— Non, Monsieur Von Dermer, vous ne pouvez pas partir maintenant !

Gustave sillonnait sa chambre en ramassant ses vêtements. Une infirmière le regardait depuis le lit, impuissante.

— Revenez-vous coucher, s'il vous plaît, vous allez rouvrir vos plaies...
— Je suis resté couché suffisamment longtemps, je suis affamé et je...

Le vampire tourna brusquement la tête et l'infirmière sursauta. Jared entra dans la chambre et regarda la scène avec étonnement.

— Vous comptez aller où, comme ça ? demanda-t-il en voyant Gustave en caleçon, en train de s'habiller, un large pansement sur le flanc droit.
— Je rentre à la savonnerie, je ne supporte plus d'être ici. Alors à moins que vous ne désireriez voir un vampire millénaire en plein carnage, ne m'en empêchez pas !

Il enfila son pantalon avec vigueur et arracha sa chemise du sac en plastique où les paramédics avaient fourré ses affaires après l'avoir récupéré à la savonnerie. Il grimaça en voyant la large tache de sang séché et Jared soupira.

— Allez lui chercher une chemise à la lingerie, dit-il à l'infirmière.
— Mais le docteur...
— Le docteur ne sait pas à qui il a affaire, d'accord ? répondit la Panthère. Moi si. Un hôpital plein de malades où flotte l'odeur du sang en permanence est une torture pour un vampire affamé. Je vais chercher une décharge, allez lui chercher une chemise puis aidez-le à s'habiller.

L'infirmière, un peu dépitée, finit par opiner et quitta la chambre. Jared se tourna vers Gustave et leva l'index.

— Je vais appeler Liam, dit-il. Vous ne bougez pas d'ici, compris ? Je vais refaire votre pansement et préparer votre sortie, si quand je reviens vous n'êtes plus là, je vous préviens, ce n'est pas l'infirmier qui vous pourchassera dans toute la ville !

Gustave serra les mâchoires puis grogna et s'assit sur une chaise en soufflant d'agacement.

— Merci. Tout vampire millénaire que vous êtes, vous êtes actuellement mon patient et ici, c'est moi qui commande.
— D'accord. Mais faites vite.

Jared opina et quitta la chambre. Il revint avec un plateau de soins et refit un pansement propre - il était à peine sept heures du matin - avant d'aller demander à ce que les papiers de sortie soient préparés. Alors qu'il attendait à l'accueil, Melissa apparut pour son service de la journée.

— Infirmière McCall, je fais sortir Monsieur Von Dermer, dit-il.
— Pour quelle raison ? Ses plaies se sont soignées ?
— Non, mais il est très agité, il a faim et un hôpital n'est pas un bon endroit pour un vampire affamé. Liam va venir le chercher et le conduire à la savonnerie, je compte sur lui pour qu'il y reste jusqu'à ce que les plaies soient guéries.
— Vous êtes sûr, Jared ?
— Il est suffisamment intelligent pour savoir que s'il ne suis pas les recommandations, ses plaies vont s'infecter et, tout vampire qu'il est, cela pourrait le tuer.
— D'accord, très bien. Je vous laisse gérer, alors.

Jared hocha la tête avec un sourire. Il adorait travailler ici, non seulement parce que cela l'occupait, mais aussi parce qu'il était utile. Sa panthère lui donnait un avantage sur les infirmières et les médecins, notamment grâce aux odeurs. Il pouvait ainsi déterminer si une plaie était infectée en reniflant l'air d'une pièce, par exemple...

.

Liam était encore couché quand son portable sonna. Il le récupéra à tâtons avec un marmonnement. En voyant le numéro de l'hôpital il dérocha et s'écroula sur son oreiller.

— Liam Dunbar...
Bonjour, c'est Jared, je suis désolé, il est tôt, mais Gustave va quitter l'hôpital d'ici une heure environ, est-ce que tu peux le conduire à la savonnerie ?

Liam se redressa sur un coude, bien réveillé.

— Sortir, déjà ? Pourquoi ?
Il est affamé et très agité. Ses plaies sont en bonne voie, et j'espère que tu comprends que nous ne pouvons pas le garder ici plus longtemps, il est un danger pour les patients.
— Je comprends oui... Je viens le chercher, d'accord. Une heure, c'est ça ?
Environ oui.
— Ok. A toute à l'heure, alors.

La ligne fut coupée et Liam observa son écran un instant avant d'arracher ses couvertures. Il sauta dans la douche puis s'habilla rapidement et prit le temps d'avaler un petit-déjeuner avant de prendre la route pour l'hôpital. Quand il arriva à l'étage où était installé Gustave, il le trouva assis sur son lit, en tailleurs, habillé, visiblement grognon.

— Alors comme ça, on veut fausser compagnie au médecin ?

Gustave leva la tête et son visage s'éclaira. Liam sourit et traversa la chambre.

— Tu n'avais pas besoin de venir, répondit le vampire.
— Il faut une personne de confiance pour quitter un hôpital, répondit Liam. Je vais vous ramener à la savonnerie avant d'aller en cours.
— Tu ne resterais pas avec moi ?
— C'est tentant, vraiment, mais je dois avoir mon diplôme et vous devez vous reposer.

Gustave croisa les bras, bougon.

— Hé, Gustave, regardez-moi... Tout va bien, d'accord ? J'ai juste besoin d'un peu de temps pour me faire à l'idée de tout ça. C'est tout.

Le vampire soupira et s'assit au bord du matelas. Liam s'approcha et Gustave posa ses mains sur ses hanches.

— Je sais, dit-il. Je sais que c'est confus dans ta tête, en ce moment. Je te fais peur, ma réputation me précède et il n'y a rien que je puisse faire pour que tu aies confiance en moi.
— Je ne serais pas là, si je n'avais pas confiance, sourit Liam.

Gustave lui fit miroir ; on se racla soudain la gorge et Liam recula d'un pas. Melissa entra dans la pièce.

— Vous pouvez partir, Monsieur Von Dermer, dit-elle. Il faut juste que vous signiez les papiers à l'accueil et ce sera tout bon. Je passerai vous rendre visite dans deux jours pour voir comment les plaies se comportent.
— Entendu. Je suis désolé de tout précipiter ainsi, mais je préfère être prudent.
— Et nous aussi. La politique de cet hôpital est de ne pas retenir un garou contre son gré s'il est physiquement capable d'attaquer ; vous n'en êtes pas un, mais c'est tout comme donc nous ne vous retenons pas, mais nous vous gardons à l'œil.

Gustave hocha la tête. Le biper de Melissa sonna alors et elle s'excusa en leur souhaitant une bonne journée. Liam se tourna vers le vampire qui leva son visage vers lui.

— On rentre ? dit-il.
— Allons-y.

.

— Vous êtes sûr que vous pouvez ?
— Alpha, je suis un grand garçon...
— Oui, nan, là n'est pas la question...
— Tu préfères peut-être qu'il fasse un carnage à l'hôpital et que nous soyons obligé de le tuer ? demanda Liam.
— Non, bien sûr que non, mais... Laissez tomber. Liam, tu l'aides à s'installer et tu files à l'uni.
— Oui, Papa... grimaça le jeune loup en tirant la langue.

Scott leva les yeux au ciel puis quitta le hangar en marmonnant. Quand la porte se fut refermée, Liam aida Gustave à monter à l'étage où se trouvait un dortoir commun. Une quinzaine d'alcôves avaient été installées, offrant un lit et un petit rangement aux loups de garde la nuit. Gustave en avait investi une et il s'écroula sur le lit avec un profond soupir.

— Tu dois vraiment aller en cours ? demanda-t-il.
— Nous en avons déjà parlé. Nous sommes en janvier, je passe mon examen en juin, je n'ai pas le choix.

Gustave émit un son en s'adossant au mur à la tête du lit. Liam déposa son sac sur une chaise puis s'assit au bord du lit.

— Hé, je ne vais nulle part, d'accord ? dit-il. L'université...
— Ce n'est pas ça, je voulais juste que tu restes avec moi, c'est tout.
— Ne tombez pas amoureux de moi, Gustave, c'est trop tôt, vous en souffririez...
— Ce ne sera pas la première fois... grommela le vampire en détournant la tête.

Liam serra les lèvres. Il pencha la tête et Gustave souffla par le nez en reportant son attention sur lui.

— Vous êtes ce qui m'est arrivé de meilleur depuis des années, dit-il en se redressant. Je n'ai pas l'intention de vous laisser partir de sitôt. Laissez-moi quelques jours, et surtout, laissez passer la pleine lune. Ensuite, nous pourrons faire ce qu'il nous plaira.
— Scott a laissé entendre que tu irais encore dans les mines, ce mois-ci ?
— Oui, vous êtes convalescent, affaibli par des mois de jeûne, vous ne saurez pas me maitriser si jamais le lien a échoué.
— Il n'a jamais failli, sourit Gustave.
— Je ne demande qu'à vous croire.

Il regarda alors sa montre et souffla.

— Et merde... dit-il en se levant. Reposez-vous, je reviens à midi pour déjeuner avec vous. J'irais vous prendre du sang de cochon à la boucherie. Ce n'est pas comme le sang humain, mais...
— C'est un substitut tout à fait acceptable à condition de ne pas en abuser. Viens-là...
— Je suis déjà en retard...
— Je sais...

Gustave sourit doucement et Liam fit mine d'être contrarié ; il se rassit sur le lit et se laissa enlacer une longue seconde. Quand il recula, le vampire lui vola un baiser. Liam esquissa un sourire puis quitta le dortoir ; le vampire l'écouta dévaler les escaliers de fer puis quitter le parking à bord de sa voiture. Il inspira alors profondément puis s'allongea sur le dos et entreprit de se reposer, bien plus serein ici qu'à l'hôpital.

.

— Qu'est-ce qui te dérange chez lui ?
— Que ce soit un vampire ?

Natalie grimaça.

— Ouais, d'accord, mais bon, tu es un loup-garou et votre sang est poison pour eux alors, t'as peur de quoi ?

Liam observa son café et souffla par le nez.

— Si on s'en tient aux bases, sans le côté surnaturel, c'est un beau garçon, il est certes plus vieux que toi, mais ça ne gêne pas à notre époque, reprit Natalie. Il a pas mal bourlingué, il connaît beaucoup de choses... Il est riche ?
— Sans doute...

Natalie serra les lèvres. Elle décocha un coup de pied à Liam sous la table et il sursauta.

— Li, t'as un mec beau comme un dieu qui n'attend qu'une chose, que tu te jettes dans ses bras ! siffla-t-elle. Bon sang...
— Tu crois que je n'en suis pas conscient, peut-être ? répondit le jeune homme. J'ai accepté qu'il m'aide à gérer ma colère, et même si je sais qu'il me veut, ça me fait peur... Je n'ai aucune préférence pour le genre de mon ou ma partenaire de vie, mais un vampire ?
— Je suis bien sortie avec toi...

Liam grimaça.

— Tu es un Banshee...
— C'est la même chose, non ? Je vois les âmes de morts et je pressens qui va prochainement mourir ; pour moi, c'est quasiment la même chose...
— Dis ça à Lydia et tu vas voir comment elle va te recevoir ! s'esclaffa Liam.

Il vida le fond de son gobelet et soupira ensuite.

— En vrai, j'ai peur de Scott, dit-il alors. J'ai peur qu'il me rejette si je m'attache Gustave et...
— C'est ton père, Li...
— Mon père surnaturel, oui, mais j'ai tellement de respect pour lui...
— Comme toutes les créatures soumises à un puissant chef. Tu veux que je demande à Billy de lui parler ?

Liam secoua la tête. La sonnerie de reprise des cours retentit alors et il soupira. Comme il ne bougeait pas, Natalie lui demanda s'il venait, mais il secoua la tête. Embarquant son sac et son blouson, il quitta le campus rapidement et sauta dans sa voiture. S'arrêtant devant la boucherie, il demanda un petit seau de sang de cochon puis il traversa la ville jusqu'à la savonnerie. Quand il entra dans le hangar, il le trouva vide de loups, la majorité étaient au travail, comme toutes les personnes normales; il n'y avait que Gustave dans le canapé, qui se leva en le reconnaissant.

— Liam, qu'est-ce que...?
— Vous avez raison, dit-il en posant le sac en papier contenant le sang.
— Ravis de l'apprendre, à quel sujet ?
— Je n'ai comptes à rendre à personne, si je veux sortir avec un vieux vampire, c'est ma vie privée. Je réponds à Scott en tant que lieutenant, et je ne faillirai par à cette tâche, mais concernant notre relation, c'est de mon ressort et uniquement le mien.

Gustave esquissa un sourire quand Liam se tut. Il traversa ensuite l'espace entre eux et ils s'enlacèrent. Le vampire repoussa ensuite le jeune homme qui leva son visage vers lui.

—Puis-je ?
— Vous n'avez pas demandé, les deux dernières fois... sourit le jeune loup.

Gustave esquissa un sourire en retour puis déposa ses lèvres sur celles de Liam qui lui rendit son baiser. Reculant d'un pas, Gustave s'assit sur l'accoudoir du canapé ; quand il bascula en arrière en emportant Liam avec lui, ils s'écroulèrent dans les coussins défoncés.

— Je ne coucherai pas avec vous avant que vous ne soyez guéri, répondit Liam, méfiant.
— Je suis irrésistible... Tu ne tiendras pas longtemps... ronronna l'autre.
— Ah oui ?

Gustave fronça les sourcils.

— Non, je ne prendrais pas ce pari avec toi.
— Mais je n'ai encore rien dit ! s'esclaffa Liam.
— Ce n'est pas aux vieux singes qu'on apprend à faire des grimaces, mon cher. Tu n'es pas mon premier amant, tu ne seras pas le dernier, alors non je ne parierai pas.

Liam rigola puis s'étendit le long de Gustave dos au dossier du canapé, à l'opposé de sa blessure. Le vampire l'entoura de son bras et soupira en reportant son attention sur la télévision.