Note : Hello !

Bonne année, et bonne santé ;) ! J'aurais bien aimé poster avant, mais entre le taffe et les fêtes, ce fut difficile de me dégager du temps pour écrire x). Ceci est donc le premier chapitre de 2025, j'espère parvenir à en poster d'autres très vite ! Je suis joie d'avoir repris l'écriture régulière de cette fanfic en 2024. Merci de suivre ce pavé. SOS est longue, beaucoup de sujets sont abordés, et les rouages de certaines sous-intrigues sont loin d'être terminés, si d'autres touchent bientôt (relativement) à leur fin, il y a quand même encore du chemin pour les personnages. Encore une fois, merci à tout ceux qui sont toujours là depuis ma reprise des publications, j'espère que vous continuerez à passer un bon moment en lisant !

Concernant ce chapitre, vous allez voir qu'il porte bien son nom et qu'il est en demi-teinte. Vous comprendrez pourquoi je dis ça à la lecture. Malgré tout, il fait avancer les choses ! L'histoire tient son cap et la direction que ça prend est satisfaisante pour moi, d'autant que de nombreux rebondissements sont à venir. J'espère que ça va vous plaire !

Sur ce, bonne lecture !


Allen se réveilla en sursaut. Il avait entendu des bruits. Comme des grattements. Il se rappela de la fois où il avait vu le gardien à l'hôtel, ses muscles se tendant. Il grimaça en bougeant. Les ressorts du matelas lui étaient rentrés dans le dos. S'essuyant les yeux, Allen se redressa à moitié sur son séant. Quand il regarda vers la fenêtre, heureusement, il n'y avait rien d'autre que le rideau, le trait d'obscurité extérieure. Il avait juste fait un cauchemar. Ce n'était pas la première fois, ni la dernière. Son sommeil était mauvais lorsqu'il s'angoissait. Il jeta un coup d'oeil à Timcanpy, posé au-dessus d'une valise avec le Golem de Kanda. Il espéra qu'un message de l'Ordre lui communiquerait les résultats de sa prise de sang bientôt.

Ça ne risquait pas au beau milieu de la nuit.

Il prit un temps pour retrouver sa respiration. Tout allait bien. Il était encore fatigué. Il imaginait qu'ils étaient déjà passés au jour suivant, à vue de nez, il devait être 3 ou 4 heures du matin. Le changement de train ne s'opérait qu'après demain matin. Ils avaient un arrêt de deux heures, le temps de changer de conducteur et de reposer la machine, dans une ville Allemande, Hanovre, vers midi. Sans doute qu'il arriverait à traîner les deux autres pour un peu d'exploration. Toujours est-il qu'ils pourraient dormir... aussi longtemps que leur couchette inconfortable le leur permettrait.

Ayant connu pire, Allen ne s'en formalisait pas. Il fut soulagé du calme ambiant dans le train, et tourna pour se rendormir. Il se cogna à Kanda. L'épéiste grogna dans son sommeil. Merde... Il n'avait toujours pas quitté son lit. Une respiration bruyante plus lointaine lui apprit que Lavi ronflait. Il était rentré discrètement, aucun d'eux n'avait réagi, même Kanda qui était du genre attentif à son environnement. Vu leur proximité, un mouvement franc de sa part aurait sorti Allen du sommeil.

Le maudit hésita à repartir dans le lit sous celui de Lavi. C'était ce que Kanda lui avait demandé, après tout. Soucieux de respecter sa parole bien qu'il n'ait que l'envie de profiter de sa chaleur, Allen prit à regret la résolution de se lever.

Il tira la couverture, passant un pied en dehors du lit, Kanda grognant encore sous le courant d'air. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, l'alpha se retourna, l'attrapant par la taille pour le rapprocher de lui. Allen fut bloqué dans un câlin qu'il n'avait apparemment pas trop le choix de refuser.

Je suppose que s'il dort si bien, je serai mal avisé de le déranger...

Son coeur battait à la chamade. Il fut contraint de se remettre sous la couverture, la chaleur du plus âgé le recouvrant de pair. Le souffle de Kanda dans sa nuque le rendit fébrile. Il réussit à se décaler pour ne plus sentir ses lèvres contre sa peau, ce qui était un petit peu gênant.

Ses bras qui le serraient fort l'apaisèrent. Il avait beau essayer, ses sentiments ne partaient pas.

N'avait-il pas eu tort, de ne pas lui dire la vérité sur ce qu'il ressentait ? Ça lui semblait trop tôt pour considérer la situation autrement, il ne s'était pas passé tant de temps que ça, mais avec le risque que ses chaleurs arrivent, ne serait-ce pas mieux qu'il soit honnête ? Elles arriveraient bientôt, Kanda n'avait pas tort, leur retard ne pouvait pas être définitif.

Ce serait plus facile pour eux sans non dit, plus facile de ne pas avoir de regrets quoiqu'il arrive et de décider de quoi faire s'ils pouvaient se faire confiance entièrement. Allen avait toujours peur d'un rejet radical, du froid entre eux qu'amènerait le fait de savoir qu'ils n'étaient pas sur la même longueur d'ondes, l'embarras de leurs interactions à venir car plus rien ne serait pareil. Que Kanda ne change d'avis sur leur relation s'il apprenait qu'Allen ressentait autre chose que de l'amitié pour lui, qu'il devienne ce poids dont il n'avait jamais voulu. Il ne voulait pas non plus qu'il puisse croire que sa demande d'essayer une relation avec lui était un moyen de le coincer, ou pire encore qu'il n'attendait que ça depuis le début.

Il avait bien la sensation que c'était stupide de se torturer la tête à ce point, d'autant peser le pour et le contre, mais leur situation n'était pas simple. Kanda avait été clair sur ce qu'il acceptait de leur relation. Il n'était plus aussi rigide qu'avant, Allen s'en rendait compte, mais il se sentirait sûrement trahi. Il y avait eux, leurs personnes. Il y avait ce qui existait autour. Le passé de Kanda qui le bloquait. L'avenir d'Allen hautement compromis avec son statut d'hôte. Ça semblait mort, Kanda n'aurait jamais envie de se trimballer un oméga maudit qui pourrait devenir un Noah. Déjà que techniquement, il n'avait pas le choix, il comprenait qu'il veuille laisser une barrière. Kanda ne la baisserait pas. Au fond de lui, Allen en était persuadé.

Même en admettant qu'il réagisse bien à son aveu, qu'il se montre compréhensif et ne le déteste pas, ce serait différent. Il y aurait cette gêne. Un amour non-réciproque entachait une relation. Il avait plus à perdre qu'à gagner.

Allen se posait tout de même sérieusement la question. Il s'était dégonflé, il n'avait pas eu le courage de parler... Peut-être que malgré tout, ce n'était pas jute pour Kanda. À ce stade, il méritait de savoir que les gestes comme ce câlin avaient une autre valeur pour lui. C'était aussi un choix qu'il lui dérobait en gardant le silence. C'était assez pitoyable de sa part. Il se sentait coupable de profiter de son affection ingénue alors qu'au fond, il espérait tout de même, en dépit de toute bonne foi, qu'un jour ils puissent devenir autre chose.

Selon les résultats de la prise de sang, Allen adapterait sa décision. Ça deviendrait primordial.


Il finit par se rendormir à force de trop réfléchir, ses peurs se dissipant alors que l'odeur de Kanda l'enveloppait.

Kanda sortit du lit en entendant Allen et Lavi discuter. Il cligna des yeux en se frottant le visage, lessivé, comme s'il avait affronté des dizaines d'Akumas dans la nuit. Les deux garçons échangeaient joyeusement autour de leur petite escale, sur les spécialités Allemandes qu'ils avaient envie de tester. Ils avaient beau chuchoter, le kendoka disposait d'une bonne ouïe et ils n'étaient pas si discrets... La lumière derrière les rideaux lui indiqua qu'il faisait bien jour, il avait assez dormi de toute façon. Il s'étira en se redressant. Allen se tourna vers lui, un petit air d'excuse sur le visage.

« On t'a réveillé, Kanda ? Désolé, il est presque midi, le train va s'arrêter...

—J'ai dormi tant que ça ? »

Kanda grinça des dents. Il n'avait pas prévu de rattraper ses nuits de sommeil en un coup. Lavi sourit.

« Faut dire que tu avais un sacré doudou ! J'aurais bien dormi avec le même, moi aussi !

—Lavi, ferme-la un peu. »

Vu comme Allen s'était mis à rougir, Kanda devina que cet idiot s'était aussi bien endormi que lui. Il ne chercha pas à s'énerver contre le rouquin, pour une fois. Il attrapa sa veste qu'il enfila sans la boutonner et sa valise, préférant quitter la cabine pour se faire un brin de toilette plutôt que de donner du fioul à un imbécile.

« Tu viendrais avec nous ? » demanda le maudit au moment où il ouvrit la porte. « On prévoit de manger là-bas.

—Je suis difficile en matière de bouffe, dit Kanda d'un ton monotone. Ça me plaira pas, vos saucisses et vos Bretzels... »

Lavi intervint à ce moment-là, saisissant Allen par les épaules :

« Il me semble que certains commerçants chinois se sont installés ici, c'est super rare mais des plats Asiatiques, ça doit bien se trouver...

—J'ai jamais dit que je voulais manger que des plats qui viennent de chez moi, imbécile. Je le fais à l'Ordre parce que Jerry en prépare. C'est vos trucs qui m'intéressent pas.

—Allez, insista Lavi, viens, tu feras un heureux ! »

Le blandin lui envoya un coup de coude dans l'estomac, levant les yeux au ciel en direction de Kanda. Lavi se rattrapa, massant son ventre.

« Deux heureux, je veux dire. Puis je me porte de garant de lui, il est pas violent d'habitude ! Il a seulement décidé de remplacer Lenalee. »

Lavi lui jeta un oeil taquin, Allen roulant à nouveau des yeux.

« Je peux le devenir de nouveau, tu sais. Puis, faut bien quelqu'un pour te remettre à ta place.

—Tu aimes trop mes vannes pour ça, sois pas si récalcitrant.

—N'en sois pas si sûr.

—Mens pas, tu souris. »

Cela eut le mérite d'en effet faire rire Allen malgré sa menace. Lavi lui fit un clin d'oeil. Une seule grasse matinée et il était monté sur ressort. Kanda n'était pas persuadé d'être le troisième heureux de la bande avec un lapin crétin débordant d'énergie. Ce n'était pas non plus comme s'il n'était jamais venu en Allemagne pour une mission, ça ne l'intriguait pas plus que ça. Une ville restait une ville. Rester enfermé ici ne le bottait pas des masses non plus, le voyage serait bien assez long. Il haussa les épaules.

« Laissez-moi me préparer, on verra. »

Ils lui répondirent par un hochement de tête approbateur. Lavi minauda qu'il avait hâte de le voir tout beau pour eux, Allen et Kanda échangeant une oeillade blasée. Il y en avait un qui était définitivement d'humeur à la connerie ce matin.

Quelques minutes plus tard, le train arriva à quai. Kanda saisit l'occasion pour lancer un signe de tête aux autres. Il venait avec eux. L'un des Traqueurs leur recommanda de revenir à la gare une vingtaine de minutes avant qu'ils ne redémarrent. Ç'aurait été dommage de se taper un jour de voyage en plus le temps qu'un nouveau train ne vienne les chercher. Comme souvent, les gares se trouvaient au beau milieu du centre ville, et celui-ci était tout récent. Lavi entreprit de leur raconter des anecdotes concernant Hanovre, passée de ville de pêcheurs à territoire disputé durant les guerres successives, victime de l'occupation Française et ensuite Prussienne avant la formation de l'Empire Allemand. Apparemment, les meilleurs restaurants se trouvaient dans la vieille ville. Ils s'y rendaient justement.

Ça faisait un bail que Lavi n'avait pas été si enthousiaste à jouer les guides touristiques. Même Kanda se rendait compte de la différence avec son air morose d'il y a quelques temps.

Quant à Allen, il se faisait bien silencieux, jetant des coups d'oeil aux Golems avec une impatience visible. Kanda ressentait la même chose. Ils finirent par trouver de quoi manger, Kanda optant pour un plat à base de riz et de haché de boeuf, les deux autres du jarret de porc mariné. Le repas se déroula sans encombre, la tranquillité de la ville et l'air frais du mois de juin était agréable. Lavi avait même fini par se taire, absorbé par une bière qu'il venait de se prendre, arguant qu'il ne pouvait pas mettre le pied en Allemagne sans faire honneur aux coutumes locales. Son grand-père n'était pas là, il pouvait se le permettre.

Allen renifla la boisson avec une grimace de dégoût.

« Je sais pas comment tu fais pour boire ça.

—Seuls les plus valeureux y arrivent ! Yû, tu veux goûter ?

—Non. »

S'il eut une moue, Lavi porta la chope à sa bouche, prenant une grande lampée. Pour être honnête, Kanda préférait les alcools plus forts, mais ils ne lui faisaient pas grand-chose. Il n'allait pas boire aujourd'hui, de toute façon. Lavi reposa la bière en un petit "boom" sur la table en bois. Son sourire fut démesuré. Kanda en déduisit que ça commençait déjà à taper. Il faisait le malin, mais n'avait pas l'habitude. Une part de Kanda lui aurait bien balancé des sarcasmes pour se moquer, l'autre se décourageait déjà de supporter un lapin crétin alcoolisé.

« Bon, les gars, vous allez retourner au train sans moi ! J'ai adopté ce pays !

—Tu vas surtout te calmer sur la descente, lui recommanda Allen. Je comprends pas pourquoi tu débordes de joie ce matin. Qu'est-ce qui s'est passé hier soir ?

—Oh rien, rien. » Une lueur passa dans l'oeil vert. « J'fais seulement le plein d'ondes positives pour le voyage, et je vous les transmets ! »

Il but encore. Pas sûr que l'alcool soit une onde si positive que ça. Surtout que Lavi commençait à parler un petit peu trop fort.

« Je te rappelle que nous travaillons pour l'Eglise, glissa le maudit avec un petit air embarrassé, restons discret. Ça la fout mal.

—Au poil, pardon. Bon, les résultats de ta prise de sang alors ? Komui t'a oublié. »

Allen bégaya, pris de court. Kanda fut celui qui leva les yeux au ciel. Lavi toussota dans son poing, marmonnant une excuse. Il fallait toujours que ce couillon de rouquin mette les pieds dans le plat. L'alpha voulut lui rétorquer qu'ils avaient assez discuté, et surtout qu'il avait assez bu, quand son Golem se mit à vrombir. Ils se figèrent tous les trois, jusqu'à ce que la voix du Traqueur en sorte. Il leur commanda de revenir au quai. Ils avaient justement fini leur repas.

La mine de déception qu'affichait Allen ne passa pas inaperçu.

« Quand même, finit par dire le maudit, Lavi a raison... ils se foutent de moi avec ça... Ça prend tant de temps d'analyser un foutu prélèvement ? »

Kanda ne dit rien. Il se demandait ce qui prenait tant de temps aussi. Lavi tapota dans le dos du maudit. L'archiviste souffla bruyamment lorsqu'ils quittèrent la table, l'air de ne pas du tout avoir envie d'y retourner. Kanda le comprenait, l'ennui leur pendait au nez. Pour sa part, il avait envie de méditer une fois en transport. Peut-être irait-il dehors, sur la petite passerelle extérieure pour profiter du paysage. Les deux autres parlaient de se faire un jeu de cartes, ça semblait de bonne augure pour son petit programme. Le Golem qui s'agita fut Timcanpy. Il était rare qu'il soit utilisé directement pour joindre Allen.

Le kendoka pesta, se demandant pourquoi les Traqueurs insistaient autant.

« Monsieur Walker ! » La voix de l'infirmière retentit, joyeusement. « J'ai vos résultats. »

Tous trois se figèrent de concert.

Malgré le bruit ambiant de l'extérieur, les Exorcistes réussirent à s'écarter de la foule, leurs semelles glissant sur les pavés encore humides d'une pluie fugace, pour entendre ce qu'elle avait à leur dire. Allen n'osa prononcer le moindre mot au début. Quand la voix de la femme demanda s'ils la recevaient, il ne dit qu'un "Alors" craintif.

« Il semblerait que vos taux d'hormones soient bel et bien en train de s'emballer. Vos symptômes n'étaient pas dûs qu'à la grippe, je suis désolée de ne pas l'avoir perçu. Il faut vous attendre à entrer en chaleur d'ici la fin du mois. »

Kanda se crispa, en attente de la réaction du maudit. Allen bredouilla à peine :

« D'accord, mais... je... nous sommes en mission pour le Japon, nous avons un long voyage. Devrais-je retourner à l'Ordre ?

—Non, » grésilla la voix à travers Timcanpy. « Si les symptômes deviennent fort, isolez-vous avec votre alpha le temps qu'il le faudra. Je ne vous cache pas qu'il serait mieux pour vous que vos chaleurs ne se déclenchent pas avant votre arrivée, mais tout devrait bien se passer. J'ai informé l'Intendant de la situation, nous prendrons les mesures nécessaires le cas échéant. S'il faut vous arrêter dans une ville le temps que vos chaleurs passent, ce sera possible. Tenez-nous au courant. »

Allen déglutit. Kanda vit sa pomme d'Adam s'agiter dans sa gorge.

« Très bien. Merci. »

Lorsque Timcanpy redevient le Golem silencieux habituel, il sauta contre la joue de son maître. Allen ne le chassa pas, l'attrapant à la place pour le tenir contre lui. Kanda n'était pas surpris. Il avait beau ne pas l'avoir senti physiquement non plus, son instinctlogiquelui disait qu'Allen serait bien en chaleur de nouveau un jour.

« Il fallait s'y attendre, dit justement Kanda. Moyashi, ça va aller ? »

Allen lui jeta un regard qu'il ne sut pas interpréter. À côté, Lavi n'émettait aucun son. Il semblait prendre le temps d'analyser leurs interactions avant de dire quoique ce soit.

« Ouais, ça va. T'as raison, de toute façon. »

Kanda fronça les sourcils. Il fut méfiant de sa nonchalance.

« Je ne disais pas ça pour taper là où ça fait mal. Je te pose la question sérieusement.

—Je le sais, Kanda, soupira Allen d'un ton las. Et je t'assure que ça va. Je ne suis pas si touché que ça, il faut bien que ça arrive. Les circonstances m'ennuient seulement. »

Kanda comprenait. Ça l'ennuyait également. Les odeurs du maudit semblaient stables. Kanda se doutait qu'il ne devait pas encore avoir réalisé. Lui non plus ne se savait pas comment il devait se sentir alors que c'était tout proche. Ils s'en rendraient compte quand ça leur tomberait dessus.

« Komui fera en sorte de vous faciliter la tâche, intervint Lavi en offrant un sourire encourageant. Puis, la Russie est bien faite pour ça, si ça arrive pendant notre traversée. Ils ont des refuges avec des bloqueurs d'odeurs qui gardent les omégas en sécurité lors de ces moments, y compris lorsqu'ils les passent avec leurs alphas ou seuls. On sera à Saint-Petersbourg dans pas longtemps. Quant à la Chine et au Japon, des solutions existent aussi pour limiter les dégâts. Ça va aller, et... vous êtes tous les deux. C'est plus facile que si l'un de vous était à l'autre bout du monde. »

Allen opina à ce moment-là. Son corps pivota légèrement vers celui de Kanda, comme s'il cherchait malgré tout son réconfort. Kanda put sentir la pointe acidulée de son anxiété, mais aussi celle plus douce de son soulagement. Il se sentit rasséréné, lui aussi, de se dire que l'idée de sa présence réconfortait le maudit. Ils se faisaient toujours autant confiance, ça rendrait les choses moins difficiles que la première fois. Lavi leur fit un clin d'oeil, en les prenant tous deux par les épaules :

« Ça vaut ce que ça vaut, mais sachez que je suis là aussi !

—Tu seras pas très utile..., » souligna Allen, tandis que Kanda se dégageait de son étreinte.

Tout en gardant son bras autour des épaules du plus jeune, Lavi se mit à ricaner.

« Paraît que je suis très doué de mes mains, pourtant. Vous passez à côté de quelque chose.

—On ne veut pas le savoir, » répondirent Allen et Kanda d'une même voix.

Lavi eut un rire, ses joues rouges suggéraient qu'il était toujours bel et bien sous l'effet de l'alcool. Il consentit à lâcher Allen, lui tapotant les épaules en rigolant idiotement.

« Dommage pour vous... Je me contenterais de vous faire rire. Ça aide bien, de penser à autre chose. Croyez-moi, l'humour, ça sauve de tout.

—Commence donc par te taire, Baka Usagi, si tu veux que je me marre. »

Se disant, Kanda colla une pichenette au front de Lavi, intentionnellement plus forte que celles qu'il donnait au maudit d'habitude. Lavi se mit à piailler sous son regard inflexible. Avec tout ça, l'heure tournait. Allen attrapa leurs manches, jetant un coup de menton en avant.

« Rentrons, le train va partir sans nous à ce rythme là. »

Le maudit fut le premier à avancer. Lavi et Kanda le suivirent sans rien ajouter, le deuxième dubitatif.

Kanda n'était pas mécontent qu'Allen ne prenne pas si mal la nouvelle, loin de là. Pourtant, même lui n'était pas serein concernant ses chaleurs. Il s'étonnait que vu son traumatisme encore palpable — il n'oubliait pas ce que le rêve partagé lui avait fait révéler, Allen réagisse si bien. De son côté, il n'avait pas pu poser les questions qu'il voulait à l'infirmière. Ça le contrariait. Peut-être que tout à l'heure, il écourterait sa méditation pour la joindre. Il avait besoin de conseils. Toutes ces considérations ne pouvaient plus être ignorées.

En jetant un coup d'oeil à la silhouette d'apparence tranquille d'Allen en tête de leur petit groupe, Kanda se fit la réflexion que les jours à venir ne seraient pas faciles.

Fait chier, pensa-t-il. J'vois pas ce qui peut nous arriver de pire.

Il évita judicieusement de grommeler son pessimisme trop fort. La vie adorait l'ironie, surtout quand elle était vicieuse.


Installé confortablement dehors, la petite brise créée par le vent et la locomotive en mouvement lui chatouillait le visage, Kanda ordonna à son Golem de contacter l'infirmière. Le train cahota. Le tas de ferraille se posa sur son épaule en s'exécutant. Kanda entendit le grésillement des ondes qui s'activaient un long moment, le signal peinant à s'établir. La vapeur de charbon se déployait dans l'air depuis le wagon du conducteur et finit par le faire toussoter. Le chauffeur venait sans doute d'en rajouter une bonne pelletée. Les landes allemandes défilaient à ses côtés dans le mélange confus de son regard tressautant avec sa toux et les secousses des rails, les vrombissements du Golem en prime.

Ils arrivaient sur un pont, si étroit que Kanda crut bien que les cheminots avaient eu trop d'ambition en décidant de l'utiliser dans leur circuit.

L'infirmière répondit au moment où son oeil dubitatif devint carrément dédaigneux, quoiqu'au fond un peu craintif, à la vue des charnières rouillées qui maintenaient le pont en place. Ajouter à cela l'eau à une centaine de mètres sous leur passage. Kanda n'avait pas le vertige, pourtant, ça ne lui plut pas. Dans un wagon, des inconscients chantaient à tue-tête.

Pays et route de merde.

Kanda mit un temps avant de réagir.

« Je peux vous aider, monsieur Kanda ? »

La voix de la vieillarde grésilla encore. Le susnommé reprit contenance. Ils dépassaient ce maudit pont.

« C'est par rapport aux chaleurs de Walker ? » demanda l'infirmière. « Il est avec vous ? »

Kanda prit encore quelques secondes pour formuler ses mots. Il était celui qui avait appelé, il n'allait pas être lâche, après tout.

« C'est bien ça, dit-il avec calme. Et non, je suis seul. »

Il n'y avait nul besoin de préciser qu'il ne comptait pas en parler devant Allen, ça se devinait sans mal. La femme reprit :

« Je vous écoute.

—Comment faire pour que mes ruts ne se déclenchent pas ? »

Comme lui, l'infirmière le laissa un petit temps dans le silence. Kanda entendit sa respiration brouillée par les ondes du Golem, pendant qu'elle réfléchissait à la manière de s'exprimer. Cela l'agaça. Autant ne pas y aller par quatre chemins, qu'elle crache le morceau.

« Vos ruts et ses chaleurs finiront par se synchroniser indépendamment de votre volonté, j'espère que vous le savez. » C'était le problème. « Ça prendra du temps, cependant. Quand se sont-elles déclenchées la dernière fois ?

—Je sais plus trop, avoua bêtement le kendoka. Au maximum, même pas deux jours après. C'était violent. »

Ça, il s'en souvenait bien. Elle émit un petit "hum" d'approbation.

« Ça arrive souvent quand l'alpha se contient énormément. Avec tout ce qu'il a dû sécréter, j'imagine que ça devait être difficile pour vous. »

Kanda ne dit rien. Il n'avait pas entreprit cette conversation avec l'envie de recevoir de la compassion pendant qu'il pleurnichait sur son sort.

« C'est pas le problème, dit-il justement. J'ai pas envie d'exploser de cette façon devant lui. Je veux pas lui faire du mal, ni lui faire peur. »

Son coeur se serra lorsqu'il prononça ces mots. L'infirmière se permit de rire à l'autre bout du Golem. La colère saisit Kanda. Il attaqua, grondant :

« Qu'est-ce qui y a de drôle là-dedans ?

—Je ne moque pas de vous, grésilla-t-elle. Vos sentiments sont honorables. Je vais seulement me permettre de vous souligner que c'est en vous contenant trop que vous risquez d'exploser.

—Qu'est-ce que vous suggérez, dans ce cas ? Que je lui saute dessus parce que mes instincts ne demandent que ça ? »

Kanda perçut un soupir au milieu d'autre grésillements. Ça l'incita à calmer son agressivité. Transformer la discussion en confrontation ne servait à rien. Le signal se rompit quelques instants. Puis la voix de l'infirmière retentit au travers du Golem collé au cou de l'alpha.

« Non, ce n'est pas ce que je veux dire. C'est une question d'équilibre. Il est difficile à trouver quand on est traversé par tous un tas d'hormones et de pulsions, mais c'est possible. Il va falloir vous parler, y compris parler de ça, et vous écouter. Vous êtes dans un meilleur état d'esprit pour le faire que la première fois, c'est crucial de ne pas gâcher ça. »

S'il pesta dans sa barbe, n'appréciant pas de se voir encore ramené vers ce qui s'était passé, Kanda ne pouvait pas dire le contraire.

« Échangez vos odeurs régulièrement, mais prenez aussi du temps pour respirer. Changez l'air de la pièce lorsqu'il devient trop chargé de phéromones, faites un petit tour et portez un collier de lavande sur vous. Ça aide beaucoup à se calmer. »

Kanda émit un son d'assentiment à son tour, pensant que Marie lui avait déjà conseillé ça. Il était un alpha aussi, il savait bien ce que c'était. En revanche, sa femme était une bêta. Miranda ne serait jamais en chaleur. Il n'avait pas l'expérience de ses instincts déchainés avec un oméga. C'était facile de dire qu'une pauvre couronne de fleur avec un parfum un peu fort calmerait ses ardeurs quand on ne sentait pas ce qu'il prenait dans le nez. Franchement, Kanda peinait à croire que ça suffirait.

« Si vous venez à avoir des rapports sexuels, » ces mots tendirent Kanda, car il n'aimait pas non plus que le sujet soit abordé si facilement, « je vais vous dire la même chose que la dernière fois. N'oubliez pas les protections d'usages et de ne rien faire que vous regretterez. Autant vous que Walker. »

Ça lui mettait justement la pression. Kanda était à l'aise avec l'idée de coucher avec Allen. Avec les sentiments à la con qu'il se traînait, peut-être moins. Ça n'aurait pas la même valeur pour eux deux et ça le dérangeait d'une certaine façon. Ce n'était même pas l'aspect sentimental absent du côté du blandin qui le gênait. Faire ça en étant sur la même longueur d'ondes se voyait seulement plus indiqué pour lui. Il savait en revanche qu'Allen n'était pas aussi à l'aise que lui avec sa sexualité, ce dont il ne le blâmait pas. Il ignorait comment s'exprimerait son traumatisme lors de ses prochaines chaleurs. Ça le fit soupirer encore.

« C'est plus facile à dire qu'à faire, souligna-t-il.

—Je m'en doute bien. »

Il aurait juré que la voix de l'infirmière portait un sourire.

« C'est pour ça que je vous parle d'écoute et de confiance. Et si vous sentez que vous êtes proche d'exploser, éloignez-vous. Essayez de bien vous écoutervous-même, au lieu de refouler vos émotions pour les siennes prennent toute la place. Ce n'est pas la solution. Au contraire. »

Ces paroles lui donnèrent matière à réfléchir. Elle n'avait pas tort.

« Je peux vous aider à autre chose ? »

Le Golem battit des ailes à ce moment-là.

« Non. » Puis, après un blanc. « Merci. »

Malgré son ton sec, l'infirmière le salua en déclarant qu'elle avait été ravie d'être utile. La liaison se coupa. Ça ne l'avançait qu'à moitié, en réalité, elle se jetait bien des fleurs pour un résultat mitigé. Kanda se releva, se sentant las et déconfit. Il vint s'accouder à la barrière, se perdant à nouveau dans la contemplation du paysage. Il verrait bien ce que ça donnerait quand ce serait la question. Autant méditer et vaquer à sa journée sans se prendre la tête. Il était toujours aussi frustré, toutefois, il comprenait qu'il n'obtiendrait aucune solution miracle de plus. Ça n'existait pas. Il n'y aurait que le vivre et se démerder sur le moment qui les aiderait.

Juste à ce moment, la porte s'ouvrit à la volée. L'odeur sucrée d'Allen lui fonça dans le nez. Il avait bien eu l'impression d'en sentir les relents.

« Oh, tu es là. »

Il leva le nez dans sa direction, en signe de surprise. Kanda ricana de son expression. Ça le sortit un peu de ses appréhensions.

« Tu me cherchais ? »

Le maudit haussa les épaules, reprenant un visage neutre.

« Pas vraiment, je voulais surtout un coin tranquille.

—Tu t'amuses pas avec le lapin crétin ? »

Au petit sourire embarrassé qui lui fit face, Kanda comprit qu'Allen n'était pas vraiment d'humeur. Ça ne le choquait pas. L'oméga finit par s'accouder à ses côtés. Il laissa ses bras pendre négligemment dans le vide, prenant une inspiration longue.

« J'ai voulu prendre l'air, moi aussi, et Lavi voulait faire une sieste... La bière ne lui va pas trop, » finit-il par répondre en pouffant. « Ça te dérange si je reste avec toi ?

—Bien sûr que non. On peut échanger nos odeurs, si tu veux. »

Bien qu'il lui coula un regard, étonné de sa réponse si spontanée — Kanda avait répondu sans même y penser à deux fois—, Allen accepta joyeusement.

Ils s'installèrent au sol, le kendoka dos à la barrière. Allen voulut s'asseoir au sol, Kanda l'en empêchant en lui montrant ses cuisses en tailleurs. Face à face, ce serait plus facile d'échanger leurs odeurs que d'être côte à côte. Ils le savaient bien tous deux. Kanda était plus rassuré de le savoir avec lui, ou plutôt contre lui, là où il pouvait sentir ses émotions, que de l'imaginer se faire un sang d'encre seul à l'autre bout du train. Pour les odeurs qui le heurteraient progressivement, d'une part, et pour l'avoir à l'oeil. Il s'inquiétait pour lui. Il espéra qu'Allen s'ouvrirait un petit peu sur ce qu'il ressentait.

Allen glissa son nez dans son cou, Kanda le saisissant par la taille pour le rapprocher. Il le sentit lui aussi, s'amusant à frotter son nez contre sa nuque dans un réflexe inconscient. Allen tressauta, riant.

« Qu'est-ce que tu fabriques, Bakanda ?

—Toujours aussi chatouilleux, » lui asséna Kanda pour cacher sa propre gêne. « Ça va ?

—Tu ne le sens pas ? »

Derrière son amusement, Allen fronçait le nez. Kanda sentit sa nuque de nouveau, ne pouvant qu'apprécier la façon qu'avait son corps de se tendre contre lui. Il sentait ses odeurs troublées, pour être tout à fait franc. Un mélimélo confus qu'il peinait à démêler.

« Y en a beaucoup, aujourd'hui. J'aimerais que tu me répondes. »

Allen recula, pour mieux entrer en contact visuel avec lui. Leurs odeurs circulaient entre eux, elles se libéraient bien que l'air les balaie de moitié.

« Je dois t'avouer que je ne sais pas. »

Il baissa la tête à ce moment-là. Il hésitait. Kanda le laissa réfléchir seul. Il ne pouvait pas parler pour lui.

« Si je dois être sincère, je dirais que je suis soulagé, même si c'est bizarre à dire. Attendre sans savoir, comme si j'avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ça me stresse plus que de me dire que c'est bientôt. »

Allen avait besoin de pouvoir visualiser la direction dans laquelle il avançait. L'incertitude ne lui allait pas. Kanda s'en rendait compte. Il ne le jugeait pas pour ça. Il en supportait déjà trop au quotidien, celles du domaine intime étaient la cerise sur un gâteau d'angoisses qui en faisait déborder la crème.

« On va dire aussi que j'ai un peu peur, conclut-il. Et toi ? »

Kanda fut étonné qu'il lui retourne la question, mais il n'aurait pas dû. Ça faisait curieusement écho à son échange avec l'infirmière. Il attira Allen contre lui, l'enfouissant dans son cou. Il désirait qu'il soit honnête, alors autant l'être également. C'était assez hypocrite de lui dire de s'exprimer si lui ne le faisait pas du tout.

« Un peu comme toi. »

Se mettre à nu n'était pas facile, il le faisait un peu à contre-coeur, ce n'était pas du tout son genre. Ça devenait pourtant plus facile avec Allen. Le susnommé bougea contre lui, aussi, Kanda libéra sa nuque, qu'il caressa gentiment lorsqu'il se poussa pour le regarder.

« Tu as peur, toi ? »

Une pointe d'anxiété vola au nez de Kanda. Il ne put s'empêcher de rire.

« Ouais. » Il avait commencé à être honnête, autant finir. « J'ai appelé l'infirmière.

—Pourquoi ?

—Je voulais des conseils pour ne pas entrer en rut pendant tes chaleurs. »

Contrairement à ce qu'il avait anticipé, et ce pourquoi il n'avait rien dit, Allen ne fléchit pas. Ses odeurs ne se transformèrent pas en l'atroce lourdeur de sa peur. Kanda ne lui en aurait pas voulu. Allen ne fit que hocher la tête, conscient que c'était tout aussi important que le reste.

« Elle t'a donné des solutions ?

—On va dire ça. »

Kanda lui répéta les conseils qui lui avaient été donné, omettant ceux qui parlaient directement de leurs rapports sexuels. Ça, ils en parleraient le moment venu. Entrer dans le vif du sujet n'était pas pertinent pour l'instant. Allen prit une inspiration en se remettant contre sa nuque.

« Merci de me l'avoir dit, Kanda. Je suis content qu'on en ait parlé.

—Ne me remercie pas pour ça. Ça ne t'effraie pas, toi ? J'ai pas voulu t'en parler pour ne pas en rajouter, au départ. »

Kanda ressentait le même contentement, mais il voulait mettre des mots sur tout ça. Il préférait qu'ils soient honnêtes sur leurs peurs respectives. Ce serait plus facile, l'infirmière avait raison. Allen frotta lui aussi son nez dans son cou. Il l'étreignit.

« Si, comme le reste. Mais si on suit ses conseils, ça devrait bien se passer. Et je préfère que tu me dises les choses, même si c'est difficile pour moi, ou pour nous deux. J'imagine que toi aussi ? »

Le train marqua l'arrêt d'une gare. Il y en aurait pour une quinzaine de minutes. Kanda eut aussi un temps d'arrêt. Il tiqua sur cette manière de parler. Allen lui cacherait donc quelque chose.

« C'est un peu ce que je te dis depuis le début, le tança-t-il, crétin de Moyashi.

—Je ne suis pas le seul qui a un train de retard, Bakanda. J'ai un prénom. »

Malgré sa voix ferme, Allen changea de position contre lui. Il chercha de nouveau son regard.

« Je... ne sais pas trop comment dire ça.

—Dire quoi ? »

L'oméga se mordit la lèvre. Il soupira.

« J'aimerais savoir comment tu réagirais si je te disais que je t'ai menti, sur quelque chose. »

Loin d'être assez idiot pour ne penser que c'était uniquement hypothétique, Kanda comprit que son instinct avait raison. Il fronça les sourcils.

« Ça dépend de ce que c'est. »

Allen parut frustré, à la façon dont ses traits se plissèrent.

« Fais un effort, Bakanda.

—Je ne peux pas te dire ma réaction si je ne sais pas ce dont il est question,BakaMoyashi. »

Il n'aimait pas trop jouer à ça non plus. Si Allen était capable de lui demander une réaction, il l'était tout autant de se mettre à table. Comme le silence qui retomba sur eux fut inconfortable, et que les odeurs d'Allen devinrent cette fois clairement nauséabondes, Kanda fit l'effort de se rendre à sa portée. Il eut un mouvement de tête pour relancer la conversation.

« Balance. C'est quoi, ce truc sur lequel tu m'as menti ? »

Allen sursauta sur lui. Kanda en fut énervé. Il le prenait vraiment pour un con, sans déconner. Il reprit :

« C'est important ? »

Allen fut silencieux quelques instants. Les yeux bas, il était embarrassé d'être pris au piège.

« Ça peut l'être. »

Agacé, Kanda secoua la tête, grondant entre ses dents. Les devinettes, ça le faisait vite chier. Curieusement intimidé par sa posture rigide, Allen renchérit alors :

« Ça l'est pour moi. Je ne pense juste pas que ça soit pareil pour toi.

—Si t'en sais rien, crache le morceau et vite. Ça m'énerve de tourner autour du pot. »

Allen soupira. Il secoua la tête.

« C'est pas quelque chose que je suis prêt à te dire maintenant. Je veux seulement avoir la certitude que... je ne sais pas... que ça ne changera rien. »

Il était sincèrement perdu, et anxieux. Kanda ne put s'empêcher de rugir :

« Si ça peut changer quelque chose entre nous, c'est que c'est important pour nous deux. Qu'est-ce que tu me dis pas, merde ? Arrête tes conneries, parle. Je comprends pas.

—Kanda, s'il te plaît, ne sois pas comme ça. »

Kanda soupira. Il voulait qu'il soit comment ? Il sentait son angoisse autant dans ses mots, la façon qu'il avait de se triturer les doigts, et ses odeurs toujours plus puantes. Ce petit imbécile avait de la chance qu'il tienne autant à lui. Son attitude lui donnait envie de le couper en rondelles. Il était surtout sincèrement paumé. Il n'avait aucune idée de ce qu'Allen traînait dans sa botte comme connerie. Ce n'était pas le moment de se raconter des mensonges, quels qu'ils soient.

« Tu viens de me dire qu'on devait se dire les choses, même si c'était dur. Si ça s'applique à moi, ça s'applique à toi. Je voulais pas te parler de mes ruts. Je l'ai fait parce que c'était nécessaire. On dirait que c'est grave, à t'entendre. Je sais pas ce que tu me dis pas, mais si c'est important à ce point, parle m'en. Je dois le savoir. »

Allen se mura dans le silence. Kanda avait conscience de lui avoir parlé de manière brusque, sa patience s'envolant. Allen avait beau y être habitué, et ne pas toujours prendre des gants non plus quand il s'adressait à lui, sur des sujets visiblement sensibles, ça pouvait freiner. Kanda voulut ajouter quelque chose, prenant un ton moins accusateur :

« T'as si peur que ça de ma réaction ? »

En avisant le hochement de tête timide, presque enfantin, qui lui répondit, Kanda comprit que oui. Ça commençait à l'inquiéter sérieusement. Et à l'énerver aussi. Il soupira.

« Tu me diras rien ?

—Je... » Allen se crispa. Il posa une main tremblante sur son torse. « je peux pas encore.

—Alors t'aurais dû la fermer. »

Devant sa voix rauque, le maudit bégaya, sa figure se contractant. Kanda était fâché, maintenant. Il dut faire un effort pour rester calme. Prenant une inspiration, il parla toujours aussi sèchement :

« Écoute, tu parles de certitude, mais tu peux pas tout contrôler. Tu peux pas savoir comment je vais réagir si tu m'en parles pas. Et je peux pas le savoir non plus. Je sens ta putain d'anxiété, ton besoin d'être rassuré. Je peux pas te donner ça quand je ne sais pas de quoi tu parles. J'vais pas te forcer à m'en parler. Fais-le quand tu voudras entendre une vraie réponse, et pas que je te passe de la pommade dans le dos. Je peux pas être ta peluche de support émotionnel, Moyashi. »

Face à lui, l'oméga sembla sincèrement blessé quelques instants, voire outré. Il ravala une protestation en réflexe. À la place, Kanda vit les larmes monter dans ses yeux, il avait touché au coeur. S'il se sentit coupable de l'avoir blessé, il ne retirerait pas ses paroles. Elles avaient beau être dures, il les ressentait. Leur lien ne partirait pas, quoiqu'ils en fassent. S'ils voulaient au moins une amitié saine, il fallait que ces choses-là soient dites. Il espéra qu'Allen comprendrait sa colère. Il pouvait le soutenir, et l'écouter, mais pas comme ça. Pas sur du vide qui le laissait lui-même dans une sensation d'inquiétude pour qu'Allen se sente mieux.

Allen s'essuya les yeux précipitamment avec son coude, un éclat de colère dans l'oeil associé à l'odeur musquée qui allait avec. Il respira bruyamment, les épaules un peu tremblantes alors qu'il essayait de se calmer. Kanda le laissait faire, patiemment. Allen baissa son bras. Ses larmes étaient remontées, mais il avait encore le visage marqué par la peine.

« Tu peux pas me dire ça, c'est super méchant ! Tu comprends pas que c'est juste difficile pour moi ? Tu me dis de te parler, d'être honnête sur ce qui me tracasse, et quand je le suis, je t'utilise pour éponger mes émotions ? C'est ça que tu dis ? »

Le susnommé secoua la tête. Il lâcha un 'tch', son agacement remontant. Oh que si, il le comprenait bien, que c'était difficile. Ça ne changeait rien à la situation.

« Tu sais bien que c'est pas de ce genre d'honnêteté que je parle. Là, tu me fais mariner pour rien. Tu me lances sur quelque chose que tu fais trainer pour rien. Alors oui, ça me gonfle. J'imagine que tu ne veux pas ça, et moi, je veux pas te blesser. Franchement, je m'excuserai pas d'avoir dit ça. Je sais que tu as du mal à être direct sur certains sujets, comme ce que tu ressens, peut-être même plus que moi. »

Allen hoqueta, piqué au vif par ses paroles.

« Tu peux pas me demander de te rassurer sur du vide, et de faire l'effort de t'écouter pendant que toi tu te planques derrière des stratégies pour éviter le sujet qui fâche mais quand même avoir ce que tu as besoin d'entendre. Me fais pas ces grands yeux, je m'en rends compte, je suis pas si débile. Toi, t'as pas l'air de le réaliser. J'suis pas d'accord avec ça. »

Les yeux toujours aussi ronds de confusion, de peine, et de douleur se baissèrent. Kanda comprenait qu'il venait encore une fois de toucher dans le mille : Allen n'était tellement pas habitué à être franc sur ce qu'il ressentait qu'il enrobait la vérité dans un paquet cadeau, comme un bonbon, sauf qu'il refusait d'enlever l'emballage et voulait quand même qu'il le mange. Il se doutait bien que ce n'était pas un comportement calculé. C'était un réflexe de protection. Il voulait juste qu'Allen finisse par le laisser tomber, ne serait-ce qu'un peu, et qu'il arrive à dire la vérité quand il le fallait. S'il n'y arrivait pas maintenant, c'est que ce n'était pas le moment.

Kanda aurait pu s'agacer de la discussion stérile, le sentiment n'était pas absent, mais il était, quelque part, tout autant soulagé d'avoir pu dire ce qu'il pensait depuis longtemps.

Allen avala sa salive, se passant une main dans les cheveux. Il était blessé, Kanda le percevait en plus de le sentir.

« T'as raison... C'était stupide de ma part d'amener le sujet comme ça. Je comprends que ça t'énerve. Pardon. »

Le voir tout penaud adoucit Kanda. Il fit claquer sa langue dans sa bouche, attirant encore Allen contre lui.

« Je t'en veux pas de me dire ce que tu ressens. Me fais juste pas des trucs comme ça.

—Oui, excuse-moi. »

Kanda le sentit se calmer dans son étreinte, de même qu'il sentit sa nuque devenir un peu mouillée. Il reconnut qu'il n'y avait pas été de main morte avec lui. Parfois, être bousculé était nécessaire, surtout que sa réaction était légitime. Il savait qu'Allen l'encaisserait. Il lui faisait confiance pour ça. Kanda consentit tout de même à se montrer attentif à son stress palpable.

« Ce truc, dit-il, faudra que tu me le dises. Quand tu seras prêt. Je veux l'entendre. Promets-le moi. »

Allen pressa davantage son corps contre lui. Sa voix trembla.

« Promis.

—Tu sais ce que je pense des fausses promesses. »

Allen hocha la tête dans son cou. Il se mit à pleurer. Kanda sentit sa nuque, inhalant son odeur. Ses paroles n'avaient pas pour but d'enfoncer l'oméga. Il le maintenait volontiers contre lui, l'accompagnait dans sa tristesse qui s'exprimait sans problème. Il tenait également à rester ferme sur ses positions, sur ce qu'il acceptait et n'acceptait pas. Dû au remue-ménage émotionnel, leurs phéromones s'emballaient. En se concentrant, il percevait les arômes plus délicats et addictifs — il s'en rendait compte à la sensation de manque qui l'assaillit — de ses chaleurs. Ça devenait concret. Kanda s'en rendait compte.

Vu ce qu'il parvenait à sentir, ce serait pour bientôt, putain.

Moyashi pleura silencieusement, ses larmes finissant par se tarir. Kanda le retint contre lui, ne sourcillant pas lorsque des passagers d'un wagon plein empruntèrent la passerelle pour changer de voiture. Ça le fit quand même chier qu'ils soient dérangés ici, mais c'est eux qui n'avaient pas bien choisi l'endroit pour une telle conversation. Dans un train bondé, il n'y en avait pas vraiment. Ce serait aussi gênant si ses chaleurs arrivaient dans la promiscuité des transports en commun. Ils se reculèrent pour leur laisser la place de traverser. Les gens leur lancèrent quelques regards, ne comprenant pas pourquoi un alpha et un oméga s'étaient isolés ici au lieu d'être dans leur cabine.

Allen finit par se redresser lorsqu'ils furent seuls, s'essuyant les yeux. Il offrit un petit sourire à Kanda, encore hésitant :

« Merci. Je suppose que je t'ai aussi utilisé pour éponger mes larmes, maintenant.

—Tch. Commence pas à la jouer comme ça.

—Je plaisante. Mais merci de m'avoir consolé malgré tout. »

Kanda lui colla une pichenette sur le front.

« Tu sais très bien pourquoi je le fais. »

Allen sourit encore, massant son front en lui jetant un regard dépité.

« Oui, et je t'en suis reconnaissant. »

Il se redressa, s'étirant car leur position l'avait rendu engourdi. Kanda se moqua de sa démarche un peu chaloupante alors qu'il agitait ses jambes pour faire circuler le sang. Il se leva à son tour, remuant sa cheville de manière plus sobre. Sa main trouva vite la chevelure blanche qu'il joua à emmêler brusquement, Allen se dégageant en l'insultant d'abruti.

« On rejoint le lapin dans la cabine ?

—Non, j'ai envie de rester ici. Mais tu peux y aller. »

Kanda l'observa de bas en haut. S'ils s'étaient, entre guillemets, réconciliés — car ils ne s'étaient pas disputés non plus, il ne voulait pas qu'Allen lui en veuille d'avoir mis les choses au clair.

« Ça va pas ? s'enquit-il.

—Si, si, réfuta Allen en secouant la tête, t'inquiète pas pour ça. J'ai juste besoin de réfléchir seul. »

Après leur conversation, rien d'étonnant à ce qu'il ait besoin de faire le tri dans ses idées. Kanda espéra que ça les lui remettrait en place. Il opina donc, lui donnant une caresse plus douce sur le sommet du crâne.

Il se demandait ce que l'imbécile avait à lui dire pour faire tant de cachoteries. Une part de lui restait contrariée que la discussion s'arrête là. Quelque chose lui disait qu'il finirait par le savoir sous peu. Il reviendrait à la charge de toute façon. Kanda était bien conscient qu'un tel cirque, ce n'était pas pour rien. Il aurait besoin d'en avoir le coeur net.

À suivre...


Note : On a donc Allen qui va bientôt être en chaleurs, c'était finalement assez prévisible, le pauvre aura connu un peu d'errance médicale XD. De base, dans mon tout premier scénario, je prévoyais réellement de faire ça plus tard, mais à l'écriture à l'heure actuelle je me suis dit que ça faisait plus de sens et que l'histoire avait quand même besoin d'avancer sur ce point.

Concernant la discussion d'Allen et Kanda, j'imagine que ça va vous frustrer, mais c'est l'illustration de leurs problèmes relationnels dans cette fic : ils ne pourront pas avoir une communication ni une relation parfaitement saine et équilibrée tant qu'ils n'auront pas résolu leur souci d'honnêteté, qui vient ici d'Allen qui s'est vautré dans ses maladresses. Un peu de Kanda aussi, il n'a pas décidé de se jeter à l'eau entièrement et il l'oublie un peu, mais c'est encore une fois assez logique. Ils sont deux personnages avec une vie complexe, ça a ses conséquences sur leur façon de voir les choses et de relationner avec les autres, et le but avec ça est de montrer que même avec la volonté et parfois des bons réflexes, ils ont encore une marge de changement nécessaire, car ils sont humains. Comme je l'ai dit dans un précédent chapitre, ils se cherchent et galèrent. Ça ne peut pas être une évolution complètement linéaire avec ce qui leur arrive dans cette fiction, vu leur passé aussi. L'un des propos de la fiction c'est ça, une démonstration de la difficulté à briser des schémas qui ne fonctionnent pas quand c'est encré et celle de trouver ce qui fonctionne. Dans ce chapitre c'est un signe de progrès, Allen avait besoin d'être un peu brusqué et Kanda de dire ce qu'il a sur le coeur. Vous verrez que ça finira par avoir ses conséquences ;).

Avec tout ça on laisse un peu de côté Lavi et Lenalee, mais je prévois des choses pour eux pour la quatrième (et dernière) partie de ce chapitre 31 !

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, ça fait toujours plaisir :D

Merci d'avoir lu et à la prochaine !