Lorsque Drago Malefoy mourut, son fils fit une découverte des plus surprenantes.
Au fond d'une boîte tenue à l'abri des regards se trouvait un badge. Bien sûr, il avait entendu parler de la brigade inquisitoriale dans ses livres d'histoire, et pourtant, celui qu'il tenait dans la main ne semblait pouvoir être en aucune façon relié à cette période de sa vie. Au reste, il voyait mal son père conserver un souvenir de cette époque.
Cela ne répondait pas pour autant à ses interrogations. Et ce d'autant plus que le badge ne ressemblait en rien à un objet que son père aurait porté avec ostentation durant son adolescence. Il avait fini par en conclure que cet objet devait déjà être caché à l'époque où son père était entré en sa possession.
Il s'abstint donc de demander au portrait de sa mère des explications à ce sujet.
« S.A.L.E. »
Voilà un acronyme dont il n'avait jamais entendu parler. Curieux, il avait demandé par l'entremise de connaissances interposées si un vieux professeur de Poudlard connaissait cette association. En vain.
Refusant d'en rester là, il avait décidé de faire le déplacement jusqu'à son ancienne école. Hélas, le registre des associations de Poudlard de cette époque semblait avoir disparu avec la Guerre.
A contrecœur, il avait décidé de montrer l'objet au portrait de son père qui avait sombré dans le mutisme, contemplant longuement le badge.
S'entêtant dans son entreprise, il avait décidé de porter le badge lors des soirées d'anciens combattants auxquelles il avait accès avec ses études d'historien. Beaucoup commençaient à avoir la mémoire qui leur jouait des tours, certains avaient sombré dans le mutisme, d'autres pleuraient, hébétés de voir encore et encore rappelés les pires souvenirs de leur vie, quelques-uns se complaisaient dans le souvenir de cette période qui demeurait la plus palpitante qu'ils aient connu, quitte à exagérer la teneur de leur contribution à l'effort de guerre.
Il espérait que l'un d'entre eux se rappellerait de quelque chose au détour d'une conversation. Bien sûr, personne n'aimait tellement parler de son père, mais puisqu'il dissimulait ce badge, il tablait sur l'hypothèse qu'il ne s'agissait pas d'une association prisée par les Serpentard.
Et un jour, l'impensable se produisit.
Ronald Weasley était resté fixer le badge avec des yeux ronds.
Cela n'avait pas manqué de surprendre Scorpius. Certes, il faisait partie des combattants émérites, mais ses anecdotes ne manquaient pas d'imprécisions, voire de franches affabulations, et surtout, il le confondait régulièrement avec son père.
« Malefoy, espèce de fouine…mais qu'est-ce que tu fabriques avec ce badge ? »
En panique, il avait essayé de se rappeler les quelques bribes de souvenirs auxquels il avait eu accès durant ses études. Le timbre de la voix juvénile et traînante de son père lui revint.
« Weasley. »
Le vieux rouquin avait attrapé l'objet entre ses doigts, incrédule.
« Tu as pris ce badge à Hermione, avoue ? Ça ne te suffisait pas de fouiner, tu as donné dans vol apparemment…quitte à lui extorquer des objets, tu aurais pu en profiter pour nous débarrasser de ces horribles bonnets… »
Voilà qui devenait intéressant. Que venait donc faire l'ancienne Ministre de la Magie dans cette histoire ?
« Des bonnets ? »
« Oui, enfin si on peut encore appeler ça des bonnets…si j'avais été un elfe de maison, j'aurais refusé tout net de porter ça. J'ai déjà donné avec ma tenue de bal… »
Des bonnets…pour les elfes de maisons ? Scorpius marqua une pause, hésitant. Est-ce que Ronald Weasley divaguait ou est-ce qu'il y avait la moindre chance pour que son propos soit rationnel ?
Hélas, le vieillard était reparti dans ses divagations autour d'une tenue de bal.
Ne s'avouant pas vaincu, il avait ostensiblement bombé le torse auprès d'autres Gryffondors du même âge pour exhiber le badge durant d'autres soirées.
Il avait fini par découvrir qu'il s'agissait d'une Société d'Aide à la Libération des Elfes qui, à l'évidence, comptait fort peu de membres, et encore moins de sociétaires convaincus par la cause défendue par ladite association. Ce qui l'étonnait d'autant plus qu'Hermione Granger avait œuvré depuis pour la libération des elfes, avec succès. Il s'étonnait que l'initiative ait été si peu suivie dans ses débuts.
Consultant des articles sur la période où elle avait commencé à rédiger les lois, il avait pourtant constaté au détour de quelques phrases qu'elle avait d'abord mené ce combat avec pour tout bagage ses propres convictions.
Il avait alors pris une décision extrêmement risquée.
S'abstenant de révéler comment il était entré en possession de ce badge, il était allé trouver la directrice de son laboratoire de recherches et lui avait demandé s'il serait envisageable de travailler sur les prémices des lois ayant mené à la libération des elfes de maison.
Et c'est ainsi que Scorpius, d'un naturel plutôt discret, fut auréolé d'une réputation d'original. Il fallait avouer que la simple idée qu'un Malefoy s'intéresse aux droits des elfes de maison ne manquait pas de sel.
S'ils savaient que son père s'y intéressait également, la farce aurait été complète.
Mais il s'en moquait éperdument. Il savait que ce sujet lui permettrait d'accéder aux archives de la Salle des Mémoires Impérissables de la Guerre.
