Chapitre 6 :
Nico nous téléporta à Fort Severn, dans l'Ontario.
On loua une voiture – une Citroën, je crois – et nous partîmes vers la Baie.
En chemin, à quelques mètres seulement du port, un vieux pêcheur nous fit signe. Il agitait les mains vers les passants, une barre en fer posait à ses pieds.
Dans toute sa bonté, Will dirigea la voiture vers lui.
Ce pêcheur ressemblait à un père Noël marin : barbe blanche, cheveux gris, lunette de soleil noire, pantalon et chemise bleu, un filet de pêche reposant derrière lui sur un tonneau.
« Bien le bonjour, les enfants. Bonne journée pour pêcher, n'est-ce pas ? »
Ok, c'est louche.
Personne ne fait arrêter une voiture pour parler de pêche. Cet homme est un dieu, ou un charlatan. Si vous voulez mon avis, c'est la même chose...
« Je vais être bref. Je ne suis pas Keto, non de non ! Je suis Phorcys, dieu des périls en mer. »
Qui avait raison ? Hein, qui ? QUI ?!
« Je suis sensée récupérer une jeune fille correspondant à votre description, mademoiselle. » précisa-t-il.
Hacher.
Haché, mince, mince !
Je fis un pas en avant, appelant de toute mes forces ma dague marine.
« Écoutez, monsieur, n'y voyez rien de personnel, mais je ne crains de ne pouvoir vous suivre. »
Et là, BIM ! ma dague s'enfonce entre ses deux yeux. Et BAM ! il disparait dans une explosion d'algues.
Au moins, c'était facile.
Jusqu'à ce que je lève la tête, et vois un filet de fer m'assommait comme du plomb.
Je l'ai sous-estimé.
Je le sais, maintenant. Et j'aurais dû savoir qu'il ne disparaitrait pas comme ça.
Premièrement, selon Chiron, on ne PEUT PAS tuer un dieu. D'où le poste et l'immortalité...
Deuxièmement, je le hais, ce dieu. Surtout sa façon qu'il avait de me reluquer. Et aussi le fait qu'il m'a enfermé dans une pièce (fermé à clé, bien sûr), seule, et dans le noir.
C'est un sadique.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée ici, à attendre.
Et attendre
Et attendre
Et attendre
Et attendre... (vous avez compris le topo ?!)
Je sais juste qu'un faible rayon de lumière est apparu 3 fois.
J'ai aussi entendu des voix, tantôt proche, tantôt lointaine.
Un bruit métallique me sort de mes pensées.
« Charlotte ? »
La voix me semble familière. Au moins, ce n'est pas Phorcys. Ça, j'en suis sûr.
« Oui » fis-je, la voix enrouée à force de ne pas parler.
« Tu vas pouvoir sortir... » reprend-t-il.
Ces quatre petits mots sonnent si délicieusement bien à mes oreilles. Mais une saveur amère vient la dissiper, lorsqu'il ajouta.
« Mais pas maintenant. »
Les pas commencent à s'éloigner. Mes poings se cognent contre la porte. Le bruit se répercute partout dans la pièce froide.
« Revenez ! Revenez, ne me laissez pas ici ! Revenez ! Laissez-moi sortir ! Laissez. Moi. Sortir !»
Des gouttes d'eau salée se déversent de mes yeux, comme des torrents. Je continue de frapper la porte, d'appeler au secours. Mes larmes ruissellent le long de mes joues.
« Revenez ! S'il vous plaît ! »
Je ne peux que supplier. Du sang commence à couler de mes phalanges, se répandant sur le sol humide.
Mais il ne vient pas. L'homme reste sourd face à mes jérémiades.
La fatigue me rattrape, je m'affale contre le sol, mes jambes se repliant sur moi-même. Mes paupières se ferment petit à petit, et je sombre de sommeil.
Je nage en plein océan. Sauf que l'eau est noire, et glaciale.
Assi sur une barque, un homme me fixe. Il est aveugle. Je me vois, dans se yeux blancs, dépourvus de pupilles. Il porte une toge noire, ainsi qu'une couronne de lauriers, déposés sur ses cheveux blancs, aussi blancs que neige.
Sans un mot, il me tend un paquet de lettres, toutes à mon nom.
Je m'en sais, et hésitante, je murmure :
« Merci... »
Il hoche la tête, mais reste là. Un réparateur de moi.
Soudain, je comprends. Je sais d'où je le connais. Chiron m'en a parlé, avant de partir.
« Vous êtes le devin Tirésias, non ? » devinais-je
Nouveau hochement de tête.
Je le pris comme une invitation, aussi continuais-je.
« Et ça, c'est une prophétie. Pour m'aider. »
Cette fois, il resta immobile.
Je me retrouve propulsé vers le haut. Comme si on remontait mon âme à la surface. L'eau jadis noire s'éclaircie, se colorant d'un bleu électrique.
Quand j'entrouvre les yeux, la lumière m'aveugle. Elle est si forte... ou est-ce mes yeux, habituer à l'obscurité ? Je ne saurais dire.
Après m'être acclimatée, je scrute la personne devant moi.
C'est un homme. Il porte un t-shirt blanc, sur lequel il a enfilé une veste de motard. Ses cheveux blonds sont tirés en arrière. Une fine cicatrice, partant de son œil droit jusqu'à sa tempe opposée, me fait vaguement penser à quelqu'un. Des lunettes noires sont posées sur son nez. Quand il les enlève, je sais d'où provient ce sentiment malsain, mon envie de l'étriper, qui me ronge les entrailles.
J'ai devant moi Lucas Mores, fils de Némésis, et kidnappeur officiel de ma sœur.
