Cette fois, il ne fit pas la même erreur que lors de leur entrée au Chaudron Baveur. Il appliqua donc un charme glamour sur son visage ainsi que sur celui de son filleul, qui était parfois apparu dans les journaux à sensations, même à son jeune âge.

Cependant, ils ne purent faire que quelques pas avant d'entendre des exclamations fuser de tous côtés au sujet de son apparition, chacun ajoutant des détails de plus en plus éloignés de la réalité à mesure que l'information se transmettait à travers les murs de la longue allée qu'on appelait le Chemin de Traverse.

Teddy, quant à lui, se rapprocha de son parrain. Le jeune homme semblait mal à l'aise. Le plus âgé lui prit alors la main, et ensemble, ils continuèrent leur chemin. Sur la route, la nostalgie était si forte que, par moments, le jeune homme dut tirer son parrain pour l'inciter à avancer. Le magasin de Quidditch, Fleury et Botts, et même celui de chaudrons éveillaient en lui une émotion particulière. Mais ce qui le bouleversa le plus, et ce n'était sûrement pas seulement de la nostalgie, c'était le magasin de hiboux. La dernière fois qu'il s'y rendit, c'était après la Seconde Guerre des Sorciers, lorsqu'il chercha un hibou, compagnon indispensable pour un sorcier. Pourtant, ce n'était pas ce souvenir précis qui le blessait. À chaque fois que le nom du magasin lui revenait en tête, il pensait à sa défunte chouette, Hedwige. Dire qu'elle lui manquait n'était en aucun cas une exagération. Harry avait souvent eu du mal à définir ce qu'il ressentait, mais là, il savait exactement ce que c'était. C'était une perte qui ne s'effaçait jamais vraiment. Pas une douleur vive, mais une absence constante, comme un vide dans un coin de son cœur. Hedwige n'était pas simplement un hibou pour lui ; elle avait été son amie, sa confidente, et parfois même la seule présence réconfortante durant les moments les plus sombres de sa vie.

Il s'arrêta un instant devant la vitrine du magasin, fixant les hiboux perchés derrière les vitres embuées. Teddy sentit immédiatement le changement dans l'attitude de son parrain et le regarda, hésitant à dire quelque chose, mais ce dernier le devança.

"Allons-y, nous allons être en retard", se reprit Harry.

Quelques minutes plus tard, les deux sorciers arrivèrent devant Gringotts, le majestueux bâtiment en marbre blanc qui dominait l'extrémité du Chemin de Traverse. L'horloge massive incrustée dans la façade indiquait 9 h 38. Ils avaient encore un peu de temps, mais Harry savait que les gobelins n'étaient guère enclins à tolérer les retardataires.

Un gobelin à l'apparence sévère, portant un uniforme impeccable, se tenait près de l'entrée. Il lança un regard acéré sur eux, mais ne fit aucun commentaire. Harry guida Teddy à l'intérieur, où l'agitation était déjà palpable malgré l'heure matinale.

L'intérieur de la banque était comme Harry s'en souvenait : un vaste hall illuminé par de hauts lustres étincelants, les murs recouverts de plaques de marbre poli, et les comptoirs occupés par des gobelins affairés, griffonnant sur des parchemins ou manipulant de petites montagnes de pièces d'or et d'argent.

"Rendez-vous ?" demanda un gobelin derrière un comptoir près de l'entrée, sans lever les yeux de son registre.

"Oui," répondit Harry avec assurance. "Teddy Lupin pour un rendez-vou 45."

Le gobelin releva à peine la tête, ses yeux perçants scrutant Harry, puis Teddy, qui se serra un peu plus contre Harry en tenant sa main. C'est à ce moment qu'il se rendit compte que la magie de Gringotts avait annulé son charme glamour. Après un bref silence, le gobelin acquiesça et désigna une porte au fond du hall.

"Salle des entretiens privés, quatrième porte à gauche. Soyez ponctuels."

Harry inclina légèrement la tête et répondit : "Que ton or s'accumule et que tes coffres débordent."

Cette réponse fit relever un sourcil au gobelin, qui parut brièvement satisfait avant de retourner à son registre sans un mot de plus.

Teddy tira doucement sur la manche de Harry, levant vers lui des yeux curieux et un peu inquiets.

"Pourquoi as-tu parlé de coffres ? Il veut voler mes jouets ?" demanda-t-il d'une petite voix.

Harry ne put s'empêcher de sourire.

"Non, Teddy. C'est une manière polie de s'adresser entre gobelins et sorciers. Tu verras, ils sont très sérieux ici, ils ne toucheront pas à tes affaires."

"Tu es sûr ? Ils sont… bizarres," murmura Teddy, regardant autour de lui avec de grands yeux.

Harry posa une main légère sur son épaule pour l'apaiser.

"Je suis sûr. Reste avec moi, et tout ira bien." Et ainsi, ils entrèrent tous les deux dans la pièce après avoir toqué deux fois pour signaler leur présence.

"Tu vois, Teddy, tout va bien se passer," murmura Harry en refermant doucement la porte derrière eux.

La pièce dans laquelle ils venaient d'entrer était lumineuse et sobre, avec un bureau en bois massif derrière lequel siégeait un gobelin plus âgé, vêtu d'une tenue impeccablement brodée. Il leva les yeux à leur arrivée, un regard perçant caché derrière de minuscules lunettes rondes.

Le rendez-vous se passa sans encombre, Teddy se tenant sagement près de Harry, bien que ses petits pieds s'agitent légèrement d'impatience. Le gobelin leur expliqua les modalités d'un coffre pour Teddy, ajoutant des détails qui semblaient bien trop complexes pour un enfant de cinq ans.

Lorsque tout fut réglé, Teddy souffla de soulagement en sortant.

"Enfin fini ! On peut partir maintenant, hein, Harry ?"

Harry hocha la tête en souriant. "Allons-y, rentrons à la maison," répondit-il.

"Harry," dit Teddy avec enthousiasme en tirant sur la manche de son parrain, "on va au magasin des farces et attrapes ? J'ai entendu dire qu'il y avait des trucs géniaux là-bas !"

Harry, un peu pris de court, hésita un instant. Cela faisait des années qu'il avait quitté le monde des sorciers et qu'il n'y était plus retourné, à l'exception de rares visites. Il n'avait pas vu les Weasley depuis longtemps, pas depuis qu'il avait quitté la magie pour mener une vie plus tranquille. Et même la dernière fois qu'il avait croisé Ron, c'était dans un contexte bien particulier, après la guerre. Voir George, un autre membre de cette famille, lui semblait… étrange.

"Tu sais, Teddy," commença Harry, un peu hésitant, "ce n'est pas un endroit comme les autres. Ce n'est pas un magasin ordinaire."

Teddy leva les yeux, plein d'espoir. "Mais j'en ai tellement entendu parler ! Et puis, ce sont les Weasley qui le tiennent, non ? Je veux vraiment y aller !"

Harry ne pouvait pas ignorer l'excitation dans les yeux de son filleul. Il baissa les yeux un instant, repensant à ces années où le monde magique était tout ce qu'il avait connu. Les souvenirs des Weasley, de Ron, de Ginny et de tout ce qu'ils avaient vécu ensemble, étaient toujours là, mais distants. Et cette idée de les revoir… Cela lui donnait une impression de malaise qu'il ne savait pas bien expliquer.

"Bon", souffla-t-il finalement. "On y va. Mais sois prêt, ce ne sera pas comme ce que tu imagines."

Ils arrivèrent rapidement au Chemin de Traverse, un endroit animé et bruyant, comme toujours. Le magasin des farces et attrapes des Weasley, lui, semblait n'avoir pas changé d'un pouce. Des couleurs vives, des affiches publicitaires farfelues et des objets bizarres étaient exposés dans les vitrines. Pourtant, en franchissant la porte, Harry ressentit une étrange sensation de décalage.

La cloche du magasin tinta en les annonçant. Harry ne put s'empêcher de remarquer qu'il y avait quelque chose de particulier dans l'air. Comme si tout avait continué pendant qu'il était ailleurs, vivant sa propre vie loin du monde magique.

Une silhouette se dessina derrière le comptoir, et Harry reconnut immédiatement George. Ses cheveux étaient toujours aussi éparse, ses traits toujours aussi espiègles, mais quelque chose avait changé. George semblait plus… réservé, peut-être un peu plus mûr. L'ombre des années passées se dessinait sur son visage, et l'énergie habituellement débordante de la boutique semblait se mêler à une forme de calme qu'Harry ne s'attendait pas à retrouver.

George leva la tête et aperçut Harry, l'air un peu surpris mais souriant. "Harry", dit-il en se levant lentement. Il y avait une gêne palpable dans sa voix, une sorte de distance entre eux après tout ce temps. "Je ne m'attendais pas à te voir ici."

Harry fit un pas en avant, son regard se posant sur George. Il sentit une gêne s'installer entre eux. C'était bien plus qu'une simple rencontre après des années. C'était le retour dans un monde qu'il avait quitté pour de bon. Les souvenirs affluaient, mais tout était devenu tellement lointain.

"Je… Je suis passé avec Teddy", dit Harry, cherchant ses mots. "Il voulait voir le magasin. Ça fait longtemps, hein ?"

George hocha lentement la tête, son sourire un peu plus timide. "Oui, c'est clair… Tu n'as pas vraiment donné de nouvelles, Harry. Enfin, je suppose que c'est normal. On vit tous nos vies, n'est-ce pas ?"

Il y eut un silence un peu lourd, et Harry ressentit l'écart, celui du temps, celui de leurs vies divergentes. Il n'était plus vraiment un sorcier, ni un membre de la famille Weasley, même si ces liens étaient toujours là, d'une manière ou d'une autre. Ce n'était plus le Harry des années passées.

Teddy, inconscient de la gêne qui pesait sur les deux adultes, se dirigea vers les étagères, tout excité par les objets qu'il découvrait. "Regardez, Harry ! Il y a des bonbons qui font apparaître des étincelles ! Et des bougies qui chantent !"

Harry sourit en voyant l'enthousiasme de Teddy. Cela faisait du bien de voir quelqu'un d'aussi insouciant dans ce lieu qui lui semblait aujourd'hui un peu trop chargé de souvenirs.

"Tu es toujours dans les farces, George", dit Harry, brisant le silence. "Je vois que rien n'a changé."

George baissa les yeux, une légère lueur d'auto-dérision traversant son regard. "Ouais, enfin, disons que les choses évoluent… D'une certaine manière." Il fit une pause, semblant réfléchir avant de reprendre, un peu plus doucement : "Tu as vu Ron depuis… tout ce temps ?"

Harry se sentit un peu mal à l'aise. "Pas vraiment. C'est… compliqué."

"Je vois." George lui lança un regard un peu triste avant de détourner les yeux. "Ben, on fait avec, non ?"

Le silence retomba entre eux. George avait changé, tout comme Harry. Il y avait eu des éclats de rire, des moments intenses et heureux, mais maintenant, tout semblait plus tranquille, plus… distant.

Teddy, toujours aussi curieux, s'approcha avec une boîte de bonbons à la main. "Harry, tu veux goûter ? C'est un bonbon qui fait éclater des étoiles !"

Harry sourit, soulagé de pouvoir se concentrer sur quelque chose d'autre. "Vas-y, fais une démonstration."

George sourit à son tour, comme pour relancer un peu la conversation. "Teddy, toi aussi, tu es un expert en farces ? Parce que si tu veux, je peux te montrer quelques trucs vraiment drôles." Il s'éloigna en cherchant quelque chose derrière le comptoir.

Harry, bien que gêné, observa son filleul se réjouir de chaque nouveauté. Il comprenait que les Weasley, même après tout ce temps, avaient une place importante dans son cœur. Mais retrouver George… bien plus que les magasins, cela lui donnait l'impression de revenir dans un monde qu'il avait tant essayé de quitter.

Alors qu'ils s'apprêtaient à partir, Harry se tourna une dernière fois vers George. "C'était… bien de te voir", dit-il, un peu maladroit.

George sourit, mais cette fois-ci, il y avait un air plus sage dans son regard. "Oui, on se recroisera, Harry. Pas besoin de s'éterniser. Je dirais à Ron et Hermione que tu les salues."

Harry hocha la tête et suivit Teddy, se sentant à la fois apaisé et un peu mélancolique. Il avait quitté ce monde, mais il savait que, parfois, les souvenirs et les retrouvailles avaient cette étrange capacité à rouvrir des portes qu'on pensait avoir si efficacement fermées. De toute façon, il ne pouvait pas trop penser à Georges pour le moment, il devait d'abord penser à sa rencontre avec Neville. Pour être honnête, le Gryffondor l'avait pris par surprise lorsqu'il l'invita lui et Teddy après leur rencontre un peu plus d'une heure plus tôt. C'est ainsi que les deux se dirigèrent vers les portes du Chaudron Baveur.