Chapitre 6 : Les failles d'Emmett
Le silence de la maison accueillit Isabella lorsqu'elle rentra du gala. Les échos de la soirée résonnaient encore dans sa tête : les regards échangés avec Emmett, le soutien calculé d'Edward, et la tension palpable entre les deux hommes. Elle referma doucement la porte derrière elle, posant ses talons près de l'entrée. La maison, pourtant si vaste, lui paraissait oppressante dans sa solitude.
Elle traversa le salon, ses pas résonnant faiblement sur le parquet impeccable, et monta à l'étage. Dans la salle de bain attenante à la chambre qu'elle partageait avec Emmett, elle laissa l'eau tiède couler sur son visage. Le contact apaisant de l'eau semblait effacer un peu du poids de la soirée, mais pas assez.
Elle troqua sa robe rouge pour un pyjama en coton simple et se glissa dans leur lit. Malgré la fatigue, le sommeil la fuyait. Allongée dans l'obscurité, ses pensées tourbillonnaient. La froideur d'Edward, masquée par son attitude courtoise, l'intriguait autant qu'elle la dérangeait. Mais c'était surtout Emmett qui occupait son esprit. Ses yeux surpris, presque décontenancés, lorsqu'ils s'étaient croisés au gala.
Elle se tourna sur le côté, le regard fixé sur le mur. Plus elle y réfléchissait, plus une envie irrépressible grandissait en elle : comprendre. Découvrir ce qu'Emmett cachait derrière son masque parfait.
Le grincement léger de la porte d'entrée interrompit ses pensées. Emmett était rentré. Elle regarda rapidement l'heure: deux heures.
Elle écouta attentivement ses pas monter l'escalier, traverser le couloir, et entrer dans leur chambre. Il s'arrêta un instant près de la porte, la regardant se glisser sous les couvertures.
- « Eh bien, » lança-t-il d'un ton léger mais teinté d'ironie, « tu vas pouvoir m'expliquer ce que tu faisais à ce gala ce soir, maitnenant? Et surtout, avec Edward Masen ? »
Isabella redressa légèrement la tête, essayant de cacher son trouble. Elle chercha ses mots avant de répondre calmement.
- « C'était principalement pour le travail. Il m'a invité à rencontrer des contacts importants. »
Emmett haussa un sourcil, un sourire à moitié amusé effleurant ses lèvres.
- « Le travail, hein ? Intéressant. Je ne savais pas que ton travail impliquait de danser avec lui devant une foule de gens. »
Elle haussa les épaules, feignant l'indifférence.
- « C'était une danse, Emmett. Rien de plus. Il m'a dit que c'était important de se montrer et de s'intégrer. »
Il la fixa, un éclat indéchiffrable dans les yeux. Après un moment, il hocha légèrement la tête.
- « Très bien. Si c'était pour le travail… alors je suppose que ça va. »
Il se détourna et se dirigea vers la salle de bain. Isabella, toujours allongée, se retourna pour lui tourner le dos. Son cœur battait encore un peu trop vite, mais elle se força à respirer profondément et à fermer les yeux.
Quelques minutes plus tard, Emmett revint et s'allongea à ses côtés. Il ne chercha pas à relancer la conversation, et Isabella, bien qu'éveillée, fit semblant de dormir.
Dans le calme de la nuit, l'immensité de leur maison semblait accentuer le vide entre eux. Elle sentit une vague de pensées contradictoires l'envahir. Elle aimait encore Emmett, ou du moins elle aimait ce qu'ils avaient autrefois partagé. Mais elle ne pouvait plus ignorer ce qu'elle avait ressenti ces derniers jours : un mélange de colère, de doute, et de curiosité.
Elle savait qu'elle ne pouvait plus reculer. La vérité l'attendait, aussi inconfortable soit-elle. Et cette nuit-là, alors qu'elle entendait la respiration régulière d'Emmett à ses côtés, elle comprit que son chemin venait de prendre un tournant irréversible.
Les premières lueurs de l'aube perçaient à travers les voilages des grandes fenêtres de leur chambre. Isabella ouvrit lentement les yeux, le souffle régulier d'Emmett à ses côtés lui rappelant les événements de la veille. Elle inspira profondément, repoussant les pensées qui menaçaient de l'envahir. Aujourd'hui, elle avait besoin de se concentrer.
Silencieusement, elle se leva et enfila un peignoir léger avant de descendre dans la cuisine. Préparer une tasse de café était presque devenu un rituel apaisant pour elle, une routine dans laquelle elle trouvait un semblant de stabilité. Alors qu'elle attendait que le liquide noir coule, elle entendit des pas derrière elle.
- « Déjà réveillée ? » demanda Emmett, sa voix encore rauque de sommeil.
Elle se retourna pour le voir s'avancer, vêtu d'un pantalon de jogging et d'un t-shirt, ses cheveux légèrement en bataille. Il ouvrit le réfrigérateur et sortit une bouteille d'eau, la regardant par-dessus son épaule.
- « Oui, » répondit-elle simplement, portant sa tasse à ses lèvres.
Il hocha la tête sans insister, avalant une gorgée d'eau avant de monter à l'étage pour se préparer.
Un peu plus tard, alors qu'Isabella était en train de fixer une paire de boucles d'oreilles devant le miroir de la chambre, Emmett revint, habillé d'un jean et d'un pull bleu, impeccable. Elle s'arrêta un instant pour l'observer. Il était toujours aussi imposant, une image parfaite de l'homme accompli. Mais pour la première fois, elle remarqua quelque chose d'autre : une distance dans ses gestes, une routine presque mécanique dans sa manière de se préparer.
Ils se croisèrent dans la salle de bain attenante. Emmett ajusté son pull, devant le miroir pendant qu'Isabella appliquait un rouge à lèvres léger. Leurs regards se croisèrent brièvement dans le reflet.
- « Tu travailles tard ce soir ? » demanda-t-il, brisant le silence.
- « Probablement, » répondit-elle en glissant son tube de rouge à lèvres dans son sac.
Il hocha la tête, comme satisfait de sa réponse, avant de se concentrer à nouveau sur son reflet.
L'atmosphère était lourde, mais aucun d'eux ne semblait prêt à aborder ce qui les tourmentait vraiment. Leurs échanges restaient neutres, presque formels. C'était comme si chacun analysait l'autre, cherchant à déchiffrer des indices dans les silences et les gestes.
Une fois prêts, ils descendirent ensemble. Emmett attrapa son attaché-case, Isabella son sac à main. Avant de sortir, il ouvrit la porte pour elle.
- « Bonne journée, » dit-il, son ton courtois mais distant.
Elle lui jeta un bref regard, hésitant à répondre plus que par un simple: « Merci. Toi aussi. »
Ils se dirigèrent vers leurs voitures respectives. Une fois installée derrière le volant, Isabella posa les mains sur le volant, fixant un point invisible devant elle. La distance qui s'était installée entre eux devenait de plus en plus palpable, et cela lui laissait un goût amer.
Alors qu'elle démarrait et quittait l'allée, elle ne pouvait s'empêcher de repenser à ce silence pesant qui avait marqué leur matinée. Les non-dits semblaient s'accumuler, prêts à exploser. Elle se demanda combien de temps encore ils pourraient continuer ainsi, dans ce simulacre de normalité.
Le brouhaha du café du coin, où Angela et Isabella avaient l'habitude de déjeuner, emplissait l'air de conversations entrecoupées et du bruit des tasses de porcelaine contre les soucoupes. Isabella remuait distraitement son thé, les yeux fixés sur la vapeur qui s'élevait de sa tasse. Angela, face à elle, l'observait avec attention, son sandwich à moitié mangé.
- « Isa, tu es ailleurs depuis des jours. » Angela pencha la tête, sa voix douce mais curieuse. « Tout va bien ? »
Isabella leva les yeux, surprise par la question directe. Elle esquissa un sourire maladroit.
- « Oui, je vais bien. Juste un peu... fatiguée. »
Angela haussa un sourcil, clairement pas convaincue. Elle posa son sandwich et croisa les bras sur la table.
- « Écoute, on se connaît depuis des années. Je sais quand quelque chose ne va pas. »
Isabella hésita, ses doigts jouant avec l'anse de sa tasse. Elle savait que Angela avait raison. Elle avait besoin de parler, même si elle ne pouvait pas tout dire.
- « C'est Emmett, » finit-elle par avouer dans un murmure. « Je... Je ne sais plus où on en est. »
Angela fronça les sourcils, surprise.
- « Vous avez des problèmes ? »
Isabella secoua la tête, cherchant ses mots.
- « Ce n'est pas vraiment ça. C'est plus... une question de confiance. Et de savoir si on est vraiment faits pour être ensemble. »
Angela resta silencieuse un instant, absorbant ses paroles. Puis elle posa une main réconfortante sur celle d'Isabella.
- « Tu veux dire que tu doutes de lui ? »
Isabella inspira profondément, sentant une boule se former dans sa gorge.
- « Je ne sais pas. Je suis confuse. Je vois des choses, je ressens des choses... Mais en même temps, je me demande si ce n'est pas juste moi qui m'invente des problèmes. »
Angela la regarda, une expression mêlant empathie et pragmatisme.
- « Isa, si tu ressens ça maintenant, imagine ce que ça pourrait être après le mariage. Ce genre de doute ne disparaît pas comme par magie une fois que tu as une bague au doigt. »
Ces mots frappèrent Isabella plus fort qu'elle ne l'aurait cru. Elle baissa les yeux sur sa tasse, incapable de répondre tout de suite.
Angela reprit, sa voix plus douce :
- « Je ne te dis pas de prendre une décision maintenant, mais écoute ton instinct. Il ne te trompera pas. »
Isabella hocha la tête, essayant de masquer la vague d'émotions qui montait en elle. Elle était reconnaissante de l'honnêteté de Angela, mais ces paroles ne faisaient qu'intensifier le tourment qu'elle ressentait déjà.
Le reste du déjeuner se déroula dans un silence ponctué de banalités, Angela essayant de détendre l'atmosphère avec quelques anecdotes de bureau. Mais dans l'esprit d'Isabella, les paroles de son amie résonnaient encore et encore.
De retour à son poste, Isabella fixa son écran d'ordinateur, incapable de se concentrer. Les doutes et la détermination s'entremêlaient dans son esprit. Elle savait qu'elle ne pouvait pas ignorer ce qu'elle ressentait plus longtemps. Il était temps d'agir, d'en apprendre davantage. Le masque parfait d'Emmett devait tomber, d'une façon ou d'une autre.
Le bureau d'Isabella était plongé dans une étrange lumière dorée, les derniers rayons du soleil illuminant son écran d'ordinateur. Alors qu'elle relisait un article pour la troisième fois sans y prêter réellement attention, son téléphone vibra doucement sur le bureau. Le nom d'Edward apparut sur l'écran. Elle hésita un instant, puis décrocha.
- « Isabella, » dit-il d'une voix calme mais assurée. « J'espère que je ne te dérange pas. »
Elle posa son stylo et se redressa sur sa chaise.
- « Pas du tout. Qu'est-ce qu'il y a ? »
- « J'ai pensé que nous devrions dîner ce soir. Il serait utile de discuter de notre prochain mouvement. »
Elle réfléchit une seconde, consciente que chaque rencontre avec Edward la poussait un peu plus loin dans un jeu qu'elle commençait à peine à comprendre.
- « À quelle heure ? » finit-elle par demander.
- « Dix-neuf heures. Je t'enverrai l'adresse. »
Sans attendre sa réponse, Edward raccrocha, laissant Isabella légèrement perplexe mais curieuse.
Le restaurant choisi par Edward était à l'image de l'homme : élégant et discret. Une façade en pierre blanche ornée de lierre, une petite enseigne dorée indiquant simplement Le Clair Obscur. Lorsqu'elle entra, un serveur la guida directement vers une table dans un coin isolé, où Edward était déjà installé, impeccable dans son costume sombre.
Il se leva en la voyant approcher, un sourire léger mais chaleureux sur les lèvres.
- « Toujours ponctuelle, » remarqua-t-il en tirant sa chaise.
- « C'est une habitude, » répondit-elle en s'asseyant, un mélange de nervosité et de curiosité dans la voix.
Une fois les formalités des commandes passées, Edward plongea directement dans le vif du sujet.
- « Concernant le gala d'hier, » commença-t-il, son regard fixé sur elle, « il a eu l'effet escompté. »
Isabella arqua un sourcil.
- « Comment ça ? »
- « Mes contacts m'ont rapporté qu'Emmett a passé une bonne partie de la soirée à essayer de justifier ta présence à ses collègues et à son père. » Il esquissa un sourire en coin. « Il est inquiet. Et quand Emmett est inquiet, il fait des erreurs. »
Elle détourna les yeux, jouant distraitement avec le bord de son verre.
- « Je ne sais pas si je me sens bien à l'idée de le déstabiliser de cette manière, » murmura-t-elle.
Edward pencha légèrement la tête, un éclat de sérieux dans son regard.
- « Ce n'est pas qu'une question de le déstabiliser, Isabella. C'est une question de t'assurer qu'il te voit enfin. Qu'il réalise ce qu'il risque de perdre. »
Elle hocha la tête, bien que l'incertitude subsistât.
La conversation glissa ensuite sur un terrain plus personnel. Après un moment de silence, Isabella se pencha légèrement vers lui, ses yeux scrutant les siens.
- « Tu peux peut-être m'en dire plus maintenant, sur ton histoire avec Emmett ? »
Il laissa échapper un léger soupir, posant son verre avec soin sur la table.
- « Emmett et moi avons une histoire ancienne. Il y a des années, il a saboté un projet crucial pour moi. Ce n'était pas seulement un coup professionnel, » expliqua-t-il, sa voix légèrement teintée d'amertume. « Cela a eu des conséquences sur ma vie personnelle aussi. »
Isabella l'observa attentivement, cherchant à lire au-delà des mots.
- « Tu fais tout ça pour te venger, alors ? »
Edward secoua la tête.
- « Pas seulement. Ce n'est pas une simple vengeance, Isabella. C'est une question de justice. »
Il y avait une intensité dans ses mots qui la toucha profondément, bien qu'elle ne comprenne pas encore toute la profondeur de sa douleur.
Le dîner continua dans une atmosphère plus légère, mais cette révélation restait suspendue entre eux, un rappel des raisons complexes qui les avaient réunis. Alors qu'ils quittaient le restaurant, Isabella se sentait encore plus déterminée à découvrir la vérité, non seulement sur Emmett, mais aussi sur Edward.
Le dîner terminé, Edward guida Isabella jusqu'à la voiture qui les attendait à l'extérieur du restaurant. La nuit était fraîche, et la légère brise qui soufflait semblait apaiser l'intensité de leur échange précédent. Edward ouvrit la portière pour elle avec sa galanterie habituelle, et elle s'installa en silence, perdue dans ses pensées.
Le trajet vers sa maison se fit dans une ambiance feutrée. La lumière des lampadaires défilait sur leurs visages, projetant des ombres fugaces dans l'habitacle. Edward, toujours observateur, brisa le silence d'un ton posé :
- « Isabella, cette maison… Elle appartient à toi et Emmett ? »
Elle tourna légèrement la tête vers lui, surprise par la question.
- « Non, elle est à moi. J'ai acheté la maison avant qu'on soit ensemble. Je paie encore le crédit. Emmett est venu s'installer après. »
Un léger sourire passa sur les lèvres d'Edward, mais son regard restait sérieux.
- « C'est une bonne chose. Ça te donne un filet de sécurité, au cas où les choses deviendraient… compliquées. »
Isabella fronça les sourcils.
- « Pourquoi compliquées ? »
Il haussa les épaules avec une élégance nonchalante, mais ses mots portaient un poids qu'elle ne pouvait ignorer.
- « Parfois, les relations évoluent d'une manière inattendue. Je veux simplement que tu saches que, si jamais cela devient difficile de continuer à vivre sous le même toit que lui, tu peux me le dire. Je peux t'aider à trouver un endroit sûr où tu pourras respirer et te concentrer sur toi-même. »
Elle ne put s'empêcher de sourire, bien que ses paroles aient éveillé quelque chose en elle. Une partie d'elle-même trouvait réconfortant qu'il lui propose une échappatoire, tandis qu'une autre restait méfiante de l'implication qu'il semblait vouloir dans sa vie.
- « C'est… généreux de ta part, Edward. Mais je ne pense pas en être là. Pas encore. »
Il hocha la tête, respectueux de sa réponse.
- « Bien sûr. C'était juste une suggestion. »
La voiture s'arrêta devant la maison, silencieuse et sombre, comme à son habitude ces derniers jours. Edward sortit en premier et contourna le véhicule pour ouvrir la portière d'Isabella. Elle descendit, resserrant légèrement son manteau autour d'elle.
Ils restèrent un instant face à face sous le porche. Edward, imposant mais serein, la regardait avec une intensité presque déstabilisante.
- « Si jamais tu changes d'avis, n'hésite pas. Parfois, prendre de la distance est le premier pas pour voir les choses plus clairement. »
Elle lui offrit un dernier sourire, mêlé de gratitude et d'incertitude, avant de tourner la clé dans la serrure.
- « Bonne nuit, Edward. Merci pour tout… vraiment. »
Il inclina légèrement la tête, un sourire subtil effleurant ses lèvres.
- « Bonne nuit, Isabella. »
Elle entra dans la maison, fermant doucement la porte derrière elle. L'obscurité et le silence l'accueillirent, comme un miroir de sa solitude intérieure. Elle alluma quelques lumières, déposant son sac sur la table de l'entrée avant de retirer ses escarpins. Ses pas résonnaient dans le vide de la maison.
Elle s'arrêta un instant dans le salon, regardant autour d'elle. Chaque meuble, chaque objet semblait être le témoin silencieux de sa relation avec Emmett, mais ce soir, ils lui paraissaient étrangers.
Elle monta à l'étage, se changea en vêtements confortables, puis s'assit sur le bord du lit, son regard perdu dans la nuit à travers la fenêtre. Isabella s'assit sur le bord de son lit, le regard fixé sur la lumière tamisée de la lampe de chevet. Une nouvelle détermination montait en elle, brûlant plus fort que sa culpabilité ou ses doutes. Les paroles d'Edward lui revenaient en tête : Parfois, prendre de la distance est le premier pas pour voir les choses plus clairement. Elle ne pouvait plus ignorer ce sentiment tenace que quelque chose clochait.
Encouragée par cette nouvelle compréhension, Isabella se leva et descendit silencieusement les escaliers. La maison était plongée dans le calme, mais son esprit était en ébullition. Elle se dirigea vers le bureau d'Emmett, une pièce qu'elle visitait rarement, car il la gardait souvent fermée, insistant qu'il avait besoin d'un espace pour travailler en toute tranquillité.
La porte était légèrement entrebâillée. Isabella entra et alluma une petite lampe sur le bureau en bois massif. Les étagères débordaient de dossiers et de classeurs soigneusement rangés. Elle hésita une seconde, son cœur battant à tout rompre, avant de commencer à ouvrir les tiroirs.
Elle tomba d'abord sur des papiers anodins : factures, reçus, contrats d'assurance. Mais en ouvrant un tiroir verrouillé, qu'elle réussit à forcer après quelques manipulations hésitantes, elle trouva un dossier épais portant un logo inconnu.
Elle s'assit et étala les documents sur le bureau, son esprit absorbé par les informations devant elle. Parmi les papiers, elle repéra un contrat signé récemment entre Emmett et une entreprise dont le nom, Argentis Global, lui était totalement étranger.
Le contrat mentionnait des termes flous : partenariats stratégiques, transferts de fonds, et une clause de confidentialité stricte. Plus Isabella lisait, plus une sensation de malaise grandissait en elle. Une somme importante semblait avoir été versée sur un compte dont elle ignorait l'existence.
Elle trouva également une correspondance entre Emmett et quelqu'un identifié seulement par des initiales, R.S. Les emails imprimés parlaient de "rendez-vous discrétionnaires" et d'une "finalisation rapide". L'ensemble du dossier dégageait une aura de mystère et de dissimulation.
Isabella, malgré sa culpabilité, ne pouvait détourner les yeux. Elle sortit son téléphone, prenant des photos des pages les plus pertinentes. Une partie d'elle se sentait mal à l'aise de fouiller ainsi dans la vie d'Emmett, mais une autre, plus forte, savait qu'elle ne pouvait plus ignorer son instinct.
Après avoir soigneusement rangé les documents à leur place, elle quitta le bureau et remonta dans sa chambre, le cœur lourd mais déterminé. Elle envoya un rapide message à Edward :
« J'ai trouvé quelque chose. On en parle demain. »
Elle posa son téléphone sur la table de chevet, fixant le plafond dans l'obscurité. Son esprit bouillonnait de questions sans réponses. Qui était R.S. ? Quelles étaient ces "finalisations" mentionnées dans les emails ? Et pourquoi Emmett n'avait-il jamais parlé de cette entreprise ou de ces transactions ?
Alors que la nuit avançait, une chose devenait de plus en plus claire : Isabella n'était plus prête à fermer les yeux.
Le soleil filtrait à travers les stores du bureau lorsqu'Isabella arriva, un peu plus tard que d'habitude. Ses pensées étaient encore encombrées par les découvertes de la veille, mais elle tentait de masquer son trouble en s'investissant dans les tâches de la journée. Elle avait à peine eu le temps de s'installer que Angela fit irruption dans son bureau, visiblement excitée.
« Isa, tu ne devineras jamais qui est ici. »
« Qui?» Demanda-t-elle amusée.
« Edward Masen ! »
Isabella releva la tête brusquement, son cœur s'emballant.
- « Edward ? Ici ? »
Jessica acquiesça avec un sourire éclatant.
- « Oui, et laisse-moi te dire, il est encore plus impressionnant en vrai. Il discute avec le patron, mais il a demandé à te voir. Tu es chanceuse, ma vieille. »
Quelques minutes plus tard, Edward fit son entrée dans son bureau. Son costume impeccablement taillé et son sourire confiant eurent le même effet sur tout le personnel : un mélange d'admiration et d'intimidation. Mais lorsqu'il posa les yeux sur Isabella, son expression se fit plus douce.
- « Isabella, j'espère que je ne te dérange pas ? » demanda-t-il, bien qu'il sache déjà qu'il avait toute son attention.
Elle secoua la tête.
- « Pas du tout. Mais que fais-tu ici ? »
- « Une réunion avec un potentiel partenaire. Mais je me suis dit que c'était l'occasion idéale pour discuter de ce que tu as découvert. »
Ils se dirigèrent vers une salle de réunion vide, loin des oreilles indiscrètes. Isabella lui tendit son téléphone, où elle avait enregistré les photos des documents trouvés chez Emmett.
Edward parcourut les images rapidement, ses yeux s'assombrissant au fil des pages. Lorsqu'il arriva au contrat mentionnant Argentis Global, il s'arrêta net.
- « C'est une société-écran, » dit-il d'un ton grave.
Isabella le regarda, incrédule.
- « Une société-écran ? Tu veux dire qu'elle sert à cacher quelque chose ? »
Edward hocha la tête.
- « Exactement. C'est une technique courante pour effectuer des transactions que l'on ne veut pas rendre publiques. Argentis Global est connue dans certains cercles… pas forcément les plus respectables. »
Isabella sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine.
- « Tu es en train de me dire qu'Emmett pourrait être impliqué dans des affaires illégales ? »
Edward posa son regard sur elle, sérieux mais compatissant.
- « Je ne veux pas te faire paniquer, mais c'est une possibilité. Ce contrat, cette correspondance… tout cela indique qu'il y a plus qu'un simple problème de loyauté dans votre relation. »
Elle détourna le regard, luttant pour digérer ces révélations. Pendant longtemps, elle avait vu Emmett comme un homme irréprochable, presque parfait. Mais à mesure que les pièces du puzzle s'assemblaient, une image bien différente émergeait.
Edward s'approcha, posant doucement une main sur la table entre eux.
- « Tu vois maintenant pourquoi je t'ai dit que tu méritais mieux, Isabella. Mais ce n'est que le début. Si tu veux vraiment connaître toute la vérité, il va falloir creuser plus profondément. »
Elle leva les yeux vers lui, sentant une étrange combinaison de peur et de détermination s'éveiller en elle.
- « Comment ? »
Edward esquissa un léger sourire, presque imperceptible.
- « En me laissant t'aider. Ensemble, nous trouverons les réponses. Mais tu dois être prête à affronter ce qui pourrait surgir. »
Isabella inspira profondément. Malgré le tourment qui l'habitait, elle ressentait une nouvelle force naître en elle. Elle était fatiguée d'être dans l'ombre, fatiguée de ne pas avoir le contrôle.
- « Je veux savoir, » dit-elle finalement, sa voix ferme.
Edward hocha la tête, satisfait.
- « Alors nous continuerons, Isabella. Peu importe où cela nous mène. »
Alors qu'ils quittaient la salle de réunion, Isabella sentit une transformation s'opérer en elle. Elle n'était plus seulement une spectatrice de sa propre vie. Elle était prête à en devenir l'actrice principale.
L'horloge indiquait 18 h 30 lorsque le téléphone d'Isabella vibra sur son bureau. Elle posa son stylo et fixa l'écran. Le nom d'Emmett s'affichait. Son cœur fit un bond, une tension familière s'installant dans sa poitrine. Elle décrocha après une brève hésitation.
- « Allô ? »
- « Salut, Isa, » répondit-il d'une voix étonnamment légère. « Je suis devant ton bureau. Tu as fini ta journée ? »
Elle cligna des yeux, prise de court. Ce n'était pas dans ses habitudes de passer la chercher à l'improviste.
- « Pas encore, mais je peux finir dans quelques minutes. Pourquoi ? »
- « J'ai pensé qu'on pourrait aller boire un verre dans ce bar charmant sur la 5ᵉ avenue. Juste pour se détendre avant de rentrer à la maison. Tu es partante ? »
Un bar ? À cette heure ? Isabella sentit son estomac se nouer. Elle n'avait pas oublié les découvertes qu'elle avait faites sur lui, ni l'analyse d'Edward plus tôt. Mais refuser risquait de lui paraître suspect. Inspirant profondément, elle répondit avec une neutralité maîtrisée.
- « Euh… oui, pourquoi pas. Donne-moi cinq minutes. »
Elle raccrocha et prit quelques secondes pour se recomposer. Son esprit tourbillonnait avec les informations accumulées durant la journée, mais elle savait qu'elle devait se montrer prudente. Elle glissa son carnet dans son sac et se dirigea vers l'ascenseur.
En sortant, elle trouva Emmett adossé à sa voiture, vêtu d'une veste décontractée et d'un sourire chaleureux. Ce même sourire qui avait autrefois suffi à la faire fondre, mais qui, aujourd'hui, éveillait en elle une méfiance grandissante.
- « Tu es ravissante, comme toujours, » dit-il en lui ouvrant la portière.
- « Merci, » répondit-elle avec un léger sourire, s'efforçant de paraître naturelle. Elle s'installa dans la voiture, tandis que son esprit analysait chaque mot, chaque geste.
Ils arrivèrent dans un bar élégant, situé dans une ruelle calme. L'ambiance était cosy, avec des lumières tamisées et une musique jazzy en fond sonore. Emmett lui tira une chaise avant de s'asseoir en face d'elle, l'air parfaitement détendu.
- « Je pensais qu'on pourrait discuter un peu, juste toi et moi, » dit-il en lui tendant une carte des cocktails.
- « C'est une bonne idée, » répondit-elle, feuilletant la carte tout en l'observant discrètement.
Le serveur arriva rapidement, et Emmett commanda un verre de whisky tandis qu'Isabella opta pour un cocktail léger. Une fois servis, Emmett leva son verre.
- « À nous, » dit-il avec un sourire.
Elle fit de même, bien que son esprit restât méfiant.
- « À nous. »
Pendant quelques minutes, ils parlèrent de sujets légers : sa journée au travail, des anecdotes banales sur leurs collègues. Mais Isabella sentait une tension sous-jacente. Et finalement, il aborda le sujet qui l'intriguait.
- « Alors, ce gala ? » dit-il en sirotant son whisky. « Qu'est-ce que tu faisais exactement là-bas ? »
Isabella posa doucement son verre, feignant la surprise. Il revenait encore sur ce gala. Ce n'était clairement pas normal.
- « C'était pour le travail. J'y ai rencontré des gens intéressants, des partenaires potentiels. »
- « Avec Edward ? » demanda-t-il, son ton toujours léger, mais son regard un peu plus perçant.
Elle haussa les épaules, gardant une expression neutre.
- « Oui, il m'a présenté à certaines de ses connaissances. C'était purement professionnel. »
Emmett esquissa un sourire, mais Isabella sentit que ses yeux la scrutaient, cherchant à percer quelque chose.
- « Intéressant. Tu sais, tu n'as pas besoin de t'impliquer autant. Je veux dire, on a une vie bien remplie, toi et moi. »
Elle pencha légèrement la tête, ses mots l'irritant malgré elle.
- « Pourquoi pas, Emmett ? Ce genre d'opportunité peut m'ouvrir des portes. »
Il rit doucement.
- « C'est vrai. Peut-être que je m'inquiète trop. »
Elle sourit, mais intérieurement, elle restait sur ses gardes. Elle savait qu'il ne disait pas tout, et cette sortie improvisée ne faisait qu'alimenter sa méfiance. Après une heure à discuter, ils finirent leurs verres et quittèrent le bar. Isabella s'efforça de maintenir une façade calme, bien que son esprit soit en ébullition. Ce qu'elle avait découvert continuait de la hanter, et elle savait qu'elle n'en avait pas fini avec Emmett et ses secrets.
Ils montèrent dans la voiture après avoir quitté le bar. Une fois sur la route, Emmett rompit le silence qui s'était installé.
- « Alors, où en sommes-nous avec les préparatifs du mariage ? » demanda-t-il, les mains détendues sur le volant.
Isabella fut surprise par la question. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas évoqué le sujet, et elle avait même commencé à se demander s'il évitait intentionnellement cette conversation. Elle se redressa légèrement dans son siège, cherchant ses mots.
- « Eh bien... » Elle hésita. « Il reste encore quelques détails à finaliser. La liste des invités est presque complète, mais il faudrait qu'on se mette d'accord sur le menu. Et puis, il y a la déco. »
Emmett hocha la tête, l'air pensif.
- « Ah, oui. Le menu. Mes parents voulaient qu'on ajoute une option végétarienne, tu te souviens ? »
Isabella acquiesça.
- « Oui, je m'en occupe. Je vais voir ça avec le traiteur cette semaine. »
Il tourna brièvement la tête vers elle, un sourire sur les lèvres.
- « Tu gères tout ça comme une pro. Franchement, je ne sais pas ce que je ferais sans toi. »
Elle se força à sourire en retour, mais une part d'elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine amertume. Ce mariage, qui autrefois représentait un rêve, semblait désormais enveloppé d'un voile d'incertitude et de questions non résolues.
- « Et la robe ? » demanda-t-il, comme pour alléger l'ambiance. « Tu as déjà fait ton choix, non ? »
Elle hocha la tête.
- « Oui, elle est prête. Il ne reste qu'un dernier essayage. »
- « Ça va être parfait, » dit-il doucement. « Toi, dans ta robe, moi en costume. Tout va être comme on l'a imaginé. »
Le ton nostalgique de ses paroles aurait pu la rassurer, mais elle sentit un poids s'installer dans sa poitrine.
- « Il faudrait aussi qu'on confirme les témoins, » dit-elle, changeant légèrement de sujet.
Emmett acquiesça.
- « Oui, mon témoins est toujours partant. Et toi ? Tu as décidé qui serait ta témoin ? »
Elle hésita une fraction de seconde.
- « Alice, probablement. Elle est toujours là quand j'ai besoin d'elle. »
- « C'est une bonne idée, » dit-il, son sourire s'élargissant. « Alice sera parfaite. »
Ils continuèrent à parler des derniers détails : les alliances, le fleuriste, les horaires du photographe. La conversation se déroulait sans heurt, presque comme avant. Pourtant, dans l'esprit d'Isabella, chaque mot prononcé par Emmett était passé au crible de ses doutes.
Enfin, ils arrivèrent devant leur maison. Alors qu'il coupait le moteur, Emmett se tourna vers elle, une étincelle dans les yeux.
- « Je sais que ça a été beaucoup de travail, mais ça va valoir le coup. On va avoir une journée parfaite, Isa. »
Elle hocha doucement la tête, un sourire en façade.
- « Oui, parfaite. »
Alors qu'ils entraient dans la maison, elle ne pouvait s'empêcher de penser à tout ce qu'elle avait appris et à ce qui pourrait encore se dévoiler. Ce mariage parfait dont il parlait... Était-ce encore ce qu'elle voulait vraiment ?
La maison était plongée dans un calme trompeur. Le son du match de base-ball diffusé à la télévision remplissait le salon, mêlé au léger cliquetis des glaçons dans le verre d'Emmett posé sur la table basse. Lui, installé confortablement sur le canapé, commentait occasionnellement une action, totalement absorbé par le jeu.
De l'autre côté de la pièce, Isabella était assise dans un fauteuil près de la fenêtre. Une lampe à lumière douce éclairait le livre ouvert sur ses genoux, un manuscrit qu'elle devait examiner pour le travail. Pourtant, les mots sur les pages semblaient flous, ses pensées constamment détournées vers un autre sujet.
Elle jeta un coup d'œil discret vers Emmett. Il avait l'air si détendu, si sûr de lui. Mais derrière cette façade paisible, elle voyait maintenant quelque chose de différent. Chaque sourire, chaque geste lui paraissait empreint d'un secret qu'elle n'avait pas encore entièrement dévoilé.
Sans bruit, elle posa le livre à côté d'elle et attrapa son téléphone. Le poids des documents qu'elle avait trouvés plus tôt dans la semaine semblait brûler sa conscience. Elle ouvrit sa galerie, où les photos des papiers qu'elle avait prises s'affichaient en une mosaïque froide et distante.
Elle agrandit une image : le contrat signé par Emmett avec l'entreprise mystérieuse. Edward avait dit que c'était une société-écran, et elle commençait à le croire. Une autre photo montrait des relevés bancaires avec des montants qui ne correspondaient à rien de ce qu'elle connaissait dans leur vie commune.
Isabella sentit un frisson parcourir son échine. Ces preuves étaient accablantes, mais elles soulevaient plus de questions qu'elles n'apportaient de réponses. Qu'était réellement cette entreprise ? Pourquoi Emmett n'en avait-il jamais parlé ? Et, surtout, était-il l'homme qu'elle croyait connaître depuis tant d'années ?
Elle leva brièvement les yeux vers Emmett. Il semblait si insouciant, si normal. La juxtaposition entre son apparence détendue et les découvertes qu'elle venait de faire lui donnait un goût amer.
Pour la première fois, une pensée s'imposa dans son esprit avec une clarté troublante : Et si Emmett n'avait plus de place dans ma vie ?
Le match s'emballa, et Emmett réagit vivement, levant les bras pour célébrer un point marqué. Mais Isabella ne partagea pas son enthousiasme. Elle était déjà ailleurs, plongée dans ses propres interrogations.
Une question la hantait, refusant de se taire, alors qu'elle éteignait son téléphone et reprenait le livre sur ses genoux, plus par automatisme que par véritable envie de lire.
