Disclaimer: L'œuvre Harry Potter est la propriété de J. K. Rowling.

Note: Salut à tous ! Juste un petit mot pour vous remercier d'avoir cliqué sur 3 h 27. J'espère que l'histoire vous plaira autant que j'ai aimé l'écrire. Bonne lecture !

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6 h 10.

Le matin qui se levait sur Londres ce jour-là était à l'image de l'humeur de Draco : gris, maussade et froid.

D'un geste machinal, il referma la porte de son appartement en tirant un peu trop fort et grimaça en l'entendant claquer. Theo allait lui en vouloir.

Dans l'ascenseur qui le menait vers le rez-de-chaussée, il évita son propre reflet dans le miroir. Pas que son apparence le dérangeât particulièrement; il avait travaillé dur pour garder un visage calme et une allure soignée, mais son humeur lui donnait une expression tirée qui ne lui plaisait pas.

Il vérifia machinalement sa montre en sortant. Encore trop tôt pour croiser Mrs. Figg, la voisine du deuxième – terriblement matinale mais surtout, terriblement bavarde. Une petite victoire.

Dehors, les nuages bas pesaient sur la ville comme un fardeau et étouffaient la lumière. De toute façon, il n'avait pas besoin de lumière pour savoir que la journée serait décevante. C'était toujours le cas.

Une écharpe serrée autour du cou, il avançait à contre-courant dans une marée humaine, son sac battant doucement contre sa hanche. Autour de lui, la plupart des visages étaient fatigués, voilés par la résignation d'une journée de plus. Cela aurait pu être divertissant s'il n'avait pas ressenti exactement la même chose.

Il ne lui fallut quelques minutes pour atteindre la bouche de métro la plus proche. Le train, bondé comme toujours, était une épreuve quotidienne qu'il supportait avec une lassitude grandissante. Il se fraya un chemin entre les corps pressés, évitant les contacts autant que possible. La simple idée de sentir l'odeur caractéristique d'un Alpha ou d'un Oméga dans cet espace confiné lui retournait l'estomac. Il joua des coudes jusqu'à parvenir à s'extirper de la masse, s'écroula sur un siège près de la fenêtre et posa son front contre la vitre froide. Son regard se perdit aussitôt dans le défilement des murs mais son esprit plongea ailleurs. Vers un temps où le ciel semblait un peu moins gris.

Pendant ses années à l'université, il s'était imaginé devenir une figure de proue du journalisme : dénoncer les inégalités, exposer les abus de pouvoir, changer les mentalités. Et pendant un temps, il avait cru en cette ambition.

Du moins, avant que son père ne juge bon de le ramener à la réalité.

Il inspira profondément. Ces souvenirs avaient une façon désagréable de remonter à la surface dans les moments d'accalmie, comme si son subconscient profitait du moindre répit pour le tourmenter.

Dans le reflet flou de la vitre, il pouvait presque revoir le visage de Lucius, froid et intransigeant, lorsqu'il avait refusé l'alliance qu'on lui proposait. Une Alpha bien sûr, et choisie avec soin: riche, ambitieuse et incroyablement belle.

« Ce n'est pas une question d'amour, » Avait dit Lucius d'un ton qui n'appelait pas de discussion. « C'est une question de devoir. »

Devoir. Le mot avait claqué comme un verdict.

Autant dire que son refus avait déclenché une tempête. Encore aujourd'hui, il se souvenait parfaitement du visage de son père, déformé par une rage glaciale, du regard silencieusement désapprobateur de Narcissa, qui ne trouvait jamais les mots pour s'opposer à son mari. Et lui, qui se tenait là, le cœur battant à tout rompre, mais décidé à ne pas plier.

La rupture avait été rapide. Lucius lui avait coupé tout soutien financier. Voilà comment les études brillantes de Draco, autrefois un point d'orgueil familial, étaient devenues sa propre croix à porter. Il s'était battu pour obtenir son diplôme, jonglant entre petits boulots éreintants et longues nuits d'études.

Et pourtant, tout cet acharnement n'avait conduit qu'à…ça. Une rubrique insignifiante dans un journal médiocre, où il devait vendre des banalités à un lectorat indifférent.

Le métro s'arrêta brusquement, tirant Draco de ses pensées. Il resserra son écharpe et descendit sur le quai. L'agence n'était qu'à quelques rues de là. Il poussa un soupir, réajusta son masque d'indifférence et prit la direction du bâtiment.

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La Gazette avait tout d'un rêve brisé.

Une rédaction modeste nichée dans un immeuble quelconque, à mille lieues des grandes salles lumineuses dans lesquelles il s'était bêtement imaginé évoluer. Draco poussa la porte et s'engouffra dans l'open-space, accueillant d'un regard las le chaos organisé de ses collègues. Le premier à l'apercevoir fut Colin Crivey, un jeune éditeur qui, dans toute cette grisaille, était un peu comme un soleil coincé entre quatre murs : brillant, excessif et surtout, impossible à ignorer.

« Salut, Draco ! »

Draco lui adressa un regard vide qu'il espérait suffisamment dissuasif et traversa la salle pour atteindre le seul endroit où il était censé exister, son bureau.

Sans surprise, il y trouva une montagne de dossiers. Une véritable pyramide de désespoir en papier et sur le dessus, comme un joyeux drapeau de la défaite, un post-it rose :

« Pour hier, chéri. Bisous. »

Il roula des yeux.

Le sujet de la semaine prochaine ? Les nouveaux patchs hormonaux des laboratoires Gringotts.

Draco soupira en feuilletant les documents. Il avait espéré, un jour, dénoncer les pratiques douteuses de ce genre de conglomérat. Au lieu de cela, il en était réduit à rédiger des éloges déguisés en articles.

Le produit prétendait réguler les chaleurs des Omégas avec discrétion et efficacité. Bien entendu, tout dans ce dossier sentait l'arnaque. Après tout, les Omégas étaient la cible idéale car forcés de se soumettre à des traitements hormonaux imposés par la société.

Draco, lui, était bien placé pour en parler. Cela faisait des années qu'il utilisait des inhibiteurs pour éviter les effets de ses chaleurs. Il n'avait pas vraiment le choix. Cela n'avait jamais été une solution idéale, mais c'était la seule qui fonctionnait.

Il était censé promouvoir ces patchs, leur packaging discret, leur prétendue efficacité avec l'impression de vendre son âme à chaque mot qu'il tapait. Au fond de lui, il rêvait de dénoncer ce système pourrissant mais le simple fait d'imaginer dénoncer les pratiques douteuses de Gringotts aurait probablement signifié la perte de son job et ce, avant même d'avoir eu le temps d'être publié.

Avec une résignation amère, il se plongea dans la lecture du dossier marketing, un vrai bijou de phrases creuses et de promesses exagérées.

« Confort, discrétion, élégance: enfin un traitement qui s'intègre parfaitement à votre routine ! »

Traduction: pas de chaleurs pour distraire les Alphas, pas de congés pour déranger le patronat.

Les laboratoires Gringotts n'en étaient pas à leur coup d'essai. Depuis des années, ils dominaient le marché des inhibiteurs : injections, pilules, implants. Leur nom revenait systématiquement dès qu'une innovation voyait le jour. Et à chaque fois, ils promettaient la même chose : un meilleur contrôle, une vie plus « équilibrée ».

Draco savait ce que cela signifiait réellement. Pas de chaleurs, pas d'odeur, pas de vagues. Rien qui puisse troubler l'ordre établi d'une société entièrement conçue par et pour les Alphas.

Bien sûr, il n'avait pas besoin de directives. Tout ce qu'il avait à faire, c'était de suivre le même schéma que d'habitude. Un sujet fade, une mise en forme aseptisée, quelques commentaires inintéressants et le tour était joué.

Ce fut donc un matin comme tant d'autres : l'un de ceux où il aurait voulu que le temps se fige ou qu'il puisse disparaître dans un recoin de sa propre tête. Un luxe qu'il ne pouvait malheureusement pas se permettre.

Il hésitait entre un troisième café et l'envie de se jeter par la fenêtre lorsqu'une alerte s'afficha sur l'écran fatigué de son ordinateur.

Réunion éditoriale dans 5 minutes. R.

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Le bureau de Rita Skeeter était un mélange d'opulence et de kitsch avec ses rideaux dorés, ses plantes luxuriantes et une photo encadrée d'elle-même en couverture de La Gazette, avec en légende « Une visionnaire au sommet ».

Draco entra, croisant les bras devant lui, et s'arrêta à bonne distance de son bureau.

« Rita, » Lança-t-il sans s'asseoir. « Vous m'avez demandé ? »

Elle leva les yeux de son écran et esquissa un sourire étincelant.

« Draco, mon chou. Installe-toi. »

Il haussa un sourcil mais obéit. La chaise, un modèle inconfortable volontairement choisi, grinça légèrement sous son poids.

« Alors, tu as pu jeter un œil sur le sujet de la semaine prochaine ?

- La nouveauté de Gringotts…

- Parfaitement. » Elle se renfonça dans son fauteuil en croisant les jambes. « Je vais aller droit au but. Gringotts a signé un partenariat publicitaire avec La Gazette pour trois mois. Je veux quelque chose de sensationnel cette semaine.

- Sensationnel ? Des patchs ? À moins qu'on ne découvre qu'ils explosent au contact de la peau, je doute que ce soit possible. »

Elle gloussa, comme si elle n'avait pas entendu son sarcasme.

« C'est là que ton talent entre en jeu. Trouve un angle. Fais rêver les lecteurs ! C'est à nous de montrer à quel point ce produit est une opportunité pour eux.

- Une opportunité pour Gringotts, surtout. »

Le ton de Draco se voulait neutre mais la lueur dans ses yeux trahissait sa contrariété. Rita, cependant, n'avait pas son pareil pour ignorer les remarques mordantes.

« Je savais que tu comprendrais. Gringotts a signé un partenariat publicitaire avec La Gazette pour trois mois. Alors fais briller cette chronique, Draco. »

Draco inspira en silence, s'efforçant de maîtriser son irritation.

« Et si je vous proposais une autre idée ? Un angle différent, disons. »

Elle dressa un fin sourcil blond sans se départir de son rictus.

« Je t'écoute.

- Un article qui explore les implications de ces patchs sur le marché, par exemple. Qui en profite, comment ils sont fabriqués, et pourquoi ils coûtent si cher. Vous savez, de vraies questions. »

Le regard de Rita s'aiguisa derrière ses lunettes œil-de-chat.

« Draco, chéri. C'est justement pour éviter ce genre de bavardage inutile que je t'ai donné cette rubrique.

- Je pensais que le journalisme servait à informer. »

Elle tapa du bout des doigts sur son bureau, un rythme sec et mécanique, ses ongles vernis rouges brillant sous la lumière.

« Tu es mignon quand tu fais ton petit rebelle. Mais laisse-moi être claire: cet article sera écrit dans les termes que je t'ai donnés. Et ce n'est pas tout. » Elle se redressa, ajustant le col de son affreux tailleur vert. « Je veux aussi que tu lances une section "courrier des lecteurs". Des conseils pour nos chers Omégas. Style, relations, cycles… Tu sais, les préoccupations de notre audience. »

Draco resta figé.

« Vous plaisantez?

- Oh, Draco. Tu as ce don d'interpréter mes instructions comme des suggestions. Mais non, je ne plaisante pas. »

Il pinça les lèvres, pesant le risque d'une nouvelle remarque cinglante.

« Et à quel genre de questions je dois m'attendre ? « Quelle crème choisir pour que mon Alpha ne me quitte pas? » ou « Ma famille désapprouve ma relation avec un Bêta » ?

- Exactement. » Répondit-elle en battant des cils avec exagération. « Mais écris-le avec ton style, bien sûr. Ton ton mordant plaît beaucoup à notre lectorat. »

Il lui fallut rassembler tout son sang-froid pour ne pas simplement se lever et partir.

« Vous savez que je suis sans doute la personne la moins qualifiée pour ce genre de rubrique.

- Tu es un Oméga, Draco. » La voix de Rita se fit plus sèche. « Tu sais ce que c'est. Qui pourrait mieux répondre ?

- Peut-être quelqu'un qui croit encore au concept. »

Elle se contenta de hausser les épaules, se détournant pour fouiller dans un tiroir.

« Peut-être, oui. Mais cette personne n'écrit pas pour moi. Toi, si. »

Draco secoua lentement la tête, un sourire amer aux lèvres, et posa ses mains sur les accoudoirs, prêt à se lever.

« Bien. Mais si vous voulez que je devienne une sorte de gourou relationnel, je suppose que vous me paierez en conséquence ? »

Le rire de Rita retentit dans la pièce comme un coup de fouet.

« Oh, Draco, tu es délicieux. Allez, au travail. »

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Le claquement régulier des haltères résonnait dans l'air, un bruit presque apaisant qui contrastait avec le tumulte intérieur de Draco. La salle de sport où il venait s'entraîner plusieurs soirs par semaine n'avait rien de glamour: des murs écaillés, une odeur persistante de caoutchouc et de sueur et un éclairage blafard qui ne pardonnait aucun défaut. Mais pour Draco, c'était suffisant pour s'évader, pour canaliser sa frustration et se donner l'illusion d'un contrôle qu'il avait perdu ailleurs.

Il salua d'un bref signe de tête le réceptionniste, posa son sac dans un casier et s'observa un instant dans le miroir.

Le reflet avait de quoi le frustrer. Trop mince. Bien sûr, il avait travaillé dur pour gagner un semblant de musculature: des épaules légèrement plus larges, des bras toniques, des abdominaux qui se devinaient sous la lumière crue. Mais tout cela restait loin de l'image de puissance brute qu'il avait longtemps enviée.

Un corps d'Oméga, voilà ce qu'il voyait.

Et pourtant, il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour contrer cette réalité biologique. Depuis des années, il prenait scrupuleusement ses traitements hormonaux: des inhibiteurs puissants qui stoppaient son cycle et effaçaient jusqu'à sa signature olfactive. Il évitait simplement de songer au fait que ces mêmes inhibiteurs, aussi efficaces soient-ils, provenaient des Laboratoires Gringotts.

L'ironie était amère: tout en méprisant leur monopole, il ne pouvait échapper à leur emprise. Gringotts contrôlait près de 90% du marché des traitements hormonaux destinés aux Omégas et malgré tous ses efforts pour trouver une alternative, il n'avait jamais pu s'affranchir de leur influence.

« Hypocrite. » Pensa-t-il avec un demi-sourire en ajustant les poids sur une barre.

Il commença une série de squats, sentant ses muscles protester dès les premières répétitions. La douleur était bienvenue. Elle faisait taire, pour un temps, la cacophonie de ses pensées. Chaque flexion, chaque mouvement était une petite rébellion contre ce que le monde attendait de lui: un Oméga passif, docile et surtout, invisible.

Invisible. C'était exactement ce que promettaient les patchs révolutionnaires de Gringotts. Une manière de neutraliser les Omégas, de les rendre encore plus discrets, encore plus faciles à ignorer.

Il reposa la barre sur le support, reprenant son souffle. L'air de la salle, saturé de chaleur humaine, était étouffant.

Son regard dériva sur les autres hommes qui s'entraînaient autour de lui. A quelques mètres de lui, un Alpha massif s'acharnait sur une série de pompes, ses muscles saillants sous la lumière crue et un peu plus loin, un Bêta au corps plus ordinaire trottinait sur un tapis.

Draco serra les dents. Les Alphas, avec leur assurance naturelle, occupaient toujours tout l'espace. Leur simple présence semblait crier « Ceci m'appartient ». La société leur avait toujours donné cet avantage puisqu'ils régnaient sans contestation.

Mais ce n'était pas eux qui l'irritaient le plus. Non, son vrai ressentiment, il le réservait aux Omégas qui acceptaient docilement leur place dans cette hiérarchie. Ceux qui s'aplatissaient sans lutter, qui portaient les patchs, prenaient les traitements, et courbaient l'échine avec le sourire.

Il s'essuya le front d'un geste agacé, attrapa une bouteille d'eau et s'installa sur une machine à tirage. Ses bras tremblaient légèrement sous la tension mais il continua, poussant ses muscles jusqu'à la limite.

L'effort physique était une manière de garder l'illusion du contrôle. Là, dans cette salle impersonnelle, il pouvait choisir ses limites, définir son rythme. Ce n'était pas grand-chose mais c'était mieux que rien.

Il repensa à sa journée, aux patchs qu'il devrait promouvoir dans sa chronique, et un rire amer lui échappa. Lui qui consommait des produits Gringotts depuis des années n'était-il pas le parfait exemple de l'hypocrisie qu'il dénonçait?

« Non, » se défendit-il intérieurement. «Ce n'est pas la même chose.»

Ses inhibiteurs n'étaient pas une concession, mais une arme. Une manière de contrôler son corps, de refuser le rôle qu'on voulait lui imposer.

Il s'arrêta un instant, laissant tomber ses bras le long de son corps, le souffle court. Ses pensées dérivèrent vers son propre traitement. Il avait passé des années à l'optimiser, à trouver le mélange parfait qui le rendrait invisible. Mais même là, il y avait des failles: une fatigue constante, des insomnies et cette tension sourde dans ses muscles, comme si son corps savait qu'il lui manquait quelque chose d'essentiel.

Mais c'était un prix qu'il était prêt à payer.

Il se leva, essuya la machine et se dirigea vers les tapis de course.

Il pensa à la journée écoulée, à Rita, au courrier des lecteurs qu'il devrait écrire. À cette aliénation qu'il ressentait constamment, comme si le monde entier s'était ligué pour lui rappeler qu'il ne serait jamais à sa place, où qu'il soit.

Il augmenta la vitesse jusqu'à sentir son cœur battre plus vite, son souffle se raccourcir et enfin, ses pensées s'évaporer.

A suivre...