De retour à la savonnerie, Liam était un peu agacé. Gustave semblait serein, lui, comme si le fait de se voir refuser de la nourriture n'était pas si important que cela.

— Je vous proposerai bien mon sang, mais Anise nous a expliqué le sang de garou était mortel pour les vampires ?
— Pas mortel, non, poison. Tout comme le sang de sorcière, répondit le vampire. C'est une ancienne conjuration des Salem afin que nous ne puissions pas nous nourrir les uns sur les autres en cas d'absence humaine...

Il se laissa tomber dans le canapé en soupirant et renversa sa tête sur le dossier.

— Il existe une autre substance qui pourrait vous nourrir ? demanda allés Liam.
— La semence humaine. Elle a les même propriétés que le sang.

Liam sentit ses joues rougir légèrement et il détourna la tête. Il entendit un léger ricanement.

— Quoi ? demanda-t-il. Qu'est-ce qui est amusant ?
— Toi, mon garçon. Tu es un fidèle lieutenant de ton Alpha, mais tu sembles si naïf... As-tu une petite amie ? Un ?

Liam fronça les sourcils puis secoua la tête.

— Depuis longtemps ?
— Dix ans environ. Je n'ai pas le temps ni l'envie d'avoir une copine, répondit le jeune loup. Je suis entièrement dévoué à Scott et...
— Et pourquoi ? Ce n'est pas parce que tu es son lieutenant que tu n'as pas le droit d'avoir de vie privée, tu sais ? Il en a bien une...
— C'est son privilège en tant qu'Alpha. Techniquement, nous autres n'avons pas le droit d'avoir de moitié, comme les véritables loups, afin de ne pas faire de concurrence à l'Alpha.
— Tu vas donc demeurer célibataire toute ta vie ? Tu vas te priver d'avoir une épouse et des enfants parce ce que ton Alpha est avec une femme ?

Liam baissa le nez.

— Non, bien sûr que non, mais je n'ai pas envie de me marier ou d'avoir des enfants, de toute manière... Je ne suis pas stable psychologiquement, je souffre de troubles de la colère et devenir un loup n'a fait qu'empirer les choses... Malgré les années, je ne me contrôle pas encore totalement et je continue de passer les pleines lunes dans les mines avec les nouveaux...

Gustave l'observa puis se leva. Il s'approcha du jeune loup, assis au comptoir, jouant avec du sucre renversé. Quand il leva la tête vers le vampire, il pinça la bouche.

— Tu sais que je peux la gérer pour toi, cette colère... N'est-ce pas ? dit Gustave. Hier...
— N'y pensez même pas. Je ne suis pas intéressé.
— Je ne te propose pas ce genre de lien, juste que tu me laisses utiliser mes charmes vampiriques pour t'apaiser.
— Pour que vous en profitiez ?

Gustave souffla par le nez. Il plongea ses mains dans ses poches et observa le sol un moment avant de grimacer et de tourner les talons.

— Gustave... grogna Liam. Je suis désolé, je ne contrôle par mon agressivité...
— Ce n'était pas de l'agressivité. Mais ne t'en fais pas, je comprends. Anise m'avait mis en garde, elle m'avait dit que tu ne voudrais rien de moi. Pourtant je ne te proposes rien de malsain. Je voudrais juste essayer de...
— De m'amadouer ?

Le vampire haussa brièvement les sourcils.

— Techniquement, oui, mais je n'aime pas ce mot. Je préfère que tu sois charmé, plutôt que apprivoisé, ou amadoué. Tu n'es pas un animal, Liam, donc je n'ai pas de raison de te forcer à m'apprécier.

Liam pinça les lèvres. Il se mordit la joue et regarda le sol un moment. En sentant Gustave bouger, il leva la tête et l'observa.

— Que voulez-vous de moi ? demanda-t-il.
— Rien, je te l'ai déjà dit. J'ai sept cents ans, mon garçon, j'ai tout ce qu'il me faut, mais après avoir passé deux siècles dans un coffre en bois, j'ai peur de ce nouveau monde.
— D'où le fait que vous vous soyez précipité dans la seule ville des États-Unis où se trouve la plus grande concentration de créatures surnaturelles du pays ?

Gustave haussa les épaules.

— C'est plutôt pour être en sécurité. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, j'ai dormi pendant les deux siècles et, entre-temps, le monde a terriblement changé ! Ne serait-ce que concernant les autos, l'électricité... Les mœurs ! À mon époque, jamais une femme n'aurait osé sortir dans la rue sans une jupe longue à fleur de sol et un chapeau !

Liam inspira. Pendant quelques secondes, il observa le vampire planté devant lui. Grand, élancé, fin, il avait tout du gentleman européen, racé, bien élevé, délicat... Pourtant, quelque chose n'allait pas, il avait ce regard dur des personnes qui ont vécu mille vies, qui ont enduré la souffrance, physique ou psychologique...

— Qui êtes-vous, Gustave ? demanda alors Liam.
— Juste un vieux vampire de sept cents ans...

Le jeune loup secoua la tête.

— Non, je voudrais savoir qui se cache sous l'image de Gustave Von Dermer.

Le vampire haussa un sourcil, sembla considérer le pour et le contre puis se redressa.

— Est-ce que connaître la réponse changera quelque chose à notre "problème"? demanda-t-il.

Liam haussa les épaules.

— Peut-être...
— Et pourquoi penses-tu que je ne suis pas qui je dis être ?
— Intuition ?

Gustave observa le jeune homme et revint vers lui. Quand il lui releva le menton du bout des doigts, il pencha la tête.

— Tu me connais... dit-il doucement. Au fond de toi, tu sais qui je suis...

Liam déglutit.

— Le Comte Dracula... souffla-t-il.

Le sourire du vampire s'étira alors et ses crocs apparurent, luisant sous la luminosité de néons du hangar. Liam sentit immédiatement un nœud se former dans ses entrailles et il déglutit. Gustave esquissa un sourire et lui caressa la mâchoire.

— Que je sois Dracula ou Gustave, cela ne change rien au fait que je veuille t'aider à canaliser ta colère, Liam, dit-il.
— Mais vous me donnez l'impression de vouloir plus...

Le vampire baissa sa main et recula d'un pas. Liam serra les lèvres et annonça alors qu'il retournait en ville. Gustave le laissa partir et se retrouva seul à la Savonnerie. Fatigué et affamé, il monta à l'étage et s'écroula sur l'un des lits du dortoir aménagé qui permettait aux loups de nuit de se reposer en rentrant de mission de surveillance.

.

Scott demeura toute la journée chez lui. Anise lui manquait déjà et, en rentrant à la maison, il avait immédiatement remarqué que la porte de son laboratoire avait disparu. Il s'était ensuite souvenu que les laboratoires magiques suivaient le sorcier ou la sorcière et s'installaient partout où il ou elle passait plus de deux jours. Le laboratoire allait donc s'installer à Fresno, dans le convent des sorcières de Salem...

Après s'être occupé de sa lessive et fait sa chambre, Scott descendit manger quelque chose et trouva Isaac dans le canapé, un bras sur les yeux. Il lui tapa sur le coude en passant et l'autre grogna.

— Manger ? demanda Scott.
— Ouais, j'ai crapahuté toute la nuit, je suis vanné... C'est ça vieillir ?

Scott pouffa. Isaac quitta ensuite le canapé et le rejoignit dans la cuisine.

— Tu sais quoi ? Je me disais qu'on se retrouve à nouveau comme avant le retour de Stiles.
— Ah oui ?
— Oui, Stiles et Derek sont partis, Peter et Malia aussi, Anise aussi...
— Ouais, c'est vrai, j'y avais pas pensé... Heureusement ils vont tous revenir dans quelques semaines. Et puis, on a Jared et aussi Gustave.

Isaac plissa les yeux.

— Qu'est-ce qu'il veut, ce vampire ? demanda-t-il. Je veux dire, il débarque en ville sans prévenir, il nous raconte une histoire à dormir debout et quoi, il fait partie de la meute ?
— Non, pas du tout, mais tant qu'il vit à la savonnerie, il est innofensif. Maman n'a pas accepté de lui donner une poche de sang, d'ailleurs...
— Ouais donc il pourrait devenir méchant bientôt... grimaça Isaac. Il n'a rien mangé depuis deux mois, quand il a rencontré Sabine et sa meute... Tu penses que tu saurais convaincre Maman ?

Scott plissa le nez.

— J'en doute. Je peux toujours essayer, mais j'imagine qu'il va devoir aller chasser ailleurs qu'ici, peut-être partir pour plusieurs jours puis revenir...

Isaac opina.

— Et c'est quoi cette histoire avec Liam ?
— Quelle histoire ?
— Bah, j'en sais rien, mais j'ai entendu des louves parler de Liam et Gustave ce matin...

Scott fronça les sourcils. Une scène de la veille lui revint alors.

— Je pense savoir de quoi tu parles... Hier, alors qu'Anise et moi on entrait dans la savonnerie, on a surpris Liam et Gustave dans un moment plutôt... intime, si je peux dire ça comme ça.

Isaac fronça les sourcils.

— T'entends quoi par "intime"?
— Rien de malaisant, hein, ils étaient simplement l'un en face de l'autre, proches, et Gustave avait sa main sur la joue de Liam...
— Ah ouais ? Bah dis donc, c'est pas tous les jours que quelqu'un arrive à s'approcher de Liam d'aussi près sans se faire bouffer...

Scott haussa les sourcils.

— Je ne vais pas le laisser faire, dit-il en sortant le carton de céréales.
— Pourquoi ?
— Liam est mon fils, Zac, et mon lieutenant. Gustave est un vampire, on ne sait rien de lui et...
— Scott, Liam a besoin de quelqu'un. Sa colère à fait fuir tout le monde, même ses deux meilleurs amis... Nous sommes les seules personnes qu'il lui reste.
— Mais c'est un vampire... Et un garçon avec ça... bougonna Scott.
— Et alors ? Ton meilleur ami sort avec un mec aussi hein...

Scott plissa le nez. Il poussa le bol vers Isaac puis s'en servit un autre.

— On verra tout ça plus tard. Faut aller bosser maintenant, dit-il.
— Ouais, moi je vais bosser, répondit Isaac en fronçant les sourcils. Parce que le patron, hein, il fait pas grand chose la journée !

Scott lui balança une céréale et Isaac rigola.

— Non, plus sérieusement, tu vas vraiment bosser pour la ville ? demanda-t-il.
— Ouais. Mon père était fossoyeur, je sais faire, et il en faut. Et puis, je ne vais pas vivre ici toute ma vie, non plus.
— T'es mon frère, Isaac, tu pourras rester ici aussi longtemps que tu veux. Et Maman serait du même avis.
— Très certainement, mais il faudra bien que je parte un jour si je veux fonder une famille, tout comme toi.

Scott pinça la bouche. Le sujet n'était pas encore là entre Anise et lui, mais elle était sa louve, sa moitié, et les enfants allaient très certainement venir sur la table des sujets à débattre un jour ou l'autre...

.

En ville, Liam quittait l'appartement qu'il occupait depuis six ans. Après que ses parents aient découvert qu'il avait été mordu par un loup-garou, ils avaient décidé de quitter Beacon Hills, trop dangereuse à leur goût, et avaient dû abandonner leur fils a regrets. Ils avaient donc vendu la maison familiale et acheté un appartement à leur garçon bien aimé...

Reniflant dans le froid qui s'installait petit à petit, Liam se frotta le nez en regardant autour de lui. Il était sept heures, les gens vaquaient à leurs occupations, tout semblait serein. Avisant un couple de loups sur le trottoir d'en face, il les salua d'un signe de tête et ils lui répondirent de la même manière.

— Bonjour.

Le roucoulement fit frémir Liam qui pivota et se redressa en découvrant Gustave.

— Vous me suivez ?
— Absolument pas, je viens de la boucherie...

Le vampire leva le bras droit ; il avait un petit seau à la main, soigneusement fermé, semblant contenir un liquide épais et sombre.

— C'est ce que je crois ? demanda Liam.
— Oui. Je vais le laisser à la savonnerie, dans la chambre froide, pour ne pas vous incommoder...
— Scott va vous trouver un appartement, répondit Liam, les sourcils froncés. Dès que Stiles sera revenu, il vous donnera une vie bien existante.
— Je ne pense pas rester, ce serait inutile, répondit le vampire.

Liam haussa un sourcil ; Gustave baissa ses yeux bleus sur lui et le jeune loup détourna la tête aussitôt.

— Où allais-tu de si bonne heure ? demanda-t-il avec un mince sourire amusé.
— En classe.
— En classe ? Voyez-vous cela... Pour quel genre d'études ?
— Sciences médico-sociales. J'avais commencé avant d'être mordu, j'avais ensuite arrêté pendant plusieurs années en estimant que je n'avais plus besoin de tout ça, mais je me suis vite rendu compte qu'être un loup-garou ne paie pas les factures...

Gustave inclina la tête.

— J'ai de très nombreux diplômes, pour ma part, j'ai été soldat, médecin, infirmier, politicien, secrétaire, avocat... Et j'en passe.
— Quand on est aussi vieux, c'est normal.
— Ouch. Officiellement, je n'ai que trente-six ans, mon cher, répondit le vampire, les sourcils froncés.

Liam lui jeta un regard en coin puis soupira et s'éloigna, les mains dans les poches. Gustave l'observa monter dans un bus et souffla par le nez. Il sentit alors une odeur familière et pivota.

— Hmmm. La Panthère... roucoula-t-il. Que faites-vous ici ?
— Je vis à deux immeubles de là, et je vais travailler. Et vous ?
— Vous aussi ? Eh bien, la vie des garous a bien changé depuis que j'ai foulé cette terre pour la dernière fois...

Jared esquissa un sourire puis indiqua le bus du menton.

— Vous avez envie de vous rapprocher de Liam, mais méfiez-vous du patron. Il est considéré comme son fils, si vous l'approchez sans son autorisation, vous pourriez le regretter, tout vampire que vous êtes.
— Je ne désire rien de Liam, sinon l'aider à gérer sa colère, répondit Gustave. Et j'ai déjà affronté des Alpha bien plus puissants que celui-ci. Et des pères aussi...
— Monsieur Von Dermer, Scott McCall est un Vrai Alpha, il n'a pas volé le pouvoir d'un autre Alpha, il l'a acquis seul, avec sa propre volonté. Ne le forcez pas à s'en prendre à vous, vous risqueriez bien de déchaîner sa colère ; pis encore, d'avoir à faire à la Sorcière...

Gustave pinça la bouche puis inclina la tête. Jared lui souhaita ensuite une bonne journée puis s'éloigna en direction de l'hôpital. Le vampire l'observa, inspira, puis secoua la tête et retourna la savonnerie pour déguster son premier vrai repas depuis de longues semaines.