Chapitre 1 :
Ce n'est qu'en me faisant attaquer part un monstre que je crus en ces histoires.
Mon nom est Charlotte Brior. J'ai 14 ans, et je suis petite pour mon âge. J'habite à New-York et je vais à l'Institut Yancy. Pas le meilleur endroit, mais personne ne me cherche d'ennuis, donc ça va.
Mais bref, passons.
Je me promenais dans les couloirs de l'école. La cloche annonçant la fin de la pause méridienne n'avait pas encore sonné, j'étais tranquille. La plupart des élèves et des professeures étaient dans la cafétéria. Néanmoins, Mme Smith – qui n'est autre que ma prof d'histoire – me fit signe de la suivre. « Dans mon bureau » dit-elle. « Tout de suite »
En me faisant entrer dans la pièce, un malaise m'emparât. Je flairais un danger. J'entendis un sifflement. Je me retournais, et trouvais ma prof, sauf qu'au niveau de son bassin se trouvait une queue de serpent. La bête faisait tourner un poignard habilement dans sa main. Elle était en position de combat, prête à m'attaquer.
Je levais les mains en signe de reddition. Je ne savais pas me battre, et j'étais trop jeune pour mourir.
« Tu en ai... Je sens ton odeur, si faible soit-elle ! » siffla l'étrange créature.
Et elle se jeta sur moi.
Je l'esquivais, récoltant quand même un coup de couteau sur la joue. Ça me laisserait une cicatrice. Elle va me le payer.
Je lui balançai une chaise dans la figure, pour ensuite m'enfuir en courant. J'entendais toujours son sifflement, me suivant même à l'extérieur de l'internat. Arrivée dans une ruelle, je tournais subitement à droite. Avec un peu de chance, j'arriverais à la semer.
Erreur. Je me suis retrouvée dans une impasse, essayant désespérément de trouver une issue.
La créature se rapprochait. Tout ce que je pouvais faire, maintenant, c'était de fermer les yeux, et prier pour que je ne souffre pas trop.
Je crois que mon souhait s'est réalisé, car j'entendis des détonations.
D'abord de la foudre (ce qui est bizarre, car le ciel était clair, ce matin). Ensuite, une plomberie qui explose. L'écoulement de l'eau sur le pavé. Je profitais de l'agitation pour filer. En m'aidant d'une caisse en bois, je me hissais sur le mur.
Derrière moi, les bruits disparaissaient. Désolé, mais c'est chacun pour soi.
Je suis rentrée chez moi, c'est-à-dire un petit appartement au coin de la 104e Rue Est. Je saluais Sally Jackson, ma voisine d'étage. Elle faisait partie des rares personnes qui m'aidait.
Je vous explique. Je suis orpheline. Mon père – qui était océanographe – a péri en mer i ans. Je n'ai jamais connu ma mère. Elle et mon père se sont rencontrés sur un paquebot. Ils se sont aimés au premier regard. Neuf mois plus tard, je suis arrivée. Et elle, elle a disparu.
Mon père ne savait rien sur elle. Ni son nom, ni son âge. Il lui a demandé qui elle était : ma mère lui a répondu qu'elle était une déesse grecque. La blague. Sauf que mon père y a crut. Pendant longtemps, il me disait : « Belle comme tu es, ta mère est forcément Aphrodite », « Comme tu as la main verte, ma fille ! Tu es la fille de Déméter ! »« Athéna, ta mère, serait fière d'avoir une fille aussi intelligente ! ».
Chaque soir, il me lisait une histoire tirée de la mythologie grecque.
Mais bon, se n'est pas ce qui nous intéresse. Et ressassait le passé ne sert à rien.
Certains voisins cotisaient tous les mois pour payer mon loyer. Je leur en suis reconnaissante, mais surtout à Sally. Elle me connait depuis bébé, et a été la première personne à me tendre la main. Elle a aussi un fils, Percy. Il a été mon premier ami (ainsi que le dernier), et mon premier amour (pas de commentaires, j'étais jeune, à l'époque). Enfin, je ne l'ai pas vu depuis que j'ai 9 ans. Comme il est en pension, je ne le vois pas de l'année. Et pendant l'été, il part dans une certaine colonie. Hélas, je n'en sais pas plus. Si je le revois – ce qui n'est pas près d'arriver – il aura probablement 17 ans. Il partira donc à l'université.
En entrant dans mon appartement, je fus étonnée du désordre. Bon d'accord, je ne suis pas quelqu'un de très minutieux. Mais jamais je ne mettrais un tel bazar.
Les chaises étaient renversées, mes livres (et j'en ai beaucoup. Je ne souffre pas de dyslexie, mais j'ai besoin de lunettes pour que les lettres restent en place) éparpillés sur tout le sol. La fenêtre de ma chambre – qui donne accès à l'escalier de secours – était ouverte.
Quelqu'un est entré ici réalisais-je.
C'était peut-être un voleur, venu chercher une liasse de billets. Sauf que je ne crois pas qu'un voleur est des griffes. Pourtant, les fines rayures sur les murs étaient bel et bien réelles.
J'entendis du remue-ménage dans la salle de bain. Mes muscles se tendirent, laissant mes autres sens en alerte. Je pris un couteau, avançant prudemment vers la porte d'où provenait le bruit. J'ouvris lentement la porte, révélant un lion avec des ailes. Un griffon me rappelait-je. La créature avait des ailes jaunes, aussi étincelante que le soleil. On aurait dit une boule de feu.
La bête me fixa, ses serres tranchantes levaient vers moi, menaçant.
« Tout doux, la bête... le monstre... le griffon » dis-je « Je vais juste partir et te laisser ici, d'accord ? »
Le lion ne l'était pas.
Il déplia ses ailes, griffes en avant, et vola vers moi.
Je pris mes jambes à mon cou, et fonçais en direction de l'escalier de secours. En l'enjambant, j'entendais ses cris - ses piaillements – au loin. Je fermis la fenêtre, son bec se crachant dessus. Un filet de sang en coula, laissant une traînée sur ma vitre impeccable. Génial, va falloir que je nettoies, maintenant.
J'ai erré dans New-York, enfin tout en restant dans Manhattan. Puis je le vis.
Proche de l'Empire States Building, un jeune homme aux yeux bleus-verts et aux cheveux noirs se disputait avec une fille. Cette dernière avait de jolies boucles blondes – un peu comme les miennes – et des yeux d'un gris orageux. Elle était vraiment belle. Sa position ressemblait à celle d'une guerrière, comme les Amazones – les guerrières, pas la marque.
En étant sur le trottoir d'en face, Percy ne pouvait pas me voir. Et tant mieux.
Un garçon aux cheveux bruns bouclées les rejoignit. Ils cessèrent de se disputer, et partir en direction de Long Island.
Naturellement, je l'ai suivi.
