Chapitre 10
C'est en courant qu'elle avait atterri devant les quartiers de Radek. Après avoir passé sa main devant le détecteur pour s'annoncer, la porte s'était ouverte presque immédiatement. Il la laissa entrer dans ses quartiers en voyant son visage éprouvé. Il n'avait pas cherché à comprendre et l'avait tout de suite prise dans ses bras pour la réconforter. Peu importe ce qu'il s'était passé, ils allaient surmonter ça à deux. Lorsqu'Andréa avait retrouvé la parole, elle s'était excusée de nombreuses fois, honteuse de l'avoir dérangé si tard.
Ils étaient restés un moment sur le canapé, sans se parler, jusqu'à ce qu'elle ne décide de se confier. «Je lui ai dit que je ne voulais plus le voir ! Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça, mais sur le moment c'est tout ce qui m'a traversé l'esprit. ». Son épaule contre la sienne, il passa un bras dans son dos pour l'amener vers lui. «Arrête de te torturer!». Radek écoutait attentivement son récit, tentant de décrypter les moindres détails pouvant servir les deux parties. Cela avait duré un bon moment et ils étaient toujours confortablement installés. Radek se redressa, sentant qu'il s'était avachi sous le poids d'Andréa, dont la tête reposait dans le creux de son épaule. «Écoute, je sais ce que ça fait mais est-ce que ça vaut vraiment le coup ?». Elle n'aimait pas tellement ses mots mais il avait raison. Elle ne pouvait pas s'apitoyer sur son sort uniquement parce qu'elle avait pris un râteau. Son égo en avait pris un coup mais cela n'allait pas l'empêcher de faire ce pourquoi elle était sur Atlantis. Elle voulait simplement comprendre pourquoi Evan avait agi comme ça.
Elle savait que Radek modérait ses pensées et qu'il choisissait ses mots pour l'apaiser, mais elle n'allait pas tarder à l'entendre passer à la phase du sermon. «Tu lui as demandé ce qu'il ressentait ?». Curieuse, elle se redressa lentement. «Je n'en ai pas eu besoin, mais s'il m'a repoussée, c'est qu'il ne veut clairement pas de tout ça !Et moi je me suis monté la tête toute seule, comme une grande. », avait-elle soufflé. Radek essayait comme il pouvait de lui faire comprendre que le fait d'être à l'écoute aurait peut-être pu expliquer son comportement, mais sa vision obtuse la faisait camper sur ses positions. «Il est peut-être perdu. Ça n'a pas dû être facile pour lui non plus. Il ne s'attendait peut-être pas à ce que tu te jettes sur lui.». Elle s'écarta brusquement de lui, fixant son propre reflet dans les lunettes de son ami. «Ne me dis pas que tu le défends ! Et puis je ne me suis pas jetée sur lui. Du moins, de ce dont je me souviens…».
«J'essaie juste de comprendre. Il n'y a pas de coupable dans l'histoire.». Elle souffla bruyamment et se redressa. «Désolée Radek, je sais que tu veux m'aider, mais tout ce que je vois c'est qu'il me plaît et que j'ai envie d'être avec lui ! Je l'aime bien mais je dois juste me faire une raison au fait que ce ne soit pas réciproque.». Andréa s'était levée et commençait à marcher de long en large dans le petit espace. «La façon dont il m'a parlé… Je ne m'attendais pas à ça. Et ce qui me dérange c'est qu'il m'ait menti !». Il l'observait effectuer des allers-retours, voyant clairement son agacement. «Et s'il t'avait dit la vérité, tu aurais agi de la même manière ?». «Bien sûr que non !», avait-elle rétorqué aussi sec.
Il ne comptait pas la ménager, il fallait qu'elle se reprenne et il n'allait pas y aller de main morte. «Donc, c'est plutôt ta culpabilité qui te dérange !». Elle s'arrêta pour lui faire face. «Je vois où tu veux en venir et oui je sais que j'ai été trop loin, mais c'était justifié !». Elle s'attendait à ce qu'il se taise mais au lieu de ça, il continua pour être certain qu'elle comprendrait.
«C'est bien ce que je te dis, il attendait le bon moment et tu l'as pris de court!». Septique, elle ricana et secoua la tête. «Mouais… trois semaines, ce n'est pas ce que j'appelle être pris de court.». Elle réfléchissait à la suite, se demandant comment elle allait pouvoir l'éviter dans la base jusqu'à ce que son ami n'en rajoute une couche. «Je t'ai dit que certaines personnes ne traduisaient pas les câlins de la même manière! ». Elle souffla et se laissa tomber lourdement sur le canapé.
Alors qu'elle se mouchait pour la énième fois, elle renifla brusquement. «Oui, mais toi tu l'interprètes bien.». Elle lança le tissu jetable en direction de la poubelle, comme s'il s'agissait d'un ballon de basket et rata de nouveau sa cible. «Parce que je te connais bien Andréa, on se voit quasiment tous les jours depuis six mois.».
Radek regarda le sac qu'elle avait apporté, posé à la hâte devant la porte d'entrée. «Tu comptes t'installer ici?». Tout ce qu'elle voulait c'était se sentir soutenu et la présence de Radek l'aiderai à lui faire oublier cette soirée. «Si tu veux bien de moi juste pour cette nuit…Je vais rester sur le canapé, ne t'inquiète pas. ».
Elle était perdue et il lui demanda ce qu'elle comptait faire. «Il ne me reste plus qu'à me terrer au labo jusqu'à ce qu'il sorte de ma tête. Maintenant j'ai honte, et je ne me sens pas capable de me retrouver face à lui.». Dans un grognement de colère, elle ramena ses jambes vers sa poitrine en enfouissant sa tête. «On aurait pu éviter tout ça s'il m'avait dit la vérité. Je m'en veux d'avoir été aussi aveugle…».
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Elle arpentait les couloirs menant à son laboratoire, en prenant soin de ne pas croiser Evan. Elle faisait glisser ses doigts sur les murs par endroit, se disant que la cité pourrait faire machine arrière en lui faisant prendre des chemins différents du sien. Arrivée devant la porte, elle s'était dit que son gène ne marchait finalement pas si mal et se pressa à l'intérieur de la pièce. Elle avait mal dormi, même si Radek avait insisté pour lui laisser son lit. Elle n'avait pas envie d'être là et sa nonchalance traduisait son état d'esprit. Elle s'approcha de son bureau lorsqu'elle vit Rodney, fourrer sa tablette dans son sac. «Vous allez quelque part Rodney?».
Il sursauta et se redressa en soufflant. «Je dois accompagner Sheppard sur une planète recommandée par les Athosiens.». La lassitude émanant du ton qu'il avait employé avait fait sourire la physicienne. «Vous au moins, vous allez pouvoir vous changer les idées.». Il haussa un sourcil, sans pour autant lui demander ce qui la tracassait. Après lui avoir demandé pourquoi il était réticent, Rodney lui avait avoué qu'il aurait préféré rester sur Atlantis pour explorer une partie de la cité.
Alors qu'il allait continuer à ranger ses affaires dans son sac, il eut une idée. «Vous voulez y aller à ma place?». Elle s'était demandé s'il s'agissait d'une blague mais ses paroles avaient illuminé son visage sans qu'elle ne s'en rende compte.
Il avait l'air tout ce qu'il y a de plus sérieux et Andréa savait qu'il n'était pas du genre farceur alors elle accepta sans attendre. Elle y voyait là une bonne solution lui permettant de fuir la ville, étant certaine de ne pas croiser Evan. Il avait clairement vu là un échange de bon procédé, ce qui avait embelli leur début de journée. Il lui expliqua brièvement que cette mission visait à en savoir plus sur un certain héro aux pouvoirs surhumains. Ses exploits avaient fait le tour de plusieurs mondes, jusqu'à atteindre les oreilles du peuple Athosien.
Andréa ne voyait pas de danger à s'y rendre malgré le fait que sa seule mission avec le Colonel, s'était soldée par un séjour à l'infirmerie. Le départ était prévu dans l'heure et Rodney s'était pressé d'avertir Sheppard et Elisabeth de ce changement.
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Elle ne pouvait pas s'empêcher d'être en colère. Si seulement Evan lui avait raconté cette soirée dès le lendemain, elle ne se serait pas ridiculisée en l'embrassant dans ses quartiers. Andréa éprouvait une rancœur qui avait du mal à s'estomper, mais elle n'allait pas lui en vouloir éternellement pour autant. Elle regarda l'horloge murale fixée au mur et s'empressa d'enfiler sa veste. Elle devait encore se rendre dans la salle d'équipement pour se munir d'un gilet par balle et d'une arme de poing, avant de rejoindre la salle d'embarquement. Elle n'était pas confiante mais le règlement était clair en ce qui concernait les missions hors monde. Chaque membre de l'expédition non militaire franchissant la porte devait être muni d'une arme, personne n'y dérogeait, même pas Rodney. Elle n'était pas très rassurée du fait de ne pas s'être préparée à quitter la cité, mais elle souhaitait plus que tout s'en éloigner, pensant que cela dissiperait ses tensions.
Cela lui avait pris dix minutes avant de se retrouver dans le couloir annexe de la salle d'embarquement. Elle pouvait entendre la voix impatiente de Sheppard qui se demandait où elle était. Au fur et à mesure qu'elle avançait, son champ de vision s'était élargi et elle pouvait apercevoir Carson et Teyla. Elle s'excusa et salua ses coéquipiers, prenant place aux côtés de Ronon. L'équipe étant au complet, Elisabeth avait pris la parole. «Voyez si vous pouvez créer des liens commerciaux avec eux.».
Sheppard leva les yeux en direction du poste de contrôle et fit un signe de main. «Nous sommes prêts, Major !». Elle n'avait pas eu besoin de tourner la tête pour sentir sa présence. Son cœur avait fait un bon dans sa poitrine rien qu'en entendant Sheppard mentionner son grade. Le vortex se forma sous leurs yeux et le Colonel passa la porte le premier, suivi de près par Andréa qui lui avait rapidement emboîté le pas, sans même daigner se retourner. Elle fut soulagée lorsqu'elle arriva de l'autre côté, se trouvant au milieu des hautes herbes.
Elle devait maintenant se concentrer et suivre le groupe. Elle était contente de retrouver Teyla, avec qui elle avait tissé un lien particulier. En retrait, elle observait l'équipe parler de choses et d'autre. L'Athosienne s'était penchée vers elle, ne voulant pas être entendu des trois hommes. «Est-ce que tout va bien ?». Elle avait pourtant essayé de faire bonne figure et se demandait pourquoi elle lui posait la question. «Vous semblez nerveuse.». Andréa lui adressa un sourire de circonstance malgré l'imprévu qui l'avait conduite sur cette planète inconnue. Teyla lui avait demandé si elle s'était portée volontaire pour cette mission et la physicienne avait préféré évoquer la réticence de Rodney plutôt que de lui avouer qu'elle voulait fuir la cité. «Il avait beaucoup de travail et ne voulait pas être coupé dans un de ses nombreux projet.».
L'Athosienne avait bien observé la jeune femme et pouvait facilement ressentir son anxiété, même si le sentiment de colère dominait. «Si vous voulez parler ma porte est ouverte, vous savez.». Elle s'était demandé ce qui l'avait trahie mais comprit rapidement que Teyla était douée pour lire dans les gens. Elle acquiesça simplement et continua sa route.
Alors qu'ils marchaient en direction du village, Andréa s'était sentie mal à l'aise face aux regards des villageois fixés sur elle. Aucun d'entre eux ne semblait hostiles et leur présence n'avait pas l'air d'inquiéter le groupe qui paraissait détendu. Elle pouvait les entendre nommer à tour de rôle leur héros, qu'ils soient fictifs ou réels. Elle n'avait pas été surprise d'apprendre de la bouche de Sheppard, que McKay vouait un culte à Batman. Andréa s'était elle-même posé la question et n'avait pas réfléchi bien longtemps. Pour elle, il était clair que Martin Luther King resterait une icône du militantisme, même si son cœur balançait avec l'incompris Albert Einstein.
Ils avaient continué à marcher dans un climat bon enfant, pendant de longues minutes. Un homme les avaient finalement accueillis et Teyla se plaça en avant pour l'aborder sereinement. «Bonjour voyageurs.». Le jeune homme s'avança et avait accueilli le groupe de manière amicale. Teyla lui avait expliqué la raison de leur présence et demanda s'ils pouvaient parler à leur héros national.
En arrivant sur la place du village, ils 'avaient observé qu'un attroupement s'était formé en plein milieu. Des maisons entouraient la parcelle de verdure, sur laquelle ils étaient tous réunis dans la joie et la bonne humeur. Ils pouvaient entendre les rires des habitants et tentaient de se frayer un chemin dans la foule. «Le voici, le plus puissant des héros, notre grand protecteur, Lucius Lavin.». Andréa avait eu l'impression d'avoir manqué un épisode lorsque Lucius les avaient accueillis. «Regardez qui voilà.», avait-il déclaré. La posture du groupe indiquait clairement qu'ils ne s'attendaient pas à lui. «Dites-moi que c'est une blague.». Ronon était persuadé que ce héros était un Satédien alors lorsqu'il vit Lucius, il n'avait pas pu contenir sa déception.
Andréa se pencha vers Teyla et lui demanda qui était cet homme qu'ils avaient l'air de connaitre. Ronon avait entendu sa question et n'avait pas hésité à le qualifier d'imposteur. Lucius Lavin était boulanger dans son village natal. En visitant une planète, il avait découvert une plante qui allait changer sa vie. Il n'avait pas hésité à incorporer des morceaux à ses fabrications, infectant ainsi les villageois. Au fil du temps, les habitants avaient commencé à l'aimer sans raisons particulières. Lorsque l'équipe du Colonel Sheppard était arrivée sur la planète, Lucius était le centre d'intérêt du village où il était adulé par tous, y compris par ses nombreuses épouses. Ce qui semblait étrange pour les membres d'Atlantis venus en simple visite, était le fait que les villageois revendiquaient ses préparations pharmaceutiques uniques. «J'ai décidé d'en analyser le contenu.», lui raconta Carson. «Et croyez-moi, il n'y avait rien d'innovant là-dedans.».
Il n'avait pas fallu longtemps pour que Lucius réussisse à hypnotiser le docteur Beckett, le poussant inconsciemment à l'inviter sur Atlantis. À peine quelques heures avaient suffi à Lucius pour séduire la totalité de la population. Seul Sheppard semblait résister à son influence, faisant émerger ainsi sa méfiance. «J'avais un rhume ce jour-là.», lui confia Sheppard. Durant son séjour sur la cité, Lavin avait fouiné partout et avait découvert des technologies plus avancées que sur sa planète.
Dépourvu de pouvoirs, l'homme avait berné tout le monde. Grace à ses compétences culinaires, il avait concocté une potion à base d'extraits de la plante, qui contenait une substance chimique rendant les personnes qui l'entourait totalement dépendantes de sa présence. Abusant de leur confiance, Lucius avait voulu s'emparer d'Atlantis et n'avait pas hésité à envoyer Ronon et Teyla chercher d'autres plantes sur la planète où se trouvaient pourtant trois vaisseaux ruches.
Andréa n'en croyait pas ses oreilles. L'homme se tenant face à lui n'avait pas l'air méchant mais elle avait compris qu'il s'agissait plutôt d'un manipulateur. «Comment ça s'est terminé?», avait-elle demandé. Sheppard avait éloigné Beckett et lorsqu'il eut retrouvé ses esprits, ils l'avaient tous les deux mis hors d'état de nuire le temps que son peuple soit totalement libéré des effets de la potion qui les liaient à son créateur. Et maintenant qu'il était là, ils se demandaient ce qu'il avait bien pu inventer d'autre.
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Evan se tenait en salle de contrôle et scrutait sa montre pour la énième fois. Son service allait toucher à sa fin et il n'avait qu'une envie ; dormir au moins douze heures d'affilée. Il faisait les cents pas lorsqu'Elisabeth s'était dirigée vers lui. Sortant de son bureau, elle allait lui annoncer que sa relève n'allait pas tarder et lui proposa de l'accompagner au mess. Cela faisait quelques heures que l'équipe de Sheppard était partie, et leur enregistrement n'aurait pas lieu de sitôt alors il accepta.
Le docteur Weir avait souri et se tourna vers Chuck pour lui demander si tout allait bien. Evan les regardait mais semblait perdu dans ses pensées. Il n'arrivait pas à chasser l'image d'Andréa passant la porte des étoiles. Elle ne s'était même pas retournée vers lui. Il s'appuya sur la rambarde en observant la salle d'embarquement, profitant du silence peu commun qui régnait. Il repensait aux mots qu'ils avaient échangés et se sentait coupable de s'être comporté comme un idiot. Il se plia légèrement, plongeant sa tête dans ses mains en expirant lentement et se redressa finalement en apercevant le signe de tête d'un Marine en contrebas. Il pinça ses lèvres et le salua silencieusement, adoptant une posture plus professionnelle.
Il savait pertinemment qu'elle l'évitait mais il ne savait pas comment se rattraper. Evan n'avait jamais pensé être confronté à cette situation en venant sur Atlantis. Il ne pouvait pas prévoir qu'une femme lui ferait tourner la tête à ce point, surtout après ce qu'il avait vécu. Il fallait qu'il lui parle même si cela allait être difficile, mais pas avant qu'elle ne se soit calmée. Elle lui en voulait encore et cela allait durer un moment, mais ils devaient parler pour apaiser les tensions. Il devait aussi parler à Radek, lui qui la connaissait bien. Evan savait qu'Andréa se confiait à lui alors il s'était dit que discuter avec le Tchèque serait une bonne idée pour plaider sa cause et évaluer son état d'esprit au fil du temps. Son amitié comptait beaucoup et cela allait prendre du temps pour regagner sa confiance.
Evan ne se reconnaissait pas dans cette tactique mais il voulait prendre des précautions avant d'affronter Andréa. Il l'avait déçue et il tenait trop à elle pour renouveler l'expérience de la veille, alors il fallait jauger la température au préalable. Il n'arrivait pas à l'expliquer mais il sentait comme un vide au fond de lui. Sa culpabilité le minait au point d'avoir des douleurs dans quelques-uns de ses organes. Toujours appuyé sur le garde-corps, il repensa à cette soirée. Il s'était sentit revivre à ses côtés lorsqu'ils avaient couru dans les couloirs de la cité. Elle se fichait bien de son statut d'officier et c'était ce qui lui plaisait chez elle. Evan se sentait estimé en tant que personne à part entière et il avait l'impression que tous les problèmes s'envolaient à son contact. Il avait été là pour elle mais elle ne se doutait pas que l'inverse était aussi le cas.
Son côté authentique et naturel avait fait ressortir tout ce qu'il y avait de bon en lui. Evan s'était juré de ne jamais plus s'attacher de la sorte mais ce n'était pas comme s'il l'avait prévu. Ses relations précédentes ne s'étaient pas terminées dans les meilleures conditions et il ne voulait pas revivre ça. Sa dernière relation avait duré une paire d'années et avait commencée à se concrétiser, projetant l'envie de se marier et de fonder un jour une famille. Ils étaient heureux à tous points de vue ce qui ne laissait aucun doute lorsqu'ils s'affichaient ensemble. Leur complicité faisait envier leur entourage qui ne jurait que par le jeune couple, leur certifiant un avenir prometteur déjà tout tracé.
Evan avait reçu son affectation au SGC alors qu'il venait à peine d'entrer dans sa vingt-cinquième année et il devait s'absenter régulièrement, parfois pour quelques jours ou quelques semaines. Alors qu'ils habitaient à deux heures de route de la base de Cheyenne Mountain, il devait faire des allers-retours régulièrement et n'avait plus la force de rien lorsqu'il rentrait chez eux. La distance avait eu raison de leur couple et avait lentement creusé un fossé qui les avaient éloignés petit à petit.
Sa compagne de l'époque avait accepté les risques que son métier pouvait impliquer, mais la séparation devenait pesante, au point de ne plus avoir de conversation le peu de temps qu'ils passaient ensemble. Les banalités qu'ils s'échangeaient les avaient plongés dans une routine qui ne leur correspondait pas. Ils éprouvaient un réel amour l'un envers l'autre alors Evan essayait de concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle du mieux qu'il pouvait. Ils s'étaient violemment disputés le jour où il lui avait annoncé qu'il serait en poste la semaine de Thanksgiving. Cela l'avait contrariée mais il n'avait pas eu le choix et elle avait fini par l'accepter.
Evan avait senti que cela n'arrangerait pas ses affaires alors il avait réussi à obtenir deux jours de permissions pour les fêtes et il s'était dit qu'il lui ferait la surprise. Éperdument amoureux, il voulait à tout prix sauver ce qu'il restait de son couple et il n'avait pas hésité bien longtemps avant de prendre la route. Il s'était garé devant chez eux, expirant bruyamment en priant pour que la surprise soit réussie. Il avait espéré la surprendre dans son sommeil, la réveiller doucement dans des gestes remplis de tendresse alors qu'elle serait assoupie sur le canapé. Pourquoi pas la surprendre alors qu'elle serait occupée à disposer les cadeaux au pied du sapin. Il avait imaginé un tas de scénarios plus romantiques les uns que les autres et il avait mis du temps avant de se décider à sortir de sa voiture. Il se souvenait encore de la sensation d'anxiété qu'il avait éprouvé lorsqu'il s'était dirigé vers la porte d'entrée.
Curieux de savoir quel scénario s'offrirait à lui, il n'avait pas pu s'empêcher de regarder par la fenêtre donnant sur le salon. Il avait parié sur le fait qu'elle se soit endormie au coin du feu mais au lieu de ça il la trouva visiblement bien éveillée. Elle était au milieu du salon, hissée sur un tabouret pour remettre l'étoile en haut du sapin. Il la trouvait radieuse dans sa robe qui lui allait comme un gant. Il n'avait pas le souvenir de l'avoir déjà vue avec, mais elle était magnifique. Alors qu'il l'observait encore, son sourire s'effaça lorsqu'il vit un homme lui agripper les hanches puis l'enlacer. Elle avait sursauté et l'avait embrassé sans retenue lorsqu'elle s'était retournée.
Il n'en croyait pas ses yeux. Une larme avait atterri sur le bouquet de fleurs qu'il venait de laisser tomber sur le sol. Il ne savait toujours pas pourquoi mais il n'avait pas voulu se confronter à eux, alors il avait simplement regagné la base et s'était plongé dans le travail.
Cette trahison avait laissé des traces qu'il peinait à effacer encore aujourd'hui. Il avait été lâche ce soir-là mais une décennie plus tard, il était convaincu que cette soirée se serait terminée différemment. Ils avaient rapidement rompu tous contact après cela et il avait appris quelques années plus tard qu'ils s'étaient mariés. Leur union avait donné naissance à deux enfants et leur couple en avait été renforcé ce qui avait laissé Evan indifférent.
Leur bonheur l'avait replongé le soir où il les avait vu et il s'était demandé si cela aurait changé quelque chose s'il avait eu le courage de se montrer. Il n'avait pas cessé de se torturer depuis, revivant inlassablement cet épisode amer. Evan avait rêvé plus d'une fois mettre son poing dans la figure de l'homme qui lui avait volé son amour de jeunesse, mais sa carrière était la seule chose qui lui restait alors il s'était abstenu.
Il avait enchaîné les conquêtes pour tenter de l'oublier, en prenant soin de ne jamais s'attacher. Il était clair dès le début avec les femmes qu'il fréquentait, ne voulant pas tenir le rôle du goujat de service. Cela ne lui faisait pas pour autant oublier ce souvenir douloureux mais cette distraction apaisait son esprit.
Cette expérience avait mis du temps à s'estomper mais il restait marqué par le mal que cela lui avait fait. C'était la raison pour laquelle il ne voulait plus s'attacher. Il avait tout simplement peur d'être trahit s'il venait à aimer de nouveau. Il ne voulait pas revivre ça alors il avait repoussé Andréa. Il se sentait tellement stupide d'avoir agi comme ça. Ce n'était pas une période de sa vie qu'il racontait à n'importe qui mais il devait lui dire pourquoi il avait été si âpre avec elle.
Il n'avait d'yeux que pour elle et sa présence le rendait bon mais une partie de lui voulait se protéger. Il n'y avait pas de chichis, pas de rond de jambe, tout était sincère chez elle. Cette histoire de tromperie remontait à plus de dix ans en arrière alors il se demandait s'il n'était peut-être pas temps d'enterrer ses vieux démons.
Il avait été maladroit avec Andréa et il avait peur de la perdre. Il avait envie de tenter l'aventure avec elle. Il n'était pas prêt mais s'il ne prenait pas ce risque, il savait qu'il ne le ferait jamais. La sensation de ses bras l'entourant, son sourire, sa nervosité et ses gestes maladroits lorsqu'elle le voyait lui plaisait, tous les signaux étaient au vert. Il la trouvait parfaite à tous points de vue, jusqu'à repenser à l'odeur de son shampoing.
Son langage non verbal en disait long sur ce qu'elle éprouvait. Après tout, il n'était pas le premier homme à avoir vécu ce traumatisme. Et puis, Andréa et son ex-fiancé étaient diamétralement opposées. Ils seraient amenés à se croiser tous les jours, alors il pesait le pour et le contre mais son côté indécis avait semé le doute en elle. Evan cogitait et commençait à réviser ses aprioris sur une relation qu'il avait jusque-là repoussée, mais il n'allait plus pouvoir faire machine arrière une fois sa décision prise. Mais que voulait-il vraiment ?
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Ils avaient pris place sur un des bancs disposés dans l'herbe, écoutant les récits de l'homme qui prétendait être un héros. Alors que les villageois étaient subjugués par ses exploits, l'équipe de Sheppard émettait des réserves quant à l'exactitude de ses dires. Ils avaient découvert la supercherie quelques minutes plus tard, lorsqu'il raconta une histoire inscrite dans un des rapports de mission qu'il avait parcouru sur Atlantis quelques mois auparavant.
Curieuse, l'équipe se demandait comment les villageois pouvaient être admiratifs de cet homme alors Carson n'avait pas hésité à lui prélever un échantillon de sang. S'il y avait des drogues dans son système, cela n'allait pas rester secret bien longtemps. Lucius voulait à tout prix prouver que son peuple l'admirait pour ce qu'il était, clamant haut et fort qu'il était invincible. Alors devant le groupe de visiteurs, il fit une démonstration.
Un peu plus loin, un groupe d'homme tentaient de hisser des matériaux via une poulie, s'afférant à tirer sur la corde pour faire monter une palette en bois brut sur laquelle reposait un amas de sacs visiblement bien remplis. Alors qu'elle flottait dans les airs à plus de trois mètres au-dessus du sol, Lucius se plaça en dessous, sous le regard inquiet des membres de l'expédition. Andréa n'avait pas pu s'empêcher de commenter. «Soit il est suicidaire, soit il est stupide.». Il intima l'ordre de lâcher la corde et la plateforme s'écrasa sur lui, provoquant un nuage de poussière. Ils avaient retenu leur souffle, jusqu'à ce que tout devienne clair. Lucius s'avança vers eux sans une égratignure d'un air satisfait.«Vous voyez, je suis invincible!». Ils étaient restés un moment à le regarder en se demandant comment c'était possible.
Après s'être restauré, ils ne voyaient plus d'intérêts à rester sur cette planète, alors ils avaient repris leur marche en direction de la porte des étoiles. Arrivés sur la place centrale, une femme s'était mise à hurler ce qui créa un vent de panique. Tout le monde se figea lorsqu'un homme tira en l'air, faisant régner le silence en une seconde. Vêtus comme le peuple Genii, Sheppard serra les dents et tenait en joue celui qui semblait être le responsable.
Andréa n'avait pas l'habitude mais en voyant Carson sortir son arme, elle l'imita sans hésiter. Elle avait reconnu sans mal leur uniforme et sentit la peur monter. Ils étaient maintenant encerclés et cela lui rappelait de mauvais souvenirs. Comprenant qu'ils cherchaient après Lucius, Sheppard avait jugé bon d'obtempérer et elle avait suivi le mouvement en voyant ses camarades se laisser désarmer et s'agenouiller.
Il savait ce qu'il faisait et Andréa avait confiance en lui, même si son instinct lui suggérait d'adopter une tout autre conduite. Ils étaient une dizaine à être armés, attendant après le héros national jusqu'à ce que Lucius ne fasse son apparition sous les applaudissements des villageois. Andréa regarda l'homme mettre au tapis les intrus, les uns après les autres. Ne sachant pas pourquoi, elle avait eu l'étrange sentiment que cela avait été trop facile. Elle regardait ses camarades à ses côtés qui semblaient partager le même avis.
Le calme était revenu en à peine dix minutes, le temps pour Lucius de les mettre hors d'état de nuire. Les hommes avaient fui sans attendre et les villageois sautaient et dansaient autour du héros, laissant l'équipe de Sheppard stoïque.
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Elisabeth avait écourté son repas avec Evan, à la suite de l'appel de Rodney qui venait apparemment de faire une découverte. Il avait quitté le mess presque en même temps qu'elle, pressé de retourner dans ses quartiers pour quelques minutes. Il savait qu'il n'arriverait pas à se reposer alors quand Elisabeth lui avait parlé de rédaction administrative, il n'avait pas hésité à se porter volontaire.
Il passa la main devant le détecteur et s'arrêta un instant dans l'entrée de ses quartiers. Il lui restait un peu de répit avant de s'infliger une tonne de paperasse en retard, ce qui n'était pas la partie la plus attrayante de son travail, mais il fallait que ce soit fait avant le retour du Colonel Sheppard.
Il se laissa tomber sur son lit et se pencha pour prendre le cadre qu'Andréa lui avait offert. Il esquissa un sourire lorsqu'il l'examina de plus près et pouvait aisément déceler son talent. Sa mère étant professeur en Art moderne à l'Université de San Fransisco, Evan savait différencier les amateurs des professionnels et Andréa aurait pu en faire son métier si elle comptait se reconvertir un jour. La luminosité était bien dosée, la prise de vue était parfaite, et cela traduisait exactement ce qu'elle avait voulu partager. Le format A4 avait été un choix audacieux mais cela permettait à Evan d'apercevoir le petit écureuil en arrière-plan. Il fallait avoir de bons yeux mais sa couleur dénotait dans le feuillage verdoyant et il n'avait pas eu de mal à le repérer. Il n'avait pas eu l'occasion de s'intéresser plus tôt au cliché et l'avait simplement posé sur sa table de chevet la veille au soir.
Elle était sacrément douée et il était objectif en pensant cela. Il pouvait ressentir les émotions qui l'avaient traversée lorsqu'elle avait pris la photographie. Andréa avait opté pour un plan large ce qui donnait une impression de proximité comme si l'on y était. Il ne savait pas pourquoi mais il sentait qu'il avait été son unique centre d'attention, même s'ils apparaissaient à quatre. Il était le seul en mouvement, riant à s'en tordre le ventre. Ce contraste lui avait sauté aux yeux maintenant qu'il s'y était attardé.
Elle avait su saisir le bon moment et avait voulu donner de la profondeur à l'image en jouant sur la netteté des deux silhouettes au premier plan. Le double point de fuite dont elle s'était servie reproduisait la vision humaine, donnant l'impression de faire partie de la scène. Les multiples tons et nuances de couleurs créaient une perspective atmosphérique digne de ce nom.
Le feuillage vert-jaune des arbres à dominance orangé au sol, provoquait un réel sentiment de gaieté. Il n'y avait plus de doute possible, elle avait voulu mettre en avant Evan dans cette représentation. La contre-plongée lui donnait un sentiment de supériorité même si cela restait discret, mais il ne pouvait que sourire en y pensant. Il secoua la tête et reposa le cadre sur le petit meuble. Il lui restait encore quelques minutes de répit mais il s'empressa de se changer avant de prendre la direction de son bureau.
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Carson avait obtenu les résultats de la prise de sang de Lucius qui confirmait qu'il n'y avait aucune trace de substance chimique dans son organisme. Il n'y avait aucune explication concernant sa force surhumaine, forcés de constater que les habitants adulaient simplement la personne qu'il était. Alors que Lucius contait ses anecdotes auprès des villageois, le Colonel l'informa qu'ils allaient rentrer sur Atlantis.
Lucius avait attendu que l'équipe soit partie avant de s'éclipser dans les bois. Ils avaient tous eu un doute lorsque les intrus avaient fait irruption dans le village. Ils se tenaient tous les quatre cachés dans les feuillages et n'avaient pas été déçu en voyant Lucius payer discrètement les hommes à qui il venait de mettre une raclé. Il avait organisé une fausse attaque pour renforcer son statut de héros auprès des siens. Personne n'avait été surpris, sauf Andréa qui commençait à comprendre qui il était.
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Lucius avait regagné la confiance de son peuple et il comptait bien en profiter. Il était installé confortablement sur son fauteuil, lorsque l'équipe de Sheppard avait fait irruption dans son salon. «Parlons de cette petite arnaque.». L'homme avait eu beau jouer les innocents, Andréa n'avait pas pu se retenir. «Vous vous servez de ces gens !». Elle avança vers lui en prenant un air menaçant, repensant à la peur qu'elle avait eu. «Je sais que ça y ressemble, mais nous avons réellement été attaqués il y a quelques mois. C'est une ville agréable et ce sont de braves gens qui avaient besoin d'aide. Donc je leur ai donné et je suis devenu leur héros. Pour l'incident d'aujourd'hui c'était une juste une manière de leur rappeler ce fait.».
Sheppard lui demanda comment il avait fait jusqu'à ce que Lucius n'ouvre sa veste. L'objet scintillant en vert ne leur était pas inconnu, comprenant maintenant d'où lui venait ce pouvoir. «Qu'est-ce que c'est?», avait demandé Andréa. «C'est un bouclier personnel que les Anciens utilisaient.». Sheppard plissa les yeux en lui demandant comment il l'avait obtenu. Il ne s'était pas attardé sur le nom de son soi-disant ami qui lui avait gentiment donné. «Je devrais vous remercier, c'est grâce à vous et votre base de données que j'ai sue comment m'en servir!». Andréa avait tout juste eu le temps de lever son bras pour stopper Ronon qui s'était avancé dangereusement vers l'imposteur.
Andréa méprisait l'homme en face d'elle, se demandant si elle avait bien fait d'arrêter Ronon, mais tant qu'il porterait le bouclier, rien ne pouvait l'atteindre. Le groupe s'était soudainement figé en entendant des coups de feu, suivi de cris en provenance de la place centrale. Lucius leva les mains et jura n'y être pour rien, ce qui les inquiéta. Sheppard poussa délicatement le rideau pour observer le danger, jusqu'à ce qu'il ne voie un visage plus que familier. «Kolya.».
Même si cela n'avait été qu'un murmure, Andréa sentit son cœur se serrer en entendant le nom du Genii. Il fallait qu'elle voie ça de ses propres yeux, alors elle s'immisça entre la fenêtre et le Colonel pour confirmer ses doutes. Elle fit un bon et se colla au mur, fermant les yeux en inspirant profondément, pensant qu'il l'avait vue. Elle qui avait pensé ne plus jamais le revoir, elle était loin de s'imaginer qu'elle le reverrait de sitôt. Sheppard lui pressa le bras, lui faisant comprendre que tout irait bien, même s'il ne savait pas encore comment.
Les hommes que Lucius avait payés faisaient autrefois parties des Geniis, ce qui confirmait qu'ils les avaient vendus à Kolya. Il avait certainement dû leur promettre une place parmi les siens. Lucius était convaincu de pouvoir les tuer mais il ne mesurait pas le pouvoir et la fourberie de Kolya. Ils avaient aperçu une dizaine d'homme avec lui et ils savaient que la maison était déjà encerclée. «Mon bouclier me protège.», avait certifié Lucius. Andréa n'avait pas pu se retenir, lui demandant ce qu'il ferait s'il décidait de brûler le village.«Ce serait mesquin.». «Oui, c'est ce qu'ils sont!», s'énerva Andréa.
L'homme s'était ravisé et Sheppard retira le cran de sécurité de son arme, prêt à tuer le chef des Geniis, mais il fut stoppé par Teyla. «Ça ne les arrêtera pas! Si nous engageons une fusillade, de nombreux villageois seront probablement tués!Ils ne méritent pas de mourir à cause de nous. S'ils fouillent la ville sans nous trouver, ils partiront. ». La physicienne ricana, prenant part à la conversation. «Vous voulez qu'on se cache?». Elle regarda le Colonel, sachant qu'il possédait l'autorité nécessaire pour agir au mieux. Elle savait que Teyla avait raison mais ils avaient enfin l'opportunité de tuer celui qui distribuait la mort partout où il allait. «J'ai l'endroit qu'il vous faut!». Tous les regards étaient maintenant portés sur Lucius, qui ouvrit une porte dissimulée derrière son horloge sur pieds.
La pièce ne faisait qu'une quinzaine de mètres carrés et renfermée deux fauteuils. «J'aime m'amuser, et parfois un mari jaloux vient chercher sa femme, et pour éviter que ça dégénère…». Andréa avait envie de vomir rien qu'en imaginant la scène et le stoppa d'une main avant de s'engouffrer dans la pièce exigüe.«Je crois qu'on a compris.».
Lucius n'avait pas mis longtemps à sortir de la bâtisse, prêt à se confronter à l'ancien chef des Geniis. Les membres d'Atlantis connaissaient la force de persuasion de Kolya et s'étaient échappés quelques minutes après son départ, sachant que Lucius dévoilerait leur position. Ils avaient trouvé refuge au dernier étage d'une des maisons donnant sur la cour. Ils étaient tous d'accord avec le Colonel qui les invita à se séparer pour être moins repérable lorsqu'ils sortiraient. Ils devaient leur tendre une embuscade mais il fallait les éloigner des civils.
Ils avaient descendu les escaliers en silence, connaissant chacun la position exacte du point de ralliement. Teyla passa la porte avec Carson et s'en suivi de Ronon, prenant chacun une direction différente. En tant que scientifique et n'étant pas préparée à ce genre de situation, Sheppard allait rester avec Andréa. Elle avait pourtant suivi une formation basique mais cela remontait à un bout de temps et elle n'avait pas le souvenir d'avoir eu une séance de rattrapage. Sheppard avait posé un pied dehors, mais fit marche arrière en entendant des gardes arriver. Elle s'était retenue de crier lorsque sa botte s'était lourdement écrasée sur son pied.
Ses mains sur son dos, elle s'appuya et se pencha pour voir dehors, essayant d'avoir la même vue que lui. Il tourna légèrement la tête vers elle, et Andréa se recula lentement en s'excusant dans un chuchotement presque inaudible. Il lui fit signe de reculer encore lorsqu'il avait aperçu un homme armé s'approcher de leur position. Sheppard regardait la jeune femme, plaquée au mur, les yeux fermés et la main tremblante. Elle n'avait pas lâché son arme et il fut soulagé en en un bref coup d'œil de voir que le cran de sécurité n'était pas enlevé. Elle croisa son regard après avoir longuement expiré. «Ça va aller?». Elle hocha la tête comme pour s'en convaincre, et resserra sa main sur son arme pour dissiper ses tremblements.
Un rapide coup d'œil dehors lui fit comprendre que la voie était libre. «Surtout, quoi qu'il arrive, vous restez près de moi!». Elle n'allait pas le contredire et n'allait certainement pas s'éloigner. Il lui fit un rapide signe de tête et lui demanda si elle se rappelait comment se servir d'une arme. Elle acquiesça et s'étaient retrouvés dehors en une fraction de seconde, exposés aux hommes de Kolya qui rodaient.
Après quelques mètres, ils s'étaient abrités sous un porche et Andréa pouvait enfin reprendre son souffle. Sheppard jeta un œil sur la jeune femme qui lui lança un sourire crispé. «Ne soyez pas vexé, mais je ne partirais plus jamais en mission avec vous !». Relativisant, ils avaient continué à avancer, jusqu'à ce qu'ils ne voient Carson lever les mains en l'air. «Merde.». Un Genii le tenait en joue et lui ordonna d'avancer vers l'endroit où Kolya se trouvait. Ils s'étaient encastrés dans la paroi, tentant de dissimuler leur présence. «Vous avez un plan j'imagine !». Elle n'avait pas l'air satisfaite lorsque Sheppard s'était retourné, affichant une moue déconcertante.
«Il faut trouver Lucius.». Elle se demanda ce qu'il avait en tête et ne tarda pas à comprendre. «Vous n'allez quand même pas vous livrer en comptant sur ce truc?». Il fallait faire demi-tour et cela allait s'avérer compliqué de revenir sur leurs pas. «Vous êtes sûr que c'est une bonne idée?». Il leva la main pour la faire taire, entendant des voix se rapprocher. Deux Geniis escortaient Ronon qui n'avait eu d'autre choix que de se laisser capturer en voyant Teyla dans la même posture. «Désolée, j'ai tendance à trop parler quand je suis nerveuse.».
Ils étaient restés adossé à l'arrière d'une maison lorsqu'une voix raisonna jusqu'à eux. Ils s'étaient regardés et Sheppard entra par la porte de service menant à l'intérieur. Ils entendaient à présents Kolya qui s'apprêtait à sortir par la porte principale. Le Colonel avait senti la frustration d'Andréa qui voulait uniquement tuer le Genii, peu importe les risques, alors il avait usé de son autorité pour la calmer. Lucius se tenait seul autour d'une table, visiblement attaché à la chaise sur laquelle il était assis.
Après quelques mots, Sheppard s'était penché pour le libérer, avant de se relever brusquement, entrainant avec lui Andréa à l'arrière de la maison. Elle n'avait pas compris jusqu'à ce qu'une explosion ne se fasse entendre, les faisant voler à quelques mètres. Kolya avait piégé les lieux, cherchant à se débarrasser du héros national, qui semblait à leurs yeux invincibles. Ils s'étaient rapidement redressés, ramassant leurs armes tombées à cause du souffle. Un rapide coup d'œil entre eux les avaient rassurés sur leur état de santé. Un simple débarbouillage aurait suffi à leur faire oublier cette mésaventure.
Alors que Lucius était sorti indemne par le trou béant provoqué par l'explosion, Sheppard et Andréa s'étaient rapidement dirigés à l'écart, à l'arrière. «Ok, changement de plan. Vous allez devoir courir jusqu'à la porte des étoiles pour prévenir Elisabeth. Moi je m'occupe de Lucius. Vous pensez pouvoir y arriver ?». Malgré son débit important, elle acquiesça. Son détecteur portatif allait lui indiquer le chemin, même si elle possédait une bonne mémoire visuelle. Elle n'était pas ravie d'être séparée de lui, mais tout se jouait maintenant. Elle devait se faire discrète et éviter au maximum les ennuis. Elle souffla un bon coup pour se donner du courage et commença son ascension.
Elle s'était arrêtée plusieurs fois, priant pour ne pas être repérée par les gardes effectuant des rondes aléatoires. Elle attendit qu'un des geôliers soit hors de son champ de vision, avant de repartir. Elle venait de faire dix mètres lorsqu'elle entendit un sifflement venir de la droite. Aux aguets, elle se dirigea lentement vers la provenance du son lorsqu'elle aperçut Carson, Teyla et Ronon, enfermés dans une cellule encastrée dans la roche. Après quelques mots, elle convia ses camarades à s'écarter et leva son arme en direction de la serrure.
En voyant ses équipiers lever les mains en l'air, elle tourna la tête dans la direction qu'ils indiquaient. Son cœur fit un bon lorsqu'elle vit trois hommes au bout des canons pointés vers elle.
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Face à leur cellule, Kolya tentait de joindre Sheppard par radio, sans grand succès jusque-là. Andréa se sentait coupable de s'être laissé avoir comme une bleue, mais elle avait simplement répondu à l'appel de ses coéquipiers. Kolya l'avait tout de suite reconnue et s'était arrêté face à elle, la fixant à travers les barreaux. Son instinct et sa peur l'avait fait reculer d'un pas, sans pour autant baisser les yeux.
«J'admire le Colonel Sheppard. Aucun adversaire ne m'a causé tant de problèmes. Malheureusement je vais devoir le tuer.». Entourée de ses coéquipiers, Andréa éprouva un sentiment de courage, se sentant partiellement protégée par les tubes en acier qui les séparaient. «C'est marrant, il dit la même chose de vous!».
Carson se souvenait de l'ancien leader des Geniis, mais il était plus impressionnant en vrai que via un écran. «Qu'en est-il de nous? Vous allez nous tuer nous aussi?». Il exposa son projet, leur certifiant qu'il les renverrait sur Atlantis après avoir négocié des armes et des munitions avec Elisabeth. Il avait avoué sans mal avoir été trop ambitieux par le passé et comptait viser moins haut en demandant uniquement du matériel, ce qui lui permettrait de faire tomber Ladon et ainsi reprendre la tête du peuple Genii.
Ronon sentait la colère monter, crachant au visage qui se tenait face à lui qu'il le tuerait à la moindre occasion. Kolya avait ignoré le coureur et avait agrippé sa radio. «Colonel Sheppard, je suppose que vous m'entendez. Je suppose aussi que vous n'avez pas atteint la porte sinon mes hommes qui la garde m'auraient prévenu. Revenez et affrontez-moi! Ou je commencerai à tuer vos amis. ». Andréa avait une étrange appréhension mais elle resta impassible.
«Lequel allons-nous tuer en premier? Je penche pour le docteur Davis.». Ronon se plaça devant elle, tout comme Teyla qui lui avait saisi la main. Quelques secondes avaient suffi à Sheppard pour se décider, répondant favorablement à sa demande. La physicienne se fraya un chemin entre ses deux gardes du corps, affrontant Kolya du regard. « Tout ça pour ça? Tuer Sheppard?». «Absolument! mais ne soyez pas jalouse, si je n'obtiens pas ces armes du docteur Weir, j'ai bien l'intention de vous tuer aussi.».
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Quatre gardes avaient emmené l'équipe sur la place du village, les forçant à se mettre à genou pour retarder une éventuelle fuite. Ils attendaient patiemment que Sheppard se livre mais Andréa était confiante, connaissant ses intentions. Elle savait que n'importe quel bouclier était composé d'une source d'énergie épuisable et personne ne pouvait estimer la puissance restante.
Elle prenait sur elle pour ne pas se jeter sur Kolya. Le combat serait perdu d'avance et elle n'avait pas l'intention de renouveler son expérience passée, alors elle se contenta simplement d'attendre le Colonel. Elle pouvait sentir le regard de Carson se poser sur elle, se demandant si elle gérait la situation. Elle faisait de son mieux pour ne pas montrer sa peur et le courage de ses partenaires la poussait à en faire de même.
Cela faisait un moment qu'ils étaient là à attendre et Kolya annonça à la radio que le temps était écoulé. Il allait se diriger vers le groupe lorsqu'il fit irruption. Un simple geste de la tête à ses hommes avait suffi pour qu'une multitude de balles ne s'abatte sur le Colonel. Après ce qui leur sembla être une éternité, il ouvrit sa veste et arbora fièrement le bouclier. Un vrombissement avait soudainement raisonné dans leurs oreilles, observant des éclairs verts jallir de l'objet fixé sur sa poitrine. Andréa avait eu la réponse quant à la jauge d'énergie restante, ce qui la fit se tendre davantage.
Kolya ordonna à ses hommes de recharger leurs armes, jusqu'à ce que les villageois ne décident de se rebeller, prenant l'avantage sur les intrus, étant donné leur supériorité en nombre. Lucius se sentait fier d'avoir convaincue les habitants qu'ils n'avaient pas besoin d'un héros pour les défendre. Les Geniis étaient maintenant tous désarmés, sauf Kolya qui n'avait pas l'intention d'abandonner.
Au contact de Teyla et d'Elisabeth, Sheppard avait appris la diplomatie alors il essaya de laisser de côté sa vendetta et d'en faire bonne usage. «Si je vous proposais de vous rendre, vous refuseriez, n'est-ce pas?». Son rire sardonique traduisait clairement sa réponse et cela eu pour effet de faire taire l'assemblée. Dans un duel à la John Wayne, les deux hommes s'étaient défiés du regard, et dans une attente de longue haleine un coup de feu résonna. Andréa regarda le corps sans vie de Kolya s'écraser lourdement devant elle. Elle avait attendu une longue minute, voulant s'assurer qu'il n'allait pas se relever.
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Evan avait repris son poste en salle de contrôle et attendait impatiemment leur retour. Il savait que personne n'avait été blessé mais il voulait le voir de ses propres yeux. Radek avait entendu les bruits de couloirs concernant la mort de Kolya et il s'inquiétait pour son amie. Les deux hommes avaient été soulagés en la voyant passer la porte indemne. Andréa était perdue dans ses pensées, se contrôlant pour ne pas laisser ses émotions la submerger. Elle leva les yeux et fit un signe de tête à Radek, lui indiquant silencieusement que tout allait bien. Elle n'avait pas prêté attention à Evan qui se tenait aux côtés du Tchèque.
Elisabeth les avaient accueillis et après quelques mots, l'équipe s'était dirigée vers la salle d'équipement pour y déposer leur barda. D'un calme olympien, elle marchait dans les pas de Sheppard, pensant uniquement à une douche bien chaude. Elle repensait à ses deux derniers jours et s'était dit qu'elle devait relâcher la pression. Elle n'avait pas encore décidé ce qu'elle allait faire de sa soirée, assimilant le fait d'avoir échappé de justesse à la mort.
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Elle avait pourtant l'habitude de s'entrainer le matin, mais cette fois, elle avait ressenti le besoin de se défouler. C'était un bon remède pour évacuer ses tensions, alors elle s'empressa de se préparer avant d'aller courir.
Elle s'était retrouvée sur la digue ouest, à l'opposé du lieu d'entrainement d'Evan. Elle pouvait quasiment faire le tour de la cité et ce changement de décor était plus agréable. Elle regarda devant elle et calcula rapidement combien de temps elle allait mettre pour rejoindre l'extrémité, plaçant ses écouteurs sans fil dans ses oreilles. Elle aurait pu se contenter du bruit des vagues mais elle voulait se dépenser au rythme des chansons qui la motivait, alors elle extirpa son IPod de sa poche et lança sa playlist.
Elle n'avait pas fait ça depuis longtemps mais elle avait envie de s'épuiser jusqu'à en faire crier ses articulations s'il le fallait. Plus les conditions étaient extrêmes, plus elle se sentait bien, alors elle commença à trottiner pour chauffer ses muscles. Elle n'enclenchait jamais de chronomètre et se fier uniquement au nombre de musique écoutées, connaissant approximativement leur durée.
Elle repensait à cette journée, revoyant le visage de Kolya devant elle. La colère s'immisça dans son esprit et elle accéléra, sentant une vague d'énergie pousser sur ses jambes. Son cœur bondissait à chacune de ses foulées et elle luttait contre les picotements dans ses cuisses. Andréa faisait un pas après l'autre, étirant chacune de ses fibres musculaires et se forçant à aller plus loin.
Elle ne pouvait plus s'arrêter, sentant la fatigue s'évanouir au fil de son ascension. La douleur se transforma en légèreté, lui donnant l'étrange impression de voler au-dessus du sol. Elle ressentait enfin ce que l'on appelait l'ivresse du coureur. Elle profitait de chaque instant, parfaitement enveloppée dans sa bulle en ayant le sentiment d'être un super-héros. Cela dura un moment avant qu'un sentiment d'accomplissement ne vienne remplacer celui de la rage. La chanson touchait à sa fin et elle modéra sa vitesse, accueillant le bien-être que ce dépassement de soi lui avait procuré.
Son esprit avait fait le vide et elle en prenait pleinement conscience. Elle se sentait mieux, et tout devenait plus facile. Entre deux respirations elle écoutait les paroles de la musique qui raisonnait dans ses oreilles jusqu'à ce qu'elle n'entende Mr and Mrs Jones de Billy Paul. Cela reflétait exactement sa relation avec Evan ; un amour impossible auquel elle devait simplement s'y résoudre. Il lui avait clairement dit qu'il n'était pas prêt mais elle ne savait pas vraiment ce que ça voulait dire. Fallait-elle qu'elle attende ou fallait-elle qu'elle l'oubli ? Dans les deux cas, cela n'allait pas être simple. Avait-elle la force d'attendre après un homme indécis ? Elle en doutait, en tous cas elle n'avait jamais été confronté à cela.
Elle courait depuis quelques minutes et elle pouvait déjà sentir les effets d'euphorie produits par les endorphines. Ce sentiment de liberté apaisait ses tensions, jetant de brefs regards vers l'océan pour parfaire ce moment.
Elle voulait chasser son anxiété et c'était réussi, même s'il allait lui falloir du temps pour oublier ces deux derniers jours. Elle savait que tout ne se résoudrait pas en une seule course alors elle comptait bien renouveler cet exercice et en faire un rituel qu'elle s'était promis d'exercer de manière plus assidue.
Elle s'arrêta après une bonne demi-heure et commença à marcher. Andréa s'était dépassée, terminant sa course sans effort, la tête vide de pensées. Ce bref moment lui avait prouvé que sa force mentale et sa détermination n'avaient pas disparu. Cette session lui avait fait oublier ses cas de conscience pendant un temps, allant jusqu'à accroitre sa confiance en elle.
Elle avait senti la fraîcheur s'immiscer au travers des mailles de son pantalon, la forçant à frotter ses mains sur ses cuisses pour se réchauffer. Elle avait aperçu une silhouette s'approcher d'elle et avait immédiatement reconnu Steakhouse qui semblait habitué à ce parcours.
Elle qui voulait être seule, c'était raté. Il s'arrêta à sa hauteur et la salua brièvement. Il s'était étonné de la voir s'entraîner en extérieur et lui demanda pourquoi elle n'était pas comme tous les autres, en haut de la tour sud. «J'avais besoin d'air frais.», lui avait-elle répondu. Il accepta sa réponse même s'il s'avait que quelque chose n'allait pas. Il avait observé l'attitude de son supérieur qui était devenu irritable, sans parler de ses entraînements qui relevaient de la torture. Le Sergent avait décelé des tensions et avait compris qu'ils se fuyaient. Il ne voulait pas s'immiscer dans leur vie privée mais il n'allait pas supporter bien longtemps le changement d'attitude de son commandant qui avait clairement un rapport avec Andréa.
«J'ai rendez-vous au mess dans quarante-cinq minutes avec l'équipe, vous voulez vous joindre à nous, doc. ?». Le mot «équipe» avait fait écho dans son cerveau et elle déclina poliment l'invitation. Elle n'avait en réalité rien de prévu mais elle n'avait pas envie de croiser qui que ce soit. Quelques banalités plus tard, le Sergent avait repris sa course et Andréa décida de rentrer.
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Radek se dirigeait vers un transporteur lorsqu'il avait croisé Evan, qui se rendait au mess. Il s'arrêta à sa hauteur et le salua, sentant l'embarras du militaire. «Radek, vous tombez bien. Je comptais venir vous voir.». Il savait pertinemment que le sujet principal était une belle rousse et s'appelait Andréa. «Comment va-t-elle ?». Radek ne voulait pas être désagréable mais il n'avait pas l'intention de divulguer quoi que ce soit sur l'état d'esprit de son amie. Il ne comptait pas dévoiler ce qu'ils se racontaient entre quatre murs, mais il pouvait seulement lui donner quelques conseils pour au moins apaiser les tensions.
«J'imagine qu'elle vous a tout raconté.». Il hocha la tête, ne voulant pas commenter. «Écoutez, je ne vais pas m'étaler mais je veux juste que ça s'arrange, alors si vous savez comment je peux m'y prendre pour au moins faire en sorte qu'elle m'écoute, je suis preneur.».
Radek enleva ses lunettes et se massa le coin des yeux, conscient de ce qu'il lui demandait. Si cette conversation venait jusqu'aux oreilles d'Andrea, il ne donnerait pas cher de sa peau. «Elle a juste besoin de temps.», avait-il simplement dit. Il lui tapa sur l'épaule prenant un air compatissant, lui confiant qu'il ne pouvait pas en faire plus pour l'aider.
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Elle avait lutté pour que Radek ne l'emmène pas au mess mais il savait comment la faire changer d'avis, alors elle n'avait pas voulu le froisser.
Ils étaient installés depuis quelques minutes, face à face, les yeux rivés sur leur plateau. Andréa avait la tête ailleurs, malgré sa course et sa douche vivifiante. Les effets de son entrainement s'étaient dissipés et elle se sentait épuisée. «Comment te sens-tu?». Elle releva la tête en entendant ses mots, ne sachant pas comment qualifier les évènements. «Comme quelqu'un qui a vécu sa pire et sa meilleure journée en même temps. Ce qui me rassure c'est que Carson a confirmé sa mort. ».
Il avait du mal à comprendre ce qui n'allait pas en sachant que personne n'entendrait plus jamais parler de Kolya. Sa tête était appuyée sur sa main, son coude vissé dans la table, affichant une mine morose. Elle jouait avec sa nourriture depuis qu'ils étaient attablés, traçant des traits dans sa purée à l'aide de sa fourchette. «Ne retombe pas dans tes vieux travers et mange!». Elle n'arrivait pas à croire qu'il était mort et comprenait encore moins pourquoi elle n'était pas ravie. «Ça ira, j'ai juste besoin de temps pour réaliser.»
Après quelques minutes, elle lui confia son envie d'être seule et lui indiqua qu'elle reprendrait possession de ses quartiers le soir venu. Elle releva la tête lorsqu'elle vit Steakhouse passer derrière Radek, un plateau à la main. Elle avait répondu à son sourire et l'avait suivi du regard, jusqu'à ce qu'il ne s'arrête à une table, sur laquelle Evan était déjà installé.
Elle baissa la tête et ferma les yeux, pensant devenir invisible, et sans contrôler quoi que ce soit les lumières de l'immense pièce s'étaient mises à clignoter. Evan n'avait pas cessé de la fixer jusqu'à ce qu'elle n'ouvre les yeux et ne se retourne de nouveau vers lui. Il venait de faire le rapprochement, se rappelant de la surtension lorsqu'ils se tenaient dans ses quartiers et il était maintenant certain qu'elle n'était pas étrangère à ce phénomène.
Prise sur le fait, elle s'excusa auprès de Radek et lui indiqua être fatiguée, avant de prendre son plateau et s'en aller. Elle ne s'était pas retournée une seule fois et se tenait à quelques pas de la sortie lorsqu'elle sentit une main se poser sur son bras. Surprise, elle se dégagea de l'emprise d'Evan d'un coup sec.
«Depuis quand tu sais faire ça ?». Il ne s'était pas soucié de l'endroit où ils se tenaient et se fichaient des regards curieux. «Qu'est-ce que ça peu te faire ?». Elle tourna les talons, ne voulant pas discuter de son aptitude, mais il posa de nouveau sa main sur elle. «Lâche-moi !». Les lumières s'étaient mises à émettre un son signifiant une surtension évidente, ce qui fit taire une bonne partie des centaines de membres de l'expédition attablés.
«Toi aussi tu as le gène, ça n'a rien d'anormal.». Il s'avança d'un pas et tenta une nouvelle fois d'établir un contact en lui prenant lentement la main. Il expira lentement et abaissa le niveau de sa voix devenue plus calme. «Justement Andréa, ce n'est pas normal du tout !». Son cœur commençait à s'emballer et les larmes commençaient à lui monter aux yeux, alors elle préféra rompre le lien avant de faire quelque chose de regrettable. Il profita du fait d'être enfin en tête à tête avec elle, même si quelques personnes les regardaient. «Je pense que nous devrions parler.».
Elle baissa les yeux, ne voulant pas montrer qu'elle allait craquer. «Même si tu penses le contraire, je tiens à toi et rien n'a changé en ce qui me concerne, alors si tu veux parler, tu sais que je suis là.» Elle allait répondre lorsqu'elle entendit Sheppard et Rodney s'approcher. Le physicien tenait sa tablette dans ses mains et semblait soucieux. «Je n'arrive pas à déterminer d'où provient cette défaillance. ». Les yeux rivés sur l'écran, il s'était arrêté par réflexe, sans pour autant relever la tête.
Sheppard observait son second et la physicienne, se tenir tête comme il l'avait fait plus tôt avec Kolya. «Major ?». Evan se redressa par réflexe en regardant son supérieur. «Monsieur.», l'avait-il salué. Il reporta son regard sur la jeune femme «Est-ce que tout va bien ici ? ». Elle se détendit et afficha un sourire de circonstance sans détourner le regard de celui d'Evan. «C'est juste un malentendu, mais c'est réglé maintenant.». Elle expira longuement avant de quitter les trois hommes sans un mot. Elle pria pour qu'il ne revienne pas à la charge, une fois qu'elle se serait enfermée dans ses quartiers.
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Elle avait mal dormi et se sentait encore mal, face aux évènements de la veille, se souvenant avoir fait des cauchemars. Sa journée passée avait réveillé en elle de vieux souvenirs qu'elle avait eu du mal à enterrer. Evan avait été là pour elle des mois plus tôt et avait su trouver les mots, mais cette fois, elle allait devoir se débrouiller toute seule. Après tout, elle avait vécu des épreuves par le passé et s'en était toujours sortie sans l'aide de personne.
Elle regretta même un instant d'avoir accepté de remplacer Rodney pour cette mission, tout ça pour ne pas se confronter à Evan. Si seulement elle n'avait pas cette fâcheuse habitude de fuir, cela ne serait jamais arrivé, même si personne ne pouvait prévoir de ce qui se passerait hors monde. Elle savait que cette journée allait s'annoncer difficile, ayant l'impression de s'être réveillée encore plus fatiguée que lorsqu'elle ne s'était couchée.
Elle passa les portes de son bureau assez tôt et n'avait pas été surprise de trouver l'endroit désert. Sentant comme un souffle d'air frais, elle se frotta la nuque pour soulager son inconfort. Elle tenta de masser ses muscles devenus raides mais cela ne suffisait pas à la détendre. Avec une poignée d'heure de sommeil à son actif, elle avait clairement besoin de repos. Mais il y avait autre chose, elle pouvait sentir comme une présence bien que la pièce ne soit vide. Obsédée par les évènements de la veille, elle revoyait sans cesse le visage de Kolya et s'était dit que cela venait de ça. Même s'il était bel et bien mort, elle n'arrivait plus à réfléchir. Elle effleura un des murs et sentit une légère décharge électrique lui chatouiller l'épaule. Andréa s'étonna de son intensité plus élevée que d'habitude et renouvela l'expérience pour être sûre, glissant ses extrémités le long de la paroi.
Du faible courant électrique parcourait ses doigts et elle s'en amusa, jusqu'à ce qu'il ne s'infiltre dans tous son corps de manière plus intense. Sa respiration devenait de plus en plus rapide jusqu'à sentir sa gorge se bloquer. Elle avait pourtant rompu le contact mais elle sentait ses jambes faiblir à chaque pas, lui donnant l'impression de marcher sur du coton. Elle avait beau secouer la tête, rien ne changeait. Elle s'approcha de l'amas de papier qu'elle avait laissé trainer l'avant-veille sur son bureau et tenta de s'y accrocher. Sa vision se brouilla sans qu'elle ne puisse la contrôler, la forçant à cligner des yeux pour la clarifier. Elle sentit soudainement ses forces la quitter et le sol se dérober sous ses pieds avant de s'effondrer au sol, emmenant quelques feuilles sur son passage.
TBC…
