Les mains dans les poches de la parka qu'il avait passée par dessus son pyjama d'hôpital, Jared regardait les logements à louer sur la devanture de l'agence immobilière en bas de l'hôpital.

— Nous avons de très jolis appartements, dit alors une femme.

Jared pinça les lèvres. Quand il tourna la tête, la femme releva le menton.

— Mais ils seront peut-être trop chers pour vous ? hésita-t-elle.
— Vous savez que la discrimination raciale est passible de prison ? répondit le jeune homme. Parce que je suis une panthère-garou et par dessus le marché, un infirmier, vous vous imaginez sans doute que je suis incapable de me trouver un endroit pour vivre autre que la savonnerie ?

Mal à l'aise, la femme recula d'un pas.

— Ne me faites pas dire de que je n'ai pas dit... dit-elle.
— Vous ne l'avez pas dit, non, mais vous l'avez pensé tellement fort que je l'ai entendu.

Jared hocha ensuite la tête, contrarié, puis tourna les talons pour retourner à l'hôpital. Il tomba sur Melissa et quand elle tenta de l'interroger, il se contenta de lui feuler dessus...

— Eh bien, en voilà un qui aurait besoin de quelques jours de repos...
— C'est la pleine Lune, répondit Melissa. Sur Jared, elle agit aussi, moins que sur les loups, mais suffisamment pour le rendre imbuvable...
— Vous croyez ?
— J'en suis quasiment sûre, pourquoi ?
— Parce qu'il discutait avec l'agent immobilier en bas quand je suis entrée... À mon avis, elle a encore usé de toute la délicatesse dont elle est pourvue pour lui dire qu'elle n'avait rien à louer à un garou...

Melissa serra les mâchoires.

— Jared est un gentil garçon, dit-elle. Il a été tué par son meilleur ami qui ne supportait pas de le voir souffrir, mais il a été ramené à la vie par une sorte de démon qui lui a permis d'avoir une seconde chance. J'imagine qu'il voudrait bien la saisir et cesser de vivre aux crochets de Derek et Stiles.
— Comme tout le monde un jour, sourit l'infirmière.
— Oh, mes garçons ne semblent pas du tout avoir envie de partir ! s'esclaffa Melissa.
— C'est aussi bien ! Au moins, vous savez où ils sont en permanence, ou presque.
— Oui, mais la maison commence à devenir trop petite. Anise s'est installée dans la chambre de Scott et son laboratoire magique à pris place dans le grenier que nous n'avons pas, quant à Paul, il dort dans la chambre de Tim, sur un lit de camp, mais ça ne va pas pouvoir durer encore longtemps.
— Ses parents seront bientôt rétablis, répondit l'infirmière. Une fois que l'assistante sociale aura parlé avec eux et que nous aurons compris ce qu'il leur est arrivé, il pourra retourner avec eux.

Melissa plissa le nez. Aucun des deux adultes n'avait réclamé après l'enfant depuis leur arrivée à l'hôpital. La femme aurait dû hurler à cor et à cri qu'on lui rendre son enfant, mais non, c'était comme si elle ne s'en souvenait pas du tout. !

— C'est assez incroyable quand même... dit-elle alors en tournant la tête vers une chambre double. Ces deux personnes n'ont jamais demandé après Paul, comme s'il n'avait jamais existé...
— Est-ce qu'ils pourraient... Je ne sais pas, l'avoir enlevé ?

Melissa regarda l'infirmière de travers.

— Pourquoi est-ce que tous les cas sociaux finissent chez nous ? demanda-t-elle, dépitée.
— Aucune idée, ce n'est qu'un hypothèse et je regarde peut-être trop de documentaires bizarres, répondit l'infirmière avec un sourire contrit. Cependant, ce ne serait pas impossible, à moins que les parents aient été si secoués par l'accident qu'ils n'aient pas encore pris conscience de l'absence de leur fils.
— Ce qui est tout à fait probable, répondit Melissa. Bon, retournons travailler, ajouta-elle. Je prends la surveillance des parents pour l'après-midi.

L'autre infirmière hocha la tête puis s'éloigna dans le couloir ; Melissa observa ensuite le couple, chacun dans un lit, séparés par un rideau. Elle jeta un œil sur leurs moniteurs sur l'écran près d'elle puis attrapa un formulaire d'admission rempli et entreprit de chercher son prochain patient.

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A la savonnerie, pendant ce temps, la rumeur que les parents de Paul n'avaient pas demandé après lui avait fait grand bruit. Scott écoutait donc les élucubrations de ses Bêtas sans intervenir. Il le dû cependant quand deux louves commencèrent à venir au mains.

— Non, je ne suis pas d'accord, dit-il en les séparant. Si vous voulez régler vos comptes, allez dehors et surtout, en privé.

Les deux femmes le toisèrent méchamment puis chacune tourna les talons pour quitter la pièce. Scott soupira. Il sentit alors une main dans son dos et il sourit en pivotant; Anise se glissa sous son bras et se serra contre son torse.

— Comment va Gustave ?
— Bien, je dirais même très bien pour un homme qui a failli être éventré.
— Ce n'est pas un homme...

Anise esquissa un sourire en coin.

— Si, si, je peux te le certifier... répondit-elle en souriant.
— Chérie...
— Quoi ? Je n'ai fait que répondre à tes paroles...

Scott leva les yeux au ciel puis secoua la tête et proposa qu'ils aillent prendre un petit-déjeuner en ville.

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A la grande surprise de tous, Gustave ne tarda pas à se remettre de cette vilaine blessure due à cette femelle Alpha trop sûre d'elle. Grâce aux soins quotidiens d'Anise qui puisait dans la magie collective de sa famille, le vieux vampire fut debout dix jours après le retour du Nevada, malheureusement avec une seule idée fixe en tête.

— Non ! Je vous l'interdit !
— Tu n'as rien à m'interdire, je fais ce que je veux.
— D'ordinaire oui, mais pas là ; je ne vous laisserai pas retourner au Nevada pour vous venger, vous entendez ?

Gustave grogna et quitta la Savonnerie à grands pas.

— Gustave ! appela Liam. Gustave, revenez ici tout de suite !

Mais la créature ne répondit pas et disparut dans les bois. Isaac apparut à ses côtés, l'air interrogatif.

— Qu'est-ce que tu as à brailler comme ça ?

Liam lui jeta un regard furieux avant de rentrer dans le hangar. L'autre le suivit.

— Liam. Qu'est-ce qui se passe, tu t'es disputé avec Gustave ?

Le plus jeune soupira en serrant les mâchoires.

— Il s'est mis dans la tête de se venger de Katherine, voilà ce qu'il y a ! répliqua-t-il. Je le lui ai interdit, mais il a préféré fuir dans les bois !

Isaac serra les lèvres.

— Il ne partira pas, ne t'en fais pas...
— Rien de moins sûr, tu vois !
— Pas sur ce ton, Li, je suis ton ami, okay, pas Gustave, répondit Isaac en fronçant les sourcils.

L'autre grimaça.

— Désolé... Je suis à fleur de peau à cause de la pleine lune et voilà que cet idiot est à peine guéri qu'il veut retourner auprès de cette louve au risque de se faire massacrer à nouveau, il est stupide ou il le fait exprès !
— Il est loin d'être stupide, crois-moi, de plus, il sait très bien que tu ne lui pardonnera pas de se faire écharper encore une fois.

Liam baissa le nez.

— Tu crois ?
— Il t'aime, Li ! Il t'aime tellement qu'il t'a proposé de se lier à toi pour atténuer ta colère et t'aider à apprendre à la gérer ! Je pense que le grand Dracula ne fait pas une telle chose tous les jours, crois moi !

Liam fit la moue puis se laissa tomber dans le vieux canapé défoncé en croisant les bras.

— Parles-en avec Anise et Scott, mais ils te diront la même chose, répondit Isaac. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un aussi amoureux, tu sais ? Même les patrons c'est pas ça !
— Ils sont raides dingues l'un de l'autre... marmonna Liam. Gustave, il est amoureux de moi juste parce qu'il a besoin de compagnie après avoir passé deux siècles dans sa boîte à chaussures !
— Ce n'est pas vrai.

Liam frissonna et bondit sur ses pieds. À l'entrée du hangar, côté baies de chargement, Gustave se tenait, debout, une main sur une hanche, l'autre tenant un lapin mort par les pattes. Il le déposa sur une table qui lui était réservée pour se nourrir puis rejoignit les deux garçons. En passant, il sourit à Isaac qui baissa le nez en rougissant légèrement.

— Chéri, tu n'es pas un passe-temps, dit-il ensuite en se tournant vers Liam. La dernière personne que j'ai aimée à ce point, c'était la mère de mes enfants et elle est morte il y a des siècles ! Quand je t'ai vu, après mon arrivée ici, j'ai tout de suite compris que c'était toi, mon prochain grand amour.

Liam se mordit la lèvre. Isaac plissa le nez pour refouler une larme. Quand Gustave prit le menton de Liam sans sa main pour l'embrasser du bout des lèvres, il renifla et se détourna.

— Bon sang...

Gustave le regarda avec un sourire.

— Viens là, petit frère, dit-il en tendant le bras. J'ai suffisamment de place dans mon cœur pour deux loups que la vie à allègrement piétinés !

Isaac rigola doucement et s'approcha ; Gustave tendit le bras et le serra contre lui avec force. Liam les observa un moment et passa une main sur sa joue. Gustave lui sourit.

— Vous êtes trop jeunes pour souffrir autant, dit-il alors que Isaac que reculait. Scott vous a sauvé la vie en vous transformant, mais il ne vous le rend pas suffisamment. Je vais y remédier.
— Va pour les câlins de temps en temps, mais je ne coucherai pas avec vous ! grogna Isaac.
— Oh, j'ai assez à faire avec mon loup à moi, sourit le vampire en regardant Liam qui rougit.
— Je ne veux rien savoir, lalalala ! s'exclama Isaac en se détournant.

Liam lui balança alors un coussin et Gustave éclata de rire. Liam sourit puis redevint grave.

— J'étais sincère tout à l'heure, Gustave, dit-il. Je ne veux pas que vous alliez vous venger de Katherine. Elle ne savait pas, elle a fait une erreur et je pense qu'elle a compris la leçon. J'ai failli la tuer, puis j'ai pensé à vous et j'ai pris conscience que jamais vous ne feriez une telle chose. Vous tuez pour vous nourrir, pas par vengeance et encore moins gratuitement.

Gustave releva le menton et plissa les yeux sans répondre. Les deux loups comprirent à ce moment là qu'ils ne savaient pas tout sur la vie du vieux vampire... Aucun n'insista cependant et Isaac annonça rapidement qu'il allait travailler. Liam indiqua qu'il restait au hangar pour garder le fort et Gustave, lui, décida d'aller se reposer et remonta dans le dortoir. Le silence se fit alors, presque pesant, et Liam dégaina sa console de jeux avant de se vautrer dans un canapé...

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A l'hôpital de Beacon Hills, Melissa surveillait de près le couple de loups. La femme était revenue à elle une heure plus tôt et s'était ensuite rendormie, mais son mari était en piteux état et son loup ne semblait pas capable de le soigner.
Accoudée au comptoir, le regard rivé sur son écran, la femme frémit quand une ombre se profila devant elle. Elle releva les yeux et se redressa en reconnaissant Derek.

— Comment ils vont ?
— Elle va mieux, dans quelques jours elle pourra sortir, mais lui, il est mal en point...

Derek serra les mâchoires. Il indiqua la femme du menton.

— Je peux aller lui parler ?
— Essayez, mais je m'y suis déjà cassé le nez... Elle a refusé d'ouvrir la bouche, même pour me donner son prénom...
— Vous êtes humaine, Melissa, moi pas.

La mère de Scott haussa un sourcil puis indiqua de la main que Derek avait le champ libre. Il s'éloigna avec un signe de tête et entra dans la chambre double à quelques mètres du comptoir d'accueil.

— On se réveille, grogna-t-il.

La femme, immobile dans son lit, demeura inerte.

— Louve, je te demande d'ouvrir les yeux. Tu ne dors pas, je le sais.

Aucun mouvement. Derek s'approcha alors et se pencha sur elle.

— Tu as trois secondes pour ouvrir les yeux après quoi je t'égorges... grogna-t-il.

Le son qui roula dans sa gorge fit frémir la femme qui finit par ouvrir les yeux. Elle se figea en rencontrant le regard rouge de Derek, et celui-ci recula pour s'asseoir sur une chaise proche.

— Alpha, souffla la femme.
— Comment tu t'appelles ?
— Nataly Ruther.
— Non, ton vrai nom.

La femme déglutit.

— Sarah Jeesa.
— C'est ton mari ? demanda Derek en indiquant le rideau derrière lui.
— Non. C'est mon frère... Il s'appelle Henry Jeesa.

Derek inspira.

— Qui est Paul Ruthers ? Ton fils, un neveu ? Un enfant enlevé ?

Sarah baissa les yeux.

— C'est notre fils...

Derek haussa les sourcils.

— Votre...?

Il ferma les yeux de dégoût ; Sarah tourna la tête.

— Pourquoi l'avoir abandonné de la sorte dans les bois ? Il a sept ans, vous ne pouvez pas faire ça, il n'est pas capable de se débrouiller seul.
— Il l'a pourtant fait... Il a trouvé la mère de McCall tout seul.
— Parce qu'il n'était pas loin et que toute la région empeste son odeur.

Sarah ferma les yeux.

— Vous comptiez l'abandonner ? demanda alors Derek.
— Non, non pas du tout ! Nous... Nous sommes en fuite. Nos parents veulent nous retrouver et nous arracher le petit...

Derek releva le menton puis s'installa plus confortablement et demanda à la femme de lui raconter son histoire.