèrement à ce dernier et même à son acolyte, elle préféra continuer de faire mine de dormir. Elle aurait le temps de les voir et de leur pardonner.
- Allez-y les garçons, je vous rejoins dans la grande salle, dit alors Lily qui s'était clairement rapprochée de la sortie. Je dois juste vérifier un truc.
- Ok, dépêche-toi si tu veux qu'on te laisse des frites, plaisanta Remus.
Après un léger temps de silence, Hermione entendit de nouveau une voix, celle de Severus qui parlait doucement :
- C'est moi le « truc » que tu as à vérifier ? ironisa-t-il.
- Comment ça va ? se contenta-t-elle de demander.
- Très bien, je prends juste des vacances à l'infirmerie. Oh ça va, ne fait pas cette tête, tu m'as déjà vu dans des états bien pires.
- Je n'aime pas te voir blessé, ne t'attends pas à ce que je saute de joie sous prétexte que tu as moins mal que d'autres fois.
Cette fois, le sorcier ne répondit rien, puis Lily reprit, la voix incertaine :
- Severus, dis-moi la vérité… est-ce que tu as lancé un maléfice à James pour gagner ?
- Oh bien sûr, si Serpentard a gagné, c'est uniquement parce qu'on a utilisé la magie noire, souffla-t-il.
- Je ne dis pas ça…
- Non, c'est vrai, tu dis que c'est moi qui l'ai utilisée.
Hermione ne pouvait le voir, mais elle sentit comme de la déception dans cette réplique mauvaise.
- Je n'ai plus utilisé la magie noire depuis la dernière fois. Quoi que tu puisses penser de moi aujourd'hui, je tiens toujours les promesses que je fais.
- Sauf quand on te trahit…
- Tu ne m'as pas trahi.
- Je t'ai laissé tomber.
- Oui, soupira-t-il, mais je l'avais cherché. Bref, je t'ai promis de ne plus lancer de maléfice et je ne l'ai certainement pas fait pendant un match de Quidditch, devant des professeurs… et encore moins devant Dumbledore ! Je ne suis pas suicidaire à ce point.
Cette dernière phrase résonna étrangement aux oreilles d'Hermione, mais il continua, ne sachant pas qu'il était écouté :
- Je me suis contenté d'observer le jeu des autres. Les Gryffondors sont tellement persuadés de ne pas pouvoir perdre grâce à James qu'ils en ont oublié que c'est un jeu d'équipe. J'ai donc expliqué à Rosier que les poursuiveurs n'avaient aucune habileté de leur côté gauche et que les batteurs ne visaient jamais ceux qui n'avaient pas le souaffle. Ils n'ont aucun sens de l'anticipation. Quant à Black, c'est une vraie passoire quand il est distrait et pour ça, il suffisait qu'il sache que Potter était en difficulté. Je n'avais dès lors qu'à jouer mon rôle de boulet derrière le joueur prodige.
- Et comment as-tu réussi à la suivre aussi facilement ?
- En restant dans la légalité et sans briser aucune des 700 règles du Quidditch.
Il n'avait pas menti, même s'il ne parla pas de la legilimancie, il s'était contenté d'expliquer le strict minimum.
- Tu as changé, Severus, j'ai l'impression de te retrouver un peu comme avant…
- Je suis pourtant toujours le même, se défendit-il. C'est peut-être toi qui as changé.
- Peut-être, admit-elle. Mais je trouve que tu t'entoures un peu mieux depuis quelque temps, c'est toujours ça.
Elle entendit alors un léger bruit de matelas et un silence qui la mit mal à l'aise. Elle resta figée dans son lit, avec la sensation bizarre que quelqu'un appuyait fortement sur sa cache thoracique, puis Pomfresh soupira :
- Mlle Evans, veuillez laisser mes malades tranquilles ! Vous devriez être en train de manger.
- Désolée, j'y vais… Bon appétit, Severus.
- Merci… toi aussi…
Lily partit alors que l'infirmière était enfin revenue. Elle avait probablement dû aller chercher les traitements du midi pour le blessé, mais Hermione lui en voulut étrangement de ne pas être arrivée plus tôt.
