Assis dans un canapé, Stiles était anxieux. Scott était allé chercher Lydia à la gare et allait revenir d'une minute à l'autre.
— Vous ne vous êtes pas vus depuis combien de temps ? demanda Isaac.
— Six mois. Elle est partie un matin avec ses affaires et on ne s'est jamais recroisés.
— Même en bossant dans le même service ?
— Terrain, bureau, répondit Stiles en se désignant puis en désignant l'air pour indiquer Lydia.
Il se leva alors et s'éloigna vers la large porte coulissante entrouverte qui permettait d'entrer dans le hangar. Derek l'observa un moment puis le rejoignit et le prit dans ses bras. Stiles soupira.
— Pourquoi es-tu aussi tendu ? lui demanda alors le loup.
— Je ne sais même pas...
— Tu as peur qu'elle dise quelque chose nous concernant ?
— Probablement... On a passé quatre années entières ensemble, ce n'est pas rien, et on se connaît depuis toujours... Je veux dire, si j'avais développé une attirance pour les garçons, ça se serait su dès le début, mais...
Le bruit d'une voiture dans la cour coupa aussitôt le jeune homme qui se raidit avant de tourner les talons et de disparaître dans le bureau de Scott.
— Ça va aller, assura Derek sous le regard étonné des autres. Il a sans doute peur qu'elle le juge.
— Lydia ne juge pas les gens, répondit Liam en croisant les bras. Elle les jauge.
— C'est sans doute encore pire...
Les loups et Jared se retournèrent soudain et Scott apparut dans l'embrasure de la grande porte de fer.
— Après toi, dit-il.
— Merci.
Lydia Martin entra dans l'ancienne savonnerie et s'arrêta un instant pour que ses yeux s'habituent à l'obscurité. Elle sourit ensuite en voyant des visages amis, mais quand son regard se posa sur Derek, elle s'assombrit aussitôt et détourna les yeux vers Jared.
— Tu n'es pas un loup, toi, dit-elle sans préambule.
— Bonjour d'abord, non ? rétorqua la panthère.
— Vous n'allez pas commencer aussi tôt, si ? tempéra Scott. Lydia, je te présente ma dernière recrue, si on peut dire, Jared Gardien, une panthère-garou ; Jared, voici Lydia Martin, une Banshee.
— J'ai beaucoup entendu parler de toi, répondit Jared avec un signe de tête.
Lydia releva le menton et l'observa. Elle détourna ensuite son regard et revint sur Derek.
— J'imagine que si tu es là, cela veut dire que Stiles est dans le coin ?
Le ton était acéré et Derek se contenta d'opiner, les bras croisés. La tension était palpable et Scott y coupa court en proposant à Lydia quelque chose à boire. Anise, Liam et Isaac les suivirent et Jared se rapprocha de son ami.
— Tout bien réfléchi, je ne suis pas sûr de l'aimer, cette nana, souffla-t-il.
— Elle a clairement une dent contre moi. Tu avais vu juste, elle a toujours su que Stiles était amoureux de moi depuis le début...
— Vous étiez amis par le passé ?
Derek secoua la tête. Il fit ensuite signe à la panthère de le suivre et ils récupérèrent Stiles dans le bureau de Scott avant de quitter la savonnerie.
— On rentre, dit-il simplement à son compagnon en réponse à sa question silencieuse. Lydia n'est clairement pas ici pour nous.
— Je ne suis pas surnaturel, mais j'ai senti sa tension dans sa voix, répondit Stiles avec un frisson. Je pense que je vais attendre demain pour lui parler.
— Elle ne voudra pas, j'ai l'impression, répondit Jared.
— Tu crois ?
— Elle m'a toisé comme si j'avais des cornes et quand elle a vu Derek, si ses yeux avaient été des poignards, il serait mort...
— J'imagine que ce n'est pas une position très enviable d'être une femme bafouée.
— Tout de suite les grands mots, grimaça Stiles. Et si elle savait, pourquoi elle est quand même venue à Washington quand je l'ai invitée et qu'elle est restée avec moi pendant quatre ans ?
— Parce que je t'aimais.
Les trois garçons pivotèrent aussitôt et Jared renifla dédaigneusement. Lydia releva le menton et observa Stiles une longue seconde, puis Derek. Elle pinça les lèvres et se détourna, non sans avoir croisé le regard de son ex petit-ami avant.
Stiles grimaça et baissa le nez. La main de Derek se glissa sur son épaule et il le regarda.
— Pense à un sparadrap, dit-il. Plus on l'arrache vite, moins ça fait mal.
Stiles haussa les sourcils en roulant des yeux puis rejoignit la jeune femme qui l'attendait un peu plus loin. Jared se rapprocha alors de son ami.
— On rentre, en attendant ? demanda-t-il.
— Ouais, de toute manière, on doit préparer notre départ pour Oshawa.
Jared plissa le nez et Derek lui fit face.
— Il faut qu'on le fasse, dit-il. Je sais que ce n'est pas agréable... Retourner sur les lieux du crime, si j'ose dire, ça sera encore pire, surtout pour moi, mais Lena a raison, ils ont le droit de savoir la vérité.
— Et on va leur dire quoi ? demanda Jared avec une moue inquiète. J'ai été mordu par une panthère-garou qui voulait s'amuser, mais je n'ai pas supporté la transformation, alors tu m'as achevé, mais six mois plus tard, je me retrouve ici, à Beacon Hills, dans l'une des villes les plus infestées par les créatures surnaturelles de tout le pays, sans avoir aucune idée de comment j'y suis arrivé.
Jared se mordit la joue.
— J'ai perdu six mois de ma vie, Derek, dit-il. Tu es la seule personne que je connais ici et en qui j'ai pleinement confiance.
— Et Scott ? Stiles ?
— Eux aussi, mais toi plus encore.
— Je suis touché, sourit Derek.
Il abattit sa main sur l'épaule de son ami et serra les doigts.
— Dis, dit alors la panthère. Tu crois qu'Anise... ?
Le loup lui coula un regard et Jared rougit légèrement. Derek se mit ensuite à rire et abattit son bras sur les épaules de son ami pour l'entraîner jusqu'à la voiture où ils décidèrent finalement d'attendre Stiles.
.
— Tu ne dis rien ?
— Dis-moi ce que tu veux entendre, suggéra Stiles.
Lydia serra les lèvres.
— Pardon, pour commencer ?
Stiles soupira.
— Je suis désolé, Lydia, répondit-il. Je ne savais pas que j'étais amoureux de Derek avant le mois dernier, je...
— Je pense plutôt que tu le savais depuis votre première rencontre, mais que tu l'as toujours refoulé, répondit la jeune femme. Je l'ai senti, Stiles, tu es imprégné par Derek Hale.
— Imprégné... ?
— Je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est comme... Comme une odeur résiduelle, quelque chose qui reste malgré les lavages, les rinçages, un truc qu'on continue à sentir malgré tout.
— Je sens Derek ?
Lydia opina.
— Ton âme, pas ton corps. Je...
Elle soupira et serra les mâchoires avant de secouer la tête.
— Je t'aimais sincèrement, Stiles. J'ai essayé, je te le jure, j'ai tout fait pour ne plus voir l'âme de Derek accrochée à la tienne quand je te regardais, mais c'était impossible.
— Pourquoi tu n'es pas partie plus tôt, alors ? Cela t'aurait évité de souffrir pendant quatre ans.
— Je t'aimais, je te l'ai dit, et je voulais que ça marche, je me disais qu'en persévérant, tu finirais par l'oublier, que ce lambeau d'âme qui s'accroche à la tienne finirait par partir, mais non, il est resté, il s'est dissimulé au fil des mois, il s'est fait petit au fur et à mesure que tu oubliais Derek, mais je le voyais toujours... Et quand tu es revenu ici pour chercher ton père, j'imagine qu'il a refait surface d'un coup et que cette fois-ci, tu n'as pas désiré le faire disparaître.
Stiles baissa le nez en passant sa langue sur ses lèvres.
— Quand je suis revenu, c'était pour mon père et uniquement pour lui, répondit-il en s'asseyant sur un rocher qui servait de démarcation à la route proche. Mais innocemment, je me suis dit que toutes les truffes seraient les bienvenues, alors j'ai essayé de trouver les Hale, mais ils avaient quitté la ville il y a deux ans, trois pour Derek, et ils ne sont jamais revenus.
Lydia changea de pied d'appui et pencha la tête sur le côté.
— En cherchant Derek via les fichiers sécurisés auxquels nous avons accès, j'ai découvert un mandat d'arrêt international sur sa tête, pour assassinat, au Canada.
Lydia fronça les sourcils.
— Assassinat ? Scott ne m'en a pas parlé...
— Il me laissait peut-être le loisir de le faire... Toujours est-il qu'en cherchant un peu plus, mon amie Lena Kennan a découvert, grâce à un contact, que Derek était retenu prisonnier dans la Zone 51.
— Oh, Seigneur...
— C'est à ce moment-là que j'ai compris, Lydia... Quand j'ai vu l'information, je me suis effondré, le monde s'est arrêté autour de moi, je n'entendais plus rien... Beth était dans le couloir, elle m'a vu et ça lui a brisé le cœur.
— Stiles... J'ignorais que...
Le jeune homme secoua la tête. Il raconta ensuite comment il avait demandé à Lena de lui fournir un moyen d'entrer dans la Zone 51 – sans toutefois y croire, l'endroit étant le plus sécurisé des Etats-Unis avec la Maison Blanche –, puis il lui relata dans quel état ils avaient trouvé Derek, comment il avait pointé son pistolet sur le Colonel James en lui ordonnant de le libérer, avant que Scott ne rugisse de fureur en faisant trembler toute la base, à tel point que certains avaient cru à un chasseur F14 faisant du rase-mottes...
Cela tira un léger sourire à Lydia. Sa colère contre Stiles s'était envolée, remplacée par un sentiment assez inexplicable, à mi-chemin entre l'indulgence et la douleur.
— J'ai passé toute la nuit à son chevet, il était tellement mal en point qu'il a fallu des heures au médecin pour le rafistoler, acheva alors Stiles. Au matin, il s'est réveillé et il était complètement guéri...
Lydia serra les lèvres.
— Je suis contente que tu ailles bien maintenant, dit-elle en posant une main sur son bras.
— Je suis tellement désolé, répondit le jeune homme en secouant la tête. Je t'ai fait souffrir sans le savoir, tu as le droit de m'en vouloir pour le reste de ta vie.
— Je ne t'en veux pas, rassures-toi. Je ne t'en veux pas parce que je te connais depuis très longtemps et que je sais qu'à l'époque, tu n'aurais jamais assumé ton amour pour Derek.
— Ça me fait peur, Lydia, avoua alors Stiles. Je sais qu'il est ma moitié, je sais qu'il éprouve pour moi la même chose que ce que j'éprouve pour lui, mais ça me fait peur, même si tout le monde ici trouve ça parfaitement normal...
Lydia rigola et secoua la tête. Elle observa alors son ex petit-ami de ses yeux bleus et il baissa aussitôt le nez.
— Ne fais pas ça, marmonna-t-il. Je n'aime pas quand tu te sers de tes pouvoirs sur moi...
— Je ne faisais que vérifier une hypothèse.
— Laquelle ?
— Ton âme est de nouveau complète. Il n'y a plus ce lambeau gris qui s'y accroche, désormais, elles sont étroitement entremêlées, toutes les eux, et si je sonde Derek, je verrais la même chose.
Stiles serra les lèvres et baissa le nez. Lydia tendit alors une main et il l'observa un moment avant de la prendre, de se lever, et d'enlacer son amie avec force. Quand elle recula, elle posa son front contre le sien un instant puis s'écarta.
— Tu prendras soin de lui, n'est-ce pas ? dit-elle.
— Tu as ma parole.
Stiles se retourna et découvrit Derek à trois mètres de là, les mains dans les poches de son jean.
— Je n'hésiterai pas à te tuer, le loup, si tu lui fais du mal, lâcha-t-elle alors.
— Lydia... ?
— Laisse, répondit Derek. C'est la Banshee qui parle, pas Lydia.
Stiles cligna des paupières puis observa son amie. Depuis qu'elle avait été faire une sorte de retraite dans les Montagnes Rocheuses en compagnie d'Indiens afin d'accentuer ses capacités psychiques, parfois, elle réagissait à des situations de façon étrange, comme maintenant. Elle ne se rendait compte de rien dans ces moments-là, c'était la créature surnaturelle en elle qui s'exprimait, un peu comme les garous lorsqu'ils perdaient le contrôle de leur bête.
— On y va ? demanda soudain Lydia.
— Où ? s'étonna Stiles.
— C'était à Jared que je parlais, répondit la jeune femme. Je n'ai pas traversé tout le pays pour rien, si ?
— Non, mais on a un voyage de prévu à Oshawa, informa Derek en jetant un coup d'œil à son ami. On doit rejoindre Lena là-bas et tout expliquer au procureur de la Couronne et au légiste qui a autopsié Jared.
À ces mots, la panthère effleura son torse en plissant le nez et Stiles pinça la bouche. Il avait vu Jared torse nu, quelques jours en arrière, alors qu'il avait passé la nuit chez Derek, et voir cette cicatrice grossière en forme de Y, caractéristique des autopsies, l'avait troublé. Techniquement, personne de vivant n'était censé se balader avec ce genre de chose sur le torse...
— Je n'en aurais pas pour longtemps, assura alors Lydia. Ce n'est pas douloureux et tu ne seras pas inconscient.
— Tu comptes faire quoi ? demanda alors Jared.
— Je suis une Banshee, je peux sonder l'âme des gens et de ce fait, savoir si elle est complète, morcelée, déchirée... Parfois, je peux retrouver la partie qui manque, parfois mes pouvoirs me permettent de « recoudre » l'âme abîmée.
— Recoudre ?
— Ce serait trop long à expliquer, mais pour m'exécuter, j'ai besoin de calme, répondit la jeune femme.
— Allez chez moi, dit Derek en tendant les clefs de l'appartement. Jared vit là-bas avec moi, il sera plus rassuré qu'ailleurs.
Lydia opina en prenant le trousseau. Jared l'observa un moment puis se détourna et ils regagnèrent la voiture du loup. Stiles se tourna alors vers son compagnon qui lui adressa un sourire.
— Tu as entendu ce qu'elle a dit à notre sujet ? dit-il.
— Oui, et je ne savais pas mettre un mot sur ce que j'ai ressenti quand j'ai ouvert les yeux, à l'hôpital et que je t'ai vu, dormant au bord du matelas, répondit Derek en haussant les épaules. Maintenant je sais. Et quand bien même j'ai un peu de mal à croire aux âmes, quand on est un loup-garou et qu'on a pour amis une Banshee, une panthère-garou, un coyote-garou et un vrai Alpha, sans oublier toute une volée d'humains, on est obligé de croire à certaines choses.
Stiles sourit. Derek l'entoura alors de son bras et ils quittèrent le territoire de Scott pour aller flâner en ville, désireux de passer du temps tous les deux et ne pouvant de toute manière pas rentrer à l'appartement pour le moment.
