Chapitre 9

Cela faisait deux semaines qu'ils avaient de nouveau pris possession des lieux, reprenant doucement leurs habitudes. Radek avait été réintégré grâce à la force de persuasion d'Elisabeth auprès de l'IOA, et un peu aussi grâce à Rodney, même s'il ne voulait pas l'avouer. Ce genre de faveur restait exceptionnelle mais aux vues des récents événements, il avait été difficile de la lui refuser. Il devait passer la porte d'une minute à l'autre et Andréa attendait patiemment son arrivée en salle de contrôle, lorsque Chuck annonça l'ouverture de la porte des étoiles. Elle dévala les marches deux par deux jusqu'à la salle d'embarquement. Elle avait pris tellement d'élan que Radek manqua de tomber lorsqu'elle lui avait sauté au cou.

Tout allait pour le mieux et le fait que le Tchèque soit de nouveau présent ne faisait qu'accroître sa bonne humeur. Elle n'avait pas beaucoup échangé avec lui depuis qu'elle était revenue sur Atlantis alors elle avait prévu de passer l'après-midi avec lui. Elle n'allait pas lésiner sur les détails de sa dernière soirée passée sur Terre avec le Caporal Jones. Ils s'étaient quittés devant son appartement et Andréa en gardait un souvenir douloureux. La nouvelle avait été brutale et elle ne réalisait que maintenant qu'elle n'allait pas le revoir de sitôt. Elle lui avait promis de reprendre contact avec lui si jamais elle venait à retourner sur Terre, mais cela n'arriverait pas avant un long moment, alors elle accusait le coup comme elle pouvait. En sachant que Radek serait hors monde les deux prochains jours, elle avait passé toute l'après-midi avec lui.

Une pièce avait été aménagée en salle de repos et se composait de canapés et de fauteuils plus confortables les uns que les autres. Elle n'était pas très grande mais cela suffisait pour s'y sentir à son aise. L'affluence variée selon les jours et aujourd'hui, ils avaient hérité du lieu pour eux seuls. Les genoux repliés, Andréa jouait avec l'étiquette de son pull qu'elle avait retiré. « Alors, comment c'était ? Est-ce que tu as appris le Néerlandais ? ». Assis à l'autre bout, il rigola. « Tu sais, nos deux langues ne sont pas si différentes mais je n'ai pas eu le temps. ».

« Est-ce que ça te manque ? ». Donner des cours à l'Université n'avait pas été une expérience si excitante qu'il avait pu le penser. Radek avait pourtant touché du doigt son rêve mais travailler dans une autre galaxie montait d'un cran sur son échelle de satisfaction. « Ce n'est pas comparable à ce que l'on vit ici. ». Elle le regarda du coin de l'œil, un sourire malicieux au coin de ses lèvres. « Est-ce que je t'ai manquée ? ». Le fait de faire mine de réfléchir l'amusa et Andréa tendit sa jambe pour le pousser gentiment. « Tu n'es pas censé réfléchir à cette question ! ». Un fou rire commença à raisonner entre les quatre murs, à s'en tordre de douleur. Radek fut coupé lorsqu'un coussin s'écrasa sur lui.

Après quelques coups, les deux amis s'étaient fixés. Radek sentait que quelque chose l'ennuyait. « Ne t'inquiète pas, tout va bien. ». Il tendit son bras et elle se mouva pour s'y plonger avec émoi. « Tu m'as manqué ! ». Alors qu'il faisait aller sa main sur son dos, elle renforça sa prise autour de sa taille et enfonça sa tête sur son torse. « Je me rappel de certaines choses. ». Il savait de quoi elle voulait parler et il la laissa continuer. « Le soir où il m'a raccompagné chez moi, il a posé la couverture sur moi, avant de partir. Tu aurais fait ça toi ? ». Il répondit sans hésiter. « Bien sûr que oui ! ». Cela la conforta dans l'idée qu'il s'agissait purement d'un geste amical. Elle souffla bruyamment, comme déçue et Radek l'embrassa sur ses cheveux pour la réconforter. Alors qu'elle se blottissait plus près, ce bref contact lui fit écarquiller les yeux. « Oh mon Dieu ! Il a fait ça aussi ! ».

« Andréa, je pense que tu devrais te calmer un peu sur les plantes que Teyla met dans ton thé ! ». Elle fronça les sourcils et releva la tête. « Tu crois que je me fais des films, hein ? ». Il pinça ses lèvres et acquiesça doucement. « Oh merde », avait-elle soufflé en se laissant retomber sur lui. « Maintenant que tu le dis, tu as peut-être raison. ». Il fixait le haut de sa tête et souriait silencieusement.

Son cerveau se mit en route et un détail l'interpella, la faisant se relever d'un coup. « Attends une minute. Pourquoi as-tu parié alors ? ». Elle pouvait lire la gêne sur son visage. « J'avais parié sur Jones », avait-il avoué honteusement. « Après tout ce que je t'ai dit sur Evan ? ». Andréa était rendue à l'extrémité du canapé et elle plissa les yeux. « Traitre ! ». Cette complicité lui avait manquée. Ils avaient tenu bon malgré la distance mais rien ne pouvait briser ce lien particulier. « Il m'a envoyé un courriel hier pour me dire qu'il était bien arrivé chez sa mère. ». Elle savait que ces échanges allaient s'estomper avec le temps, comme avec ses amis des années plus tôt, mais la vie était ainsi faite.

« Il est gentil, attentionné, un peu rentre-dedans, mais… ». « Mais ce n'est pas Evan. », avait-il terminé. Elle acquiesça, visualisant chaque trait du visage d'Evan qui la faisait craquer. « Il y a quelque chose chez lui qui me fait perdre la raison. Il n'y a pas de filtres, c'est comme si j'étais moi-même. ». Sa voix était intensément calme et Radek ne put s'empêcher de pouffer. « Rassure-moi, tu ne vas pas encore me lister ses qualités ? ». Faussement vexée, elle asséna un léger coup sur son bras, faisant rire le physicien.

Reprenant son sérieux, Andréa se redressa. « Je ne sais pas qui va remplacer Adrian. ». Radek avait entendu des bruits de couloirs et il savait qu'un militaire et qu'un botaniste devaient arriver d'ici peu. Gérald Baxter devait assister Katie Brown dans ses recherches. Radek lui confia que Rodney avait des vues sur la botaniste, ce qui étonna Andréa. « Je ne savais pas qu'il était du genre à penser à autre chose que le travail. ». Il n'était pas le meilleur pour exprimer ses sentiments mais cette relation platonique lui convenait pour le moment.

Katie n'avait pas l'autorisation d'effectuer des excursions interplanétaires mais elle comptait bien en faire la demande une fois que Gérald serait en poste. Andréa savait qu'elle verrait la jeune femme plus souvent si elle venait à sortir avec Rodney. Elle imagina Katie au bras d'un Rodney peu sûr de lui et elle partagea cette vision avec Radek, manquant de suffoquer.

« Tu sais qui est ce Lieutenant Reed ? ». Il n'avait pas beaucoup d'informations à son sujet, uniquement qu'il avait la quarantaine et que ses états de services étaient excellents. S'il stagnait au grade de Lieutenant, cela venait du fait qu'il avait du mal à respecter la chaîne de commandement allant parfois à l'encontre des ordres donnés. « Ça va plaire à Evan. », avait-elle ironiquement sorti.

Après avoir épilogué sur différents sujets, Andréa s'était aperçut qu'il en fuyait un en particulier. « Est-ce que le Caporal Meyers te fait toujours les yeux doux quand tu la croises dans les couloirs ? ». Il n'avait jamais été aussi gêné ce qui amusa la jeune femme à ses côtés. « Elle m'a invitée à boire un verre. », avait-il répondu timidement. Il avait instinctivement fermé les yeux, se concentrant pour atténuer le cri strident qu'elle venait de pousser. « C'est arrivé quand ? Je veux tous les détails, espèce de cachotier ! ». Elle se rapprocha de lui, arborant ses yeux de biches qu'elle maîtrisait à la perfection. « Elle m'a demandé tout à l'heure. Mais ce n'est rien d'autre qu'un verre parce que contrairement à quelqu'un que je ne nommerais pas, je ne me fais pas de films, moi ! ». Il sursauta à la tape qu'il venait de recevoir sur sa jambe.

Elle s'approcha plus près, croisant ses mains sous son menton en battant des cils. « Je veux une date Radek. ». Il ne pouvait que sourire à cette moue typiquement féminine. « Cela devait être ce soir mais je lui ai dit que j'étais déjà pris. ». « Radek ! », s'insurgea-t-elle. « Tu es un parfait idiot ! Il n'y aura peut-être pas d'autres occasions comme celle-ci ! ». Le rendez-vous était finalement prévu dans la semaine, et Andréa exigea de lui un rapport quotidien. « Tu exagères là ! ». « Ok, alors disons une fois par semaine. ». Andréa tendit son petit doigt vers lui. « Deal ? ». Radek l'agrippa du sien en souriant. « Deal ! ». Elle lui répéta qu'il aurait dû accepter sa proposition à sortir mais il n'avait eu aucun remord à décliner son offre. Il l'attira vers lui en l'enlaçant, puis serra plus fort pour la chambrer. « Je préférais rester avec toi, tête de linotte ! ». Les hostilités étaient lancées, entreprenant de se chamailler à coup d'oreillers. Personne n'était rentré à ce moment et même si cela avait été le cas, ils ne l'auraient même pas remarqué étant trop occupés à s'amuser comme deux adolescents. Ils avaient tellement de choses à se raconter qu'ils s'étaient vu discuter toute la nuit, sans se soucier de leur état de fatigue.

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À la suite d'une erreur de planning, Radek s'était vu accorder deux jours de repos consécutifs. Il en avait profité pour se rendre sur une planète uniquement peuplée d'animaux, accompagné de Ronon qui ne s'était pas fait prier lorsque Radek avait évoqué l'environnement boisé. Féru de chasse, le coureur avait saisi l'opportunité de pouvoir traquer du gibier pour se remettre en selle.

À l'aide de radars, Radek avait procédé à plusieurs examens, qui consistaient à mesurer la permittivité diélectrique du sous-sol de la région. Il avait exposé ses projets à Ronon en lui expliquant qu'il faisait référence à la propriété d'un matériau qui affecte le champ électrique qu'il contient. Il s'agissait de mesurer la quantité d'énergie électrique que le matériau pouvait stocker lorsqu'il était exposé à un champ électrique. Le coureur ne comprenait pas grand-chose et s'était fixé sur son objectif de ramener quelques bêtes pour le déjeuner.

Le Colonel Sheppard les avait simplement déposés la veille, sachant que le physicien serait en sécurité avec le Satédien à ses côtés. Tous les trois à bord du Jumper Sheppard fut surprit de ne pas avoir à transporter une demi-douzaine de trophée, alors il demanda au principal intéressé comment s'était passé sa partie de chasse. « S'il y a eu un seul gibier, il a été effrayé par le bruit de toutes ces maudites machines ! ». D'ordinaire peu démonstratif, il grogna presque en évoquant sa déception. Radek eut beau s'excuser en lui précisant que c'était nécessaire, cela n'avait pas atténué la colère de Ronon qui affichait un air renfrogné. « C'est vous qui vouliez y aller je crois, non ? ». Il grogna de nouveau. « La prochaine fois, empêchez-moi ! ».

Radek se pencha vers Sheppard, qui tendit l'oreille. « Il a été comme ça toute la nuit ; grincheux et agité. ». Alors qu'ils charriaient le coureur, Radek s'arrêta net en regardant les images sur son écran. « Atlantis devrait être devant nous, pourquoi on ne voit rien ? ». Ce n'était pas normal et Sheppard savait que si la cité avait été occultée, Elisabeth les auraient prévenus. Radek demanda au Colonel d'ajuster le cap à quarante degrés au sud, ce qu'il fit sans se faire prier. Le système de navigation se coupa, ce qui ne les avaient pas rassurés. Ils volaient au-dessus de l'océan et n'avaient plus aucun moyen de savoir où ils se trouvaient.

Après avoir effectué quelques manœuvres, Atlantis apparut devant leurs yeux. Radek suggéra une défaillance qu'il s'empresserait d'inspecter une fois qu'ils auraient atterrit. Ronon semblait tendu et Sheppard lui recommanda fortement d'accepter l'invitation de Teyla visant à se détendre lors d'une séance de méditation.

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Ronon avait suivi les conseils de Sheppard et ils venaient de terminer une séance de réflexion. Peu importe le lieu, Teyla n'avait jamais cessé de pratiquer cette technique qui apaisait ses tensions. Pendant ces quelques heures, son corps et son esprit s'étaient mélangés, provoquant en elle la sensation de bien-être attendue. Cette session lui avait fait le plus grand bien, malgré les ronflements de Ronon, sur qui cela avait apparemment eu un effet soporifique.

Après s'être quittés, Teyla s'était dirigée vers le mess. Alors qu'elle parcourait les couloirs de la cité, elle s'arrêta un moment, figée sur une silhouette en face d'elle. Vêtue comme les Anciens elle se demanda qui elle était la femme qui se rapprochait doucement d'elle. Elle parlait une langue qu'elle ne comprenait pas et Teyla ne manqua pas de lui faire savoir son incompréhension. Elle était presque en face d'elle lorsque la forme la traversa littéralement. L'Athosienne resta impassible en essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Était-ce son imagination ou un effet secondaire de la méditation qu'elle venait de pratiquer ? Elle avait mis ça sur le coup du moment de détente qu'elle venait de passer et s'était dit que son esprit lui jouait surement des tours.

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Rodney se tenait sur le balcon menant à la salle de contrôle. Une paire de jumelles à la main, il observait les baleines au loin. Cela lui rappelait sa mésaventure de l'année précédente, où le Jumper qu'il pilotait avait coulé en pleine mer. Il était resté coincé dans la soute arrière pendant presque douze heures. En simple repérage, il était accompagné d'un technicien lorsque l'appareil avait montré des signes de dysfonctionnement, les plongeant à plus de trois cents mètres sous les eaux, coupés du monde extérieur. Le technicien avait sacrifié sa vie pour celle de Rodney, en activant la commande manuelle du Jumper. Il avait enclenché la manette à l'avant de l'appareil, enfermant Rodney à l'arrière.

La pression de l'eau avait fait exploser la vitre avant, laissant l'astrophysicien seul à son sort. Rodney était redevable de ces cétacés qui lui avaient sauvé la vie. Leurs ultrasons avaient guidé Sheppard et Radek jusqu'à lui. Alors il était là, fasciné par le balai incessant qui se dessinait devant lui. Sheppard passa la porte et fut intrigué de voir Rodney admirer l'océan. Il lui emprunta ses jumelles et observa à son tour le spectacle qui s'offrait à lui.

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Teyla arpentait les couloirs de la cité lorsqu'elle s'arrêta en plein milieu, guidée par son instinct. Elle pouvait clairement sentir une présence et ne fut pas étonnée de trouver une femme en face d'elle. Plus elle avançait vers elle, plus sa silhouette laissait à penser qu'il s'agissait d'un Ancien. Elle semblait parler mais le son produisait un effet électronique qui devenait incompréhensible. Son cœur fit un bon dans sa poitrine lorsque la femme la traversa littéralement comme un fantôme. Pourtant ouverte d'esprit, elle n'avait pas compris ce qui venait de se passer. Elle avait à présent disparue aussi vite qu'elle était apparue, la laissant stoïque devant Ronon qui venait de se montrer.

Elle se demandait si ses visions ne venaient pas d'une quelconque maladie qu'elle aurait pu attraper. Ronon avait assisté à la scène et lui avait fortement suggéré de se rendre à l'infirmerie pour passer des examens. Tout était normal et son état physique ne signalait rien d'inquiétant. Ronon et Elisabeth l'avaient accompagnée auprès de Carson qui avait cherché en vain une explication à ses hallucinations.

Le coureur avait pensé aux nanites mais cette théorie avait été réfutée par Carson, certifiant que l'activité neuronale indiquerait une défaillance sur le scanner si c'était le cas.

Elisabeth avait confié ses doutes à Sheppard, priant pour qu'il ne s'agisse que d'un manque de sommeil. Alors qu'ils arpentaient les couloirs menant à la salle de contrôle, Rodney interpella Elisabeth et lui demanda si elle avait pris connaissance de ses courriels. Elle n'avait pas manqué de lui faire comprendre que ses dix-huit courriels reçus la veille et les sept autre du jour, lui avaient semblaient excessifs.

L'obsession de l'astrophysicien revenait au galop et elle s'empressa de refuser sa demande. Les Réplicateurs avaient laissé trois E2PZ et il souhaitait plus que tout les garder pour lui. Seulement, le vaisseau Odyssée était en proie à une guerre contre les Oris et la base située en Antarctique en avait grandement besoin, alors il abdiqua.

Il n'avait pourtant pas manqué d'arguments dans les vingt-six pages qu'il lui avait adressées, mais elle était catégorique. Alors qu'elle pensait en avoir terminé, il pianota sur sa tablette et l'agita fièrement sous les regards interrogatifs de ses deux interlocuteurs. « J'ai trouvé ça dans la base de données des Anciens. C'est une sous-section de la vie animale Lantéene. Vous saviez qu'il existait un homard aussi gros qu'une voiture ? ». Son débit traduisait son excitation, ne voulant plus s'arrêter. « Et qu'est-ce que c'est ? », lui demanda Elisabeth en pointant l'objet tactile.

Sheppard ricana et s'empressa de mentionner qu'il s'agissait de l'amie de Rodney, une baleine de plusieurs tonnes qu'il avait vu de près. Le mammifère qui ressemblait à un cétacé ordinaire, n'était rien d'autre qu'un énorme poisson et différait de ce qu'ils pouvaient connaître sur Terre. Les Anciens avaient nommé cette espèce Flagecallus, ce qui n'était pas du goût de Rodney. « Pourquoi un tel intérêt ? ». « Oh, il nage autour de la cité. Sheppard et moi l'avons vu. C'est peut-être celle qui m'a sauvé la vie quand mon Jumper a coulé. ». Le visage de Sheppard s'assombrit, lui rappelant que ce n'était pas vraiment le poisson mais plutôt Zelenka et lui-même qui l'avait secouru.

Rodney avait toujours eu un faible pour le Colonel Samantha Carter. Cela remontait à l'époque où il avait intégré le programme Stargate et il l'avait tout de suite bien aimée. Alors il avait trouvé ça normal de donner un nom à la baleine et quoi de mieux que Sam. Il essaya de s'expliquer face aux visages déconcertants se tenant face à lui, mais la seule chose censée qu'il put dire fut qu'il s'agissait d'un prénom mixte. « Et comment savez-vous que c'est un mâle ? ». Il fit aller ses doigts sur sa tablette et la montra fièrement. « J'ai comparé les images de la base de données et vous pouvez voir que les mâles ont un gros… ». « C'est bon. Laissez tomber, je vous crois. », coupa Elisabeth. « Ces futilités n'empiètent pas sur votre temps de travail ? », avait-elle ajouté. Après lui avoir assuré que ce n'était pas le cas, elle s'était pressée de rejoindre la salle de contrôle, ne voulant pas en entendre davantage.

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Andréa sortit de ses quartiers et pressa le pas pour se restaurer au mess. Les couloirs étaient quasi déserts et elle s'activa pour satisfaire son estomac qui commençait à grogner. Perdue dans ses pensées, elle essayait toujours de combler ses trous de mémoires de sa soirée passée sur Terre. Elle se força à se souvenir et se repassa ses brefs moments de lucidité. Elle avait renversé son sac à main devant la porte d'entrée et se revoyait vaguement y chercher ses clés qui se trouvaient finalement dans sa poche. Elle avait souri, peu surprise de cette action qu'elle aurait pu faire étant à jeun.

Andréa se revoyait s'affaler dans son canapé. Des brides lui revenaient par fragment même si cela restait flou. Elle avait eu froid et avait soudainement senti un poids s'étaler sur elle. C'était bien son plaid, il l'avait couverte pour éviter qu'elle ne prenne froid. Elle fut contente que les couloirs qu'elle arpentait soient vides, rassurée que personne n'ait vu son sourire niais. Ce simple geste la confortait dans l'idée qu'il était là pour elle, au-delà d'un simple collègue. Elle sentait au fond d'elle-même que les pièces du puzzle n'était pas complet. Alors qu'elle fouillait encore, elle fronça les sourcils, sentant comme une réelle présence derrière elle, laissant une gêne s'installer.

Elle entendit soudainement un son électronique qui n'avait pas l'air d'être humain et se retourna d'un bon. Elle se sentit comme paralysée, sentant les frissons parcourir son échine. Elle attendit un moment avant de comprendre qu'il n'y avait personne. Elle se retourna pour reprendre sa route et poussa un cri de stupeur. Une femme se tenait devant elle, la main tendue et prête à lui rentrer dedans. Andréa ferma les yeux en les protégeant de ses mains, attendant l'impact. De longues secondes venaient de s'écouler et rien ne se passa, si ce n'est qu'un fantôme venait la traverser. Elle releva la tête et scruta les alentours, ne voyant rien d'autres que les yeux de quelques scientifiques qui la fixaient. Son cœur battait à tout rompre et elle s'empressa de prendre le chemin du laboratoire pour parler à Radek, n'ayant aucune idée de ce qui venait de se passer.

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La salle de sport ne pouvait pas accueillir beaucoup de monde et il fallait réserver des créneaux horaires pour pouvoir s'y entraîner. La priorité revenait aux militaires, ce qui paraissait évident pour tout le monde. Le Sergent Stackhouse était assis sur le banc, une serviette sur l'épaule. Après s'être fait ridiculiser par Evan, il porta sa bouteille d'eau à ses lèvres et la vida presque d'une traite. Le combat rapproché n'était pas son fort et il le savait. Stackhouse savait également qu'il allait hériter de quelques bleus après la séance d'entraînement qu'il venait de vivre.

Evan se posta devant lui, les mains sur ses hanches, exprimant sa fierté par sa posture glorieuse. « Vous avez fait des progrès, Sergent. ». Il avait du mal à déceler s'il s'agissait d'un compliment ou d'un sarcasme. « Merci, Monsieur. ». Il restait septique mais Evan le rassura en lui confiant que sa garde était bien meilleure que lors des précédentes séances.

Les yeux dans le vide, le sergent regardait sa bouteille d'eau. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser au Caporal Jones. Ils n'avaient aucune idée de qui allait prendre sa place dans l'équipe. Evan agita sa main devant ses yeux, le tirant de ses pensées. « À quoi pensez-vous Sergent ? ». Il fit tournoyer le contenant dans ses mains, faisant se tordre le plastique sous la pression. « Jones. ». Evan plissa les yeux lorsqu'il entendit son nom. Il se rappelait très bien avoir vu Andréa partir avec lui quelques semaines auparavant. Cela ne lui avait pas plu et ce sentiment de mal-être refit surface en y repensant. « C'est un bon gars. L'armée a perdu un bon élément mais j'aurai fait pareil à sa place. La famille c'est sacré. ». Même s'il était d'accord sur le principe, Evan n'était pas mécontent de son choix de démissionner. La jalousie lui avait joué des tours et il n'avait pas apprécié sa proximité avec Andréa.

Il était du genre discret en ce qui concerne ses ressentis mais Steackhouse était un fin observateur. Il n'avait pas mis longtemps à comprendre qu'Andréa l'aimait bien. Il travaillait avec le Major depuis une paire d'année et il avait remarqué son changement de comportement lorsque l'astrophysicienne était dans les parages. Il devenait aussi timide et secret qu'un pangolin. Il n'avait jamais vu son supérieur aussi troublé alors il décida d'en savoir plus en faisant à sa manière. « Il doit manquer au docteur Davis si vous voulez mon avis. ». Evan fronça les sourcils, se demandant s'il avait loupé un épisode. « Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? ». Il lui fit juste remarquer qu'ils avaient l'air de bien s'entendre lorsqu'ils étaient sur Terre. Il n'avait pas non plus l'intention de semer la zizanie entre eux.

« J'aime bien le docteur Davis, elle est sympa. Ça nous change des rats de laboratoires ennuyeux. ». Evan se demanda de nouveau ce qu'il cherchait à faire en s'exprimant ainsi. Steackhouse n'était pas du genre à dénigrer qui que ce soit alors ce changement de comportement l'intriguait. « Un peu de respect Sergent ! C'est comme nous traiter de troufion, je ne suis pas certain que cela vous plaise. ». Il avait peut-être été un peu loin et s'excusa auprès de son supérieur avant de reprendre. « Ce que je veux dire, c'est qu'elle a le don pour vous faire oublier tous vos soucis. ». Il avait beau prêcher le faux pour avoir le vrai, Evan ne laissait rien transparaître, alors il passa à la vitesse supérieure.

« Vous savez si elle voit quelqu'un ? ». Cette question avait eu l'effet d'une bombe dans son esprit. « Vous êtes amis, alors je me disais que vous saviez peut-être. ». Un mal de tête s'installa dans un recoin de son cerveau, le forçant à se pincer les yeux pour atténuer le mal. Le Sergent se leva, voyant son commandant chanceler. « Major, ça va ? ». Il hocha silencieusement la tête jusqu'à ce qu'un hurlement ne lui parvienne aux oreilles, provenant du fond de la pièce. Un homme était étendu au sol, le corps à moitié calciné, tentant de ramper vers lui. Evan tendit sa main pour l'attraper mais il sentait qu'une force inconnue l'empêchait de la saisir. Il ne comprenait pas un traitre mot de ce qu'il disait mais il voulait simplement l'aider.

Il n'arrivait pas à intégrer ce qui venait de se passer mais il savait pertinemment qu'il n'y avait personne d'autre que le Sergent et lui dans cette pièce, alors il ferma les yeux pour s'en convaincre. N'ayant pas eu de réponse, Steackhouse avait posé sa main sur son épaule, essayant de le ramener à lui. Evan sursauta et le regarda. En une fraction de seconde, la pièce était redevenue aussi normale qu'elle ne l'était.

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Teyla se trouvait dans le bureau du docteur Heightmeyer, prête à livrer son expérience désagréable. Elle expliqua ses visions en lui confiant qu'il s'agissait peut-être du peuple Ancien qui voulait délivrer un message, même si elle n'en était pas complètement convaincue. La femme qu'elle avait aperçue semblait avoir peur de quelque chose. Lors de sa seconde vision, elle avait clairement distingué ce qui s'apparentait à un homme brûlé vif. Cela n'avait aucun sens pour les deux femmes.

Teyla se demanda si Ronon n'avait pas raison lorsqu'il lui avait signalé avoir abusé de méditation ou de thé Athosien. « Certaines personnes pensent que la méditation est un moyen d'accéder à un monde spirituel. ». Ces mots avaient raisonné en elle, se demandant si les Anciens n'étaient peut-être tout simplement pas coincés entre deux niveaux d'existence. Si sa théorie s'avérait vraie, la méthode de communication laissait à désirer.

Après leur entrevue, Kate avait fait part à Elisabeth des quelques mots échangés avec Teyla. Bien que tenue au secret médical, elle ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter. Cela avait commencé par des maux de tête jusqu'à littéralement avoir des visions. Le docteur Weir confia à son tour avoir vu une scène qui dépassait l'entendement. Un homme dont le visage portait des traces de brulure, se trainant au sol en réclamant de l'aide. Il ne s'agissait probablement pas d'une coïncidence et elles étaient maintenant convaincues que les Anciens cherchaient à communiquer avec eux. Kate avait beau prôner le pouvoir de suggestion, Elisabeth n'était pas de cet avis.

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Rodney se tenait face à son ordinateur, plongé dans sa lubie du moment, lorsque Sheppard fit son entrée. Les scanners de la cité montraient que Sam nageait autour de la ville depuis un moment. En y regardant de plus près, il apercevait une seconde baleine, trois fois plus grande que la première. Intrigué, Sheppard demanda au physicien s'il voulait les observer de plus près, ce qu'il accepta. Visiblement tracassée, Andréa arriva au moment où Rodney passait la porte, manquant de le renverser. Sheppard posa instinctivement sa main sur son épaule, voyant son expression fatiguée.

« Vous allez bien ? ». Elle hocha la tête en demandant aux deux hommes s'ils avaient vu Radek. « Et bien, il n'est pas là ! », avait répondu Rodney sur la défensive. Elle n'attendit pas son reste et partie rapidement à la recherche de son ami. Sheppard fronça les sourcils après son départ. « Elle a l'air perturbée, non ? ». Rodney releva la tête de son écran portable. « Hein !? Je n'ai rien remarqué. ». « Pour ça il faudrait regarder les gens, Rodney ! ».

Arrivés au Jumper, Radek avait toujours sa tablette branchée au système central. Il n'avait toujours aucune idée d'où venait le dysfonctionnement survenu le matin même. Lorsqu'il leur confia ses doutes à ce sujet, Sheppard lui expliqua brièvement qu'ils allaient explorer les alentours pour observer les baleines. Il demanda au physicien de les suivre sur le radar depuis la salle de contrôle. Alors que le Tchèque commençait à ranger son attirail, le Colonel l'informa avoir vu Davis qui cherchait après lui, en précisant qu'elle n'avait pas l'air d'aller son assiette.

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Andréa s'empressa de rejoindre le hangar à Jumper, comme lui avait indiqué un technicien croisé en route, mais à son arrivée le hangar était vide. Elle allait devenir folle à courir partout. La jeune femme se demanda où il pouvait se cacher, ne l'ayant pas croisé en chemin, elle prit la direction de la salle de contrôle. Au bout du couloir menant en salle d'embarquement, elle apercevait Evan, son sac de sport sur l'épaule. Bientôt à son niveau, elle lui adressa son meilleur sourire jusqu'à ce qu'il ne la dépasse sans même lui prêter attention. Il sursauta lorsqu'il entendit son nom. Il était clairement distrait et une multitude de questions traversa l'esprit d'Andréa. « Tout va bien ? ». Il avait hoché la tête en lui expliquant être en retard pour sa ronde qui n'était pas prévue. Jouant la carte de la bonne figure, elle n'y croyait pas une seconde mais elle le laissa filer sans un mot de plus.

Elle avait atteint la salle d'embarquement et pouvait enfin apercevoir Radek. Satisfaite, elle grimpa les marches qui les séparaient et se plaça à ses côtés. « Le Colonel Sheppard m'a dit que tu n'avais pas l'air bien, mais je n'ai pas eu le temps de venir te voir, je dois superviser leur excursion. ». La jeune femme lui dévoila souffrir de maux de têtes et avoir eu une vision un peu plus tôt. Cela n'avait pas eu l'air de l'étonner parce qu'elle était la troisième personne à sa connaissance, ce qui avait répondu à sa question implicitement posée ; « Est-ce que tu penses que je deviens folle ? ». Son cerveau rassembla toutes les pièces et elle pensa à Evan, qu'elle venait de croiser. Il ne lui avait rien dit mais elle était maintenant certaine qu'il possédait les mêmes symptômes.

Elle resta un moment près du tchèque, observant le Jumper de Rodney et Sheppard se déplacer sur le radar, jusqu'à ce que la voix de Sheppard ne se fasse entendre à la radio. « Zelenka, vous êtes là ? ». Andréa posa son doigt sur l'écran de contrôle, indiquant à Radek la position des monstres marins. « Je suis là. Les baleines sont plus au fond, à un kilomètre de votre position. ». Andréa leva les yeux vers le tchèque et s'étonna du fait que cela leur prendrait deux heures.

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Evan ne s'était pas expliqué sur ce qu'il avait vu, jugeant ça inutile, il avait mis ça sur le coup de la fatigue même si tout cela était complètement irréel. Il avait dû remplacer le Sergent Bell sur son tour de garde, qui se sentait fiévreux. Evan patrouillait avec Stackhouse, arpentant les nombreux couloirs. Son mal de tête ne l'empêchait pas de mener à bien sa ronde mais elle s'intensifiait au fil du temps. Le Sergent l'avait remarqué et il n'allait pas défier son supérieur, surtout après le moment de récréation qu'il s'était accordé plus tôt.

Il s'arrêta lorsqu'il le vit se frotter les yeux une nouvelle fois. Le Sergent sentait qu'il peinait à mettre un pied devant l'autre et se tenait en retrait pour parer à toutes éventualités. Lorsqu'il leva la tête, Evan fut de nouveau surpris de voir l'homme blessé au fond du couloir. Il revoyait la même scène et se sentait impuissant. Ses vêtements avaient fondu sur son corps couvert de sang. Il se trainait au sol pour atteindre Evan mais son visage se tordait sous la douleur flagrante. Le son électronique qui sortait de sa bouche avaient fait siffler ses oreilles. Il avait beau se maîtriser, la douleur s'immisça dans son crâne, le faisant tomber à genou.

Le calme était revenu aussi vite qu'il s'était installé et sa respiration se régula. Il leva la tête vers le Sergent qui semblait inquiet. « Dites-moi que vous avez vu ce qu'il vient de se passer ! ». Il manqua de défaillir en se relevant et accepta l'aide de son second sans retenue qui secouait la tête. « Heu… Je peux vous suggérer d'aller à l'infirmerie, Monsieur ? ». Il lui fit un signe de main et se toucha le nez, jetant un œil au sang sur ses doigts. « Je ne vais pas vous contredire pour une fois, Sergent. ».

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Le Jumper se rapprochait lentement des abysses et les deux hommes peinaient à se concentrer face à la pression des profondeurs. Le Colonel avait été frappé d'une migraine à défier toute concurrence, inquiétant Rodney qui commençait à ressentir les mêmes effets. Andréa se tenait toujours en salle de contrôle, aux côtés de Radek, les yeux rivés sur les détecteurs. Affluant par dizaine, les mammifères nageaient en bande autour de l'appareil, ce qui provoquait une vague d'ultrasons douloureusement gérable pour le corps humain.

Andréa interpella Radek quant à la quantité de baleines qui s'approchaient d'eux. Il y en avait des dizaines et se dirigeaient sur leur position. Les douleurs devenaient difficilement supportables pour Rodney, qui venait de perdre connaissance, obligeant le Colonel à sortir de l'eau. Andréa s'empressa de contacter Elisabeth et de faire venir une équipe médicale, prête à les accueillir à leur arrivée. Ces animaux marins ne se rendaient pas compte des dégâts qu'ils pouvaient provoquer lorsqu'ils se déplaçaient en masse. Cela expliquait les visions qu'Andréa avait eu et c'est en parlant à Elisabeth qu'elle en avait été convaincue. Ronon et Carson avaient également eut des hallucinations un peu plus tôt, ce qui laissait à penser que ce phénomène n'épargnerait aucun membre de la cité.

Andréa avait entendu que quelques militaires avaient également été transportés à l'infirmerie, dans des états plus ou moins grave. Elle n'avait pas le temps de réfléchir si Evan en faisait partie et avait filé au laboratoire avec Radek pour tenter de trouver comment éloigner cette meute sous-marine, avant qu'il ne soit trop tard.

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Le soir venu, elle décida de se rendre à l'infirmerie. Elle n'était pas pressée, ayant peur de ce qu'elle allait découvrir. Sa tête lui faisait mal mais les douleurs étaient toujours supportables et ne l'empêchait pas de travailler. En passant les portes, elle fut étonnée de trouver la pièce étrangement calme, malgré le nombre de malades. Elle scanna la pièce en cherchant une tête familière et tomba sur Evan. Son bras recouvrait son visage, comme pour camoufler sa rétine des lumières agressives émanant du plafond.

Elle s'approcha instinctivement et posa sa main sur la sienne. « Hey ! ». Alors qu'il tentait de s'acclimater à la luminosité, il lui avait timidement souri et lui demanda ce qu'elle faisait là. Elle détourna sa question et s'inquiétait plutôt de le voir allongé sur ce lit. Il était rarement malade et fuyait l'infirmerie comme la peste, ce qui avait donné de bons arguments à Andréa pour se faire des soucis. « Comment te sens-tu ? ». Il faisait bonne figure mais elle connaissait les expressions de son visage, alors lorsqu'il se crispa pour articuler quelques mots, Andréa eut sa réponse. Elle scruta les nombreux visages autour d'elle, prenant conscience de l'ampleur des dégâts, puis reporta ses yeux sur Evan lorsqu'elle sentit sa main s'ouvrir dans la sienne.

« Ne t'inquiète pas pour moi. ». Il avait péniblement relevé la tête, contrôlant les pulsations dans ses tempes. Elle hocha simplement la tête en pressant ses doigts contre les siens, avant de s'éloigner. Ronon se trouvait aux côtés de Teyla qui semblait s'être assoupie. Elle s'était effondrée quelques heures plus tôt, comme la moitié des personnes présentes. Andréa continua son tour et tomba sur deux soldats, un peu plus mal-en-point à en juger par les canules fixées sous leur nez. Elle passa en revue toute la pièce, jusqu'à trouver Carson qui n'avait pas fière allure. Elle se dirigea rapidement vers lui, voulant en savoir plus.

« Carson ! Comment ça se présente ? ». Il se tourna vers elle et lui expliqua que les ultrasons produits par les baleines avaient fait beaucoup de victimes. L'affluence des blessés ne cessait de croitre et il fallait rapidement trouver une solution car l'état de santé de certains patients se dégradait à une vitesse fulgurante. « Vous avez des symptômes ? ». En se comparant aux malades, elle se trouva finalement chanceuse de s'en être sorti qu'avec de simples maux de tête.

Ils s'étaient dirigés vers Rodney et Sheppard, visiblement réveillés, lorsqu'Elisabeth et Radek faisaient leur entrée. « Comment vont-ils ? ». Malgré les tympans percés, les deux hommes ne semblaient pas souffrir. Alors que Radek expliquait à Carson et Elisabeth les effets des puissantes vibrations sur un corps humain, Rodney se mit à hurler pour se faire comprendre. Andréa s'était retenue de rire et fit pression sur ses mains jointes pour se contrôler.

Alors que Radek continuait son exposé, Andréa eu une idée et elle donna un coup sur son bras pour le stopper. « Est-ce que tu penses qu'en levant le bouclier ça pourrait atténuer les fréquences électromagnétiques ? ». L'attention était maintenant portée sur Andréa qui s'était pressée en salle de contrôle lorsqu'elle avait eu l'accord d'Elisabeth. Avant de partir, elle jeta un dernier coup d'œil en direction du lit d'Evan, visiblement endormi et pria intérieurement pour trouver une solution qui cesserait cette folie meurtrière.

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Elle ne comprenait pas encore quel était le rapport entre les baleines et les hallucinations dont la moitié des habitants de la cité avaient été victime. Les baleines cherchaient-elles à les prévenir d'un danger concernant les protagonistes des visions ou était-ce l'inverse ? Confortablement installée sur son lit, Andréa pianotait sur sa tablette, parcourant la base de données laissée par les Anciens. Malgré son abondance, elle n'avait pas trouvé ce qu'elle cherchait. Ses maux de tête s'étaient estompés, grâce aux médicaments que Carson lui avait donnés plus tôt mais elle peinait à se concentrer par moment. Il se faisait tard mais elle refusait d'abandonner, sachant que cela ne s'arrangerai pas par magie. Les cétacés arrivaient par dizaine tout autour de la cité et le temps était compté. Andréa fixa l'écran sous ses yeux et s'empressa de sortir de la pièce en courant.

Elle arriva devant les quartiers de Radek et passa sa main sur le détecteur pour lui signifier sa présence. La porte était à peine ouverte, qu'elle lui jeta un flot d'information au visage. « J'ai trouvé les traces d'un laboratoire de biologie dans la base de données. Les Anciens y étudiaient la vie animale. Ça te dit d'aller voir ? ». Radek hocha la tête en précisant qu'il fallait d'abord en informer Elisabeth. Ils espéraient trouver comment faire partir ces mammifères pour de bon.

Elisabeth autorisa les deux physiciens à s'y rendre, ce qui rendait la jeune femme trépignante d'impatience. Sa tablette à la main, elle guida Radek jusqu'au laboratoire. La zone avait été inondée par le passé, ce qui avait endommagé quelques équipements secondaires, les forçant à marcher dans la pénombre. Alors qu'ils s'engouffraient dans la pièce, les lumières des consoles s'étaient toutes allumée à mesure de leur ascension. Elles étaient similaires à celles déjà présentes sur Atlantis et semblaient fonctionnelles. Après quelques manipulations sur l'écran tactile, le courant fut rétabli en partie ce qui leur permettait d'y voir plus clair.

Attirée comme un aimant, elle s'était instinctivement dirigée vers la console du milieu, éprouvant la même sensation étrange que lorsqu'elle utilisait son gène pour la guider. La connexion entre la cité et son esprit était différente mais elle ne s'attarda pas sur ce détail.

Ils se tenaient face à un écran aussi gros qu'une télévision et observaient les informations émanant des consoles qui étaient reliées les unes aux autres. « Elles ne cherchent pas à nous tuer, elles veulent nous aider ! ». Les bras croisés, Radek la regarda d'un air dubitatif. Andréa se pencha sous une des consoles, branchant des câbles qui en sortaient à sa tablette. « C'est un récepteur réglé sur les fréquences spécifiques dont les baleines se servent pour communiquer. ».

« Tu penses que les Anciens l'ont créé pour étudier leurs langues ? ». Elle se releva et projeta l'image sur le grand écran. « C'est prodigieux ! Ils tentaient d'assigner des fréquences aux émotions. ». Pour n'importe quelle personne lambda, il ne s'agissait que d'une vague qui ondulait de manière aléatoire, mais pour des physiciens comme eux, il s'agissait de bien plus.

En parcourant les différents éléments annexes, Andréa s'intéressa de plus près à un texte rédigé dans la langue des Anciens. « On dirait qu'on a trouvé une explication à nos hallucinations ! ». Radek fronça les sourcils et s'approcha plus près pour le traduire. « Ce sont des projections d'images émises par les baleines. ».

« Tu penses que c'est le récepteur qui les interprète ? ». Un peu plus tôt, elle avait lu que la section où ils se tenaient avait été inondée pendant de nombreuses années, alors elle mit ça sur le coup d'une simple défaillance du système. Radek pris la tablette de ses mains et fit aller ses doigts quelques minutes jusqu'à ce qu'un son synthétique ne se fasse entendre. Andréa se figea en fixant son ami. « C'est elle ! C'est le même son que la femme faisait quand elle m'a traversée ! ».

Radek venait de comprendre les intentions des Anciens. « Ce n'est pas uniquement un récepteur, c'est un émetteur ! ». Les Anciens avaient mis au point un algorithme permettant de communiquer avec les cétacés. Cette tentative de mimétisme visait à leur enseigner leur langue en envoyant des signaux auditifs et visuels, ce qui avait indéniablement laissé des traces dans leur mémoire génétique, expliquant leur présence actuelle des milliers d'années après l'extinction du peuple Anciens. Les nouvelles générations de mammifères avaient évolué et ne comprenaient pas le langage utilisé, alors se sentant perdues, elles n'avaient pas eu d'autre choix que de se diriger vers la cité qui en était la source. « C'est un peu comme chanter les paroles de la Macarena. Tu chantes sans comprendre un traitre mot de ce que tu dis. », avait imagé Radek.

Après avoir recalibrer les détecteurs, il avait réussi à rendre compréhensible la bande son et cela ne faisait aucun doute sur le fait qu'il s'agissait de la langue des Anciens. « Incursus ; quelque chose a été attaqué ou surpris. ». Ils cherchaient à déchiffrer les quelques mots restants, ne comprenant pas ce qu'ils avaient voulu transmettre aux mammifères marins. Andréa répéta en boucle « Adaris. » et demanda au Tchèque s'il y avait un équivalent en français, mais sans succès.

Ils avaient passé deux heures autour de ces machines, en ayant le sentiment de stagner. Pour pouvoir stopper la diffusion des fréquences, il fallait en comprendre le sens mais pour l'instant, tout en était dénué. Alors à force de chercher, tout se dessinait progressivement. « J'ai quelque chose sur Adaris ! ». Adossée à un mur, Andréa se leva d'un bon et se dirigea vers Radek qui se massait les tempes. Elle posa sa main sur son épaule en signe de compassion, tout en lui expliquant. « C'était un vaisseau scientifique il y a quinze-mille ans. Il a été détruit en laissant derrière lui un seul survivant qui n'est autre qu'un pilote. ». Il ne leur avait pas fallu longtemps pour faire le rapprochement avec l'image de l'homme brûlé aperçut, entre autres, par Teyla.

« Il y a eu une explosion de radiation solaire. ». Il s'approcha d'elle et regarda par-dessus son épaule. « C'est beaucoup plus puissant que ce que notre Soleil n'a jamais émis. ». Elle posa son doigt sur une ligne qui avait attiré son attention. « Apparemment c'est un cycle solaire qui se produit tous les quinze-mille ans. Les Anciens ont répertorié deux fois ce genre d'évènement. ». Les deux physiciens touchaient au but et dans un regain d'énergie, leur cerveau passa en mode rapide. « Nous parlons d'un flux intense de protons qui se déplacent à quatre-mille kilomètres par seconde, Radek ! ». Le texte relatait également le fait que le pilote avait réussi à ouvrir une fenêtre dans l'hyperespace au dernier moment, ce qui lui avait permis de s'y engouffrer en évitant l'onde de radiation. Cette brève avance lui avait donné l'occasion de prévenir Atlantis, levant ainsi les boucliers de la cité qui avait contribué à leur survie.

« Ils ont étendu le bouclier aussi loin qu'ils ont pu. C'est ce qui leur a permis de sauver une grande partie de la planète ! ». Il n'y avait plus de doutes, il restait encore bien des mystères sur Atlantis et les Anciens étaient indéniablement intelligents et astucieux. « Rappel-moi quand le peuple des Anciens s'est éteint ? ». Un bref regard avait suffi pour les alarmer. « Oh mon Dieu ! Il faut prévenir Elisabeth ! C'est en train de se produire ! ».

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C'est au pas de course qu'ils avaient rejoint la salle de contrôle, s'inquiétant du nombre restreint des membres du personnel. Rodney se tenait derrière l'une des consoles, conversant avec Sheppard par hurlements interposés. Ils avaient dû user de leur charme pour que Carson ne les libère. Les deux amis attendaient Elisabeth, n'ayant pas le temps de répéter les choses. Ils s'étaient étonnés d'apprendre qu'Elisabeth avait été conduite à l'infirmerie, après s'être écroulée au sol en plein milieu d'un couloir. Le Sergent Bell avait été le premier à succomber à ses blessures en développant un anévrisme dû à la pression.

Après avoir exposé leur trouvailles, Rodey avait observé que le champ magnétique se trouvant autour du Soleil, commençait à s'affaiblir. Il fallait attendre le bon moment pour reproduire ce que le pilote avait brillamment réussi des milliers d'années auparavant. Les options n'étaient pas nombreuses et l'échéance approchait. Le phénomène étant imprévisible, il ne leur restait qu'une heure avant que l'onde de choc n'éradique toute la planète. Les Anciens possédaient trois E2PZ ce qui leur avaient permis d'étendre le bouclier, or Atlantis n'en possédait plus qu'un seul. Utiliser la porte des étoiles pour évacuer les membres du personnel sur Terre ou vers un site Alpha, puiserait dans l'énergie du seul E2PZ restant. Il n'y avait qu'un seul moyen et qui d'autre que de mieux placé que l'ex-pilote de ligne pour effectuer cette mission suicide ?

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Profitant de la présence du Dédale en orbite, Sheppard avait eu l'idée de renforcer les boucliers du vaisseau grâce à l'E2PZ de la cité. Rodney n'était pas convaincue du résultat, pensant qu'ils allaient perdre inutilement la seule ressource en énergie que la ville possédait. Le Colonel pensait pouvoir dévier la trajectoire de la masse coronale en utilisant le Dédale comme parapluie. Il n'avait pas l'air de mesurer l'ampleur du phénomène alors McKay avait saisi sa tablette en dessinant grossièrement, mettant en avant les risques encourus. « Il y a d'un côté le Soleil et de l'autre côté notre planète. Une brusque explosion d'énergie va jaillir de la photosphère et ce, à une vitesse foudroyante. Et ensuite, elle va immédiatement exploser et voler en éclat. Ce qui veut dire qu'il faudra être vraiment très proche du Soleil si l'on veut intercepter ce jet d'énergie et le dévier avant qu'il n'explose ! ».

Malgré ses explications limpides, Sheppard se contenta de prendre l'E2PZ, persuadé de pouvoir réussir cette prouesse. « Si votre idée est si brillante, pourquoi les Anciens n'y ont pas pensé ? ». Cette question pertinente fut rapidement discréditée. « Ils étaient en pleine guerre, Rodney ! ». Les deux hommes avaient été brusquement interrompus par le Colonel Cadwell, qui attendaient de pouvoir les téléporter à bord du vaisseau.

Malgré sa réticence, l'astrophysicien avait contribué au plan bancal de Sheppard. L'E2PZ était connecté au vaisseau, laissant la partie périlleuse aux mains du destin. Rodney avait brillamment connecté la source d'énergie au bouclier lorsqu'un faisceau frappa le Dédale de point fouet. L'image du parapluie avait pris tout son sens lorsqu'il fut dévié comme prévu. La chaleur commençait à augmenter et malgré le bouclier, la coque devenait friable, créant des brèches visibles sur les radars. L'opération avait duré quelques minutes avant que tout ne redienne calme, pour le plus grand soulagement de l'équipage.

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Pour sa contribution significative, Andréa avait hérité d'un jour de repos de la part d'Elisabeth, en guise de remerciement. Elle avait dormi huit heures d'affilé et avait profité de ce congé pour rester dans ses quartiers. Elle avait tout de même pris sa tablette, et comptait bien réorganiser la base de données laissée par les Anciens. Malgré son éprouvante journée de la veille, Andréa s'était plongée dans une profonde réflexion et se demandait comment elle pouvait améliorer la classification des phénomènes météorologiques. Lorsqu'elle trouva enfin, elle jugea bon d'y revenir plus tard, comprenant que cela allait lui prendre des semaines.

Elle se leva et prit la direction du laboratoire. Sa tablette ne donnait pas accès aux informations dont elle avait besoin alors elle s'était dit qu'elle irait directement voir à la source. Malgré l'heure tardive, elle avait croisé quelques personnes en chemin, qui l'avaient saluée d'une étrange manière. Tout le monde ou presque se retournait sur son passage ce qui lui avait paru suspect. Tout le personnel avait apparemment eu vent de sa contribution à éloigner les baleines.

Elle n'était pas habituée à ce que les gens la reconnaissent et elle s'était sentie horriblement gênée, mais elle pouvait maintenant comprendre ce que vivait Rodney au quotidien et cela la fit sourire. Ce sentiment d'importance n'était pas nouveau pour elle mais il fallait remonter loin en arrière pour qu'elle ne s'en souvienne.

Comme elle l'avait prévu, le laboratoire était vide et elle se pressa d'allumer son ordinateur. La physicienne devait faire quelques manipulations lui permettant de pouvoir se connecter aux consoles du laboratoire de biologie, situé deux niveaux plus bas.

Elle prit son matériel et franchit la porte d'un pas pressé jusqu'à ce qu'elle ne se retrouve devant un transporteur. Perdue dans ses pensées elle fut surprise de ne pas se retrouver à l'endroit désirée lorsque les portes s'étaient ouvertes. Elle n'avait jamais exploré cette partie de la cité. En examinant les environs, elle remarqua quelques détails pertinents, la mettant sur la voie. Que faisait-elle dans la section réservée aux officiers ? Elle s'était souvenu avoir pensé à Evan tout le long du trajet et elle n'avait pas mis longtemps à comprendre que son gène ATA y était pour quelque chose quant à sa destination.

Elle avait confié à Radek que son obsession l'empêchait de se concentrer alors elle avait pris la décision de parler à Evan. Elle avait bien essayé de se lancer à plusieurs reprises mais la peur l'avait stoppée dans sa lancée. Ce n'était certainement pas une coïncidence si la cité l'avait emmenée ici, alors elle s'était demandé si ce coup de pouce de la ville en était vraiment un. Elle allait opérer un demi-tour lorsqu'elle aperçut Sheppard sortir d'une pièce. « Davis ! Vous cherchez après Lorne, j'imagine ? ». Andréa trébucha sur ses mots avant de lui répondre qu'elle s'était perdue. Le Colonel n'en croyait pas un mot et elle l'avait vu disparaître au bout du couloir en ricanant.

Les murs étaient aussi impersonnels que le reste de la cité qu'elle était loin d'avoir imaginé comme ça. Dépourvu de décoration, elle avait pensé trouver quelques affiches ou autres panneaux exhibant des souvenirs de la Terre, mais elle n'était pas rentrée dans les bureaux après tout. Elle faisait les cent pas et se demandait si Sheppard ne s'était pas perdu en route. Elle était là, au milieu d'un couloir désert, à patienter en s'imaginant rapidement comment elle allait s'y prendre pour lui parler.

Son cœur s'accéléra, rien qu'en pensant aux traits de son visage. Elle vit au loin les deux hommes s'échanger quelques mots, sans en entendre le contenu, jusqu'à ce qu'ils ne s'échangent une vive poignée de main. Il avait l'air épuisé, trainant presque des pieds en s'approchant d'elle. Son sourire l'avait déroutée, à tel point qu'elle manqua de faire tomber ses affaires coincées sous son bras.

« Je suis passée à l'infirmerie mais tu n'y étais pas. ». Elle repensa aux mots de Radek sur les effusions sentimentales et elle se ravisa de lui toucher le bras. « Comment tu te sens ? ». Les douleurs avaient disparu à la minute où les cétacés s'étaient enfuis, pour le plus grand bonheur des membres de l'expédition. Lorsqu'elle lui avait préconisé du repos, il lui avait confié être retourné à son bureau par nécessité. Il venait de rédiger une lettre de condoléances, que le général O'Neill adresserait à la famille du Sergent Bell. Cela l'attristait de ne pas pouvoir expliquer les réelles circonstances de sa mort, et cette partie de son travail n'était pas des plus plaisantes.

Après quelques banalités et quelques pas, ils se tenaient face au transporteur. Il s'appuya sur le montant de la porte et croisa les bras. « Tu n'es pas censée être en congé aujourd'hui ? ». Elle lui expliqua brièvement ses intentions, évoquant son besoin de se rendre utile. Elle avança dans l'élévateur jusqu'à ce qu'il ne se place à ses côtés. « Sur quoi tu travailles ? ». « Oh, j'ai soumis l'idée à Rodney de classifier les espèces marines selon leur rareté et il a accepté. ».

Il s'étonna de l'avancée fulgurante de sa relation de travail avec Rodney. « Waouh, alors vous êtes comme Batman et Robin maintenant ? ». Elle laissa s'échapper un rire alors que les portes s'étaient de nouveau ouvertes donnant sur une section qu'elle connaissait mieux. « Non, mais je me sens plus à l'aise avec lui. ». Il lui fit remarquer le scepticisme qu'elle venait de mettre dans le ton de sa voix, lui demandant où était passait la fille qui adulait le grand docteur Rodney McKay. « Le fait qu'il soit aussi accessible que ça rend l'expérience moins intéressante. Mais c'est un physicien de renom et c'est quand même satisfaisant que mon travail soit reconnu ! ».

Ils s'étaient arrêtés au laboratoire pour qu'Andréa dépose ses affaires, comprenant que son travail allait attendre. Il lui demanda ce qu'elle avait prévue et lui avoua qu'elle s'était en réalité perdue. Il fut déçu sur le coup mais s'était repris en lui proposant d'aller macher au bord de l'eau. « Avec un peu de chance, on verra Sam. ». Il n'avait pas cherché à comprendre de qui elle parlait et se doutait bien de sa réponse.

Il semblait préoccupé à en juger par son attitude et son mutisme. Evan se repassait en boucle la même scène et cela commençait à entacher son quotidien, allant même jusqu'à perturber son sommeil.

Ils s'étaient retrouvés sur la digue à marcher côtes à côtes, ayant une vue imprenable sur la cité dont les lumières reflétaient légèrement sur la surface de l'eau. Cela faisait une dizaine de minutes qu'ils avançaient, tous deux fascinés par le camaïeu de bleu éclairé par les lumières de la ville. La mer était étrangement calme. Les saisons étaient différentes dans cette galaxie mais ils se seraient crus en plein mois de novembre. La fraîcheur s'installait doucement et ils avaient déjà senti la différence de température face à celle de la veille.

Les bras croisés pour maintenir ses mains au chaud, Andréa semblait heureuse.« Comment tu te sens ? ». Adoptant la même tactique, ses mains étant enfoui dans ses poches. « Je n'ai plus de migraine et je suis apte au service. ». Satisfaite, elle orienta son regard dans sa direction. « Contente de l'entendre. ».

Andréa s'arrêta, émerveillée par les étoiles qui brillaient, parsemant le ciel d'une multitude de point jaune. Levant les yeux au ciel, elle imaginait ce qui pouvait se cacher derrière ce scintillement.

Arrivant au bout de la digue, ils s'étaient assis, laissant pendant leur pied dans le vide. L'eau n'était qu'à quelques centimètres de leurs pieds. « Ça me rappel la terre. ». Nostalgique, elle était assez proche de lui pour laisser tomber sa tête sur son épaule. Il passa une main dans Son dos et accepta son étreinte en l'attirant plus près. Il n'arrivait pas à la repousser, se sentant déjà coupable de lui mentir sur les événements passés.

Andréa releva la tête brusquement, la paume de sa main vers le ciel. Elle attendit quelques secondes, s'assurant qu'il s'agissait bel et bien de la pluie. Le ciel se mit à gronder et Andréa se tourna rapidement vers Evan, se sentant tous les deux prêts à courir. Il se leva rapidement lorsqu'il vit des gouttes s'écraser sur la surface de l'eau, provoquant de petits cercles sur le dessus. Il lui agrippa le bras pour la relever et plongea sa main dans la sienne avant de courir en direction de la cité.

La pluie s'intensifiait à mesure qu'ils avançaient, les faisant rire comme deux enfants. Elle le suivait de près, appréciant la chaleur de sa peau contre la sienne. Son cœur s'accéléra, ne sachant pas si son footing improvisé y était pour quelque chose. Le peu de nuage entourant la lune éclairait peu le sol sur lequel ils se tenaient, alors elle faisait attention où elle mettait les pieds.

Ils venaient tout juste d'arriver dans un transporteur, entièrement trempés. Leur rire avait cessé à mesure où ils avaient pris conscience que leurs mains étaient toujours ancrées ensemble. Andréa fut la première à desserrer ses doigts, baissant les yeux sans ne jamais croiser les siens. Elle se frotta les mains comme pour dissiper son inconfort, en vain.

Les portes s'étaient ouvertes et aucun d'eux n'osaient bouger, jusqu'à ce qu'Andréa n'affiche un sourire malicieux. Elle regarda finalement Evan et se mit à courir. Joueur, il lui avait emboîté le pas, jusqu'à presque la rattraper. Alors qu'il allait prendre le couloir menant à ses quartiers, elle fit un pas vers lui et lui saisit la main pour l'amener dans sa direction. « Non, viens ! ». Il fronça les sourcils mais n'hésita pas à se laisser guider, se demandant ce qu'elle avait en tête.

Enfin devant la porte, un simple geste de la main devant le détecteur leur avait permis d'entrer. Sans lui prêter attention, elle partit chercher deux serviettes dans la salle de bain. Il n'avait pas bougé, n'osant pas inonder ses quartiers. C'était la première fois qu'il venait depuis leur départ pour la Terre. Elle rigola et lui lança la serviette au visage, qu'il n'eut aucun mal à rattraper en plein vol. Il s'essuya la figure et les cheveux avant d'ouvrir sa veste.

Andréa s'était pressée dans la salle de bain, prenant un t-shirt propre au passage. Lorsqu'elle sortit, Evan venait d'enlever son haut mouillé, se tenant torse nu devant elle. Gênée, elle se retourna et attendit. Il avait souri face à son attitude, oscillant la tête en la voyant de dos. N'ayant pas de t-shirt de rechange, il avait simplement remis sa veste. Le son du zip lui confirma qu'il était décent et elle se retourna.

Faisant un point sur la situation, elle se demanda si c'était une bonne idée de l'avoir emmené dans ses quartiers. Il y avait une sorte de tensions qui la mettait mal à l'aise, espérant qu'il ne re sente pas la même chose. Si elle avait pris la décision de l'emmener dans son refuge, c'était pour une tout autre raison et elle s'enquit de fouiller dans un tiroir de sa commode. Elle prit l'objet dans ses mains et le cacha derrière son dos pour être sûre qu'il ne le voit pas. Il fallait qu'elle lui explique avant de lui offrir.

Elle s'avança vers lui, voyant l'expression de son visage passer du tout au tout, exprimant maintenant une profonde confusion. Evan se senti perdu, passant une main dans ses cheveux, faisant mine de vouloir les replacer pour masquer son embarra.

« Je t'ai menti, quand tu m'as demandé comment s'était passé mon week-end de repos quand on était sur Terre. ». Il pensa tout de suite au baiser et s'était imaginé qu'elle le baladait depuis le début, faignant son amnésie, jusqu'à ce qu'elle ne continue. « Je t'ai dit que j'avais traîné en ville mais je suis allée au parc pour prendre des photos ». Il ne comprenait toujours pas où elle voulait en venir et leva un sourcil. Elle s'avança d'un pas, gardant une main derrière son dos. « Je t'ai vu dans le parc. Je me baladais et je cherchais un endroit à immortaliser alors quand je vous ai vu tous les quatre, j'ai attendu le bon moment et… ». Elle sortit la photo qu'elle avait placée dans un cadre, secrètement cachée dans son dos.

Il attrapa l'objet et ne put que sourire. Cela lui rappelait des souvenirs et elle crut voir ses yeux s'humidifier. « Comme tes quartiers manquent cruellement de décoration, je me suis dit que ça te ferait plaisir. ». Il y avait beaucoup d'émotions qui l'envahissait et il ne savait pas comment gérer ce mix entre la gratitude, la nostalgie, la surprise et la reconnaissance d'avoir immortalisé cet instant. « Pourquoi n'es-tu pas venu me voir ? ». Elle avait vu son regard perçant lorsqu'il avait relevé la tête vers elle. « Tu étais en famille, je ne voulais pas déranger. ».

Il reporta son attention sur la photo, observant les moindres détails, mais elle n'arrivait pas à déceler son ressenti. « Ça te plaît ? ». Il fallait être fou pour penser le contraire alors, à court de mot, les yeux toujours rivés sur le cliché, il ouvrit instinctivement son bras pour l'étreindre. « Merci. ». Andréa avait visé juste et fut comblée à son contact. Elle se sentait bien et ne voulait plus quitter ses bras. Elle avait pourtant senti la pression de sa main dans son dos s'atténuer mais elle renforça la sienne. Elle se demanda s'il n'était pas temps de franchir le pas et de concrétiser cet instant. Elle eut un doute quant à la fragilité de leur amitié si ce n'était pas réciproque mais peu importe.

Elle se hissa à sa hauteur et posa une main sur sa barbe naissante, sentant les poils hirsutes lui picoter légèrement les doigts. Son autre main se posa naturellement sur sa veste, vibrant au rythme des battements de son cœur réagissant à leur proximité.

Le regard planté dans le sien, elle avait peur d'y découvrir autre chose que ce qu'elle ressentait alors elle avait agi sans réfléchir. Il n'avait pas eu le temps de la repousser mais maintenant qu'ils ne faisaient plus qu'un, il en prit conscience et se laissa aller.

Il avait lutté contre lui-même mais n'en avait plus la force. Evan sentit son estomac se dénouer et remonta lentement sa main, sentant l'apaisement se diffuser dans tous ses muscles. Ses doutes venaient finalement de le rattraper et il réalisa dans quoi il allait s'embarquer, le poussant à se détacher délicatement d'elle.

Son cœur se déchira instantanément et elle accusa le coup. Étant encore proches, elle pouvait sentir l'odeur de la menthe émanant du bonbon qu'il gardait précieusement sous sa langue. Son sens olfactif lui imposa une image et dans un air de déjà vu, sa mémoire combla soudainement ce manque, se souvenant ainsi de chaque détail. Evan déchiffra immédiatement ses pensées lorsqu'il vit son front se plisser d'incompréhension.

Il baissa la tête, cherchant une manière de s'expliquer, mais c'était trop tard. « Quand comptais-tu me le dire ? ». Il joua la carte de l'amnésie à son tour mais elle n'était pas dupe. « Tu m'as laissée dans le flou pendant des semaines. », l'avait-elle accusée. Il s'était défendu comme il avait pu, lui certifiant qu'il avait essayé de lui dire mais trop aveuglée par la rancœur et la colère, Andréa ne voulait rien entendre.

« Comment j'ai pu être aussi stupide !? Je t'ai embrassée et tu m'as repoussée ! Comment j'ai pu croire que ça pouvait marcher !? ». « Je ne suis pas prêt. ». Sa tête oscillait dans tous les sens, cherchant un moyen de s'échapper de cet environnement devenu soudainement trop étroit. « Écoute, tu sais quoi !? Ce n'est pas grave ! Oubli ça. Je dois… je dois y aller. ». « Ce sont tes quartiers. », lui avait-il fait remarquer.

Dans d'autre circonstances, elle aurait pu rire de cette réplique, mais le cœur n'y était pas. À vrai dire, il était en morceau, éparpillé sur le sol comme du verre brisé. Alors qu'elle passa à côté de lui pour s'enfuir, il lui saisit le bras pour l'arrêter dans sa course. « Andréa, attends ! ». Dans un geste désespéré, elle posa de nouveau sa main sur sa joue, ne sachant pas si l'occasion se représenterai. « Je ne t'en veux pas parce que tu ne ressens pas la même chose, je t'en veux parce que tu m'as menti ! ».

Il n'arrivait pas à contenir ce qu'il ressentait et sous le coup de la colère, il explosa. « Tu crois que ça a été facile pour moi ? Quand voulais-tu que je t'en parle ? Quand tu étais recluse dans ton appartement à décuver ou quand tu as passé la soirée avec Jones ? ». Son corps frêle s'était raidi face à ce changement radical de ton et elle s'écarta sous l'impact de ses mots.

« Tu m'as espionnée ? ». Il regretta d'avoir mentionné le nom du Caporal mais sa jalousie avait pris le dessus et il fallait qu'il se rattrape. « Je me fiche de lui c'est juste que… ». Cela valait-il vraiment le coup de lui exposer ses doutes en évoquant son propre passé chaotique ? Alors qu'elle attendait patiemment une suite à ses mots, il se ravisa. « Tu n'avais aucun souvenir de cette soirée et ça m'allais très bien jusqu'à maintenant ! ». Il ferma les yeux, réalisant d'être allé trop loin.

Sa colère montait progressivement au point d'en faire grésiller les lumières de la pièce. Dans un rire jaune, elle essuya une larme et souffla pour se reprendre. Elle se sentait blessée par cette attaque gratuite. Elle renifla et tenta de contrôler ses tremblements fixés dans sa trachée. Sur le coup elle eut envie de le gifler mais elle s'était reprise, sachant qu'elle regretterait ce geste.

« Je pensais que notre amitié valait plus que ça ! ». Il avait bien envie de lui faire remarquer qu'elle lui avait aussi menti mais il avait préféré s'abstenir. La dernière chose qu'il voulait entendre c'était bien ; faute avouée, faute à moitié pardonnée. Au lieu de ça il l'observa rassembler quelques affaires et se diriger vers la sortie. Andréa allait prendre la décision la plus difficile de sa vie. Son paquetage de fortune à la main, elle s'arrêta à sa hauteur en fuyant son regard. « On devrait arrêter de se voir pendant quelque temps… »

Et voilà, prit dans ce flot d'émotions, il avait baissé sa garde. Ce qu'il avait voulu éviter venait d'arriver. Il avait cette étrange impression d'avoir perdu beaucoup de choses. La confiance qui avait forgé cette amitié grandissante, venait de s'évaporer comme une goutte d'eau en proie aux flammes. Evan se tenait au beau milieu de ses quartiers, seul dans sa tourmente. « Je suis désolé, Andréa ». Si seulement il avait eu le courage de lui dire qu'elle se trompait sur lui...

TBC…