Bonjour à tous !

Voici la suite =)

Bienvenue à tous ceux qui nous rejoignent en cours de route et merci pour les followers et mises en favoris ;)

Bonne lecture à tous !

Rar :

Guest (1) : Je ne saurais être trop méchante avec Severus, tu sais bien ;) Juste de quoi lui faire prendre conscience qu'il n'est pas si malheureux qu'il se plait à le croire ;) Merci pour ta fidélité et bonne lecture de ce chapitre =)

Guest (2) : Merci pour ton commentaire, ravie que cette histoire te plaise =) Je pense qu'il en a encore pour quelques temps avant de retrouver forme humaine, je te laisse découvrir cela ;) Bonne lecture !


Severus commençait à se dire que ce corps avait une influence notable sur son esprit.

Comment sinon expliquer qu'il avait accepté de passer la soirée, et la nuit, à servir de doudou et de mouchoir à Granger, et à l'écouter se lamenter sur son sort, alors qu'il n'en avait rien à faire ?

Pire encore, il ne s'expliquait pas ce sentiment qui l'avait poussé à aller la voir malgré la chape de tristesse palpable qu'elle avait traînée dans son sillage lorsqu'elle était rentrée de son rendez-vous du soir. Habituellement, Severus faisait son possible pour se tenir loin des personnes en détresse. D'une part parce que cela ne l'intéressait pas, d'autre part parce que même si cela avait été le cas, il ne savait pas quoi faire de l'affliction des gens. Il était doué pour déclencher les larmes, pas pour les tarir. Pour appuyer là où cela faisait mal, pas pour panser les plaies.

Et pourtant il était allé voir Granger de son plein gré, poussé par une irrésistible envie de la réconforter, alors qu'il trouvait cela parfaitement idiot de pleurer pour un rendez-vous raté. Franchement, certains n'avaient même pas de rendez-vous, alors elle n'était pas la plus à plaindre !

Même si, à la réflexion, peut-être que le mal-être de la jeune femme allait au-delà d'une simple question de rendez-vous raté. Ses bégaiements larmoyants n'avaient pas été très clairs, mais il en avait compris le principal. Granger se sentait seule. Incomprise. Et était convaincue qu'on ne l'accepterait jamais comme elle était. Et ça, même en étant dépourvu de la moindre empathie, il pouvait le comprendre. Après tout, il avait longtemps vécu la même chose. Il vivait la même chose, en réalité. A la différence près qu'il le cachait mieux qu'elle et que depuis le temps, il s'était fait une raison.

De fait, il n'avait rien dit quand elle l'avait attiré à lui, le serrant dans ses bras comme un doudou. Il avait senti ce stupide ronronnement monter dans sa gorge, et avait voulu l'arrêter, avant de réaliser que ce son ridicule semblait calmer Granger. Par tous les Saints, c'était absurde ! Et tellement humiliant, de servir de peluche à cette gamine éplorée ! Heureusement que personne ne pouvait le voir.

D'ailleurs, il commençait sérieusement à se dire qu'il lui faudrait prendre soin de ne jamais recroiser la route d'Hermione Granger, lorsqu'il aurait retrouvé sa forme humaine. Pas question, lui vivant, de croiser quelqu'un qui aurait eu connaissance de tout ceci. Puis, se rappelant de la scène de la veille à la sortie de salle de bain, il s'était rassuré en se disant qu'elle non plus ne voudrait sans doute pas le recroiser, lorsqu'elle saurait ce qu'il en était réellement de l'identité de Charbon.

Heureusement, la déprime de Granger n'avait pas duré. Elle avait fait bonne figure le lendemain, s'efforçant de masquer au mieux sa tête de déterrée avec un chocolat fort dosé en cacao, et des tartines généreusement recouvertes de pâte à tartiner. Elle avait filé au travail après avoir déposé un nouveau baiser entre ses deux oreilles, et Severus avait une fois de plus mis son absence d'esquive sur le compte de la nuit horrible qu'il avait passée avec elle _ alors qu'il avait pourtant très bien dormi, à sa plus grande confusion.

Weasley était revenu le soir même de ses deux jours à Londres. Il avait demandé à la demoiselle comment s'était passé son rendez-vous.

- Sans intérêt. Encore un qui pensait que sortir avec l'amie de Harry serait un tremplin pour sa carrière, tu vois le genre, avait simplement répondu la jeune femme, sans s'attarder sur l'état de désolation dans lequel elle était rentrée.

Contre toute attente, Weasley n'avait pas fait de blague idiote, et avait simplement observé sa colocataire par dessus son verre d'eau, attendant une suite qui n'était jamais venue. Puis, comme il semblait évident qu'elle ne comptait rien ajouter d'autre, il avait simplement dit, haussant les épaules avec nonchalance.

- Si tu veux en parler, tu sais où me trouver.

Severus, qui assistait à la scène depuis le meuble de la cuisine où il était assis près du mince filet d'eau qui s'écoulait du robinet _ que l'on avait spécialement laissé ouvert à son attention afin de lui assurer une eau fraîche pour se désaltérer _ avait trouvé le regard que le rouquin avait posé sur la demoiselle étonnement mâture, connaissant le personnage.

Granger avait acquiescé en lui retournant un mince sourire, confirmant qu'aucun n'était dupe de ce qu'il en était réellement, mais qu'elle ne souhaitait pas revenir sur le sujet. Weasley n'avait pas insisté, et était passé à autre chose. Severus, qui se demandait encore comment ces deux-là avaient pu finir en colocation, avait alors compris pourquoi cette cohabitation fonctionnait si bien.

- L'apothicaire a appelé ce matin, avait alors dit la jeune femme, changeant elle aussi de sujet. Elle est rentrée de vacances et a reçu la commande contenant le Jaspe Rouge. J'irai la chercher lundi, et je réessaierai la potion de durabilité la semaine prochaine.

Severus, dont l'attention avait été soudainement distraite par un bourdon qui s'était cogné contre la fenêtre de la cuisine, avait tourné la tête vers la Gryffondor à la mention de l'apothicaire, mû par une déformation professionnelle qui attirait son attention à la moindre évocation de ce qui concernait de près ou de loin l'alchimie. Il avait arqué un sourcil interloqué en entendant Granger parler de ses expérimentations pour réaliser une potion de durabilité, qui à l'évidence ne se passaient pas comme elle l'aurait voulu, si elle en était à «réessayer» le mélange. Un sourire moqueur avait ourlé ses lèvres à l'idée que Miss-Je-Sais-Tout puisse buter sur quelque chose, d'autant plus sur une potion. C'en était presque jouissif.

Considérant son propre état après l'échec de l'une de ses expérimentations, d'aucun aurait pensé qu'il ne se serait pas moqué ainsi de la jeune femme, mais cela aurait été mal connaître Severus Rogue. Rien n'aurait pu l'empêcher de se réjouir de la déconvenue de la Gryffondor, et surtout pas la modestie liée à sa propre mésaventure.

- Qu'est-ce qu'il a ton chat, il est en transe ou quoi ? Avait soudainement demandé Weasley, et toute trace de sourire avait soudain quitté le faciès poilu de Severus. Ah non ça y est, il a retrouvé sa tête des mauvais jours ! Il devait faire un reset, s'était esclaffé le rouquin en lui tirant la langue alors que le félin grondait de mécontentement, n'appréciant que peu ses railleries à son sujet.

- Hey, arrête de l'embêter ! Était aussitôt intervenue Granger en se levant de table pour venir le caresser, comme si elle souhaitait ainsi effacer les moqueries du jeune homme.

Jusqu'à présent, Severus n'avait jamais toléré les caresses qu'en de rares occasions. Le jour où il l'avait griffé, mais il n'avait pas été maître de lui même. Après qu'elle l'ait retrouvé dans le fond de la poubelle, mais il avait vraiment eu besoin de réconfort. Et la veille, quand il s'était résigné à servir de doudou tandis qu'elle pleurait toutes les larmes de son corps.

Les jours précédents, nul doute que son premier réflexe aurait été de se hérisser de tout son corps et de s'éloigner en feulant, mais il n'avait pas bougé, cette fois, incapable de se défaire du sentiment de fierté et de supériorité qui l'avait envahi lorsque la jeune femme avait pris sa défense, et l'avait grattouillé ostensiblement devant Weasley qui venait de le rabaisser.

- Mon pauvre petit chat, il n'est pas gentil avait toi ! Avait minaudé Granger en le caressant derrière les oreilles. Alors que tu es tout mignon en plus ! Oh, pauvre Loulou !

Severus n'avait pas répondu. Son corps ne semblait soudain plus lui appartenir. C'était comme si l'ensemble de ses récepteurs corporels étaient saturés de sensations toutes plus agréables les unes que les autres. Les doigts de Granger étaient plongés dans sa fourrure. Partout à la fois. Grattouillant le dessus de sa tête, massant la peau délicate de son cou, lissant les poils de l'échine de son dos.

Doux Merlin, quel sortilège était-ce là ? Il n'en savait rien, mais avait simplement prié pour que cela continue. C'était divin!

Avant même d'en prendre conscience, il s'était redressé pour s'approcher de la jeune femme, et avait frotté sa tête contre son bras puis contre sa poitrine en ronronnant comme un moteur moldu. Là tout de suite, il aurait été prêt à tout pour qu'elle ne s'arrête jamais de le papouiller ainsi. Du coin de l'œil, il avait aperçu Weasley secouer la tête, ahuri de ce spectacle de favoritisme incontestable, et en avait ressenti une profonde satisfaction.

- Est-ce que tu vas retourner voir Rogue ? Avait demandé le rouquin en reportant son attention sur sa mousse au chocolat.

Le nom familier avait brusquement tiré Severus de sa léthargie. Il s'était figé sous les mains de la Gryffondor, avant d'ouvrir grands les yeux en réalisant ce qu'il était entrain de faire. Par tous les Saints !

- Hey doucement ! S'était exclamée la jeune femme lorsqu'il avait fait un bond pour s'éloigner d'elle, manquant tomber dans l'évier rempli d'eau où la vaisselle se faisait sous l'effet d'un sortilège de tâche ménagère.

Il s'était rattrapé comme il avait pu pour ne pas glisser dans le bac débordant de mousse, avait réussi à se raccrocher à l'essuie-mains qui traînait sur le bord du meuble mais, emporté par son poids, avait dégringolé en bas de celui-ci en entraînant le linge avec lui. La serviette lui était tombée dessus, obscurcissant sa vue et lui transmettant son humidité. Il avait fait un nouveau bond en grondant de frustration, avait voulu s'enfuir pour se débarrasser sur linge, qu'il avait traîné derrière lui avant que celui-ci ne glisse sur le carrelage, le tout sous les regards ahuris des deux humains présents dans la pièce.

- Avoue quand même qu'il est un peu con sur les bords, non ? Avait dit Weasley, consterné, alors qu'il n'était lui-même pas le dernier à faire des bêtises.

- Disons qu'il est intellectuellement limité, avait temporisé Granger en pinçant les lèvres d'un air navré.

Severus avait feulé avec ressentiment, depuis le dessous de la table basse où il avait trouvé refuge, mais Granger l'avait ignoré. Par Salazar ! Jamais elle n'aurait osé insulter ainsi son intellect si elle avait su qui elle avait face à elle! Et jamais elle ne l'aurait ainsi snobé s'il lui avait hurlé dessus avec sa forme humaine !

Jamais elle ne l'aurait papouillé non plus, évidemment, mais il avait chassé cette idée de sa tête aussitôt qu'elle avait pris forme dans son esprit.

- Pardon, tu disais ? Avait demandé la jeune femme à l'attention de son colocataire, reprenant le fil de la conversation. Ah oui, Rogue. Je ne sais pas trop. Je referai bien un essai avant d'y retourner. Mais si je n'y arrive pas, j'aurais encore gaspillé des ingrédients pour rien…

Retourner ? Retourner où, au juste ? Que faisait-il dans toute cette histoire de potion ratée et de…? Oh, Bonté Divine ! Alors c'était pour ça qu'il s'était retrouvé chez Granger ? Parce qu'elle était coincée dans l'élaboration d'une potion et qu'elle était venue lui… lui quoi, au juste, lui demander conseil ? Lui demander de l'aide ? Par tous les Saints, si elle pensait vraiment qu'il n'avait que cela à faire, d'aider une insupportable Je-Sais-Tout comme elle ! Sans compter qu'elle l'avait kidnappé lors de sa précédente visite, quand on y regardait bien !

- J'avais pensé à mettre de la poudre de Rose de Jéricho, au lieu du pollen d'immortel, mais j'ai peur que cela détériore les propriétés des préparations auxquelles on l'ajoutera, avait poursuivi la jeune femme, songeuse.

- Hmmm… Et si on infuse une pierre de silex en même temps ? Avait proposé Weasley en griffonnant quelques notes sur un carnet sorti de nul part. On avait fait cela pour stabiliser la préparation de nos premiers marécages portables…

- Ah oui ce n'est pas bête. J'essaierai ça la semaine prochaine et si cela ne fonctionne pas… je retournerais au château pour voir si Rogue est disposé à… me donner un conseil…, avait grimacé la Gryffondor, vraisemblablement peu convaincue par cette éventualité.

Au moins était-elle encore réaliste, avait songé Severus en l'observant d'un regard sombre. Non mais, comme s'il n'avait que cela à faire de ses vacances ! Il n'aidait déjà pas ses propres élèves à réussir leurs potions quand ils fréquentaient les bancs de sa salle de classe, ce n'était pas pour conseiller ceux dont il était enfin débarrassé à mener à biens leurs idées tordues, surtout lorsqu'il s'agissait de concocter des farces et attrapes dont il ferait les frais lors de la prochaine rentrée scolaire !

- J'espère qu'il n'a pas su que j'avais récupéré le chat qui lui avait fait foirer sa potion, avait encore dit Granger, soudainement inquiète.

Et Severus avait réalisé, avec vingt jours de retard, ce qu'il en était véritablement. Non seulement Granger était venue jusqu'à Poudlard pour lui demander son aide, mais elle était arrivée peu de temps ou presque après l'incident avec les poils de Caméléon Angora, et avait pensé que c'était le chat qui l'avait interrompu dans sa préparation… Quoi de plus logique, après tout ? Il était passé Maître dans son Art, et l'idée qu'il ait pu planter sa potion ne lui avait sans doute même pas effleuré l'esprit _ ce qui était plutôt flatteur, soit dit en passant. Et même si cela restait une possibilité… personne n'aurait pu soupçonner qu'il s'était transformé en chat après avoir malencontreusement ingurgité un peu du mélange raté.

Granger en avait donc conclu que c'était le chat qui était responsable de toute cette débâcle et, connaissant sa ferveur à défendre toutes les créatures qui croisaient son chemin, elle l'avait récupéré de peur qu'il se venge sur le greffier… sans même réaliser que c'était justement lui, le chat !

Ainsi donc cela expliquait pourquoi il s'était retrouvé chez Granger… et comment il était devenu Charbon.

- Je ne vois pas comment il pourrait le savoir, et même si c'était le cas… il devrait plutôt te remercier de l'avoir débarrassé du problème, vu le caractère acariâtre de l'animal ! Avait ironisé Weasley.

Severus n'avait même pas relevé la pique à son égard, son cerveau turbinant à deux cent à l'heure. Si Granger avait dans l'idée de retourner au château pour lui demander conseil, elle passerait sans doute par son laboratoire, ou son bureau, à défaut. S'il parvenait à l'accompagner jusque là, peut-être trouverait-il le moyen de lui faire comprendre ce qu'il en était réellement, et grâce à la jeune femme, il pourrait avoir accès à son laboratoire et même, avec un peu de chance, réussir à trouver de quoi annuler les effets de la potion.

Seulement… Elle ne prendrait jamais le risque de le laisser de nouveau sortir, étant donné l'inquiétude que sa dernière escapade avait suscité.

Il n'avait donc guère le choix. Si Granger retentait sa potion foireuse la semaine suivante, cela lui laissait une dizaine de jours, peut-être même moins, pour la convaincre de l'autoriser à sortir de nouveau.

Il allait devoir être gentil.

Par Salazar ! Que Merlin lui vienne en aide !

OoOoO

Hermione n'avait pas laissé son coup de blues du début de semaine lui gâcher la vie, et s'était replongée corps et âme dans le travail et ses révisions. L'été étant une période plus calme pour l'échoppe, elle avait pris l'initiative de faire un grand tri dans l'arrière boutique, toujours encombrée de nombreux cartons de déménagements pas encore déballés et autres objets laissés par l'ancien commerce au sous-sol.

Elle avait pu pour cela bénéficier de l'aide d'un assistant, ou du moins d'un soutien moral. Depuis la nuit qu'il avait passée avec elle, Charbon s'était montré étonnement collant, ne la quittant pas d'une semelle lorsqu'elle rentrait à l'appartement, quémandant, si ce n'était des caresses, du moins de l'attention en permanence. Après une semaine passée à rester au calme à l'appartement, suite à son aventure de deux jours et d'une nuit à l'extérieur, il avait de nouveau manifesté son envie de sortir, miaulant et grattant à la porte tous les matins.

Avisant le soleil resplendissant qui brillait au dehors, Hermione n'avait pas eu le cœur de le laisser enfermé, et avait donc opté pour un compromis en le laissant descendre au magasin avec elle, à condition qu'il reste dans l'arrière boutique. Elle avait formulé cette condition pour la forme, bien entendue, car elle n'était pas suffisamment naïve pour penser que le félin comprendrait les limites à ne pas franchir. Et pourtant, Charbon avait été étonnement docile. Là où elle se voyait faire le gendarme à longueur de journée pour surveiller qu'il ne s'échappe pas dans la boutique, il était resté dans les parties privées à l'arrière, surveillant de près les bocaux stockés dans son laboratoire, et roupillant dans un chaudron ou dans un carton vide à l'occasion.

De fait, les deux premiers jours de cette expérience s'étant passés sans heurt, elle avait fini par lui laisser l'accès au jardinet attenant à l'arrière boutique, pendant qu'elle trimait à réarranger le back-office pour qu'il soit plus fonctionnel pour deux personnes, à présent qu'elle aidait George à plein temps pendant les vacances. Les deux sorciers se relayaient à la vente et à la fabrication, puisque l'été était également la période adéquate pour refaire les stocks des meilleurs produits.

Cela avait grandement amusé Hermione, de constater que Charbon ignorait ostensiblement George quand il travaillait au réassort, préférant aller se dorer la pilule au soleil quand le jeune homme occupait l'arrière boutique, alors qu'il était toujours dans les parages quand c'était elle à la fabrication. Elle n'avait pas manqué le faire remarquer à George, qui avait grimacé avec mauvaise foi.

- Si tu penses que c'est parce qu'il t'aime bien, tu es bien naïve, ma pauvre ! Avait-il rétorqué en jetant un coup d'œil au greffier qui l'avait toisé en retour avec hauteur. Cet animal n'agit que par intérêt ! A ses yeux, tu es seulement un distributeur sur pattes !

- Cela ne me change pas trop de ton frère, à la différence près que je n'ai pas son linge à laver et à repasser ! Avait répliqué Hermione avec ironie, avant de repartir en boutique en entendant la cloche de l'entrée carillonner, laissant un George hilare derrière elle.

Le vendredi soir, alors qu'elle profitait du soleil de fin de journée pour bouquiner dehors, Charbon étalé de tout son long à ses pieds, la chouette de Harry avait fendu le ciel dans sa direction. Le chat avait brusquement sursauté lorsque le volatile avait atterri sur la pelouse près de la jeune femme, se hérissant de tout son long en feulant avec hostilité. Falballa, la nouvelle Harfang des Neiges du Survivant, avait toisé le félin avec superbe, pas le moins du monde impressionnée par cette démonstration de force.

- Charbon, laisse-la tranquille, elle ne t'a rien fait, avait tempéré Hermione en levant les yeux au ciel.

Elle avait détaché le pli de la patte de la chouette, et parcouru les quelques lignes de parchemins annotées de l'écriture de Ginny tandis que l'oiseau reprenait son envol. Son expression s'était figée alors qu'elle prenait connaissance du message.

- George Weasley ! Avait-elle marmonné en froissant le message dans son poing une fois sa lecture achevée. Toi et ta langue trop bien pendue ne perdaient rien pour attendre! Avait-elle grondé avec exaspération avant de poser son livre pour se lever et regagner momentanément l'appartement.

Charbon, interloqué par son soudain départ, n'avait pu résisté à la tentation d'aller jouer avec la boulette de papier qu'elle avait laissée près de son livre. Il avait joué un instant avec, la dépliant sans le vouloir, avant que son regard ne se pose sur les quelques mots alignés sur la bande de parchemin. Ses yeux s'étaient alors écarquillés d'horreur.

«Georgie m'a dit que ton rencard avec ton étudiant ne s'était pas bien passé. Prépare la glace et la pâte à tartiner, on débarque demain soir avec Luna et Tonks ! Ce n'est pas négociable ! Gin'».

OoOoO

Hermione avait juste eu le temps d'aller faire quelques courses pour refaire ses stocks de produits riches en sucre _ confiture, chantilly, glace et pâte à tartiner _ avant que ses trois amies ne débarquent le lendemain soir. Il était évident que cette petite réunion entre filles relevait d'un complot certain entre les membres de la fratries Weasley, car George avait prévenu Hermione tôt dans la matinée que lui-même sortait avec Harry, Neville et Rémus, le Survivant ayant réussi à leur obtenir des places de dernières minutes pour un match de Quidditch à Londres.

Toujours était-il que les trois femmes avaient investi l'appartement des deux Gryffondor, réduisant à néant la soirée lecture calme et tranquille qu'avait prévue Hermione. Au lieu de cela, les quatre sorcières avaient préparé quantité de pâte à crêpe et, pendant que la crêpière ensorcelée se chargeait de les cuire à leur place, avaient bavardé dans le salon autour d'un verre de vin.

Charbon n'était visible nulle part. Étrangement, l'animal avait disparu dès que la sonnette de l'appartement avait retenti, comme s'il pressentait les trois tornades qui allaient débarquer chez lui. Cela n'avait pas empêché Ginny, que George avait mise au courant de l'existence de leur nouveau pensionnaire, de passer dix minutes à chercher après le chat, désireuse de voir sa petite bouille à moustaches, en vain.

- Ginny, je ne pense pas que cela le fera venir de lui courir après, l'avait raisonnée Hermione en grimaçant. Il est assez sauvage tu sais, et pas très tactile. Le meilleur moyen de le faire sortir de son trou est de l'ignorer. Viens plutôt reprendre un verre avant que Tonks ne finisse la bouteille.

- Comment ça finir la bouteille ? Avait relevé l'auror. Rassure-moi, tu n'as pas qu'une bouteille dans cet appartement quand même? Et moi qui pensais que vous faisiez la fiesta tous les soirs avec George ! Avait déploré la sorcière, triste comme les pierres, en avisant le fond de son verre déjà bien entamé.

Finalement, Ginny avait accepté de laisser Charbon tranquille pour se concentrer sur l'apéritif en cours, laissant néanmoins le dernier verre de la bouteille à Tonks, qui avait plaidé sa cause en mettant en avant les tracas de son quotidien de mère, contre lesquels aucune des jeunes sorcières ne pouvait rivaliser.

- D'ailleurs, je te conseille vivement de profiter du célibat avant de chercher à te caser de nouveau, avait appuyé la métamorphomage en tartinant allégrement une crêpe de pâte à tartiner. Tu n'as même pas idée de la tranquillité dont tu disposes actuellement !

- Elle vit en colocation avec George, Tonks ! Avait vertement rappelé Ginny en avalant tout rond une petite crêpe à la chantilly. Je ne pense pas que «tranquille» soit l'adjectif qui caractérise le mieux le quotidien d'Hermione.

- George n'est pas si remuant que ça, tu sais, avait nuancé la Gryffondor, mettant un point d'honneur à défendre la réputation du jeune homme. Il est tellement claqué le soir en rentrant du boulot qu'en général, il n'a plus d'énergie pour les mauvais coups.

Ginny lui avait lancé un regard plus que dubitatif, à l'évidence peu disposée à se laisser convaincre que son grand frère était devenu le colocataire parfait. Sans doute pensait-elle qu'Hermione minimisait les choses pour ne pas les inquiéter. Comme pour confirmer cette idée, la rouquine avait ajouté, tel un argument d'autorité.

- Maman a dit qu'il ne fallait surtout pas que tu hésites à le remettre à sa place s'il dépassait les bornes, et que tu pouvais lui demander d'intervenir si tu te faisais déborder.

Hermione avait éclaté de rire, amusée à cette idée, tout en se promettant de laisser planer la menace sur George lors d'une prochaine soirée. Elle avait hâte de voir à quel point cette perspective pouvait faire perdre ses couleurs au jeune homme.

- Moi je me fais déborder par les deux hommes de la maison, avait geint Tonks en attrapant la bombe de chantilly. Ta mère ne pourrait-elle pas m'aider, plutôt qu'Hermione qui a l'air très heureuse de son sort ?

- Teddy s'est-il transformé en loup-garou ? Avait demandé Luna, curieuse.

L'auror lui avait lancé un regard de biais.

- Tu parles ! S'il pouvait se transformer en loup et aller cavaler avec son père à la pleine lune, j'aurais au moins la paix un soir par mois ! Tandis que là... Il n'a même pas encore sept ans que c'est déjà lui qui fait la loi à la maison ! Son père lui passe tout, alors forcément c'est moi la méchante ! Franchement, est-ce que j'ai une tête de méchante, moi ?

- Oui, quand tu te descends presque une bouteille de rosé à toi toute seule, avait raillé Ginny avec un sourire narquois.

Ce qui lui avait valu un jet de fraise Tagada de la part de la sorcière aux cheveux assortis.

- Tu verras quand tu auras des mômes toi là-bas ! Tu rigoleras moins ! Surtout qu'Harry est parti pour être du même acabit que Rémus ! C'est le traumatisme de l'enfant mal aimé, ça. Ils n'ont pas eu de chance pendant leur enfance alors ils cèdent tout à leurs gosses !

A priori, elle avait étudié le sujet en long, en large, et en travers. Luna avait échangé un regard avec Hermione, qui avait ravalé un sourire moqueur, amusée par ces scènes de ménage qui pour le coup, ne la faisait pas trop regretter d'être en colocation plutôt qu'en couple.

- Oui ben justement, il m'a dit la semaine dernière qu'il avait déjà choisi les noms de nos futurs enfants ! S'était exclamée Ginny avec une moue éloquente. Vous savez comment il veut les appeler si ce sont des garçons ?

- Laisse-moi deviner, James? Avait proposé Tonks, moqueuse.

- Comment tu sais, il te l'a dit ?

- Non mais Teddy a bien failli s'appeler James lui aussi ! Je veux bien que son ami de jeunesse manque à Rémus, mais de là à lui donner son prénom, quand même !

- Concernant Harry, cela semble logique qu'il veuille donner le nom de son père qu'il n'a pas connu à son fils, avait argué Luna de sa voix rêveuse.

- Bien sûr, James ça ne me dérange pas, avait enchaîné Ginny, leur faisant ainsi comprendre qu'il y avait une suite à son histoire. Mais attendez, il ne s'est pas arrêté à un prénom pour garçon et un pour fille, non non ! Monsieur a décidé que s'il avait un deuxième garçon, il l'appellerait Albus ! Albus ! Non mais vous vous rendez compte ! Je vais avoir un mini Dumbledore à la maison !

Les trois filles avaient éclaté de rires, hilares face à l'expression désemparée de leur amie, qui n'avait à l'évidence pas eu voix au chapitre pour la proposition des prénoms de sa descendance.

- Heureusement que Rogue s'en est sorti, sinon il se serait appelé Severus ! Avait ri Tonks, manquant s'étouffer avec un pancake. Rémus m'a dit qu'Harry était en admiration devant lui depuis qu'il avait découvert son rôle pendant la guerre !

A ces mots, Ginny avait abandonné son air chagrin pour un sourire machiavélique.

- Oh mais il n'y a pas que lui qui a revu son jugement à son sujet ! Avait-elle glissé, sournoise. N'est-ce pas Hermione ?

OoOoO

Les rires hystériques des quatre harpies qui gloussaient comme des dindes dans le salon avaient tiré Severus du demi-sommeil dans lequel il avait fini par sombrer, après s'être planqué sous le lit de Granger lorsque la sonnette avait retenti en début de soirée. Il avait frôlé de peu la crise cardiaque quand la fille Weasley s'était mise en tête de le débusquer, et avait silencieusement remercié Granger de l'avoir réorientée sur les crêpes en précisant qu'il n'était pas très tactile.

Il ne manquait plus qu'il se fasse palper sous tous les angles par les trois sorcières shootées au saccharose qui avaient envahi le salon de sa maison ! Non mais, il n'avait déjà pas eu son mot à dire sur leur présence, ce n'était pas pour supporter leur compagnie toute la soirée !

Néanmoins, il commençait à avoir un faim, et la délicieuse odeur de crêpe qui flottait dans l'appartement lui avait mis l'eau à la bouche. Combien y avait-il de chance pour qu'il puisse s'approcher assez pour en chaparder une sans se faire prendre ?

Malheureusement pas beaucoup, avait-il constaté avec dépit en avisant les quatre sorcières assises autour de la table basse du salon, couverte de sucreries, dont les fameuses crêpes en question. Bon, ne restait plus qu'à prier Merlin pour que leurs cris ne lui abîment pas trop les tympans, et pour qu'aucune d'elles ne parvienne à l'attraper ! Cela le tuait de l'avouer, mais il espérait pouvoir compter sur Granger pour les tenir à distance si les circonstances l'exigeaient.

Il s'était approché à pas feutrés, appréciant les coussinets molletonnés qui lui permettaient de s'approcher de n'importe qui sans faire un bruit. Voilà quelque chose qu'il n'aurait pas été contre garder lorsqu'il retrouverait sa forme humaine! Rien de tel pour surprendre les traînards après le couvre-feu, ou pour créer un véritable effet de surprise lorsqu'il arriverait près des élèves étourdis en cours.

Ou pour espionner des conversations, également…

Alors, de quoi parlaient-elles, ces bécasses ?

- Attend, quoi ?! S'était exclamée Tonks non loin de là, alors qu'il s'asseyait dans l'ombre d'un meuble, les oreilles tournées vers le petit groupe de sorcières.

Lui, curieux ? Non, vraiment pas. Il étudiait simplement la meilleure stratégie possible pour approcher le plateau de crêpes. Ajouté à cela un reste de déformation professionnelle, lui qui avait œuvré en tant qu'agent double pendant quinze ans, et cela ressemblait évidemment à s'y méprendre à quelqu'un qui écoutait aux portes, mais il n'en était rien, vraiment. Ce n'était pas comme si la vie des quatre femmes l'intéressait, en plus. Peut-être la vie de l'une d'entre elle, éventuellement, et encore ! Il n'en était même pas certain.

- De ta part Hermione, c'est plutôt inattendu ! Avait renchéri Lovegood, vaporeuse comme à son habitude.

- Non mais ne vous enflammez pas, c'est simplement de l'admiration, rien de plus ! S'était exclamée Granger, clairement sur la défensive, sous le regard goguenard de Weasley. N'allez rien vous imaginer de plus !

Severus avait retenu un bâillement ennuyé, se désintéressant presque aussitôt de la conversation. Sans grande surprise, les femmes parlaient garçons ! Oh, Merlin, c'était un tel cliché ! Il aurait pourtant pensé que Granger était d'un niveau intellectuel supérieur à ce genre de babillages inutiles, mais à l'évidence, il était certaines choses communes à tous les membres de la gente féminine, et celle-ci en faisait partie !

Sa curiosité étant retombée comme un soufflet, il avait porté une patte à sa bouche pour commencer un brin de toilette. S'il s'était refusé à ce genre de comportement purement félin lors de ses premiers jours de transformation, il n'y rechignait plus depuis que Granger l'avait passé à la douche, et s'évertuait à entretenir la brillance de sa fourrure noire. En réalité, il n'y pensait même plus.

- Tu rigoles ou quoi, tu fantasmais carrément sur lui en huitième année ! Avait poursuivi Weasley de sa voix moqueuse.

- En huitième année ? Mais tu ne sortais pas déjà avec Ron en huitième ?

Et Lovegood qui ne suivait jamais rien. Bon sang, c'était tellement affligeant !

- Tu parles, ils avaient déjà fait une pause après les fêtes de fin d'année parce qu'ils s'étaient pris la tête pour une bête histoire de message !

- Ton frère avait fait la tête parce que je n'avais pas répondu à son hibou dans la journée ! Avait rappelé Granger avec hauteur.

- Cela aurait déjà dû te dissuader de poursuivre avec lui !

Ah, pour une fois que Weasley disait quelque chose de censé !

La première patte était finie, place à la deuxième.

- Est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose ? Avait grincé Granger avec impatience.

A l'évidence, le sujet du fils Weasley, dernier du nom, était toujours tabou.

- Oui parce qu'on s'éloigne du sujet là ! Avait vivement acquiescé Tonks. Nous parlions de ton fantasme pour un professeur, à la base !

La langue de Severus était restée en suspension au dessus de la patte qu'il était entrain de laver tandis qu'il se figeait, interdit par la dernière phrase qu'il pensait avoir entendue. Mince, peut-être aurait-il dû prêter une oreille plus attentive à la conversation, finalement. Avait-il mal compris, ou les trois sorcières étaient-elles réellement entrain d'évoquer un fantasme possible de Granger sur l'un de ses collègues ?

A la réflexion, cela devenait intéressant !

Abandonnant sa toilette, il avait porté toute son attention sur la conversation en cours.

- Je ne fantasmais pas sur lui ! S'était défendue, très mal d'ailleurs, Granger en piquant un fard révélateur.

Par Merlin, personne ne lui avait-il donc jamais appris à mentir ?

- Bah voyons ! Il ne se passait pas deux jours sans que tu me parles de lui ! S'était rappelée Weasley, moqueuse.

Sérieusement ? Par Salazar, il avait du mal à s'imaginer Granger, Miss-Je-Sais-Tout en cours et Rat de bibliothèque durant son temps libre, développer un tel béguin pour un homme, l'un de ses professeurs de surcroît ! De qui diable Miss Gryffondor avait-elle pu s'enticher ?

- A quel point il était intelligent et vif d'esprit, comment il avait été courageux et loyal pendant la guerre…, avait énuméré la rouquine, grandement amusée par l'embarras palpable de son amie.

- Quand je vais raconter ça à Rémus ! S'était exclamée Tonks, hilare.

Severus, lui, n'en finissait plus de hausser ses sourcils de chat, interdit. Nom d'un vampire, mais de qui diable parlaient-elles, ces trois harpies ? Intelligent… Cela aurait pu être Filius. A la tête de la Maison de la Sagesse et des Érudits, il aurait pu coller au profil… Mais Filius approchait des quatre-vingt ans, et même s'il était bien conservé, il doutait quand même que Granger puisse avoir eu le béguin pur lui.

Courageux et loyal ? Ce n'était sans doute pas Horace, dont le courage n'était clairement pas la qualité première, et qui avait plusieurs fois oscillé dans un flou artistique concernant le camp dans lequel il était réellement, tant que cela pouvait sauver sa peau.

- C'est vrai que, maintenant tu le dis, je me rappelle qu'une fois tu m'avais dit que tu ne le trouvais pas dénué de charme, était intervenu Luna, songeuse.

«Pas dénué de charme» ? Par Merlin, Severus avait eu beau passer en revu tous ses collègues, il ne voyait pas qui collait à une telle description. A moins que… Aurélius était-il déjà professeur d'Études des Moldus lorsque Granger avait fait sa huitième année ? Oui, évidemment, puisqu'il avait pris la succession de Charity. Il y avait aussi Darius, bien-sûr, qui avait succédé à Minerva lorsque celle-ci avait pris ses fonctions de directrice. Depuis son premier jour au château, le jeune trentenaire ne manquait pas de faire tourner les têtes. Il suffisait de voir le nombre d'élèves féminines qui se pâmaient devant lui quand il passait dans les couloirs.

Non, cela n'avait rien de surprenant, en réalité. Apprendre que Granger faisait partie de ses groupies, en revanche, l'était un peu plus, mais après tout, elle était bien sortie avec Weasley, qui n'était pas non plus un modèle d'intelligence.

- Luna ! Avait gémi la Gryffondor, mortifiée.

- Alors là, si on m'avait dit ça un jour ! Avait ri Tonks, pliée de rire sur le canapé.

- Bon, je vais voir où est Charbon, avait soudainement décrété Granger en se levant.

Oh, l'infâme traîtresse ! Vendeuse de tranquillité, humaine indigne prête à sacrifier la sérénité de son chat pour sauver le peu de dignité qu'il lui restait après cet honteux épisode de réminiscences étudiantes !

Malheureusement pour lui, il n'avait pas eu le temps de disparaître dans l'ombre d'un meuble. Le regard de la jeune femme était tombé directement sur lui lorsqu'elle s'était retournée pour aller le chercher dans sa chambre, et le soulagement qui l'avait envahie à sa vue avait été évident. Elle était persuadée d'avoir trouvé là la diversion parfaite pour détourner l'attention de ses amies de sa petite personne.

Et à juste titre.

- Oh mais tu es là Loulou ! S'était-elle joyeusement exclamée, plus fort que de raison, histoire d'être bien certaine que l'information n'échapperait pas aux trois sorcières.

A peine avait-elle ainsi dénoncé sa présence que les trois harpies avaient cessé de l'asticoter sur son fantasme d'étudiante pour se précipiter sur lui, toutes désireuses de voir le «petit trésor» que leur amie avait adopté, le sauvant des griffes du terrible professeur Rogue qui n'aurait pas manqué le couper en rondelles pour en faire une potion, ou l'aurait mis à tremper dans du formol pour les dix prochaines années.

Severus n'avait guère eu le temps de s'offusquer de toutes ces remarques sur sa version humaine, tant il avait été occupé à éviter les tentatives de caresses et de palpations de sa présence version féline. Il avait eu beau faire le gros dos, hérisser tous les poils de son corps et gronder son mécontentement, les trois sorcières avaient persisté à l'observer de près en tentant de s'approcher davantage, déballant tous les jouets ridicules que Granger avait acheté au début de son séjour pour l'appâter, sans plus de succès que leur amie précédemment.

Par Merlin, c'était tout simplement incompréhensible ! Il avait eu beau s'évertuer à se montrer sous son plus mauvais jour, les trois femme avaient semblé craquer à l'unanimité pour lui, riant de ses tentatives pour les impressionner et de ses feulements menaçants. Là où un seul regard noir aurait suffi à les faire fuir s'il avait été humain, il n'avait même pas réussi à les faire reculer d'un pas sous cette forme ! Quelle ironie !

Il avait finalement réussi à s'extirper du cercle féminin pour aller se réfugier sous le buffet qui avait déjà accueilli ses premières heures dans l'appartement de Granger, retrouvant avec morosité les moutons de poussières et le stylo abandonné là depuis une éternité, semblait-il. Par Merlin, personne ne faisait donc jamais le ménage, dans ce taudis ?

La soirée filles avait continué dans le salon, et si quelques allusions avaient de nouveau été faites à l'intention de Granger concernant son béguin pour l'un de ses collègues, rien ne lui avait permis d'en savoir plus quant à l'identité de ce dernier. Severus avait profité de l'inattention des jeunes femmes pour s'éclipser vers la cuisine où, faute de crêpes, il avait lapé trois gorgées d'eau fraîche à la fontaine toute neuve que la jeune femme avait achetée plus tôt dans la semaine. Là aussi, il était assez ironique de constater que l'on n'avait jamais autant pris soin de lui que depuis qu'il n'était plus lui, justement. Jamais personne ne lui avait acheté autant de choses au cours des trente dernières années qu'au cours des trois semaines qu'il avait passées dans la peau de Charbon.

Puis, alors qu'il commençait à se demander si les trois sorcières repartiraient un jour ou si cette colocation déjà incongrue allait passer de deux protagonistes à cinq, la porte d'entrée s'était ouverte, et les voix s'étaient atténuées avant de s'estomper tandis que les marches de l'escalier grinçaient sous le poids des convives qui partaient. Severus s'était redressé, aux aguets.

Les trois harpies étaient enfin parties !

OoOoO

Hermione s'était adossée contre la porte qu'elle venait de refermer sur ses amies, exténuée.

- J'ai cru qu'elles ne partiraient jamais ! Avait-elle soupiré avec un soulagement évident en remarquant Charbon qui l'observait depuis l'entrée de la cuisine. Je les adore mais alors, qu'est-ce qu'elles sont pipelettes ! Avait-elle dit avec un sourire un peu grimaçant.

C'est qu'il était presque une heure du matin, et qu'elle était terrassée par la fatigue, elle qui avait travaillé toute la journée du samedi à la boutique. Elle ignorait si George avait prévu de rentrer ou de dormir chez Harry, et n'allait certainement pas attendre de le savoir. Son lit l'appelait de façon bien trop insistante pour qu'elle prenne le temps de s'en assurer.

Étouffant un bâillement, elle s'était dirigée d'un pas lourd vers la table basse du salon, sur laquelle elle avait lancé un bref sortilège ménager afin qu'elle se débarrasse toute seule, bénissant une fois de plus Merlin de l'avoir fait sorcière. Si à une époque elle avait été admirative de toutes les choses merveilleuses que permettaient la magie, elle n'avait jamais tant béni la praticité de la sorcellerie que depuis qu'elle avait un appartement à tenir, loin de l'internat à Poudlard où tout ou presque était géré par autrui.

Alors que, dans un dernier effort avant d'aller se coucher, elle couvrait les crêpes restantes pour les ranger dans la cuisine, elle avait surpris le regard envieux de Charbon assis non loin de là, qui ne lâchait pas l'assiette du regard. Un sourire avait étiré ses lèvres.

- Qu'est-ce qu'il y a, tu veux une crêpe ? Avait-elle demandé avec amusement. Ah bah oui, maintenant que tout le monde est parti, Monsieur accepte de sortir de son trou ! Allez viens là, gros bêta ! Avait-elle dit en levant les yeux au ciel.

Elle s'était assise à même le tapis, se retrouvant ainsi à la hauteur du chat ou presque, et avait attrapé une crêpe encore tiède sur le haut de la pile, dont elle avait déchiré un morceau pour le tendre au félin vraisemblablement méfiant qui s'était assis à un mètre d'elle.

- Allez, ne fais pas ton timide, elles sont parties ! Avait-elle insisté en lui tendant le morceau de crêpe. Et je ne vais pas te le tenir toute la nuit !

Sans doute avait-elle été suffisamment convaincante dans cette dernière injonction, car le félin avait finalement abandonné toute réserve et s'était approché, prenant toutefois le temps de renifler le fragment de crêpe sous tous les angles avant de le prendre délicatement en bouche. Il avait un peu galéré à le mâcher, et Hermione l'avait regardé faire en s'amusant de ses mimiques incommodées. Prise d'un élan d'affection impossible à contenir, et alors même qu'elle savait pourtant qu'il n'aimait pas trop les contacts, elle avait attiré le chat à elle, le déposant sur ses genoux avant de lui tendre un deuxième morceau de crêpe.

Charbon s'était raidi, mais n'avait pas tenté de s'enfuir, et la Gryffondor s'était adossée plus confortablement contre le pied du canapé, lui donnant de petits morceaux de crêpe d'une main toute en plongeant les doigts de son autre main dans sa fourrure sombre.

- Mais dis donc, tu es un sacré gourmand toi ! C'est bien la peine de me faire acheter du jambon hors de prix si finalement tu t'accommodes de quelques crêpes !

Le greffier lui avait lancé un regard de biais, à croire qu'il avait réellement compris la pique, et Hermione avait étiré un nouveau sourire avant de bailler une fois de plus. La fatigue commençait à l'envahir dangereusement, et la simple idée qu'il lui fallait encore aller jusqu'à la salle de bain pour mettre son pyjama avant de se glisser dans son lit lui semblait insupportable. Elle avait laissé sa tête basculer en arrière jusqu'à reposer contre l'assise du canapé, et avait fermé les yeux un instant, profitant de la quiétude du moment et de la douceur du pelage de Charbon sous ses doigts.

Alors que la fatigue altérait le fil de ses pensées, son esprit s'était rejoué certaines scènes de la journée et de la soirée, revenant malgré elle sur la conversation à propos des garçons qu'elle avait eue tantôt avec ses amies. Ginny lui avait dit de continuer à voir du monde et à accepter les rendez-vous qu'on pouvait lui proposer, même si Hermione doutait de l'utilité de cette stratégie. Elle n'était pas certaine de vouloir déjà se réinvestir dans une relation, en réalité, et sa dernière déconvenue, qui ne datait que de quelques jours plus tôt, la confortait dans cette idée.

Si sa rupture avait Ron quelques mois plus tôt avait été douloureuse, elle avait depuis pris du recul sur la chose, et en était parvenue à la conclusion que cela avait été la seule issue possible à leur histoire. Même si elle aurait aimé que cela se finisse autrement que par une infidélité, elle ne pouvait qu'admettre qu'ils n'étaient pas faits pour être ensembles. Leur conception de la vie de couple différait bien trop pour cela, de même que leurs caractères et leurs centre d'intérêt. Elle se voyait femme active, prête à s'investir corps et âme dans la défense des créatures magiques, et avait besoin d'être constamment impliquée dans des projets pour se sentir vivante, quand Ron attendait de sa partenaire une copie similaire au modèle maternel qu'il avait connu: une femme aimante et attentionnée qui ne vivrait que pour s'occuper de lui.

Hermione ne collait définitivement pas au profil, et ne désirait pas du tout le devenir.

Restait à savoir si elle rencontrerait un jour un homme susceptible de s'intéresser à une femme émancipée et indépendante, ce qui semblait bien mal parti, en réalité.

- Finalement, c'est peut-être Luna qui a raison, avait-elle murmuré en baissant son regard sur Charbon qui se léchait les babines après avoir avalé son dernier morceau de crêpe. Il me faut peut-être explorer de nouveaux horizons et saisir les opportunités…

Charbon avait relevé un regard interloqué vers elle, lui arrachant un sourire fatigué.

- Mouais, cela ne t'inspire pas grand-chose non plus, n'est-ce pas ? Avait-elle demandé en grattouillant le félin dans le cou.

Elle avait admiré les yeux sombres du chat quelques secondes, tandis que son esprit encombré par la fatigue et le verre de vin avalé précédemment se chargeait d'idées de plus en plus abstraites.

- C'est vraiment dommage que le Prince Charmant n'existe pas, même dans le monde des sorciers… Ou peut-être qu'il existe et que personne ne l'a encore découvert, qui sait ? Et toi, est-ce que tu te transformes en Prince Charmant si je t'embrasse ? Avait-elle demandé, amusée.

Comme Charbon était définitivement trop mignon quand il la regardait avec cette expression interdite, elle n'avait pas résisté à la tentation, et avait posé ses lèvres sur le museau humide du chat.