Disclaimer : L'œuvre Harry Potter est la propriété de J. K. Rowling.


Il était 7 h 30. Draco, à bout de nerfs et privé de sommeil, avait d'ores et déjà rejoint les locaux de La Gazette. Ses pensées tournaient en rond, entremêlées de colère et d'amertume, au point qu'il peinait à garder les yeux sur l'écran face à lui. Il n'avait pas dormi, et cette fois, ses traitements hormonaux n'en étaient pas la seule cause. Non, c'était l'annonce de la veille qu'il n'arrivait pas à digérer.

Les fiançailles de Pansy Parkinson avec le prince Cédric. Une onde de choc mais surtout, une humiliation. Rita ne l'avait même pas consulté, pas une seule fois. Lui, qui aurait pu contribuer, avait été mis de côté sans la moindre explication. L'injustice cuisante de cette éviction tournait en boucle dans son esprit.

Il tenta de se replonger dans son article mais les mots qui s'affichaient sur l'écran lui paraissaient dérisoires. Les patchs régulateurs de Gringotts ? Comment pouvait-il s'en préoccuper alors que tout le journal s'apprêtait à couvrir l'événement le plus médiatisé de l'année ? Il consulta sa montre, encore une fois. Rita n'était toujours pas là.

Il avait besoin de lui parler. Il devait lui dire ce qu'il pensait, lui faire comprendre qu'il ne pouvait plus continuer ainsi. Il ne voulait plus se contenter de ces sujets sans substance ni accepter d'être ainsi relégué au second plan. Chaque minute qui passait alourdissait une colère qui bouillonnait sous la surface depuis déjà trop longtemps.

Se levant brusquement, il envoya valser son siège. Le grincement résonna dans tout l'open-space mais il s'en fichait bien. Il commença à marcher, arpentant l'espace de travail comme un lion en cage.

Alors qu'il se dirigeait vers la machine à café, son regard se posa sur Cho Chang, assise à son bureau. Sa concentration, son assurance, tout en elle dégageait une aisance naturelle. Elle maîtrisait parfaitement son sujet.

Draco sentit une pointe douloureuse d'envie s'immiscer dans sa poitrine. Elle incarnait tout ce qu'il voulait être. Elle était au cœur de l'action, dans une position qui lui semblait intouchable. Pendant qu'il luttait pour exister dans cette rédaction, elle avançait, imperturbable, gagnant en autorité à chaque nouveau sujet qu'elle abordait.

Il détourna les yeux, refusant de s'attarder plus longtemps sur cette pensée. La jalousie ne l'aiderait pas. Ce n'était pas Cho le problème. C'était Rita. Rita et son incapacité à voir ce qu'il valait vraiment.

Les heures passaient et emportaient avec elle ce qui lui restait de patience.

Lorsque la porte des bureaux s'ouvrit finalement, son cœur fit un bond. Il releva la tête, plein d'un espoir qui fut toutefois de courte durée. Ce n'était que Colin. Colin et son insupportable sourire.

Draco détourna les yeux et se concentra à nouveau sur son écran. Il ne pouvait pas se permettre de céder à l'exaspération mais il savait qu'à ce rythme, il ne tiendrait pas longtemps. Il devait sortir, prendre l'air, ou il risquait de craquer.

Il quitta son bureau sans un mot, traversant le couloir et franchissant les portes qui menaient à l'extérieur. Une bourrasque le frappa aussitôt et il ferma les yeux un instant pour en savourer la fraicheur.

Il s'arrêta, plongea les mains dans ses poches et leva les yeux vers le ciel. Gris, chargé de nuage et d'une odeur de pluie imminente. Avec un soupir, il se mit à marcher sans but précis, laissant ses pensées s'apaiser au rythme de ses déambulations.

Il ne revint qu'une demi-heure plus tard, tenant un sachet de scones qu'il avait pris comme prétexte pour sa petite escapade.

À l'accueil, Hannah était absorbée par son téléphone et ne le remarqua que lorsqu'il posa le sachet devant elle. Elle se redressa comme un ressort, les yeux brillants.

« Ce sont des scones de chez Honeydukes ? » Son sourire gagna encore quelques centimètres. « Tu sais comment faire plaisir à une femme, toi.

- Pas de quoi. » Répondit-il distraitement. « Tu sais si Rita est arrivée ?

- A l'instant. » Lui répondit la secrétaire qui fouillait déjà le paquet avec gourmandise. « Elle vient de s'enfermer dans son bureau. »

Son cœur accéléra. C'était le moment.

.

Draco se tenait là, face au bureau de Rita, les doigts crispés sur le bord en bois poli. Ses paumes étaient moites mais il refusait de bouger ou de montrer la moindre hésitation. Le poids de son regard était fixé sur elle et, pour la première fois depuis des mois, il se sentait animé par une détermination presque fébrile. Cette confrontation qu'il avait si longtemps repoussée ne pouvait plus attendre.

Il inspira profondément pour calmer le fourmillement nerveux dans ses doigts, puis se lança.

« Je sais que ce mariage est important pour la Gazette, Rita. » Son ton était plus posé qu'il ne l'avait imaginé et cela le rassura un peu. « Mais vous savez aussi que Pansy Parkinson est un sujet que je connais bien. Je l'ai étudiée pendant ma thèse, son impact dans la société, son statut de Bêta, son parcours… »

Il marqua une pause, choisissant ses mots avec soin, avant de continuer d'un ton plus assuré :

« Ce que je veux dire, c'est que je suis parfaitement qualifié pour m'impliquer dans la couverture de ce mariage. Je pourrais aider Cho à retracer le parcours de Pansy, mais aussi aller plus loin. Je pourrais rédiger une biographie détaillée. Ce n'est pas seulement un mariage royal, c'est un événement politique et social majeur. Ce sujet mérite une couverture plus profonde, plus pertinente. Je pourrais apporter une analyse que Cho ne pourrait pas fournir, pas sans mon expérience.»

Rita, parfaitement impassible, observait Draco sans dire un mot. Son silence était presque plus intimidant que ses railleries habituelles. Draco sentit son cœur s'emballer mais il continua, s'accrochant à son élan.

« Je suis prêt à tout mettre de côté pour me concentrer là-dessus. Je sais que je peux produire quelque chose d'exceptionnel, quelque chose qui mettra La Gazette au-devant de la scène. Laissez-moi prouver ce que je vaux. »

Lorsqu'il s'arrêta enfin, Draco se rendit compte qu'il avait à peine respiré entre ses phrases. Il inspira profondément mais son cœur continuait de marteler contre sa cage thoracique. Rita restait impassible, les bras croisés, son regard perçant fixé sur lui comme si elle le disséquait.

Enfin, après un moment qui lui parut interminable, elle se redressa, prit soin de réajuster ses lunettes et brisa le silence.

« C'est un projet ambitieux, Draco. » Dit-elle enfin, sa voix calme tranchant avec la tension dans la pièce. « Une biographie de Pansy Parkinson, rien que ça ? » Elle laissa un sourire en coin apparaître, plus carnassier qu'encourageant. « Mais dis-moi… qui s'occupera de ta rubrique pendant ce temps ? »

Draco ne se laissa pas déstabiliser. Il s'était préparé à cette question.

« Le monde survivra sans une semaine de rubrique. » Répliqua-t-il avec un aplomb maîtrisé. « Ces articles n'ont jamais été au cœur de ce que ce journal représente. Une semaine sans mes textes ne mettra pas La Gazette en péril. Au contraire, cela nous permettra de nous concentrer sur des sujets réellement pertinents. »

Rita le regarda longuement sans perdre son rictus.

« Tu es bien sûr de toi, Draco. Trop, peut-être. Mais il y a quelque chose que tu n'as pas encore compris. » Elle se renversa dans son siège et croisa ses bras sous sa poitrine. « Le journal doit évoluer, c'est vrai. Entrer dans une nouvelle ère, marquer l'Histoire avec des couvertures ambitieuses. Mais cela ne signifie pas qu'on peut tout chambouler d'un coup. Nous devons rester stables, offrir à nos lecteurs des repères familiers. Et c'est là que tu interviens. »

Draco la fixa, une pointe d'incompréhension dans le regard.

« Je ne comprends pas. »

Rita ricana.

« Ce que tu proposes, Draco, c'est bien trop de changements d'un coup. Ce journal a besoin de constance, de stabilité. Et toi… tu es l'incarnation de cette stabilité. Tes rubriques, ton style, c'est ce que nos lecteurs attendent. Tu ne représentes pas le changement mais un point d'ancrage. »

Draco sentit un froid glaçant l'envahir. Ce qu'il avait cru être une opportunité de prouver sa valeur n'était rien d'autre qu'une confirmation de ce qu'il redoutait : il n'était pas là pour avancer, ni pour se dépasser. Il était là pour rester exactement où on l'avait mis.

Le sourire sur les lèvres carmines de Rita n'eut soudain plus rien de rieur.

« Maintenant, si tu veux bien m'excuser, j'ai encore beaucoup à faire. »

Elle retourna à ses dossiers sans un mot de plus, le reléguant au silence.

Draco se leva lentement, les épaules lourdes.

Il n'avait pas la sensation d'avoir perdu une bataille. Il venait de perdre la guerre.

.

Dehors, le soleil disparaissait lentement derrière l'horizon, drapant le ciel de nuances douces et éphémères. Ce spectacle aurait peut-être pu apaiser l'humeur de Draco s'il avait pu le voir mais il était enfermé avec les autres membres du journal dans la salle de réunion, un espace sans fenêtres et sans apaisement.

La pièce était plongée dans un silence tendu et pour la seconde fois de la semaine, tous les regards étaient fixés sur Rita qui se tenait droite au centre de l'assemblée. Elle rayonnait d'une satisfaction qui semblait calculée, savourant l'attention comme si elle était une diva sur scène. Draco, en revanche, se sentait déconnecté de tout ce qui l'entourait.

La journée s'étiolait, étirée par une lassitude qui le tenait prisonnier. Rien ne semblait capable de briser ce vide qui l'envahissait. Il s'appuya contre le dossier de sa chaise, laissant son regard vagabonder sur les expressions concentrées de ses collègues.

« J'ai une excellente nouvelle. » Annonça Rita, brisant le silence d'une voix claire, presque chantante. A mille lieux du ton qu'elle avait eu pour lui lors de leur entretien.

Elle marqua une pause dramatique, balayant la salle du regard.

« Nous accueillons un nouveau membre dans l'équipe. »

Un frisson parcourut l'assemblée, un mélange de surprise et de curiosité qui réveilla les murmures. Tout le monde, ou presque, semblait suspendu à ses lèvres. Draco, lui, resta immobile, plongé dans une apathie qu'il n'avait même pas la force de combattre.

« Un véritable diamant brut. Il a fallu du temps pour le convaincre de nous rejoindre mais il est enfin là. »

Elle s'arrêta, souriante, comme si elle pesait ses mots. Son plaisir était palpable mais Draco n'en percevait qu'une surface exécrable.

« Ce nouvel élément aura une mission essentielle : couvrir l'actualité politique. Il apportera un regard neuf, une voix forte et une énergie qui, je le sais, va insuffler un renouveau à La Gazette. »

Un murmure plus vif parcourut la salle. Les visages se tournaient les uns vers les autres, des sourires se dessinaient ici et là. Même Zacharias Smith s'était autorisé un mouvement de sourcil intrigué.

Rita se redressa pour souligner l'importance de ses paroles.

« Entendez-moi bien, il n'est pas juste un nouveau collègue. Je compte sur lui pour redéfinir notre manière de traiter l'information politique, et surtout, nous aider à atteindre de nouveaux sommets. Une vraie chance pour nous tous. »

Draco étouffa un ricanement amer. Redéfinir leur manière de traiter l'information politique? Il avait beau cherché, il ne se souvenait pas que ce torchon ait un jour traité quoique ce soit sous un spectre politique.

De toute façon, il n'écoutait qu'à peine. Les mots de Rita rebondissaient contre le mur d'indifférence qu'il avait soigneusement érigé tout au long de l'après-midi. Il baissa légèrement les yeux, laissant ses pensées errer loin de cette pièce suffocante et de l'emphase exagérée avec laquelle sa patronne faisait enfler son discours.

Il pinça l'arête de son nez, un geste machinal pour tenter de repousser l'étau qui semblait se resserrer sur son crâne. L'amertume qui l'habitait depuis des heures paraissait amplifiait visiblement les effets secondaires de son traitement. Ses oreilles bourdonnaient comme si la pièce elle-même avait décidé de l'étouffer.

Sa main glissa lentement jusqu'à sa nuque. La chaleur qui irradiait sous ses doigts était inhabituelle, presque dérangeante. Il commença à la masser doucement, la tête lourde. Quelque chose clochait. Ce n'était pas une douleur à proprement parler mais une gêne qui s'enracinait profondément, troublant ses pensées déjà embrouillées.

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti un tel inconfort. Il fronça les sourcils, sondant ses sensations. Rien d'alarmant, se rassura-t-il, mais assez pour lui rappeler que son corps était constamment sous pression, subissant les caprices de ses inhibiteurs. Il n'avait jamais totalement maîtrisé ces traitements et les symptômes imprévisibles revenaient parfois le hanter sans prévenir.

Il inspira le plus silencieusement possible pour ne pas attirer les regards mais cela n'eut aucun effet. Le bourdonnement persistait, la chaleur continuait de grimper le long de sa colonne vertébrale et il se sentit soudain oppressé par l'atmosphère de la salle de réunion.

Il n'avait qu'une envie : sortir. Quitter cet espace clos où tout semblait peser sur ses épaules. Une grande bouffée d'air frais, voilà ce qu'il lui fallait. Mais Rita, toujours au centre de l'attention, continuait de parler, et les regards étaient rivés sur elle. Draco sentait qu'il était pris au piège, incapable de céder à son besoin urgent de s'échapper.

Il pressa un peu plus fort sur sa nuque, comme si le simple geste pouvait calmer la rébellion sourde de son corps. Rien n'y faisait. Ses doigts retombèrent lentement sur ses cuisses, et il s'obligea à lever les yeux vers Rita, espérant trouver dans son discours une distraction, aussi maigre soit-elle, pour détourner son esprit de ce malaise grandissant.

« Maintenant, trêve de suspense, mes chers collègues.»

Elle laissa tout de même planer un dernier silence puis, avec un sourire plus large que jamais, elle tourna la tête et tendit une main élégante vers la porte.

À l'instant précis où le battant pivota, le bourdonnement dans la tête de Draco cessa net, comme si un interrupteur invisible avait été enclenché. Mais cette accalmie ne dura qu'une fraction de seconde, remplacée par une vague tout à fait différente.

Il sentit son souffle se bloquer et une chaleur intense l'envahir, lui coupant les jambes. Le nouvel arrivant franchit le seuil avec une aisance désinvolte, sa silhouette attirant immédiatement tous les regards.

Un sourire assuré flottait sur ses lèvres, et sa posture, d'une nonchalance impeccablement maîtrisée, dégageait une confiance inébranlable. Mais par-dessus tout, ce furent ses yeux qui frappèrent Draco de plein fouet.

D'un vert éclatant, presque surnaturel, ils semblaient capter toute la lumière de la pièce, réduisant le reste du monde à un arrière-plan flou. Une certitude brutale s'imposa à lui, comme une évidence impossible à ignorer.

Un Alpha.

Draco écarquilla les yeux, incapable de détourner son regard. Son cœur s'emballa bien malgré lui. Une tension inexplicable le clouait sur place, une sorte d'instinct primaire qu'il ne comprenait pas encore mais qui résonnait dans chaque fibre de son corps.

La voix de Rita le ramena à peine à la réalité.

« Je vous demande d'accueillir comme il se doit Harry Potter.»

Tout le monde se mit à applaudir, sauf Draco. Tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il ressentait, était concentré sur l'homme qui venait de pénétrer dans sa vie comme une véritable tempête.

A suivre…


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