« Allez, Arashi ! » cria Satoru, en finissant d'enfiler son sweat bleu. « Si tu ne t'actives pas, Hime et Akiko vont partir sans nous ! »

« Arrête de me presser, ça ne me fera pas aller plus vite. » grogna-t-il, échouant pour la troisième fois à nouer correctement les lacets des baskets sur mesure que Takarô avait commandées aux jumeaux. « Pourquoi les chaussures de ce monde sont-elles si pénibles à enfiler ? Je préférerais avoir des sandales ! Et ces yeux stupides et inutiles... Où sont les pouvoirs de Samsâra quand on en a besoin ?! »

Finalement, à l'amusement de Satoru et à la plus grande honte d'Arashi, ce fut Utahime qui, s'interrogeant sur la raison de leur retard, était venue à sa rescousse. Il doutait de pouvoir jamais s'en remettre entièrement. Lui... Le grand Madara... Aidé par une enfant à enfiler ses chaussures, pour l'embarrassante raison que la technologie moderne le dépassait.

Durant leur trajet en voiture jusqu'à la gare la plus proche, la miko dut crier après Satoru au moins dix fois pour tenter de le rappeler à l'ordre, son attitude turbulente l'empêchait apparemment de lire. En réponse, le garçon la traitait de faible en lui tirant la langue avant de se "réfugier" sur les genoux d'Akiko, hors de portée de ses gifles, à la résignation du reste du groupe désormais habitué à leurs pitreries.

Heureusement, une fois dans le train, le porteur du Sixième Œil, vraisemblablement par inhabitude de la foule, resta calmement assis sur son siège, près de son jumeau, qui avait été sommé par leur aïeul de porter des lentilles de contact afin de dissimuler ces yeux surnaturels aux yeux des non-exorcistes.

Utahime engagea une conversation avec lui pour l'empêcher d'essayer de lutter contre les démangeaisons, lui prêtant même le premier tome de La Mer de la fertilité, de Yukio Mishima, pour lui faire oublier son inconfort. Arashi fut surpris de se retrouver captivé par le récit de ces deux amants, alors qu'Akiko l'aidait à déchiffrer les kanjis dont il ne connaissait pas la signification, gracieuseté des aînés qui continuaient de freiner son éducation. Ce type d'amour lui était assez inconnu, pour la simple raison que Madara n'y avait jamais prêté attention et qu'un tel sentiment n'existait pas au sein des Trois Grands Clans.

Après plus d'une heure de trajet, ils arrivèrent à Tokyo.

À peine sorti de la gare de Shinjuku, Arashi réprima une toux à la sensation de l'air pollué et étouffant emplissant ses poumons, tandis que son odorat sensible était agressé par la multitude d'odeurs chimiques qui flottaient dans la métropole, le poussant à filtrer ses voies respiratoires à l'aide de son énergie occulte, pratique venant de sa vie antérieure et généralement utilisée contre les toxines gazeuses.

Il prit un court instant pour observer son environnement. Des bâtiments faits d'acier et d'autres matériaux inconnus, dont il doutait sérieusement que la fabrication soit sans conséquence pour la biodiversité, s'élevaient vers le ciel, se dressant bien plus haut que la Tour du Hokage qu'il avait vue dans ses souvenirs. Des sortes de boîtes métalliques dotées de roues filaient sur la route à des vitesses qui sèmeraient un cheval, et des gens... Tellement de gens. Une foule massive et dense s'agitait devant eux, affluant de toutes les directions.

Inconsciemment, il resserra son prise sur la main d'Akiko, tandis que l'autre était empoignée par Satoru qui avait commencé à se frotter les yeux, probablement en raison de l'afflux soudain d'informations brutes.

« Ne vous inquiétez pas. » tenta de les rassurer Utahime avec un doux sourire. « Pour nous, qui sommes élevés dans le milieu des anciennes familles, la première fois fait toujours cet effet-là. Alors, où voudriez-vous aller ? »

« Il y a des bibliothèques dans ce monde ? » interrogea Arashi, avant de se réprimander mentalement pour son choix de mots, bien que personne n'ajouta un quelconque commentaire.

« Le bruit te dérange ? » supposa Akiko.

Il hocha doucement la tête, le regard fixé au sol.

« Utahime, puisque tu es ici pour trouver des vêtements, tu iras avec Satoru et monsieur Kyotaka dans la galerie commerciale. Il devrait y avoir de quoi vous satisfaire tous les trois. »

« Bonbons ! » s'écria Satoru avec joie, attirant l'attention de quelques passants, à l'embarras de la miko.

« De mon côté, je vais emmener Arashi à Sekaido. Je crois me souvenir que tu aimes dessiner, et cet endroit est un vrai paradis pour les amateurs d'art et d'artisanat. Sinon, on trouvera bien une librairie ou quelque chose du genre en chemin. »

La seconde suivante, Satoru était accroché désespérément au manteau de sa nourrice, la suppliant, sa migraine oubliée.

« Akiko ! Laisse-moi partir avec toi et Arashi au lieu de la méchante Utahime ! »

« Qu'est-ce que tu viens de dire, petit idiot ? » grogna-t-elle, incitant le porteur du Sixième Œil à lui tirer la langue.

Furieuse, la jeune prêtresse fit quelques pas vers l'héritier Gojo, le poussant à se cacher derrière la femme.

« Tu vois ? Elle veut me frapper ! Moi qui suis si mignon et innocent ! »

Arashi se moqua discrètement de la jeune fille qui était trop occupée à répliquer pour se soucier des regards étranges et désapprobateurs que leur petit groupe recevait.

Avec une patience que seule la mère des jumeaux aurait pu avoir, Akiko caressa doucement la tête de Satoru, puis s'agenouilla pour être à la hauteur de l'enfant de sept ans.

« Je sais que c'est difficile pour vous deux d'être séparés. » dit-elle en soupirant. « Mais ce n'est que pour à peine deux heures. Tu vas voir, ça va passer vite, et on se retrouve tous pour déjeuner à midi pile devant ce restaurant là-bas, d'accord ? ». Voyant qu'il n'était pas convaincu, elle ajouta. « Et puis, si tu es sage avec Utahime et monsieur Kyotaka, je te préparerai du dango à notre retour au sanctuaire. »

Ses yeux s'illuminèrent.

« Et on s'entraînera tous les deux. » compléta Arashi, riant légèrement tout en ébouriffant les cheveux hirsutes de son jumeau. « Juste toi et moi. Pas d'instructeur ennuyeux, ni de vieux croûton. »

Satoru laissa échapper un cri d'excitation.

« D'accord ! Je serai sage ! »

Et il disparut soudainement dans les rues animées de Shinjuku, entraînant Utahime et le pauvre Kyotaka avec lui.

« Il est vraiment incorrigible... » soupira Akiko en se relevant, mais elle souriait toujours.

« Oui. » concéda Arashi. « Mais c'est bien pour ça qu'il est la lumière dans ce manoir maudit, et que toi et moi l'aimons. Je prie pour qu'il ne change jamais. »

« Tu es conscient que si ton souhait se réalise, ce sera à toi de t'occuper de lui, un jour ? »

Il la regarda avec une fausse confusion.

« Pourquoi ? Tu seras toujours là pour nous, non ? »

Elle rit doucement, puis lui prit la main.

« Bien entendu. Allez, filons avant qu'il ne change d'avis. »


« Tu es vraiment impressionnant. » le félicita-t-elle.

« Ne dis pas ça comme si tu ne m'avais jamais vu à l'œuvre. » marmonna-t-il, les sourcils froncés de concentration, avant de lui faire un sourire narquois. « De plus, je sais que tu as encore ce portrait de toi, moi, Satoru et maman caché dans ta table de nuit que j'ai peint l'an dernier. Prends garde, Akiko. Certains trouveraient ça déplacé. »

Son sourire disparut lorsqu'il la sentit tirer avec force son oreille.

« Je... Je plaisantais. »

« C'est toi qui devrais faire attention, jeune homme. Ton génie de l'exorcisme et de la peinture ne te dispense pas d'apprendre à parler aux femmes. »

Arashi fut soulagé lorsqu'elle relâcha son oreille, mais c'est alors qu'il remarqua la teinte sombre de la peau de son poignet, sa manche ayant été relevée par son action. Une ecchymose.

Son pinceau se brisa sous la contraction de ses doigts, tandis que son autre main empoigna fermement mais doucement les bras d'Akiko, qui manqua de crier de surprise.

« Comment t'es-tu fait ça ? » l'interrogea-t-il, analysant la lésion.

Akiko parut soudain nerveuse.

« Ce n'est rien. » répondit-elle avec précipitation, libérant son bras de l'emprise étonnamment forte du garçon. « Je me suis juste cognée contre la portière lorsque nous avons pris la voiture. »

Il la dévisagea d'un air sceptique, un soupçon de trouble naissant dans ses yeux.

« Si la lésion datait de ce matin, le teint de ta peau serait rouge, pas violacé ». Son regard se durcit. « Tu n'as jamais été une bonne menteuse avec nous, Akiko, et je te sais plus qu'assez adroite pour ne pas te cogner contre quoi que ce soit, même par accident. Autrement, le vieil homme ne t'aurait pas confié la garde de sa descendance. Dis-moi qui t'a fait ça ? »

« Jeune maître, ce n'est rien d'important. »

Il se figea avec consternation au changement brusque de ton, qui lui rappelait celui de ceux qui constituaient le groupe des domestiques conditionnés et n'existant que pour accomplir les tâches "inférieures" du clan, comme le disaient et le pensaient certains des aînés. Ce ton amorphe et monotone, qui semblait à peine humain.

« Au moins, tu reconnais que c'est l'un de ces imbéciles, le responsable. » grogna-t-il faiblement.

Ignorant son commentaire, elle rassembla leurs affaires et se leva.

« Jeune maître, je vous serais très reconnaissante de faire votre choix rapidement. Votre frère n'apprécierait certainement pas que nous soyons en retard pour le déjeuner. »

« Arrête... Arrête de parler comme eux ! » hurla-t-il avec rage dans son esprit, bien que son visage restait de marbre alors qu'il sélectionnait quelques pinceaux sans y accorder un second regard. « Toi, tu n'es ni une esclave ni un chien de garde ! »

Il se mordait la lèvre à s'en faire saigner alors qu'ils sortaient du magasin, tout en s'efforçant de garder tranquille l'océan de force occulte qu'abritait son corps frêle afin de ne pas alerter les menaces potentielles.


Quand ils entrèrent dans le restaurant, Akiko s'agenouilla devant Satoru qui avait commencé à nouveau à se frotter les yeux, se doutant que l'activité métropolitaine le surstimulait.

« Ma tête me fait mal. » gémit-il, couvrant ses oreilles avec ses mains. « Pourquoi tout doit être si grand et bruyant ? »

Alors que Arashi et Akiko s'apprêtaient à agir, Utahime les devança, se positionnant près du garçon qui s'était chargé au cours des deux dernières heures de les faire courir elle et Kyotaka d'un bout à l'autre de la galerie commerciale, et commença à lui parler avec une douceur et une tendresse qui atteignirent cruellement mais innocemment ses souvenirs de Fuyumi Gojo.

Un nœud se forma dans la gorge des jumeaux, tandis que des larmes imperceptibles se formèrent dans leurs yeux à la pensée de leur mère.

« Si le monde est trop grand alors, rends-le petit. Concentre-toi sur ma voix. Essaie de la voir comme une île au milieu de l'océan ». Elle commença à chanter doucement, à fredonner une mélodie à laquelle le porteur du Sixième Œil sembla s'accrocher avec la vigueur d'un naufragé. « Tu peux la voir ? »

« Je la vois. »

« Alors, nage jusqu'à elle. »

Lentement, pas à pas, Satoru y parvint, écartant d'abord ses mains de ses oreilles avant de les relâcher puis d'ouvrir les yeux. Même si la douleur n'avait pas disparu, elle était désormais sourde, grâce au contrôle partiel de ses sens acquis grâce à la jeune miko.

Il lui sourit timidement.

« Merci... Hime. »

Elle le lui rendit, et ils s'assirent enfin, Utahime et Kyotaka soupirant de soulagement, les jambes endolories par leur course.

« Tu vas où, Akiko ? » demanda Satoru, remarquant que sa gardienne s'était relevée.

« Chercher une surprise pour toi et Arashi. » dit-elle en lui faisant un sourire complice. « Je ne serai pas longue. »

Et elle disparut dans la foule.

Après plusieurs minutes passées à feuilleter le menu, chaque membre du groupe passa commande, puis une fois que le serveur s'éloigna, le calme de la table fut rompu.

« Regarde tous ces bonbons, petit frère ! » s'écria Satoru en tirant un gros sachet rempli de friandises de son nouveau sac à dos alors qu'un autre serveur leur apportait leur commande.

Arashi n'écoutait pas, son regard toujours dirigé vers l'extérieur.

« Ne parle pas si fort, idiot. » le réprimanda Utahime entre ses dents. « Nous sommes dans un lieu public. »

« C'est pas à toi que je parle, la faible ! »

« Qu'est-ce que t'as dit, sale morveux ? »

Il lui fit un akanbe, alimentant toujours plus sa colère.

« Du calme, ça suffit à tous les deux. » parla Kyotaka en agitant doucement les mains. « Arrêtez tout de suite. »

Aucun ne daigna lui accorder un regard.

« Le monde de l'exorcisme et le clan Gojo vont s'effondrer en moins d'une journée quand tu seras chef, idiot ! »

« Tu es si méchante qu'aucun garçon ne voudra jamais de toi, femme ! »

« Silence. »

Avant que la jeune miko ne puisse cracher une énième réplique à l'Honoré, une voix froide et dure trancha leur échange telle une lame, au point où il leur fallut plusieurs secondes pour réaliser d'où elle venait.

« Je ne suis pas d'humeur à entendre vos pitreries. » continua Arashi, les doigts entrelacés, ses traits durcis et le regard froid fixé dans le vide.

Les engrenages dans sa tête commençaient à lui faire ressentir de la douleur alors qu'il parcourait chacun des souvenirs qu'il avait des aînés et des instructeurs, tout en les analysant avec une vivacité ardente pour en déduire l'identité de celui qui avait osé levé la main sur l'une des seules personnes dont la vie lui importait.

En proie à une confusion mêlée à de l'inquiétude, Satoru se rapprocha de son jumeau.

« Tu es fâché contre moi, Arashi ? »

Sa réflexion fut brisée par les perles d'eau naissant dans les yeux de Satoru, le laissant consterné.

« Non, pas contre toi. »

« Contre qui alors ? »

Il soupira devant la sagacité de son frère.

« Les vieilles momies. Je suis certain qu'ils ont impliqué Akiko dans l'un des nombreux problèmes qu'ils ont inventés. »

À cet instant, le Sixième Œil se mit à fulgurer, avant qu'une force occulte titanesque n'inonde la salle du restaurant.

Madara était plus qu'habitué à ressentir le poids du Chakra ainsi que les intentions et les sentiments qui en émanaient. Arashi avait des visions de Hashirama Senju flamboyant son pouvoir incommensurable sous l'effet d'une colère que des pays entiers redoutaient et qui pouvait faire s'effondrer des montagnes, et de Kyûbi, le Démon-Renard à Neuf Queues, dont le chakra était si maléfique et bestial que le simple fait de le ressentir suffisait à briser la volonté, voire l'esprit de beaucoup.

Après la résurgence de la mémoire de son moi antérieur, Arashi n'avait jamais plus ressenti quoi que ce soit face à l'aura de n'importe quel exorciste ou fléau, y compris celle de son grand-père, pourtant considéré comme le combattant le plus fort de sa génération, même dans sa vieillesse, avec une connaissance profonde de l'exorcisme et une maîtrise de l'Infini aussi remarquable que possible, sans le Sixième Œil pour la compléter. Cela lui avait valu d'être reconnu comme le seul pilier soutenant le pouvoir des Gojo avant la naissance de ses petits-enfants.

Et pourtant, pour la première fois depuis le retour de ses souvenirs, sous la puissance pure et le poids d'une énergie occulte si transcendante qu'elle lui semblait être tel l'océan aux profondeurs abyssales, il se sentit véritablement intimidé, au point que son corps refusait presque de lui obéir. Cependant, ce sentiment était une moindre chose comparé à la pure peur primaire qui paralysait l'ensemble des autres personnes présentes. Utahime et Kyotaka tremblaient sur leurs chaises, tout en respirant fortement, les poils sur leur cou dressés.

Le bruit d'un homme s'effondrant au sol permit à Arashi de briser son abasourdissement, et de diriger sa main vers l'épaule de son frère pour l'y poser. Cependant, son membre fut stoppé par la barrière invisible de l'Infini, ou plutôt ralenti au point de paraître figé dans le fragment d'espace divisé infiniment par la technique occulte des Gojo.

Dissipant sa réflexion et sa confusion, Arashi parla.

« Satoru, calme-toi. Si tu continues, les fléaux vont s'accourir vers nous. »

« Et tu risques de blesser des civils. » ajouta Utahime.

Elle frissonnait toujours de frayeur, mais son regard brûlait d'une volonté forte et d'une détermination qui aurait même étonné Kurama.

Face à son insistance silencieuse et à l'autorité dégagée par Arashi, Satoru s'exécuta, non sans jurer dans un grognement qu'il punirait lui-même les responsables, à l'assentiment de son jumeau.

« Pourquoi ta technique est-elle active ? » demanda alors Arashi.

Satoru détourna le regard avec un soupçon de honte.

« Eh bien... Les vieux idiots m'ont dit de le faire, pour pas que je sois blessé ou contaminé par les normaux. »

Les sourcils d'Arashi se froncèrent, et sa mâchoire se serra.

« Quand l'as-tu désactivé pour la dernière fois ? Et ne me mens pas, Satoru. »

Son jumeau déglutit, puis murmura.

« Avant-hier soir. »

« Donc ça fait déjà plus d'une quarantaine d'heures que son sort est actif... » conclut-il froidement. « À notre retour, je vais avoir une discussion sérieuse avec cette bande de réactionnaires séniles ! »

« Vous devez être fatigué alors, jeune maître. » parla Kyotaka, sincèrement inquiet. « Peut-être vaudrait-il mieux rentrer une fois que madame Umiyosa sera là ? »

Pour une raison ou une autre, ce fut à cet instant précis qu'Arashi se rendit compte que sa perception sensorielle ne ressentait plus la présence d'Akiko, mais qu'il s'aperçut également que trois signatures de force occulte se rapprochaient dangereusement. .. Des assassins !

Tous savaient bien qu'aucun maître des fléaux ne se soucierait des pertes civiles, tant que le Sixième Œil disparaissait.

« On fiche le camp ! » s'écria Arashi, empoignant la main de Satoru et se précipitant au dehors sans prêter la moindre attention aux regards qu'ils recevaient. « Kyotaka ! Prends Utahime et va-t'en ! C'est Satoru qu'ils veulent ! »

De la part d'un adulte, le fait d'obéir aux instructions d'un enfant aurait pu paraître irrationnel et révoltant, voire même stupide en un sens, mais lorsque Shuichi Kyotaka vit le regard d'Arashi Gojo et entendit ce ton, il n'eut nullement le sentiment d'avoir devant lui autre chose qu'un... homme. Et plus que cela, un homme d'une expérience certaine, qui savait réagir face à une situation grave et commander un groupe. Il ne put s'empêcher de voir le reflet du chef des Gojo en ce garçon.

Il obtempéra donc.

Les jumeaux se ruèrent à l'extérieur, utilisant leur énergie occulte pour augmenter leur vitesse, tandis que leurs yeux surnaturels les guidèrent à travers la foule et les rues de Shinjuku. Ils bousculèrent quelques passants dans leur course, mais leur cerveau enregistra à peine cette information, bien plus préoccupé par la mise en place d'une stratégie pour semer leurs poursuivants.

« Attends, Arashi ! » s'écria Satoru alors que son frère les attiraient dans une énième ruelle. « On doit aller les protéger ! Ils ne sont pas assez forts pour se défendre contre ces types ! »

« Ne t'en fais pas, frère ! Kyotaka sait très bien comment se fondre dans la masse ! Lui et Utahime seront restés à l'abri jusqu'à ce que l'on les retrouve ! La priorité, c'est de semer ces vauriens, ou au moins les amener dans un lieu où on aura pas à se retenir si jamais on doit se battre ! »

« Et Akiko ?! On sait même pas où elle est ! »

La mention de la femme devenue comme leur seconde mère le stoppa net, tandis que des larmes commencèrent à se former dans les yeux de Satoru. L'un comme l'autre, ils ignoraient où elle se trouvait actuellement, et cela ne faisait qu'intensifier leur stress, bien que l'expérience du combat de Madara permettait à Arashi de le supporter avec une relative facilité.

« Qu'est-ce qu'on va faire ? Dis-moi, s'il te plaît ? »

Arashi lâcha la main de Satoru pour venir frapper son front de sa paume, avant d'ôter avec frénésie ses lentilles de contact pour les jeter, puis il vint poser ses deux mains sur les épaules de son jumeau.

« On va commencer par te mettre à l'abri. Aux vues de ton état de surstimulation, couplées à la fatigue cérébrale provoquée par l'utilisation excessive de ton sort, tu n'es pas en état de te battre. »

« Je peux gérer ces têtes de nœuds ! » protesta Satoru, luttant clairement pour garder les yeux ouverts tout en s'accrochant à son frère.

La réponse d'Arashi était brutale et sévère.

« Non ! Je... Je refuse que tu sois blessé. »

« Ça risque d'être compliqué. »

Leur sang se glaça à la voix grave venant de derrière eux.

Sans même prendre une demi-seconde pour analyser l'homme, Arashi jeta Satoru sur son épaule et se précipita vers la grande rue, mais deux silhouettes imposantes surgirent devant lui, lui bloquant le passage.

« Eh bien, eh bien... » commença celui encapuchonné d'un rire mauvais. « On dirait qu'on a touché le gros lot, les gars. Le morveux au Sixième Œil et le fameux Enfant prodige... »

Les frères Gojo se mirent dos à dos, leurs yeux brillants d'une puissance divine tandis que leur force occulte affluait dans leurs corps. Chacun se mit en position de combat.

« Je reconnais leurs signatures... Si la situation n'a pas empiré, Kyotaka et Utahime doivent donc être sains et saufs. Par contre, ces types ne sont clairement pas du menu fretin. Si j'en juge à leurs niveaux d'énergie, je dirais qu'ils sont de Classe Un. En temps normal, ça ne poserait pas de problème, mais je vais avoir du mal à me battre tout en protégeant Satoru. Les vieux ont négligé sa formation au taijutsu pour se concentrer sur le développement de son sort, qu'il ne peut plus utiliser efficacement pour le moment à cause de sa fatigue cérébrale. Quelle galère ! »

L'un des hommes s'avança.

« Alors, les mioches, que diriez-vous de... »

Il fut coupé par le poing d'Arashi s'écrasant avec une force surhumaine sur son visage, faisant jaillir un flot de sang de ses narines et l'envoyant à terre. Le garçon ne perdit pas un seul instant, et engagea le deuxième homme, brun, à la carrure robuste et aux yeux gris et froids, avec une férocité digne d'un dragon.

De son côté, Satoru avait réactivé son Infini et semblait lutter contre son agresseur. Ses mouvements étaient plus lents que la normale en raison de sa fatigue, et son cerveau peinait à traiter efficacement les informations fournies par le Sixième Œil à cause de la tension à laquelle il avait été soumis durant près de deux jours. Arashi avait raison, il était épuisé, et ses sens altérés.

« Comment ce minable peut-il me résister ? » grogna-t-il mentalement, ses dents grinçant.

« T'es doué, pour un gamin. » félicita le sorcier, en repoussant Arashi avec une force brute comparable à celle d'un gorille.

« Je reconnais que ta danse n'est pas si mauvaise, misérable. » admit ce dernier, en retrouvant instantanément son équilibre.

Le visage de l'homme se renfrogna à l'insulte avant de dégainer une courte lame imprégnée d'énergie occulte. Le Gojo se mit à ricaner, jetant même à son ennemi un regard méprisant qui attisa davantage sa colère, sans pour autant stopper sa réflexion.

« Je dois rester sur mes gardes... Cette arme n'est pas un simple couteau chargé d'énergie. C'est un objet maudit, et même si c'est peu probable, il est tout à fait possible qu'une technique occulte y soit gravée. »

Arashi bondit en avant pour réengager son adversaire. Son jeune âge constituait un avantage, car personne n'aurait jamais pu s'attendre à ce qu'un enfant de sept ans puisse se battre avec l'expérience d'un guerrier centenaire, mais désormais l'homme avait renforcé sa vigilance, ayant bien compris que le sous-estimer pourrait se révéler funeste. Celui-ci était fort, bien plus fort que lui, mais il était plus rapide, et les capacités prédictives des Yeux de Samsarâ lui permettaient d'esquiver et de riposter avec une légère marge d'erreur. Sa maîtrise du combat rapproché était également supérieure.

Cependant, les conditions de ce combat lui étaient plutôt méconnues, et il ne les appréciait pas. Les shinobis privilégiaient la mobilité et un espace de manœuvre étendu, car c'était essentiel dans la plupart des batailles, surtout pour un ninja de l'acabit de Madara dont les pouvoirs étaient très destructeurs, au point qu'avoir un partenaire l'aurait tout simplement contraint à se retenir. Et dans cette ruelle étroite, couplée à un corps jeune incapable de suivre le rythme de ses yeux et de sa force occulte... Il n'était pour ainsi dire pas dans son élément, ce qui ne tarda pas à se faire ressentir.

Alors qu'un rythme commençait à être établi dans le combat, l'homme exécuta un revers de la main qui brandissait sa lame, Arashi jura mentalement et sauta en arrière par réflexe, mais ne parvenant pas à esquiver entièrement, une coupure légère apparut sur son torse, tranchant son haut et provoquant l'écoulement d'un filet de sang. Il sembla alors confus.

L'homme tenta de le frapper d'un coup de poing direct, mais Arashi esquiva habillement par la gauche, tout en passant un doigt sur sa blessure avant de le porter à ses lèvres.

« C'est mon sang... »

Il se mit à frissonner, tandis qu'un son faible ne pouvant s'apparenter qu'à un rire dérangé commença à être émis par sa bouche, distrayant l'homme. Le Gojo saisit l'occasion, et se rua vers son ennemi pour venir frapper avec une précision mortelle un certain point de pression de l'abdomen. L'effet fut immédiat. L'homme poussa un hurlement de douleur et de colère, avant de cracher un flot de sang et de s'écrouler au sol.

« Ça fait mal, n'est-ce pas ? » demanda rhétoriquement Arashi, indifférent aux cris de son adversaire déchu qui se tordait de pure souffrance. « Assure-toi de faire le message aux autres quand tu seras rétabli... ». Il s'interrompit pour ramasser une petite pierre, y insuffler un peu d'énergie et la lancer avec force sur la tempe de l'agresseur de son frère, l'assommant sur le coup, puis reporta son attention sur celui à ses pieds, un sourire narquois aux lèvres. « On ne s'attaque pas à Satoru et Arashi Gojo. »

Le porteur du Sixième Œil s'avança joyeusement vers son frère, prenant le plus grand soin de marcher sur le visage de leurs agresseurs au passage, avant de lever le poing et de déclarer :

« Bien dit, p'tit frère ! Retenez ça, têtes de nœud : on est les Plus Forts ! »

« Les garçons ! »

Ils se tournèrent vers la source du cri et, à leurs plus grands soulagement et plaisir, Akiko apparut à l'entrée de la ruelle. Elle était haletante, ruisselante de sueur, sa coiffure ruinée, très certainement la conséquence d'avoir arpenté avec un affolement sans pareil les rues de Shinjuku à leur recherche.

Les jumeaux furent rapidement attirés dans une étreinte profonde et forte, qui les priva presque de la possibilité de respirer, mais alors qu'ils s'apprêtaient à la rendre à leur gardienne, ils reçurent chacun un coup sur la tête, à leur grand désarroi.

« Aïe aïe... » gémit Satoru en se frottant le crâne.

« Je vous interdis, l'un comme l'autre, de me refaire un coup pareil, c'est clair ? »

« Promis. » fit Arashi en levant les mains dans un signe de reddition.

Lui et Akiko entendirent alors un murmure douloureux. Leur attention se tourna immédiatement vers Satoru qui agrippait de nouveau sa tête de douleur.

« J'ai mal... »

« Akiko... » commença Arashi, plaçant son jumeau sur son dos qui ne tarda pas à somnoler sur son épaule. « Une fois que nous aurons retrouvé Utahime et Kyotaka, pourrions-nous rentrer à la maison ? »

Elle essuya ses joues des larmes restantes, et lui sourit avec la plus grande tendresse avant de lui prendre la main.

« Oui. Venez, on rentre. »