Une très longue scène continue, en début de chapitre... habituez vous, ils ont tendance à beaucoup me faire ça !
Merci pour les reviews et les lectures, les fidèles et les autres, cela me fait très plaisir de savoir que vous appréciez !
Bonne lecture !
Chapitre 4
Sherlock revint, posa les deux verrines sur la table. John était persuadé qu'il était rassasié, mais se remit à saliver d'envie. Il attaqua son dessert, toussa quand il prit trop de poudre de chocolat. Sherlock, plus circonspect, semblait plutôt jouer avec son dessert, réduisant le délicat équilibre des différentes couches du tiramisu à néant.
— Je suis patient, indiqua John au bout d'un moment.
Sherlock soupira.
— Mais tu as cours dans une heure.
C'était rigoureusement exact. L'étudiant en médecine aurait voulu répondre d'un ton léger qu'il s'en fichait, qu'il pouvait sécher un cours, qu'il le rattraperait sur quelqu'un, il savait qu'il ne serait pas crédible. Et il voulait aller en cours.
— C'est vrai. Tu ferais mieux de te dépêcher, du coup.
Sherlock soupira derechef, mais avec un demi-sourire.
— J'observe les gens, et je les déduis, avoua-t-il. Je fais ça depuis tout petit. Ça n'a jamais été vraiment conscient, au départ. Je voyais tous les détails des gens, et mon esprit se demandait sans cesse pourquoi un pli sur un vêtement à cet endroit-là et pas ailleurs. Pourquoi un tel bronzage. Pourquoi un tel maquillage fait à la va-vite. J'engrangeais des milliers de détails et... quand j'étais petit, je ne maîtrisais pas mon cerveau comme aujourd'hui.
John l'écoutait, sourcils froncés. Il n'était pas tout à fait sûr de bien comprendre.
— Les informations... je ne savais pas les trier, les gérer. Je les obtenais toutes, et c'était trop. C'était un flux permanent de dizaines et dizaines d'informations dont je ne savais pas quoi faire, et qui se stockaient dans mon cerveau. Certaines n'ont pas été supprimées. Je peux encore te dire la couleur du chemisier de la maitresse le 12 janvier de ma quatrième année de primaire.
John se souvenait à peine du nom et du visage de son enseignante de la même année. Il ouvrit des yeux ronds.
— Comment ça, « supprimés » ? demanda-t-il.
Sherlock lui fit signe de se taire, et John battit en retraite. Il avait fini son dessert, et il était évident que Sherlock ne mangerait pas le sien. Pour le sauver de la destruction, il étendit le bras, attrapa la verrine, et l'attira à lui, dans la plus grande indifférence de son propriétaire.
— C'était... épuisant. Terrifiant, aussi. Quand tu arrives dans une pièce, par exemple, en entrant ici. Qu'est-ce que tu vois ?
John avala sa cuillerée précipitamment. Il avait cru qu'il n'aurait pas le droit de parler pendant un moment, et était surpris que Sherlock le fasse finalement intervenir.
— Heu, je ne sais pas...
— Ta première impression en arrivant, insista Sherlock.
— Que c'était sombre, l'odeur de cuisine, quelques clients... décrivit John, maladroit.
Sherlock soupira, comme s'il était déçu et soulagé tout à la fois.
— C'est ce que perçoivent la plupart des gens. Moi, je sais quasiment instantanément le nombre de gens, leur positionnement dans la place, la couleur des murs, du sol, du comptoir, des tables, des menus, j'identifie et décompose les odeurs, j'apprends le motif des carreaux au sol et celui des nappes, le type de verre, leur nombre, je sais le nombre d'affiches et tableaux au mur, et ce qu'ils représentent... Le tout en quelques secondes, le temps qu'il te faut à toi pour te faire ta première impression. Enfant, tout était comme ça.
— Ce devait être terrifiant, en effet, déplora John avec tristesse.
Il était impressionné, bien sûr, parce qu'il n'avait pas remarqué qu'il y avait des affiches pour des films italiens au mur, alors qu'ils étaient là depuis plusieurs dizaines de minutes. Mais quand il pensait au flux d'informations que cela devait représenter pour un enfant, agressé par toutes ses connaissances qui lui sautaient au visage, il était plus triste qu'autre chose.
Sherlock le regarda bizarrement, et John s'excusa de l'avoir interrompu.
— Ce n'est pas ça, le détrompa le génie. Personne n'a jamais ressenti ça pour moi. De l'empathie pour l'enfant que j'étais. C'est... surprenant. En même temps, je n'avais jamais raconté ça ainsi à personne.
John était touché. Il n'avait, objectivement, aucune idée de pourquoi Sherlock le traitait différemment de la manière dont il semblait traiter le reste du monde. Mais il en était très ému.
— Mais du coup, oui, c'était terrifiant, épuisant. En grandissant, j'ai appris à traiter les informations, supprimer les éléments inutiles dès qu'ils arrivaient, hiérarchiser les données. J'ai utilisé une méthode pour classer les données de mon esprit. J'ai développé tout ça. Et dans le même temps, j'ai développé mon analyse de toutes les données que je recevais, et j'ai mis ça en comparaison des autres éléments des gens. Et... c'est là que les gens n'aiment pas la suite.
John lui sourit doucement.
— Je ne crois pas que je puisse être encore effrayé, à ce stade. Continue.
— Je me suis mis à déduire les gens. Pouvoir savoir, d'un regard, qui ils sont, ce qu'ils font, avec qui ils trompent leur femme ou leur mari, une grande partie de leurs rêves et aspirations, leurs interactions et liens avec les autres membres d'une pièce...
John haussa les épaules, essayant de ne pas montrer à quel point il trouvait ça impressionnant.
— Tu devines les gens ? Comme un mentaliste, tu sais, les mecs dans les spectacles de magie ? Honnêtement, ça ressemble plus à un super-pouvoir qu'autre chose, pour moi.
Sherlock se ferma, visage durci.
— Je ne devine pas, grinça-t-il. Je déduis. J'ai tout inventé. J'ai appelé ça la science de la déduction.
Il avait l'air vexé d'être comparé à un magicien, alors que John avait plutôt voulu tourner cela comme un compliment flatteur.
— Ok, ok, tu déduis. Ok. Je vois quand même pas en quoi ça peut être gênant.
— Parfois, je ne sais pas me taire, reconnut Sherlock. Souvent, en fait.
— Oh.
— Comment réagirais-tu si, en présence de tes camarades à l'Imperial, je révélais à voix haute l'alcoolisme de ton frère ? Les mauvais traitements de tes parents ? Le fait que tu sois boursier, que tu n'as absolument pas les moyens financiers de la plupart de tes camarades, et qu'au contraire, tu comptes chaque centime ? Ou alors le fait que tu les apprécies, mais tu n'as pas de véritable lien avec eux, et que tu n'en veux pas ?
John ne répondit rien, mais il serra les poings. Il comprit soudainement l'avertissement de Sherlock, lui demandant de ne pas lui jeter son verre à la figure. S'il avait effectivement fait ça en public, John aurait eu envie de lui en coller une, essentiellement pour le faire taire.
— Ce n'est pas un sentiment très agréable d'être disséqué, grinça-t-il entre ses dents.
— Je sais, soupira Sherlock. Les gens disent tous ça, dans des variations plus ou moins impolies. Mais c'est si simple, parfois je ne me rends même pas compte que je déduis.
Lentement, John décrispa sa main refermée. Sherlock le regarda faire avec intérêt. Désormais, l'attention que Sherlock lui portait était plus gênante que flatteuse. Il avait l'impression que chaque variation de son comportement rajoutait une méta-donnée à « l'image mentale de John Watson par Sherlock », et il se demandait ce que chaque expression voulait dire, comment elles étaient cataloguées, expliquées.
— Tu ne m'as pas encore frappé ! lança joyeusement Sherlock.
— C'est si surprenant ?
— Oh oui. Ta réaction n'est pas celle habituelle.
— Qui est de te faire frapper ?
— Ça arrive. Mais ce sont surtout des insultes. Et même pour ça, les gens sont très peu imaginatifs. La plupart du temps, ils m'enjoignent à aller me faire foutre.
Il était mortellement sérieux, et John eut envie de rire, un instant. C'était peut-être déplacé, mais ça allégea la tension entre eux, son visage reflétant soudainement son envie, ce que Sherlock comprit immédiatement.
— Ok. Je ne vais pas te frapper. Mais je ne trouve pas ça agréable. Et surtout, ce n'est pas juste. Je conçois que si tu révèles des liaisons ou des secrets de famille en public, les gens aient envie de t'insulter. On a tous une ou deux choses qu'on garde pour nous, et qu'on n'a pas envie que les autres sachent. Mais en plus, c'est très inégalitaire. Tu t'en rends compte ?
Sherlock fronça les sourcils.
— Inégalitaire ?
— Eh bien comme tu viens de le dire si délicatement, tu sais tout de moi. En un battement de cils, d'après ce que j'ai compris.
— Pas exactement, corrigea Sherlock. Je t'ai observé. Ça m'a pris un peu plus de temps.
John balaya l'argument de la main, préférant ne pas s'appesantir sur le fait que cette information sonnait comme psychopathe, par-dessus le marché.
— Mais moi je ne sais rien de toi. Tu comprends ? Une relation, c'est donnant-donnant. On ne peut pas s'attendre à ce que l'un sache tout de l'autre, sans retour. Ce n'est pas sain. Ça ne fonctionne pas comme ça.
Sherlock avait le regard fermé, encore plus que précédemment, mais davantage dû à l'incompréhension qu'à une certaine forme de colère.
— Mais je ne veux pas de « relations » avec ces gens, ni même avec quiconque.
Il avait craché le mot avec dégoût, comme si l'idée même de fréquenter quelqu'un le répugnait. John fit de son mieux pour ne pas paraître blessé, mais il savait désormais que c'était peine perdue. Il comprenait soudain leur dernière rencontre, au café. Il était nerveux, et Sherlock l'avait vu — pardon, l'avait déduit — alors même que personne ne voyait jamais rien en John habituellement.
Présentement, John pouvait bien tenter de masquer ce qu'il ressentait, face à l'énergumène en face de lui, c'était inutile. Or, il était blessé. Lui voulait fréquenter ce garçon, apprendre à le connaître, devenir son ami. C'était un sentiment étourdissant. Sherlock était quelqu'un de fascinant, et il voulait devenir proche de lui. Alors entendre que l'autre ne le voulait pas, ça faisait mal.
Cependant, le jeune garçon avait la tête baissée, et se tenait dans une drôle de position, les bras autour de son corps, comme s'il essayait de se serrer dans ses propres bras, très fort. John n'avait jamais vu un tel comportement. Une part de lui se promit de chercher. Ça ne paraissait pas normal, à ses yeux. Peut-être que Sherlock avait besoin de quelque chose, mais John ne savait pas quoi, et il ne pouvait pas le lui donner.
Et peut-être que du coup, n'ayant pas vraiment regardé John, la souffrance que sa phrase venait de lui provoquer lui avait échappé. John répondit alors simplement, comme si de rien n'était.
— Bien sûr que tu ne veux pas de relations avec ces gens. On ne cherche pas à nouer de contacts avec tous les gens qu'on croise, c'est évident. Mais les gens éprouvent le besoin de ne pas se sentir dominé. Que les échanges qu'ils ont avec les autres soient équilibrés. Si tu dis tout à propos d'eux mais rien à propos de toi, forcément, cela sonne... agressif. Tu te mets dans une position supérieure.
Sherlock le regarda avec curiosité. Ses yeux étaient vraiment très expressifs.
— Je n'avais jamais vu les choses comme ça, reconnut-il. Merci.
John pouffa.
— Je ne pensais pas pouvoir t'apprendre un truc, ni t'entendre me remercier un jour ! s'esclaffa-t-il.
À sa grande surprise ravie, il vit Sherlock sourire également.
— Hé, j'apprends encore, je le sais bien. Je suis capable de le reconnaître et d'en remercier les gens !
Il tentait de paraître offusqué, mais il était clair qu'il partageait l'amusement de John, et que même s'il pensait ce qu'il disait, il s'amusait sincèrement.
— Ravi de le savoir ! s'exclama John.
Dans un réflexe, une habitude, un geste mécanique, il tendit le bras par-dessus la petite table, et posa sa main sur le bras de Sherlock, qui avait relâché sa posture bizarre. Pour John, le mouvement était anodin. Il était quelqu'un de relativement tactile, il n'avait jamais eu de problème avec ça. Mais il sentit Sherlock se crisper sous son toucher, et le vit se figer. Il retira aussitôt sa main. Il se sentit s'empourprer, avec l'envie de s'excuser, de balbutier quelque chose, n'importe quoi, mais il craignit que ce soit pire encore. Une fois sa main enlevée, Sherlock faisait mine de rien, comme s'il obligeait chaque muscle de son corps à se décrisper l'un après l'autre.
John inspira profondément, ce qui n'échappa pas à son interlocuteur, puis reprit d'un ton badin.
— Alors, tu m'expliques comment tu as tout su de moi en un clin d'œil ?
Il maintenait un ton léger, mais le sujet n'était pas anodin. Il espérait que Sherlock comprendrait le message sous-jacent. Le jeune homme avait ramené ses bras autour de sa poitrine, comme précédemment, et releva son regard vers lui. Un bref instant, leurs prunelles s'accrochèrent, se fixèrent, se parlèrent sans un mot. Puis Sherlock hocha lentement la tête. Il avait compris. John acceptait qu'ils parlent de lui, de sa famille, de son enfance. De tout ce qu'il cachait en permanence à ses camarades, qu'il ne disait jamais à personne. C'était quelque chose d'important, une marque de confiance. Une manière de dire à Sherlock que oui, sa réaction de rejet au contact de John était un problème d'importance, que John n'insisterait pas, mais qu'il acceptait de se livrer en retour, et espérait qu'un jour Sherlock fasse de même, en vertu du principe d'égalité et de réciprocité des relations précédemment évoqués, mais que pour autant il ne le forcerait pas à parler s'il n'en avait pas envie. C'était sans doute un peu tordu, sans un mot, mais ils se comprirent sans souci.
— Je n'ai pas tout su en un clin d'œil, comme je le disais. Je t'ai observé longtemps.
— Ça sonne très psychopathe, dit comme ça. Évite de recommencer.
— À t'observer ?
— À le dire à d'autres gens que tu les observes quand ils ne le savent pas. Tu finiras en prison en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
À voir l'air de Sherlock, il ne semblait pas trouver ça très grave. Voire intéressant, pour des raisons qui échappaient à John. Il marmonna quelque chose à voix basse qui contenait les mots « carrière » et « Mycroft », mais John ne savait toujours pas ce que ça voulait dire.
— Bien noté, répondit-il toutefois. Ce que je voulais dire, c'est qu'avec un coup d'œil rapide, pour l'instant, je n'ai qu'un portrait incomplet et simple des gens. Il faut que je m'approche davantage pour savoir des choses plus précises. L'alcoolisme de ton frère, par exemple, je l'ai su avec ton livre d'anatomie. Il y a un nom à l'intérieur de la couverture. Harry Watson. Ce n'est donc pas ton livre, mais c'est ton nom, Watson. Tu écris JW en haut à gauche de toutes tes prises de notes, par réflexe. C'est un livre de première année. Tu l'as hérité de ton frère, qui a fait les mêmes études que toi. Sauf que lui, il les a arrêtées. Et son écriture est devenu beaucoup trop tremblante, pour devenir inexistante.
John se souvenait d'avoir vu Sherlock feuilleter à vitesse grand V son manuel, une fois, mais le fait qu'il en ait retenu le nom, et analysé la graphie de toutes les notes dans la marge était assez ébahissant. Harry ne prenait en effet pas ses cours en notes, elle annotait les pages des bouquins qu'elle avait. Ses parents avaient nourri de grands rêves pour elle, et acheté beaucoup plus de choses qu'ils n'avaient dépensé pour John, qui avait tout hérité de sa sœur.
Sherlock continua ainsi, expliqua les réactions parfois vives de John quand il entendait certains bruits, sa manière de réagir aux cris, aux cliquetis des ceintures, le fait qu'il n'en portait jamais et préférait parfois devoir remonter un pantalon trop grand qui glissait sur ses hanches, sa manière de se tenir, son retrait léger par rapport aux gens, ses vêtements, son lieu de vie. Bien sûr, Sherlock l'avait suivi jusque chez lui, et il savait — Dieu seul savait comment — que l'immeuble contenait quelques appartements minuscules qui servaient pour les boursiers ou les cas particuliers, loin des chambres étudiantes du campus, partagées entre plusieurs étudiants. Il n'avait pas détecté ce qui faisait réellement la particularité de John, mais globalement, il en brossa un portrait fidèle, voire plus lucide que John n'en avait sur lui-même. Il ignorait frémir quand il entendait une boucle de ceinture. Pendant longtemps, bien sûr, le son avait représenté pour lui une terreur absolue. Ne pas savoir ce qui allait se produire. Est-ce que son père était simplement en train d'enlever son uniforme ? Est-ce qu'il était sobre ? Est-ce qu'il était bourré, et allait s'endormir ? Est-ce qu'il était bourré ET de mauvaise humeur, et allait utiliser sa ceinture ? Sa mère allait-elle protester, cette fois ? Lequel de ses enfants l'énervait le plus en cet instant très précis ? Est-ce que ça allait faire mal, comme la dernière fois ?
Pour cette dernière question, la réponse était toujours oui. La ceinture faisait toujours mal. John savait que par certains aspects, il avait eu de la chance. Contrairement à d'autres gosses, son père ne l'avait pas battu dès sa toute petite enfance, tous les jours de sa vie. Cela n'avait duré que quelques années, et c'était très irrégulier, motivé uniquement par une combinaison de mauvais jours et d'alcool. Mais il se souvenait encore combien, enfant, ce bruit d'une ceinture qu'on ouvre le terrifiait, parce qu'il ne savait pas ce qui allait arriver. L'attente, l'angoisse, puis la douleur ou le soulagement, jusqu'à la prochaine fois, n'étaient pas de choses qui s'oubliaient facilement.
Quand John avait commencé le rugby, en fin de collège, son père avait arrêté de s'en prendre à lui. John n'était pas grand, mais plus large d'épaules que son père, et il avait appris à se défendre. Son père cessa de lui-même, sans que John ne le frappe jamais en retour.
Ainsi, John avait eu tout le lycée pour guérir de sa crainte des bruits de ceinture. Il avait appris à ne plus sursauter quand ses camarades ouvraient les leurs pour se déshabiller, dans les vestiaires. Il avait sincèrement cru qu'il n'y réagissait plus, même quand il entendait Mike réajuster la sienne en s'asseyant, ou Alec jouer avec la boucle machinalement, un TOC dont il n'avait pas conscience.
Mais manifestement, il n'était pas si guéri que ça, et il trouvait fou que Sherlock ait remarqué ce genre de détails.
— Tu ne dis rien, commenta Sherlock au bout d'un moment. J'avoue ne pas savoir interpréter ton silence.
— Moi non plus, avoua John. Je suis terrifié, et extrêmement impressionné à la fois. C'est un sentiment très étrange. Je n'avais jamais ressenti ça.
— Explicite, exigea Sherlock comme un enfant impatient. Tu es la première personne qui réagit comme ça. Qui me laisse expliquer absolument toutes mes déductions sans m'interrompre, sans m'insulter, ou me promettre mille souffrances si je ne dégage pas dans les trois secondes.
Il était réellement excité, et son visage s'illuminait comme un enfant au matin de Noël qui trouve ses cadeaux au pied du lit. Il était bizarrement adorable.
John jeta un regard à sa montre, étouffa une bordée de jurons.
— Il faut que je retourne à l'Imperial ! Je vais être en retard !
Il se leva précipitamment, soudain paniqué. Il venait prendre conscience qu'au lieu de déjeuner rapidement à la cantine et aller bûcher ses cours, il avait passé toute sa pause à discuter avec Sherlock. Déglutissant lentement, il commença à calculer le retard qu'il avait accumulé dans ses révisions, et cherchait comment le compenser. Enlever deux heures de sommeil par nuit, peut-être. Se coucher une heure plus tard, se réveiller une heure plus tôt. Pendant toute une semaine. Ça pouvait le faire. Il dormait déjà cinq heures à peine. Ça serait une semaine compliquée, mais c'était jouable.
Sherlock avait bondi debout à son tour.
— Je viens avec toi ! Tu m'expliqueras en chemin !
Sa proposition était la bienvenue, John n'avait aucune idée d'où ils étaient et par où rentrer à la fac. Puis, le jeune garçon sembla réaliser le tourment et l'angoisse de John, et comprit aussitôt ce qu'il en était.
— Leandro ! appela Sherlock en direction de la cuisine. On doit y aller, désolé ! Je te laisse l'argent dans la caisse ! À la prochaine !
En quelques mouvements rapides, il sortir de sa poche un portefeuille, trois billets de 20 , et les déposa dans un tiroir-caisse qui datait du siècle dernier, assurément. Puis, ils s'enfuirent rapidement du restaurant, John désespéré à la vue de la grande aiguille de sa montre. Il lui restait sept minutes pour rejoindre son amphi.
— Où as-tu cours, John ? demanda Sherlock en le regardant partir à droite.
John se demanda pourquoi l'autre ne lui suivait pas. C'était pourtant bien par là qu'ils étaient arrivés.
— Amphi C, répondit-il mécaniquement, connaissant son emploi du temps par cœur.
— Ok. Par là. Fais-moi confiance et ne pose pas de questions.
Il partit dans l'autre sens, et John obéit.
Ils n'eurent pas le temps de discuter sur le trajet, finalement, marchant trop rapidement pour ça. John était hors d'haleine, Sherlock paraissait capable de courir comme ça pendant encore des kilomètres sans en éprouver la moindre gêne. Il les fit passer dans petites rues, des dédales incompréhensibles. Quand ils parvinrent à une porte de service, d'un bâtiment que John reconnut comme faisait partie du campus, mais à des lieues de la moindre entrée officielle, il crut que c'était fini, lorsque Sherlock sortit de sa poche des outils bizarres. John comprit simultanément que le manteau informe qu'il portait était choisi pour sa capacité à avoir des poches extensibles pour tout un tas de bric-à-brac, et que ce qu'il venait de sortir était un kit de crochetage de serrure. Il fallut moins d'une minute à Sherlock pour déverrouiller la porte et l'ouvrir, et ils poursuivirent leur course. John fut abasourdi de découvrir qu'après deux couloirs, ils étaient à proximité de l'amphi C. Ses camarades entraient dedans dans un joyeux bazar, le cours n'allait pas tarder à commencer.
Il se retourna vers Sherlock, ne sachant pas quoi dire. Merci, sans doute, aurait été une bonne solution. Pourtant, ce qui sortit de sa bouche fut tout autre.
— Tu as une carte dans la tête, ou quoi ?
— Plus ou moins, reconnut Sherlock. Il me manque encore certaines parties de Londres. J'apprends encore.
John le regarda avec fascination, bouche bée.
— Putain, Sherlock, t'es la personne la plus brillante que j'ai jamais rencontré. C'est fou. T'es fou.
Sherlock rougit, gêné.
— Va en cours, ordonna-t-il à la place.
— Tu ne viens pas ? demanda John.
Il avait encore tellement de choses à lui dire.
— Non. Pas pour moi. Je te retrouve ce soir, si tu veux. Quand tu seras seul, c'est mieux pour moi. Va.
John vécut son cours avec un étrange sentiment, le cœur battant dans la poitrine de manière désordonné. Cela ne l'empêcha pas d'être concentré, et de tout prendre en note de son cours de biologie cellulaire, un de ses préférés, mais il sentait l'adrénaline dans ses veines, et savait que c'était entièrement dû à Sherlock. Il ne savait honnêtement pas comment se positionner vis-à-vis de lui. Il ne le cernait pas vraiment, et il ne savait pas ce qu'il attendait de lui, mais John était content de le compter parmi ses relations. Sherlock était réellement quelqu'un d'extraordinaire.
— Hey, John, t'étais passé où ? lui demanda Judith, au cours d'une pause. On t'a pas vu venir, à midi. On t'avait gardé une place.
Mike et Alec acquiescèrent.
— On a viré tous les gens qui voulaient s'assoir pour rien ! On est passés pour des cons !
— Oh, parce que ça change de d'habitude, ça ? répliqua John, faisant rire tout le monde.
Ça n'avait rien de méchant, ils ne faisaient que se charrier. Ils faisaient ça tout le temps. Ça leur était naturel. L'idée étrange traversa l'esprit de John que ce genre de chose n'était sans doute pas le moins du monde naturel à Sherlock.
— Désolé les gars, j'ai croisé un ancien copain de lycée en allant vous rejoindre. Il est à l'Imperial aussi, mais pas en médecine. On est sortis déjeuner pour discuter un peu, depuis le temps ! avoua John. Désolé de vous avoir fait faux bond, j'avais pas de moyen de vous prévenir !
Il fut surpris de voir à quel point personne ne lui demanda de précisions, continuant simplement de le vanner sur le temps de révisions qu'il avait perdu, puis lui demandant si le copain était une copine, et ce que voulait dire « sortir déjeuner », dans ce cas précis, rires gras et sous-entendus inclus.
— Z'êtes tellement lourds, les mecs ! les rabroua Caitlin. Allez-vous faire foutre !
— D'accord, t'es partante ? demanda Peter avec un air amusé.
Elle se vengea aussitôt sur lui, tentant de lui asséner une tape sur le bras, le rata plus ou moins volontairement, et ils explosèrent tous de rire. Peter et Caitlin se disputaient trop pour que ça soit innocent. Sous couvert de ses blagues graveleuses, le jeune homme était sans doute intéressé, mais ne savait pas vraiment comment l'exprimer. Et la jeune femme le laisserait encore mariner quelque temps, mais du point de vue de John, elle avait l'air plutôt réceptive à sa drague maladroite et inexpérimenté.
John se demanda si quelqu'un d'autre que lui l'avait remarqué. Mike lui parlait de Judith, parfois, sans savoir comment l'aborder, considérant qu'ils traînaient tous ensemble comme des potes, et qu'il ne voulait gâcher ni leur amitié, ni leur petit groupe, ni sa première année de médecine, ni la sienne.
Subitement, ils parurent soudain à John tous terriblement aveugles. Ils avaient tous gobé son mensonge sans difficulté. John avait appris très tôt qu'un bon mensonge était une demi-vérité enrobé de mensonges. Si on inventait tout de toute pièce, l'histoire sonnait louche. Avec des détails véridiques, personne ne pensait à s'interroger sur les points totalement faux.
Mais le jeune homme ne pouvait s'empêcher de penser que Sherlock aurait su qu'il mentait. Il l'aurait vu à son regard un peu plus fuyant, à ses ailettes de nez frémissant, au fait que John avait déjà mentionné une fois qu'aucun des camarades de son ancien lycée n'avait réussi à intégrer l'Imperial à part lui. Il se souvenait leur avoir dit ça, un jour. Au moins à Alec, Peter et Mike. Les filles n'étaient pas là, dans ses souvenirs, mais la conversation datait d'un mois, un mois et demi tout au plus. Pourtant, ils l'avaient oubliée, avait accepté l'histoire de John sans effort.
Ils ne voyaient pas quand John mentait. Ils ne voyaient pas que Peter et Caitlin se plaisaient mutuellement. À côté de quoi d'autre passaient-ils ? John les appréciait sincèrement. Il aimait cette bande, ce sentiment d'appartenance à un groupe, la chaleur de leur relation. Mais ça n'en faisait pas des amis, et il trouvait cela singulièrement triste. Au fond, Sherlock qui refusait de se mêler aux gens avait sans doute davantage raison. On risquait moins d'être blessé quand on n'avait pas de relations.
— Jeunes gens, reprenez vos places ! Nous allons reprendre le cours.
La voix de leur professeur venait de retentir dans le micro, et docilement, ils se réinstallèrent tous correctement sur les bancs, descendant des tables où ils s'asseyaient pour se regrouper plus facilement, s'égrainant dans l'amphi jusqu'à être tous à leur place, stylo en main, prêts à reprendre leur marathon de prises de notes habituel.
— Hey, murmura une voix à la droite de John. Ça va ? T'as l'air bizarre.
Mike regardait John avec un air véritablement concerné.
— T'as appris une mauvaise nouvelle ou quelque chose, avec ton ami ? Ça va ? T'as besoin de quelque chose ?
Le prof était en train de résumer rapidement ce qu'ils avaient vu avant la brève coupure bienvenue, et John n'avait que quelques secondes pour répondre à Mike. Et l'inquiétude sincère qu'il ressentait de la part du jeune homme lui réchauffa le cœur. Il avait laissé Sherlock déteindre sur lui, à trop penser ainsi. Ce n'était pas le genre de John, lui qui aimait l'humanité, d'avoir de telles pensées. Il était fou qu'un homme qu'il connaissait si peu ait pu déjà avoir ce genre d'emprise sur lui.
— Tout va très bien, chuchota John en retour avec un grand sourire rassurant. Un peu de nostalgie...
Mike lui sourit en retour, un sourire un peu mélancolique.
— Je vois le genre... le lycée, ça paraît si loin alors que ça ne fait que trois mois ! Mais ça parait être une vie entière vu tout ce qu'on bouffe comme matière !
John hocha la tête en riant discrètement, tandis qu'ils reprenaient enfin les cours, et n'avaient plus le loisir de discuter. Mike n'avait pas tort. Cela ne faisait que trois mois à peine qu'ils avaient commencé médecine, et John avait l'impression que c'était toute sa vie. Il ne savait pas ce qu'il pourrait faire d'autre s'il advenait que les choses se passent mal et qu'il ne parvienne pas à devenir médecin. Il préférait ne pas y penser.
John avait encore un autre amphi, après celui de biologie cellulaire, et ils finirent leurs cours à 20h, épuisés et lessivés, les bras en compote, les mains nourrissant leurs premières tendinites, et les sacs lourds de feuilles noircies d'encre.
Quand ils sortirent, ils faisaient nuit noire, et il gelait à pierre fendre. Sherlock n'était pas en vue, et John s'en voulut de l'avoir cherché du regard à peine les portes battantes de la salle franchie. Il connaissait le garçon depuis une poignée de jours, ça n'aurait pas dû être une habitude.
Et puis de toute manière, il était entouré de ses camarades, et Sherlock avait été très clair sur le fait qu'il ne viendrait pas se mêler à eux.
Ils se saluèrent, se séparèrent rapidement, au fur et à mesure des embranchements puis des rues, tandis qu'ils se hâtaient à rejoindre leurs résidences. Sherlock n'apparut pas, et John, bien qu'il soit bizarrement déçu, en fut également soulagé. Il faisait trop froid pour que le jeune homme ait attendu dehors. Il se serait changé en statue de glace.
John était arrivé devant son immeuble, l'esprit concentré sur ses révisions à venir, quand il sursauta en apercevant une silhouette sous son porche. Il était en train de songer qu'il allait avoir besoin de café très fort, parce qu'il était déjà fatigué et qu'il devrait rester éveillé plus tard que d'habitude pour compenser ses heures perdues, et Sherlock apparaissait sous ses yeux.
— Salut, John, prononça-t-il lentement, comme si tout était normal.
— Mais qu'est-ce que tu fabriques ici ? Tu dois être gelé !
— Hum ? Non, ça va.
John lui renvoya une moue dubitative. D'accord, le jeune homme était pâle, mais John était certain que ses lèvres n'étaient pas bleues naturellement. Son blouson était trop court pour le protéger efficacement, et il n'avait ni gant, ni écharpe, ni bonnet.
— Tu veux entrer te réchauffer ? demanda John, mal à l'aise.
Il n'avait jamais invité quiconque chez lui, de peur que sa condition de boursier et gamin de pauvre soit trop visible, mais Sherlock en savait déjà plus sur lui que n'importe qui d'autre.
— Non, je dois rentrer. Je suis déjà en retard, mais ça n'a aucune importance. Je voulais juste te dire quelque chose. Enfin, te proposer un marché, plutôt.
— Ça ne pouvait pas attendre demain ?
Sherlock fronça les sourcils.
— Je t'avais dit que je te retrouvais ce soir, non ? Alors, je suis là.
John leva les yeux au ciel.
— Ça n'aurait pas été grave si, au final, je ne t'avais vu que demain, explicita-t-il. Mais, s'il fallait vraiment que ça soit aujourd'hui, laisse-moi reformuler ma question : Tu ne pouvais pas attendre au chaud ?
Sherlock semblait réellement perplexe quant au fait que John considère comme négligeable le fait qu'il ne tienne pas ses engagements, mais il choisit de ne pas s'appesantir dessus.
— Ne te crois pas au centre du monde, John, j'ai fait bien des choses depuis que je t'ai quitté. Je ne suis là que depuis une demi-heure, vingt-six minutes, pour être exact, précisa-t-il après un coup d'œil à sa montre.
— Ben, c'est déjà une demi-heure de trop. Ça fait trois minutes que je suis là, et je suis frigorifié ! s'exclama-t-il en frottant ses mains gantées l'une contre l'autre pour activer sa circulation sanguine.
Il regrettait de ne pas vraiment pouvoir faire de même avec ses pieds, et se contentait de sautiller sur place en espérant ne pas perdre un orteil.
— Ça ne fait pas tr... commença Sherlock, rhétorique.
John le fit taire d'un geste. Il ne voulait pas entrer dans le débat, savoir si ça faisait deux minutes et demie ou quatre lui était parfaitement indifférent.
— Ok, soit tu montes qu'on puisse se réchauffer, soit tu me dis ce que tu voulais me dire, ta fameuse proposition, mais en vitesse, j'ai très froid.
— Je ferai vite, promit Sherlock. Je peux t'aider à réviser. Tu as besoin de dormir, et tu prends trop de temps sur certaines choses, c'est absurde. Alors que tu pourrais dormir davantage.
— Hein ? fut la seule réponse que John fut capable de générer.
Il savait qu'il devait avoir l'air particulièrement stupide et inélégant, mais il n'était pas sûr de comment réagir, tant il était abasourdi.
— Tu as déjà entendu parler des techniques de mémorisation ? Non ? Au lieu d'apprendre par cœur, sans réfléchir, comme un automate ?
— Je suis en première année de médecine. Je dois tout apprendre comme un automate, et le recracher mot pour mot au moment des partiels. C'est le job de la première année. La réflexion, on verra plus tard.
— Je ne parle pas de réflexion, répliqua Sherlock. Je parle de techniques de mémorisation, révisions plus efficaces, apprentissage sur le plus long terme... Tu gagneras en temps, en efficacité. Je sais que j'ai une plus grande mémoire que la plupart des gens...
Il tentait sans doute de paraître modeste, mais son air arrogant, supérieur et fier de lui parlait de lui-même.
— ... mais je la travaille aussi. Je t'ai dit que toutes les informations m'arrivent, quand j'arrive quelque part, que je vois tous les détails, que mon cerveau enregistre tout. C'est vrai, mais ça ne l'est plus autant que lorsque j'étais plus jeune. J'ai mis au point des techniques pour supprimer certains éléments, et au contraire en fixer d'autres plus profondément. Je t'aiderai à réviser, les mettre en application. Crois-moi, tu apprendras plus vite.
L'idée était plus que tentante, et en réalité, Sherlock n'avait pas réellement besoin d'essayer de convaincre John : il avait été séduit dès la première seconde. Il trouvait le cerveau de Sherlock fantastique, et il ne faisait aucun doute qu'il ne ferait aucun cadeau à John. Réviser avec lui serait très efficace.
— Okay, accepta-t-il. Mais t'as parlé d'une marché. En échange, tu veux quoi de moi ? Je ne vois pas ce que je peux t'apporter...
— Si, répliqua le jeune génie, l'air grave. J'ai besoin de toi pour comprendre les gens.
John fronça les sourcils. Il était presque tenté d'oublier le froid et de se perdre dans cette conversation avec Sherlock pour toujours, mais il sentait un de ses orteils protester avec virulence. Ou plus exactement, le fait qu'il ne le sente plus au fond de sa chaussure était une protestation en elle-même.
Sherlock dut percevoir son tremblement de froid, parce qu'il se pressa d'ajouter, devinant les questions de John avant même qu'il ne les formule.
— Tu n'as pas réagi comme la plupart des gens à moi et ce que je dis, ce que je fais. J'ai voulu essayer avec quelqu'un d'autre et... ça n'a pas très bien fonctionné. Je sais que j'ai raison sur les faits...
L'air arrogant, le retour.
— ... Mais je ne comprends quand même pas les gens et leurs réactions. Toi oui. J'ai besoin de toi.
Et, en son for intérieur, Sherlock pensa très fort à rajouter « et j'ai besoin de comprendre pourquoi toi, tu es si différent », mais il se tut.
— Okay, ça marche, accepta John. Ça va être sympa.
Il sourit largement à son nouveau meilleur ami. Il aurait adoré lui tendre la main, sceller leur accord d'une poignée virile, mais il se souvint de la répulsion de Sherlock à être touché, et il se retint.
— On se voit demain, trancha Sherlock. Rentre te réchauffer. Et dors, cette nuit. Je te promets que ça ira pour tes révisions.
Il disparut sur ces mots, laissant à peine à John le temps de le saluer. Il n'avait pas précisé où et quand ils se verraient, mais John haussa les épaules en rentrant dans son hall, plutôt froid mais dont la température lui parut être une bénédiction après l'extérieur. Il avait conscience que Sherlock décidait, et qu'il viendrait le contacter. Il était comme un chat sauvage, qui ne se laissait approcher que lorsqu'il le voulait bien. Ça tombait bien, enfant, John avait toujours voulu d'un animal de compagnie.
Il pouffa tout seul dans l'escalier. L'ascension était longue, son appartement était au dernier étage, sous les toits. Au moins, monter les marches mécaniquement accélérait son rythme cardiaque, approfondissait son souffle, et le réchauffait. Il laissa son esprit vagabonder au fur et à mesure des étages. Il se sentait épuisé, ne rêvait que d'une douche chaude et de dormir. Mais, s'il s'en tenait à son planning, il était encore en retard, il avait plusieurs matières à finir, des fiches à établir, des chapitres à relire.
Mais il avait envie de dormir. Et Sherlock lui avait promis que tout irait bien, lui avait presque ordonné de dormir.
John n'avait toujours pas tranché la question en pénétrant chez lui.
Il décida qu'il continuerait d'y réfléchir sous la douche. L'eau chaude dévalant sa peau le brûla, quand elle toucha ses orteils gelés. Le contraste entre l'eau brûlante et les orteils réduits à l'état de glaçons était saisissant. John sentit ses muscles se délasser. L'eau chaude l'apaisait. Son appart était peut-être minuscule, mais il n'avait pas de problème de température d'eau, et une excellente pression au jet, et rien que pour ça, ça valait le coup. Même s'il ne pouvait pas s'attarder trop longtemps sous la douche, ou la facture risquait d'être trop élevée.
Une fois douché, réchauffé, séché et en pyjama, il s'installa sur son lit.
Et ferma les yeux. Deux minutes, se promit-il. Ensuite, il réviserait, mangerait un morceau. Il sombra dans un sommeil profond en songeant que Sherlock avait dit que tout se passerait bien, alors ce n'était pas grave.
Prochain chapitre : Me 21/08. Reviews, si le coeur vous en dit ? :)
Précisions : je serai en vacances, et pas chez moi. Je ne suis donc pas certaine de pouvoir faire vos réponses à reviews la prochaine fois, veuillez m'en excuser !
