Théo n'enclencha pas l'appel de gaieté de cœur tant ce dont il était témoin le retournait. A vrai dire, à peine eut-il appuyé sur l'icône de téléphone vert qu'il posa son téléphone sur le sol et se précipita en direction du corps immobile sur une espèce de matelas tâché par tout et n'importe quoi. Parce qu'il l'avait trouvé sans avoir besoin de désactiver quelque alarme que ce soit, mais Stiles lui apparaissait tout, sauf en bon état. Et Théo comprit son enfer dès qu'il arriva à sa hauteur. Le cœur battant plus vite que d'ordinaire, il prit son pouls. Présent, mais lent, constata-t-il. Il le palpa légèrement par-ci par-là et ne décela, par chance, aucun os cassé. Cela ne voulait pas pour autant dire que Stiles n'avait rien en dehors de toutes ces blessures qui recouvraient son corps quasi-entièrement nu, bien au contraire. C'était justement dans ce genre de cas qu'il fallait se méfier le plus. Dans tous les cas, il ne lui fallait pas perdre plus de temps, car celui de l'humain était peut-être compté.

C'est avec un soin étonnant qu'il le prit dans ses bras. Il surveilla son visage, dans l'attente de le voir se crisper sous la douleur qui, peut-être, l'inondait déjà: sauf qu'il ne bougea pas d'un iota. Théo ne prit pas cet élément comme quelque chose de positif. Pour lui, mieux valait une réaction négative que pas de réaction du tout.

Ce n'est qu'une fois dans sa voiture, Stiles retenu à l'arrière sur le siège du milieu par les ceintures de sécurité des places adjacentes que Théo démarra en trombes. Il se saisit à nouveau de son téléphone portable d'une seule main pour envoyer un message vocal à son partenaire du jour, Derek Hale.

- J'ai récupéré Stiles, fit-il d'un ton qui ne lui ressemblait pas.

Théo se donnait toujours l'air tranquille et posé puisque c'était là l'image qu'il voulait renvoyer à autrui. Il détestait montrer ses faiblesses ou quelque instabilité émotionnelle. Or, il en était cette fois-ci incapable et il était prêt à parier que Derek serait dans le même genre d'état que lui. Pas seulement parce que Stiles était sans connaissance, mais aussi été peut-être surtout parce que son corps témoignait de la violence du malade qu'était vraisemblablement Brett. Théo se demanda rapidement, la nausée le prenant soudainement, si la présence de son caleçon comme seul vêtement ne voulait pas dire quelque chose. Il espéra sincèrement que non et reprit:

- Si tu veux le voir, retrouve-nous à l'hôpital. Et tabasse l'autre enflure pour moi… Tu ne veux vraiment pas savoir à quoi ressemblait l'endroit dans lequel je l'ai trouvé.

Théo ne s'y était peut-être pas attardé, mais il se rappelait du moindre centimètre carré de cet endroit sans l'avoir réellement observé. Que dire de l'odeur? Elle était insoutenable, presque autant que celle que dégageait Stiles dans sa voiture. Quoique celle du sous-sol était pire, parce que Théo savait que Stiles n'avait pas été son seul occupant. Il y avait fort à parier que le petit blond qu'il avait vu chez lui y avait séjourné.

Et cette idée lui fit serrer les dents au point qu'il envoya directement son message vocal sans y ajouter davantage d'explications. Derek comprendrait, de toute manière.

Il avait intérêt, parce que Théo ne comptait plus consulter son téléphone de la soirée.

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Mettre Brett hors d'état de nuire, ç'avait été un jeu d'enfant. Après tout, il n'était rien de plus qu'un humain lambda, d'une faiblesse effroyable. Peut-être qu'il avait réussi à faire du mal à Liam, puis à Stiles, mais il était clair qu'il ne lèverait plus jamais la main sur qui que ce soit. Car sitôt que Théo lui avait envoyé son signal, Derek avait demandé à Liam de retourner dans la voiture et de ne surtout pas regarder. Il valait mieux qu'il ne soit pas directement témoin de ce qui allait se passer… Et qui n'avait, au final, pas duré plus de deux minutes.

C'est on ne peut plus tendu que Derek retourna dans la voiture.

- Tu as regardé? Demanda-t-il à Liam sur un ton involontairement sec.

Il aurait voulu se contrôler, mais il avait bien du mal. Il avait peut-être fait payer Brett pour toutes ses exactions, mais il avait eu le temps d'écouter le message vocal de Théo. Il n'avait rien eu d'autre à faire une fois l'autre enfoiré à terre.

Liam déglutit.

- Non, je… Je te jure que non, balbutia le blondinet.

Derek sonda son cœur: il disait la vérité… Mais il avait peur. Il fallait avouer que la tournure de la phrase du loup-garou pouvait incarner un sens plutôt menaçant. Un sens qu'il ne voulait pas lui donner, mais encore une fois… Il était très difficile pour lui de se contrôler. Le simple fait qu'il n'ait pas tout envoyé exploser, c'était déjà beaucoup pour lui. Un gros effort qu'il n'arrivait à fournir que grâce à son côté lucide, pragmatique… Et à la perspective qu'il avait de revoir Stiles. D'un côté, entendre son téléphone sonner l'avait rassuré, au contraire du message de Théo même si celui-ci restait positif – ou du moins, autant que possible. Il avait été honnête avec lui sans trop en dire, mais sans se montrer fataliste non plus. Puis à côté de cela, il y avait Liam, un jeune homme traumatisé – à juste titre – que Stiles avait décidé de prendre sous son aile.

Derek ne pouvait donc légitimement pas faire tout ce qu'il voulait dans la mesure où il n'était pas seul dans cette histoire. Quoique mettre son poing dans la face de cette ordure de Brett lui avait fait du bien. Ça n'effacerait rien, jamais, mais au moins… Il s'agirait pour lui d'une excellente leçon. Il survivrait. En effet, Derek n'avait pas cherché à lui ôter la vie dans la mesure où il trouvait la mort trop douce pour un monstre de sa trempe. Il en avait fait baver à son ex petit-ami et à son collègue hyperactif: autant qu'il paye pour tout ce qu'il leur avait fait. Avait-il fait d'autres victimes auparavant? Derek n'en avait aucune idée, mais il l'avait de toute façon suffisamment amoché pour cela.

- Je voulais juste éviter que tu voies des choses dont tu aurais pu te souvenir, trouva-t-il la force d'expliciter en démarrant sa voiture.

Mais il n'eut pas besoin de réfléchir bien longtemps pour se rendre compte du fait que ce qu'il venait de dire était tout aussi suspect que sa phrase précédente. Ce n'était pas ça qui allait rassurer Liam… Alors, il décida d'être cash:

- Tu n'as pas besoin d'être traumatisé davantage.

C'était un fait et même s'il savait qu'il aurait peut-être dû tourner ses mots autrement pour en atténuer la puissance, il se disait que de toute façon, dans son état… Il lui serait difficile de faire mieux.

Il était trop en colère, trop inquiet aussi… En témoignaient sa mâchoire crispée et ses mains serrées à outrance sur le volant. Il roulait vite aussi – un peu trop. Du coin de l'œil, il vit que Liam avait brièvement hoché la tête mais ne s'épancha pas davantage sur son odeur. Il vit cependant, à la lueur d'un lampadaire, ses phalanges rougies. Il faudrait qu'il pense à nettoyer ça avant d'arriver à l'hôpital, et… Ce fait lui rappela qu'il devait encore ouvrir la bouche et informer son passager de leur destination. Il l'informa de ce que lui avait appris Théo en usant du moins de mots possible.

Derek avait effectivement tout, sauf envie de parler. Juste d'arriver, de voir Stiles, de s'assurer que son état était moins inquiétant qu'il le pensait, de mettre de côté ces choses qui le remuaient mais qu'il ne voulait toujours pas s'avouer.

De mettre un terme à ce qui n'était, au fond, pas une véritable colère.

Juste une angoisse viscérale.