Perché au sommet de la pagode de l'école, Arashi songeait aux différentes manières de procéder à la traque du Tueur d'exorcistes tout en jouant avec une feuille, le vent soulevant sa chevelure blanche et le soulageant de la chaleur.
Les informations fournies par l'administration étaient assez limitées, mais ce fait n'avait rien d'un obstacle insurmontable ; il avait déjà mené à bien des tâches et des missions plus périlleuses avec moins et pire que cela.
Interroger les possibles témoins l'ayant aperçu dans les endroits que le dossier recensait comme parmi ses lieux de fréquentation paraissait être une bonne piste de départ... Seulement si Toji Zenin aurait été un criminel ordinaire, ce qui n'était pas le cas. En conséquence, deux options s'offraient à lui pour initier son enquête : se renseigner auprès du clan Zenin – tout à fait possible mais extrêmement pénible et très certainement coûteux – ou bien s'informer dans les réseaux clandestins du monde de l'exorcisme.
Ses pensées s'assombrirent.
La plupart des victimes du Tueur d'exorcistes étaient autant des exorcistes que des maîtres des fléaux, même si le pourcentage de la première catégorie était supérieur, et aucun n'était un combattant de bas étage. D'après les informations de l'administration et celles qu'il avait acquis durant ses années en tant que membre des Douze Lunes, chacune des victimes que le renégat Zenin était allé lui-même chercher avait un niveau de puissance égal ou supérieur à la Classe Deux. Couplé à l'absence total de liens entre lui et la majeure partie de ses victimes, cela laissait peu de doute sur les raisons pour lesquelles il tuait.
L'argent, et possiblement la volonté d'exposer sa puissance...
Qu'il y prenne un quelconque plaisir ou non, cela restait à déterminer.
Quoi qu'il en soit, prendre connaissance des contrats d'assassinat d'actualité et de leurs commanditaires s'avérerait probablement utile.
Il relâcha la feuille qui s'envola, portée par le vent, et se laissa tomber du toit de la pagode avant de prendre le chemin de la section restreinte de la bibliothèque.
Plusieurs heures plus tard, assis sur le rebord d'un immeuble de Shimogyô en plein Kyoto, après avoir regardé avec amusement sur son téléphone une image de Bayer, le redouté et tristement célèbre chef de l'organisation Q, meurtri, bâillonné et pendu par les pieds à un lampadaire avec Satoru souriant d'un air triomphal au premier plan, sa main faisant le signe V, Arashi dut reconnaître que sa mission n'avait guère avancé.
Aucune de ses recherches n'avait pu lui permettre d'obtenir un réel indice sur la localisation du Tueur d'exorcistes, mais le fait que la prime placée sur la tête de Riko Amanai, l'actuelle Plasma Stellaire, expirait plus de vingt-quatre heures avant la date prévue pour l'Assimilation lui semblait pour le moins étrange.
Le statut de Classe Spéciale, à l'inverse de la force requise pour y prétendre, était impossible à dissimuler. Quiconque avec un minimum de réflexion et de connaissances pouvait facilement en déduire que le Haut Commandement aurait assigné Satoru et Suguru, les deux "Plus Forts", à la protection du Plasma Stellaire. Même le plus redoutable des maîtres des fléaux n'oserait se lancer dans une bataille contre eux sans préparation, et cela nécessitait autant de temps que possible.
Plus il y réfléchissait, plus la certitude que cette prime visait avant tout à épuiser Satoru et à les inciter lui et Suguru à baisser leur garde se fortifiait.
Cela l'amena à se demander s'ils prenaient tous deux en compte l'ensemble des variables et imaginaient au moins la moitié des possibilités qu'il envisageait lui-même. Les connaissant, il était plus que probable qu'ils aient concentré leur attention sur Q, et aient décidé d'ignorer l'ennemi principal : le Culte Astral, l'estimant être insignifiant pour la simple raison qu'il n'était composé que de non-sorciers.
La secte existait depuis plus de mille ans, née de la disparité entre l'occultisme et la religion, à une époque où Tengen diffusait le bouddhisme à travers le Japon dans l'intention de rassembler des individus – sorciers ou non – prêts à se battre pour la cause qu'elle défendait : l'avènement d'un monde meilleur où les ténèbres seraient contrôlées et enfermées, et non déchaînées. La chute de Ryomen Sukuna fut la première pierre de l'édifice qui allait devenir la Société Occulte actuelle. La survie du Culte à travers les siècles n'était pas due au hasard ni à la miséricorde du Haut Commandement, du moins pas entièrement.
Certes, les sorciers étaient supérieurs aux humains ordinaires, ce qui empêchait le Culte Astral de s'opposer directement aux exorcistes, mais l'organisation possédait une grande richesse façonnée à travers les âges, au moyen d'impôts dus par ses fidèles et d'un commerce illicite d'objets maudits et de reliques.
Comme la politique, l'argent ne signifiait peut-être rien face à la force, le seul pouvoir véritable, mais il restait un moyen d'acquérir de nombreuses choses avec une relative facilité.
Il composa le numéro de son frère sur son téléphone. Celui-ci sonna trois fois avant de décrocher.
« Qu'est-ce que tu veux, petit frère ? » demanda Satoru, un cri douloureux et le bruit d'un corps s'écrasant brutalement contre une surface dure résonnant par-dessous la voix. « Je suis occupé. »
Arashi rit doucement.
« Je peux entendre ça ». Son ton devint froidement sérieux. « Dis-moi, Satoru, toi et Suguru avez-vous déjà eu affaire au Culte Astral au cours de votre mission ? »
« Je pense que les têtes de nœuds sur qui je suis en train de taper en font partie. » répondit-il avec indifférence. « Et on est tombés sur quelques minables qui couraient après la prime sur Riko et ont enlevé Kuroi, sa gardienne. Pourquoi ? Et fais court, s'il te plaît. Avec Sugu, on s'occupe de la sauver là. »
Se retenant de rouler des yeux, Arashi parla.
« J'ai des raisons de croire que la prime sur la tête du Plasma Stellaire est une diversion visant à vous épuiser tous les deux. »
Un autre cri retentit à travers l'appareil, suivi de ce qu'il supposa être le craquement d'un os brisé.
« Qu'est-ce qui te fait penser ça ? » demanda Satoru avec curiosité.
« La prime expire un peu trop tôt par rapport à la date prévue pour l'Assimilation, d'après moi. De plus, le Culte Astral a naturellement des informateurs au sein de la Société. Je doute donc que ces dirigeants ignorent le fait qu'aucun maître des fléaux ne soit de taille face à vous deux. »
Un autre grand bruit... Cette fois, il semblait que Satoru venait d'enfoncer une porte.
« Où tu veux en venir ? »
Arashi poussa un soupir ennuyé.
« Rapporte à Suguru mon hypothèse. Il comprendra. Quoi qu'il en soit, tant que Riko Amanai n'aura pas été amenée à Tengen, l'un comme l'autre, ne baissez surtout pas votre garde. S'il vous plaît. »
Il y eut un moment de silence avant qu'une autre voix ne réponde.
« Ne t'inquiète pas, Arashi. Je vais les surveiller, lui et Amanai. »
Bien que la promesse de Suguru ne put lui permettre de chasser ce pressentiment – son instinct et des décennies de paranoïa le lui interdisant –, elle parvint néanmoins à apaiser son inquiétude pour eux.
« Je t'en remercie, Suguru. »
Il pouvait voir le sourire qui ornait le visage de son ami.
« Autrement, tout se passe bien de ton côté ? »
« Pas vraiment. » grommela-t-il en s'étirant, l'air maussade. « Toji Zenin est un fantôme. J'espère que mon petit déplacement à Kyoto ne sera pas inutile, même si je ne suis pas optimiste. »
Suguru émit un grognement d'accord, ayant déjà déduit l'identité de la personne auprès de qui Arashi allait se renseigner. Il ne put s'empêcher d'éprouver une immense sympathie pour son camarade.
« Salue la petite merde de ma part ! » lança Satoru en arrière plan, dissipant sa mauvaise humeur.
« Satoru, sois poli. » le réprimanda Suguru.
Arashi rit, puis raccrocha avant que les deux ne s'engagent dans une nouvelle dispute.
Il se leva, grognant à la simple pensée de devoir gaspiller son énergie occulte pour aller parler au seul exorciste qui pourrait potentiellement lui fournir des renseignements sur le Tueur d'exorcistes sans avoir à dépenser un seul yen. Cependant, il le fallait, pour le bien de la mission.
Il mit son masque en place, enfouit ses émotions et ses sentiments personnels à l'égard de l'élève de l'école de Kyoto, comme le faisait tout shinobi associé à un camarade désagréable lors d'une opération, et déclencha sa Déformation.
L'école de Kyoto était aussi magnifique que le décrivaient les journaux de ses ancêtres et les exorcistes en parlant. Nichée au cœur d'une forêt plus luxuriante et verdoyante encore que sa sœur de Tokyo, entourée par un cours d'eau descendant directement des montagnes, elle se dressait dans toute la splendeur qui convenait à une construction prestigieuse de l'époque Kamakura.
Arashi savoura la vue splendide qui s'offrait à lui, les Yeux de Samsâra lui permettant d'en apprécier la beauté tel que aucun autre humain, à l'exception de Satoru, ne pourrait jamais le faire.
Comme il plaignait son frère de devoir restreindre sa vue... Ce dernier ne pouvait profiter de la beauté du monde sans la crainte de voir son cerveau épuisé par son propre don oculaire.
Il resta ainsi durant plusieurs instants, savourant ce petit moment de paix et de tranquillité.
Puis il pénétra dans l'enceinte de l'école de Kyoto, chaque pas le rapprochant un peu plus du milieu dont son exil le gardait, en principe, éloigné.
Il parcourut la courte distance séparant l'entrée et le terrain d'entraînement de l'école, sa perception sensorielle le guidant jusqu'à la personne qu'il était venu voir.
Celle-ci, vêtue d'habits de combat traditionnel, pratiquait ses mouvements d'arts martiaux contre un grand groupe de mannequins qui, malgré les talismans les renforçant, se brisaient au moindre de ses coups. La légère couche de sueur couvrant sa peau faisant briller sa silhouette athlétique, accentuant les contours de ses muscles forts.
« Naoya. »
Naoya arrêta son pied juste avant que le membre ne pulvérise la tête d'un des derniers mannequins encore debout et intacts, ce qui libéra avec force l'énergie emmagasinée, agitant l'air telle une rafale de vent.
« Et bien, si ce n'est pas la souillure de la famille Gojo... »
L'héritier autoproclamé du clan Zenin se tourna vers lui, un sourire d'arrogance pure gravé sur son visage, ses yeux perçants le regardant comme s'il n'était rien d'autre qu'un insecte particulièrement gênant. Il releva le menton, agitant ses cheveux blonds teints dont seuls les racines demeuraient noires.
Imperturbable, Arashi descendit paresseusement les marches, s'arrêtant juste avant de se retrouver à la même hauteur que Naoya.
« Si tel est le cas, je serais curieux de savoir ce que toi et tes frères êtes. »
Le sourire du Zenin disparut, remplacé par un grognement indigné.
Le souvenir du tournoi entre les héritiers des Grands Clans ainsi que de l'Amicale des écoles jumelées était encore frais dans son esprit. Ses frères et lui-même avaient tous été vaincus par l'adolescent aux yeux rouges sans que celui-ci n'encaisse un seul de leurs coups et n'utilise une seule fois son sort inné. C'était une insulte ! Un affront direct au pouvoir de la lignée des Zenin !
Il détestait ce regard vide et apathique que semblait lui réserver le porteur de la supposée mutation du Sixième Œil. C'était peut-être différent du sourire moqueur et de l'air supérieur que lui adressait le jumeau aîné, mais le ressenti ne changeait pas ; ni l'un ni l'autre ne le prenait au sérieux, ne le reconnaissait même comme une potentielle menace, ne le respectait, que ce soit en tant qu'exorciste ou en tant qu'homme.
Un jour cependant, il leur ferait payer leur arrogance. Il se tiendrait à leurs côtés. Il en avait fait serment !
« Qu'est-ce que tu veux, Ombre de l'Honoré ? » demanda-t-il, crachant les derniers mots avec venin.
« Que sais-tu à propos de Toji Zenin ? »
Naoya grogna, ses poings se serrèrent jusqu'à en saigner.
Encore... Encore une fois... Ils l'ignoraient... Pour ces deux-là, il n'était rien, si ce n'est une nuisance ou un outil !
« Même si je savais quelque chose, pour quelle raison je te dirais quoi que ce soit ?
Une lueur dangereuse sembla briller l'espace d'un instant dans les yeux d'Arashi avant qu'il ne reprenne la parole d'une voix monotone.
« Je constate que tu n'as toujours pas dépassé l'Amicale. Il n'y a peu de honte à avoir perdu contre moi ou Satoru... ». Il descendit d'une marche, tandis que ses yeux se mirent à briller davantage, dégageant une lueur intense même sous la forte lumière du jour. « Tu n'es pas sans savoir ce que signifie la Classe S, pour un exorciste, n'est-ce pas ? »
Voyant que Naoya s'apprêtait à répliquer, il laissa simplement transparaître sa puissance. Une aura lourde et sinistre qui avait jadis fait trembler de peur une armée entière s'abattit sur le terrain d'entraînement. Le Zenin se tendit, se retenant à peine de lever inconsciemment sa garde, et recula même de quelques pas face au pouvoir écrasant de l'exorciste le plus fort de leur génération.
Les mots sortirent de la bouche de celui-ci avant qu'il ne puisse y réfléchir plus longtemps.
« C'est un renégat qui fait pisser de peur les anciens ». Il grogna, indigné que son instinct ait répondu à la volonté du Gojo, mais continua néanmoins d'un ton qui crachait du venin. « Un enfant indésirable que les imbéciles de ma famille ont vu comme un déchet et un vaurien pendant longtemps. Il a fui notre demeure à ses 15 ans après avoir battu à mort le précédent chef du clan. Pourquoi ça t'intéresse ? »
Assimilant et analysant les informations, Arashi répondit :
« Parce que le Haut Commandement m'a confié la tâche de l'éliminer. »
Cette déclaration interpella Naoya, le laissant abasourdi jusqu'à ce que ses lèvres s'étirent en un sourire mauvais.
« Et tu penses en être capable ? »
« Autre chose ? » demanda Arashi, rejetant la question, ce qui fit grincer les dents de Naoya.
« Non. Mais laisse-moi te donner un conseil : si tu te retrouves face à lui, ne le sous-estime pas. »
Son aura se dissipant, Arashi se détourna de l'héritier Zenin et commença à remonter les marches, sans un mot de plus.
Bouillonnant de colère et se retenant à peine d'attaquer le Gojo, Naoya grogna :
« Salaud ! »
Puis il retourna à son entraînement, déchaînant sa fureur sur les mannequins.
Bien que Arashi aurait aimé obtenir davantage de renseignements auprès du plus jeune et du plus désagréable fils de l'actuel chef des Zenin, les quelques informations recueillies sur le Tueur d'exorcistes lui avaient permis de dresser un portrait plus précis de ce dernier. Comme lui, l'homme avait été méprisé par son clan ; même s'il était très probable que ces abus aient été bien pires, pour le pousser à assassiner son propre père avant de quitter sa famille et de devenir tueur à gages.
Quant au fait qu'il s'attaquait à des sorciers d'un certain niveau dans l'intention de démontrer sa force et possiblement de contrarier le Haut Commandement, la question ne se posait plus.
Fort heureusement, la mission de Satoru et Suguru semblaient se dérouler mieux que la sienne.
« Qu'a-t-il fait ? » demanda Arashi avec agacement, tenant son téléphone portable contre son oreille dans une main tout en piratant un site Web méconnu qu'utilisait les criminels occultes pour commanditer des assassinats et gérer leurs échanges de l'autre.
Pour une personne ordinaire, les mouvements de ses doigts tapant sur le clavier, de par leur vélocité, seraient parus tout bonnement flous.
Par Izanagi, il adorait son frère. Il l'aimait plus que tout, mais il avait parfois l'impression d'être le seul à être doté de cellules cérébrales.
« Il a décidé de ne rentrer d'Okinawa que demain. » répéta Shoko à travers l'appareil dans un soupir.
Les doigts d'Arashi se mirent à taper les touches du clavier avec davantage de force, tandis que ses dents grincèrent. Son agacement renforcé par l'épuisement progressif de sa patience et sa frustration de n'avoir toujours pas réussi à localiser Toji Zenin. La collecte d'informations était pourtant infiniment plus facile dans ce monde, grâce à l'avènement du numérique.
« Cet imbécile... »
« Essaie de le comprendre. Cette pauvre fille va bientôt dire adieu à la vie. Il veut juste lui laisser un peu plus de temps. »
« La survie et le bien-être d'un individu ne peuvent pas primer sur ceux du groupe. »
Le ton de Shoko parut réprobateur.
« Toujours aussi froid et impitoyable, hein ? »
Il ignora sa légère remontrance implicite.
« La réussite de leur mission est d'une importance capitale. Si Tengen perd le contrôle, la Japon verra disparaître la totalité des Sanctuaires. Et la moitié de la population sera anéantie en moins d'une année par l'émergence de nouveaux esprits maudits plus forts et plus dangereux que jamais. »
Les défenses du site cédèrent enfin, lui permettant d'accéder aux couches les plus profondes. Cela l'aiderait à retrouver le commanditaire de la prime placée sur le Plasma Stellaire.
La prochaine question de son amie effaça en un instant son sourire satisfait.
« Comment tu aurais réagi si ça avait été Satoru ? »
Il se figea, et le silence s'installa entre eux tandis que son esprit vif et aguerri s'agitait, y réfléchissant sincèrement. En tant que shinobi, si le sacrifice de son frère s'avérerait nécessaire au bien d'une cause, il pourrait – ou plutôt pensait pouvoir – y consentir, mais une certaine part de lui ne tarda pas à rejeter ce sens du devoir avec la frénésie d'une louve protégeant son petit, lui rappelant encore une fois à quel point le descendant d'Izuna, qui avait accepté de sacrifier sa famille, sa vie, son honneur pour Konoha, était un ninja plus grand que lui ou même Hashirama.
En tant que Madara, il avait été le plus fort de tous. Sa puissance s'était élevée à un tel niveau que même l'alliance entre les Nations élémentaires et les Neuf Bijû n'avait pu l'arrêter. Chacun de ses exploits, à l'exception de la fondation de Konoha, était uniquement de son propre fait. Et pourtant, en dépit de sa force inégalée, de toutes ses réussites, de sa légende, il ne valait pas Itachi en tant que ninja... En ne vivant qu'une fraction de sa propre existence, ce jeune homme, malade dès la naissance, doté de tout juste un maigre éclat de son propre talent inné l'avait surpassé en tant que shinobi et en tant qu'homme.
« C'est ce que je pensais. »
Une réponse verbale n'était pas nécessaire. Ils la connaissaient tous les deux...
Shoko prit soudain un ton plus doux.
« Essaie quand même de dormir un peu, Ashi. »
L'appel prit fin, le laissant dans la pénombre de l'appartement du maître des fléaux qu'il avait pénétré, perdu dans son propre esprit.
Si jamais cela devenait nécessaire, et qu'il n'y avait réellement aucun autre moyen, pourrait-il faire ce sacrifice ? Renoncer à ce à quoi il tenait le plus pour le plus grand bien...
Même si le shinobi en lui affirmait avec véhémence qu'il en serait capable, la part rationnelle de son être n'exprimait rien d'autre qu'une profonde incertitude.
Il était difficile de prévoir ce que l'on ressentirait à l'instant fatidique, comme il l'avait appris il y a longtemps et que Yaga le leur avait enseigné au cours de leur première année.
Un shinobi se devait pourtant d'être prêt à faire face à tout.
Le son soudain d'une notification l'arracha à ses pensées.
Avec curiosité, il ouvrit le fichier envoyé par Satoru. C'était une série d'images chaleureuses de lui, Suguru, Riko Amanai et Kuroi, sa gardienne, profitant du climat tropical, des plages, et des récifs coralliens d'Okinawa ainsi que de l'aquarium Churaumi ; des sourires rayonnant de joie, d'insouciance et d'amusement ornaient leurs visages, même si ceux de Suguru et Kuroi étaient plus doux. Parmi le contenu du fichier se trouvait une vidéo où il vit, même si c'était à travers un écran, Riko Amanai pour la première fois ; la photographie permettant de l'identifier sur le site présentant la prime placée sur elle ne comptait pas.
Elle était une jeune fille d'à peine quinze ans, peut-être même moins, avec de longs cheveux noirs coiffés en tresse, des yeux bleus et un sourire éblouissant. Elle incarnait l'enfance, l'innocence et la vie, avec sa joie et sa gaieté, alors qu'elle courrait sur le sable, poursuivant comiquement Satoru avec un pistolet à eau. Cette vue toucha et agita avec tendresse dans son esprit marqué par la dureté du monde et l'infinie malveillance humaine les souvenirs enfouis d'une époque à la fois si proche et si loin, et durant un court instant, il la vit...
Il vit Amanai prendre l'apparence d'un certain enfant aux cheveux blancs, identiques aux siens, et aux yeux bleus étincelants. Il vit la plage se transformer en une ravissante forêt enneigée, et la silhouette de Kuroi qui marchait après Amamai devenir celle de la première femme l'ayant aimé dans cette seconde vie. La silhouette de sa mère céda la place à celle d'Akiko... Et bientôt, il crut voir la silhouette d'Izuna courant joyeusement vers un arbre au beau milieu d'une journée de printemps tandis que, de son côté, il prenait garde à ne pas le dépasser, les pétales des fleurs portés par le vent tourbillonnant autour d'eux.
Il ferma les yeux pour en chasser l'humidité naissante, lâchant une respiration légèrement plus lourde, tandis que l'étincelle d'un sentiment qu'il ne se souvenait pas avoir jamais éprouvé de toutes ses deux existences naquit en lui.
Il eut un rire amer, imaginant la réaction de Tobirama Senju s'il apprenait que lui, le plus grand des monstres, le Dieu de la Guerre, avait fini par devenir sensible au malheur d'un autre.
Le choix de Satoru de prolonger ce séjour à Okinawa n'était peut-être pas pragmatique, mais il était certainement humain.
Rabaissant le clapet de son téléphone portable, Arashi reporta son attention sur le site et trouva enfin ce qu'il cherchait : un nom. Celui de Shiu Kong ; un agent de liaison réputé au sein des milieux interlopes du monde de l'exorcisme, qui, s'il en croyait les témoins et quelques lignes d'apparence insignifiantes du dossier sur le Tueur d'exorcistes, avait plusieurs fois été vu en compagnie de ce dernier.
Avec un sourire, il rédigea rapidement un message qu'il envoya à l'administration et à Shuichi Ijichi, leur demandant de se renseigner sur cet homme.
Avec la conviction que l'ancien employé de son grand-père parviendrait à débusquer l'homme, il détruisit l'ordinateur d'une simple décharge d'énergie occulte et disparut, se volatilisant dans un vortex distordant l'espace, avec l'intention d'accéder à la demande de sa camarade.
Le lendemain, à l'aube, alors qu'il savourait avec avidité son sixième bâton de dango – une preuve de sa filiation avec Fuyumi Gojo parmi tant d'autres – à la table de sa chambre réservée dans une auberge traditionnelle, son esprit vif à l'intellect élevé se chargeait de compléter le profil psychologique de Toji Zenin tout en le décomposant et l'analysant, comme le faisait tout shinobi entraîné avec sa cible.
Après tout, un shinobi était non seulement un combattant, mais aussi un espion, un voleur et un assassin. Des rôles certes différents mais complémentaires en période de guerre.
Naturellement, il s'agissait en grande partie de déductions et d'hypothèses, mais il éprouvait une certaine confiance en son intuition, façonnée par les nombreuses années d'expérience qu'il avait accumulées sur les champs de bataille. Ainsi, au terme de ce processus, il en était arrivé à une conclusion : Toji Zenin était très possiblement, en termes simples, un maniaque du combat avide d'argent. Il adorait se battre – au moins autant que lui –, et semblait se réjouir du fait d'écraser quiconque croisant sa route de toutes ses forces, mais il privilégiait un certain type de proie : les puissants.
Le Tueur d'exorcistes paraissait savourer l'exaltation et l'euphorie que provoquaient un combat et une victoire contre un adversaire fort, recherchant activement des contrats aux primes élevées et aux cibles difficiles à abattre. Une habitude semblant obsessionnelle qui était probablement le produit d'un passé sombre et corrupteur ; ce qui n'avait rien de très surprenant si le tiers des rumeurs concernant la lignée des Zenin contenaient ne serait-ce qu'une part de vérité. Cependant, sa survie en dépit de son engagement dans des batailles presque suicidaires, comme la destruction d'un petit clan élevant un spectre de Classe Spéciale et le nourrissant de pas moins de deux Doigts de Ryomen Sukuna, ou bien le meurtre du précédent chef de son clan – un combattant que même Takarô Gojo dans sa jeunesse avait évité de croiser –, témoignaient de ses compétences exceptionnelles.
Le traître Zenin pourrait même être un adversaire à sa hauteur et celle de Satoru, qui sait... C'était une éventualité improbable, mais pas impossible.
Son goût pour le combat ne constituait cependant qu'une partie de son caractère, il en avait la conviction – pas absolue mais solide. Son amour pour l'argent était probablement tout aussi prononcé, peut-être même supérieur, s'il en jugeait par le montant des primes placées sur la tête de certaines de ses victimes. Et cela expliquait également, au moins en partie, pourquoi les assistants et les exorcistes les plus faibles envoyés l'espionner – et le capturer à ses débuts en tant que maître des fléaux – n'avaient pas été tués : il n'y avait aucun profit à tirer. Rien à gagner, ni l'excitation ou l'amusement procuré par un combat difficile ni le gain d'une somme notable.
Au sein des Nations élémentaires, ce type d'individu n'avait rien de singulier parmi les nukenin et les mercenaires.
Des souvenirs de sa vie passée resurgirent, lui montrant l'image d'un ancien shinobi de Taki au corps altéré par un bien étrange kinjutsu et d'un nukenin de Kiri maniant la légendaire Samehada, tous deux enrôlés dans l'Akatsuki par Nagato lui-même sur le conseil d'Obito. Malgré ses défauts et la douleur qu'il lui avait apportée ainsi que l'existence de Satoru, il éprouvait toujours une certaine nostalgie pour son ancien monde. Son premier foyer comptait parmi ses lieux, après tout.
C'était d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle bon nombre de ses dessins représentaient les paysages de terres méconnues qu'il avait pris le temps d'explorer avant de partir en quête de Kyûbi et d'imaginer le projet "Œil de Lune", avec l'intention de profiter une dernière fois de la beauté dans sa forme la plus pure avant de s'enfoncer dans l'abysse insondable des ténèbres pour atteindre son but.
Son téléphone sonna, le ramenant brusquement au présent.
« Arashi » l'appela la voix familière de Ijichi après qu'il ait décroché. « Je l'ai trouvé. »
« En es-tu certain ? »
Il ne doutait pas des compétences de l'ami de sa gardienne défunte, mais il n'était pas d'humeur à courir après une piste erronée.
« Oui. Je t'envoie l'adresse d'un bar qu'il fréquente régulièrement, et de l'hôtel où il séjourne à Kyoto. »
Avec une grâce féline, il passa d'une position assise et détendue à la position debout, étirant ses muscles puissants. L'heure était venue de reprendre la chasse...
« Je n'ai pas besoin de te rappeler ce qu'ils demandent, Arashi ? » dit Ijichi d'un ton grave.
Arashi roula des yeux, se tenant immobile. Il savait très bien à qui "ils" se référait. Néanmoins, ses lèvres s'étirèrent en un sourire que personne n'aurait pu trouver agréable.
« À ton avis Shuichi, la tête leur conviendra-t-il ? »
Indifférent au gémissement de malaise de Ijichi, il raccrocha et quitta l'auberge. Une voiture l'attendait dans la rue, prête à le conduire à l'adresse indiquée.
Sa Déformation ne pouvait l'amener qu'à des endroits marqués d'un talisman particulier contenant son énergie occulte, ou bien qu'il était capable de visualiser. Après tout, aucune technique n'était dépourvue de limite.
Le trajet en voiture se révéla aussi monotone qu'il l'avait envisagé. L'assistant conduisant comptait visiblement parmi les gens ayant trop peur de lui et de ses yeux écarlates pour tenir une quelconque conversation, et les paysages urbains ne suscitaient rien d'autre qu'une profonde lassitude en lui.
Ainsi, en dépit de son immense patience lui ayant permis d'attendre des décennies pour voir le projet "Œil de Lune" se concrétiser, il choisit de faire défiler la galerie de son téléphone portable, parcourant la poignée de photographies retraçant les moments les plus marquants de sa première année ; le premier duel entre Satoru et Suguru, leur première escapade nocturne, leur séjour à Ine, le festival d'automne, l'anniversaire de Shoko... Tant de souvenirs imprégnés de la joie simple et de l'insouciance de la jeunesse ; quelque chose qu'il n'aurait jamais pu créer au sein du monde shinobi.
Il lui fallait néanmoins renouveler sa réserve de romans.
Un message apparut sur son écran, lui disant que l'avion par lequel son frère, leur ami, Amanai et Kuroi rentraient d'Okinawa venait de se poser. Ils seraient bientôt dans l'enceinte de l'école.
Pour une raison qu'il fut incapable de comprendre, un étrange pressentiment naquit soudain en lui une fois sa courte lecture terminée. Son instinct cherchait à le prévenir d'un évènement dangereusement proche qu'il estimait de manière intuitive funeste.
« Nous sommes arrivés » l'informa l'assistant, garant la voiture face à un bâtiment à l'apparence ordinaire dont la porte était gardée par un homme à la carrure imposante et au crâne rasé.
Sans prendre la peine de porter le moindre vêtement qui aurait pu dissimuler son uniforme, Arashi s'empara de la paire de lunettes noires qu'il gardait en permanence dans le vide lui servant d'espace d'entreposage. Contrairement à ceux de Satoru, ces yeux ne passaient pas facilement inaperçus, raison pour laquelle il les cachait à l'aide de ces lunettes lorsque cela était nécessaire.
Il sortit ensuite de la voiture, et enfila ses gants.
Avec des mouvements si silencieux que plusieurs personnes faillirent le heurter en chemin, incapables de remarquer sa présence, il atteignit l'entrée du bâtiment. Naturellement, le gardien se tourna vers lui, manifestement perturbé. Il tendit la main pour l'arrêter, mais Arashi inclina légèrement ses lunettes avant que le contact ne puisse s'établir. Un seul regard coupa ses mots et l'obligea à regagner son poste, ses sens déformés par l'illusion.
Après cela, il se faufila dans l'établissement sans entrave, atteignant la zone étonnamment peuplée pour une heure si matinale.
Le bruit fort qui retentissait et régnait était comme une attaque pour ses sens finement aiguisés, l'incitant à les protéger à l'aide de son énergie occulte.
Il lui fallut moins de temps que prévu pour repérer l'homme coréen. Celui-ci était assis au bar, buvant occasionnellement la boisson ambrée contenue dans son verre, occupé à regarder son téléphone. Il se fraya un chemin jusqu'à lui, ce qui se révéla quelque peu difficile malgré sa taille supérieure à la moyenne et sa carrure, devant se retenir plusieurs fois de simplement jeter sur le côté les personnes entravant sa marche.
Finalement, il arriva jusqu'à l'homme. Sans même qu'il ait pris la peine de faire connaître sa présence, celui-ci se tourna vers lui, ses yeux s'écarquillant alors qu'il se débarrassait de ses lunettes.
Un sourire étira ses lèvres, ce qui ne semblait rien avoir d'agréable à en juger par l'expression de l'homme.
De toute évidence, il l'avait reconnu.
« J'ai à te parler, Shiu Kong » déclara fermement Arashi.
Kong sauta pratiquement de son siège et s'enfuit.
Tirant profit de sa vitesse surhumaine, Arashi s'élança vers l'homme en costume et balaya ses jambes, le faisant chuter pitoyablement avant de poser son pied sur son dos, y exerçant une force suffisante pour donner à Shiu Kong l'impression qu'un jeune étalon était tombé sur lui de toute sa masse corporelle. Tous les regards se tournèrent soudainement vers lui, certains portant même une lueur dangereuse.
Il balaya donc la pièce du regard tout en laissant transparaître une maigre portion de sa puissance. Son aura, porteuse de sa volonté indomptable et du pouvoir immense qu'il détenait, inonda la salle. Il prit soin d'y mêler un peu de son intention meurtrière.
Chaque témoin se mit à trembler d'une terreur incontrôlable, et plusieurs tombèrent même à genoux, parvenant à peine à respirer. C'était compréhensible ; ils étaient après tout exposés à la force occulte d'un exorciste de Classe Spéciale. Un individu considéré comme capable d'écraser un pays entier à lui seul.
« Dehors. »
Dans le silence oppressant de la pièce, le mot résonna comme un cri. Cela n'avait absolument rien d'une demande.
Aucun ne daigna essayer de lui résister en doutant de son instinct. Sage décision...
Pour une raison qui dépassait actuellement sa compréhension, sa patience s'épuisait très rapidement.
Saisissant Kong par l'épaule – cela l'informa du physique fortifié de ce dernier caché sous son costume ample –, il le redressa avant de le jeter brutalement dans un fauteuil. Celui-ci le fixa avec des yeux écarquillés, incapable de totalement dissimuler sa peur, bien qu'elle ne l'empêchait pas de bouger ou de réfléchir.
La simple intimidation ne fonctionnerait pas sur lui...
« Où est Toji Zenin ? »
L'homme détourna le regard, probablement pour éviter qu'il n'utilise ses pouvoirs hypnotiques sur lui.
Si tel était le cas, c'était... surprenant.
Il ne s'attendait pas à ce que sa faculté puisse être connue en dehors de sa classe.
« J'ignore de qui tu parles, petit. »
Arashi haussa un sourcil alors qu'il étudiait l'homme. Pour un shinobi de son acabit et de son expérience, ce dernier était un livre ouvert. L'accélération de son rythme cardiaque, l'agitation frénétique du flux de sa faible énergie occulte – preuve évidente qu'il n'était qu'un humain ordinaire –, la sueur ruisselant sur son visage, ses yeux qui se détournaient de lui, ses mains cherchant à atteindre quelque chose dans son dos – probablement une arme. Shiu Kong savait exactement où trouver le Tueur d'exorcistes.
« Et moi qui pensais qu'il cherchait juste à ne pas être soumis à mon genjutsu... » pensa-t-il avec déception.
L'homme avait de l'honneur et des principes, pour faire preuve d'une loyauté de ce type ; il devait le lui accorder, mais cela importait peu en fin de compte.
Il plaqua durement son pied sur le thorax de l'homme plus âgé, le faisant se figer, avant d'empoigner fermement la main qui s'apprêtait à saisir l'arme.
« Je ne suis pas un homme de patience, Shiu Kong, ni une personne inutilement violente. Mais sache que, mort ou vivant, tu me donneras ce que je veux. »
Il resserra son emprise sur le poignet de l'homme, manquant à peine de le fracturer. Kong laissa échapper un grognement.
« Alors, nous pouvons procéder de la manière rapide, ou bien d'une autre méthode. Le choix t'appartient. »
Kong refusa de parler, son expression devenant de marbre alors qu'il lui jeta un regard de défi. À cela, Arashi haussa les épaules avec indifférence, et rapprocha le visage de l'homme du sien en saisissant sa mâchoire.
« Comme il te plaira. »
Et il brisa un premier doigt. Kong poussa un cri de douleur. Puis un deuxième, s'en suivit un nouveau cri plus intense.
Arashi reprit d'un ton encore plus froid et plus grave.
« Désormais, pour chaque mensonge, chaque silence, ou autre chose, je te casserai un autre doigt. Au bout de huit erreurs, nous passerons aux orteils, puis aux bras, aux jambes. Après tout ça, je t'arracherai les ongles un à un s'il le faut, jusqu'à ce que tu consentes à répondre honnêtement à la question. »
À son honneur, Kong a à peine réagi, dissimulant habilement les tremblements parcourant son corps.
Arashi soupira. Comme il aimerait posséder encore le Rinnegan, ou au moins Ningendô... Cette faculté facilitait tant la collecte d'informations.
Sept doigts, trois côtes, un bras et une jambe brisés plus tard, les restes de sa patience s'évanouirent.
« J'aurais préféré éviter les dommages irréversibles, mais tu ne me laisses plus le choix. »
Déchaînant sa pleine intention meurtrière sur l'homme avec la volonté de fragiliser ses défenses, il plongea son regard dans le sien après lui avoir ouvert les yeux de force, malgré un instant d'hésitation.
Obliger le corps d'un individu à exécuter la volonté insufflée dans l'énergie occulte y pénétrant et s'alignant avec le flux d'énergie dudit individu était une chose. Soumettre un esprit afin de le lire avec la même méthode en était une autre, plus complexe, plus difficile et bien plus délicate, surtout pour la cible.
Encore une fois, la nature volatile et instable de la force occulte constituait un obstacle. Cela ne l'avait pas empêché de développer cette technique, mais il s'était trouvé incapable de trouver un quelconque moyen pour protéger l'esprit de la cible des effets de son intrusion. Un sorcier de Classe Un avait vu le sien endommagé au-delà de toute guérison après l'utilisation pourtant prudente de ce genjutsu, alors un humain ordinaire...
Le résultat serait... regrettable. Cependant, il n'avait plus de temps à perdre avec des moyens moins radicaux.
La détermination et la volonté de Shiu Kong étaient remarquables, très probablement façonnées par les scènes d'horreur auxquelles il avait assisté à la fois en raison de son ancienne carrière de détective et de sa capacité à voir les fléaux, bien qu'il ne soit pas un sorcier. Néanmoins, il ne fallut pas plus d'une vingtaine de secondes à Arashi pour déchirer les barrières protégeant son être spirituel et sonder sa mémoire, y cherchant les informations nécessaires à la réussite de sa mission.
Et il les trouva.
La connaissance qu'il cherchait obtenue, il se releva, la vitesse à laquelle son cerveau traitait et exploitait ces nouvelles informations le rendant incapable de se préoccuper de la silhouette inerte de Shiu Kong. D'épaisses traînées de sang coulaient de ses oreilles et de son nez.
Il savait désormais pourquoi son instinct s'agitait avec un funeste pressentiment depuis un moment... Toji Zenin travaillait pour le compte du Culte Astral ! Parfaitement conscients de leur infériorité et de leur incapacité à affronter les exorcistes, ces derniers avaient fait appel à celui que l'on surnommait le Tueur d'exorcistes pour empêcher l'Assimilation !
C'était lui qui avait utilisé la somme promise par les dirigeants de la secte pour placer la prime sur Amanai. C'était lui qui avait fixé cette absurde limite de temps pour inciter Satoru et Suguru à baisser leur garde. C'était lui, et Shiu Kong, qui avaient enlevé Kuroi avant que les agents du Culte ne l'emmènent à Okinawa, précisément pour qu'elle puisse être sauvée, installant ainsi les Plus Forts dans un faux sentiment de sécurité.
Il sentit son énergie occulte s'agiter sous l'effet de sa colère, faisant trembler la salle.
Pour une personne dont l'éducation avait certainement été freinée et entravée, Toji Zenin était loin d'être stupide ou dépourvu d'ingéniosité.
Il regarda avec empressement une horloge à proximité, calculant que le message de Satoru selon lequel leur avion se posait avait été envoyé il y a plus de trente minutes.
« Même en admettant que la circulation ait été mauvaise, ils seront dans l'enceinte de la barrière de Tengen dans quatre à cinq minutes... Jamais je n'arriverai à temps en voiture. Ce maudit bar se situe à près de 230 kilomètres de l'école ! »
Malheureusement, en dépit de tout son entraînement, la portée de la Déformation était encore relativement faible. Il ne restait donc qu'une seule solution : il lui faudrait parcourir au moins plus des quatre cinquièmes de cette distance à pieds.
Puisant dans l'océan de force occulte agité à peine contenu sous sa peau, Arashi laissa sa puissante énergie affluer dans chaque parcelle de son corps, se répandre jusque dans les moindres de ses cellules, sans permettre à la plus infime des gouttes d'être gaspillée. L'acte, d'une difficulté telle que seul son jumeau aidé de son Sixième Œil aurait, à sa connaissance, pu le reproduire, lui permit de renforcer son corps et ses aptitudes physiques à un point qui, même selon les normes des shinobi, atteignait des niveaux inhumains. Et tout ce processus fut réalisé en une durée de moins d'une seconde...
« Si ma mémoire ne me trompe pas, dans cet état, il ne m'a fallu qu'environ 6 secondes pour parcourir une distance d'à peine 5 kilomètres. Satoru est aussi fort que moi. Ça devrait le faire... »
Et il s'élança avec une accélération brusque vers sa destination, s'extirpant du bâtiment en un trentième de minute avant de se mettre à courir à une vitesse si grande que l'onde sonore générée par son déplacement fut comprimée avant d'éclater sous la pression de l'air qui semblait s'écarter sur son passage. Seuls son immense contrôle de l'énergie occulte, associé à son expérience de shinobi centenaire, empêchèrent la rupture du mur du son de causer de graves dégâts aux structures et êtres vivants sur sa route, au moyen de l'étouffement des vibrations de l'air que ses mouvements créaient.
