Et voilà, c'est la fin de l'histoire. Merci à celleux qui sont allé au bout ! Et si vous êtes curieux·ses de voir les broderies, elles sont visibles ici - car oui, tout cela a été réalisé pour de vrai :)
Epilogue:
A la fin du prologue de Marianne Fabrou, il y a un numéro de téléphone que j'ai appelé après avoir terminé la lecture de son dossier. Le numéro n'était plus attribué. Poursuivant ma recherche, j'ai fini par découvrir qu'elle était décédée en janvier 1996, soit quelques mois après avoir terminé le dossier de reconstitution du poème d'Elizabeth Brown. Elle est morte à vingt-quatre ans dans un accident de la route.
C'est sa mère, Martine Fabrou, qui me l'a raconté. Martine m'a dit ce qu'elle savait sur sa fille, commençant par le fait qu'elle était boîteuse et migraineuse, et ce qui ne lui avait pas rendu la vie facile. Marianne avait fait une dépression à la sortie du lycée, qui avait duré le temps de ses études en littérature à Toulouse. Elle allait mieux depuis son retour à Cordes, où elle était devenue institutrice. Peu de temps après son arrivée elle avait même commencé une relation avec Pierre Lebeau, un jeune artisan. Pierre aussi était mort dans l'accident. De façon inexplicable, leur voiture, que Marianne conduisait, après une brutale sortie de route, s'était enflammée. Les flammes étaient montée si haut dans le ciel qu'on les avait aperçues depuis le sommet de Cordes.
Martine savait que sa fille était obsédée par un poème. Elle m'a confié que peu avant l'accident, Marianne l'avait ressorti de ses cartons pour entreprendre, avec l'aide de Pierre, un projet surprenant: celui de faire une broderie. C'est à la même période, qu'elle avait du envoyer son texte à la bibliothèque de la faculté du Mirail. Elle voulait ainsi terminer son travail.
Pourquoi Marianne avait-elle attendu plusieurs années avant de terminer la retranscription du poème? Pourquoi finalement décider de broder le jeu de l'Oie? Ces questions m'ont hantée. On peut supposer que le déménagement de Marianne à Toulouse pour ses études a changé sa vie, et qu'elle a voulu oublier le poème qui lui avait donné tant de mal. Peut-être. Au bout compte, j'en suis venue à la conclusion qu'il était tout à fait possible, que peu de temps avant la mort de Marianne, le fantôme d'Elaine d'Astolat l'ai visitée, de la même manière qu'elle avait visité Elizabeth Brown en 1848. Elle l'aurait visité à son tour pour la supplier de terminer de retranscrire sa véritable histoire et peut-être, si les mots ne suffisaient plus, de broder.
La malédiction qui interdisait à Elaine d'Astolat de quitter son donjon, et qui a fait mourir Elizabeth Brown de pneumonie dans un pensionnat de jeune filles, a finalement rattrapé Marianne Fabrou et Pierre Lebeau, au détour d'une route de campagne. Une malédiction proférée à travers les siècles par un chapelet d' hommes-poètes monstrueux.
Martine Fabrou a accepté que je termine l'ouvrage de sa fille, elle en semblait même reconnaissante. Pour mener à bien la réalisation du jeu de l'oie, j'ai repris le modèle dessiné par Marianne, et comme la tâche était trop grande pour moi, j'ai demandé de l'aide à d'autres brodeuses. Ainsi, entre 2017 et 2019, La Tapisserie du Jeu de l'oie, a été reconstituée par une centaine de volontaires.
Nous avons brodé ce jeu de l'oie qui dit que les jeux de l'amour sont apocalyptiques pour un coeur esseulé. Nous avons brodé pour conjurer le sort et mettre fin à cette malédiction qui coupe les langues de celles qui disent la vérité. Nous avons brodé pour sauver une âme errante, celle d'Elaine d'Astolat, brodeuse au perroquet. Et vous n'en entendrez raconter davantage, à moins qu'un vilain ne songe y ajouter quelque mensonge.
