Musique d'écriture : Voilà - Barbara Pravi - The Harmony Group


Au manoir…

Scorpius traversa le long couloir qui menait à l'aile sud du Manoir. L'allée était sombre, encadrée de tableaux et de portes fermées. La famille logeait principalement dans la partie centrale du château, de sorte que Scorpius ne se sentait jamais à l'aise dans les autres parties du manoir.

Il n'y avait pas assez vécu pour s'y sentir totalement chez lui. Il s'y accrochait par fierté, plus que par sentiment. Il était un Malfoy et un Malfoy devait vivre dans le Manoir des Malfoy. Ainsi en était-il depuis 10 siècles. 10 siècles… Combien de familles pourraient se targuer de respecter une tradition territoriale depuis si longtemps?

C'est sans doute pour cela que son grand-père avait tant souffert, isolé dans le monde moldu, loin de son domaine.

Lucius.C'est lui que Scorpius cherchait en cet instant, parcourant le manoir. Il savait qu'il était dans l'aile sud, dans cette grande pièce gorgée de lumière où il passait tant d'heures solitaires.

Quand il entra, l'odeur de peinture mêlée de plomb le saisit. Une autre senteur lui fit tourner la tête, le goudron que son grand-père utilisait pour assombrir ses teintes et les faire briller.

Lucius était debout en chemise de flanelle, tachée de peinture et d'huile. Il avait retiré sa cape et sa veste. Ses longs cheveux, si semblables à ceux de Scorpius étaient lâchés dans son dos, libres. Il peignait sans modèle, sur une toile à la dimension carrée qui le dépassait d'un mètre. Le tableau était presque terminé, un homme à genoux priait des anges aux ailes noires qui le menaçaient de leur épée, entre ciel et enfer.

La transfiguration de la violence en art, Lucius excellait dans cet exercice. Que fait un politicien quand il ne peut faire de politique? Où passe toute cette passion, cette violence ? Lucius peignait. Des scènes de crimes et de rédemption. Il peignait avec la passion et la violence qui l'avaient animées toutes ces années.

« Pourquoi des ailes noires ? » demanda Scorpius en s'approchant du centre de la pièce.
« Parce qu'on doit parfois supplier ceux que nous méprisons pour ne pas finir en enfer. »

Lucius ne le regardait pas, les yeux fixant toujours le tableau, en appliquant une touche de bleu sur la tunique du prieur.
« Mais cela ne veut pas dire qu'ils représentent les êtres suprêmes de la Lumière et du Bien. C'est pour cette raison qu'on ne sait pas si les anges vont le sauver en l'emmenant vers le Ciel ou vers l'Enfer. L'histoire est écrite par les vainqueurs. Il n'y a pas de paradis pour les perdants d'une guerre. »

« Ils vous ont donc condamné à un autre enfer ? »

Lucius se tourna enfin et sourit avec douceur, de ce sourire que ne lui connaissaient que les siens.

« Disons que pour le moment, je n'ai pas l'impression d'être libre. »

Il fit les deux pas qui le séparaient encore de Scorpius et embrassa son petit-fils sur le front avant de le prendre dans ses bras.

« Bienvenue chez toi, mon enfant. »

Scorpius sourit et écouta les battements de cœur alors qu'il appuyait sa tête contre sa poitrine. Lucius relâcha son étreinte et le tint à bout de bras pour mieux le regarder.

« Comment se sont passés tes premiers mois à Poudlard ? »

« Bien. »

« Parfait, » dit-il en le lâchant. « J'ai besoin de pigment d'or. Bats les jaunes et ajoute les pigments et la cire. »

Scorpius exécuta les gestes que lui avait appris son grand-père et écrasa les poudres, mêla l'huile et la cire brulante. Il sépara le jaune des blancs d'œufs et y ajouta la solution colorée, à la tempera.

Quand le mélange lui parut brillant et fluide, il le posa sur l'escabeau et prit place sur le divan pour regarder son grand-père peindre. Il attendit un instant, observant les gestes précis et assurés. Il aspirait au silence mais il voulait savoir.

« Vous ne me parlez pas de l'article du Sorcière Hebdo ? » demanda-t-il enfin.

Lucius continua à peindre tout en parlant d'une voix égale :
« Est-ce que cela a de l'importance ? »

« Je n'en sais rien. À vous de me le dire. »

Scorpius aurait voulu se défier de son avis, ne pas en prendre compte, mais il se serait menti à lui- même. L'avis de Lucius lui importait. L'opinion de tous membres de sa famille lui importait. C'était terrible de dépendre de cela au final. Mais c'était ainsi.

Il y eu un silence puis Lucius prit une profonde inspiration.

« Si tu es attiré par le fils de Potter, ce n'est pas un problème. Si tu décides de vivre une aventure avec lui, ce n'est pas un problème. Mais si tu prives ta famille d'un héritier, ce sera un problème. » Il prit un chiffon de coton et essuya son pinceau, en se tournant vers son petit-fils. « Je ne t'apprends rien. C'est ce que tu voulais m'entendre dire, n'est-ce pas ? »

Le garçon haussa une épaule. Il expira et perdit son regard dans le vide. Évidemment, rien n'avait d'importance, sauf les sempiternelles traditions. Peu importait qu'il retrouve un garçon en cachette dans les couloirs de son école, qu'il étale sa liaison sur les tabloïds, du moment qu'il assurait la lignée de la famille.
Devant son silence, Lucius continua :
« Nous ne te demandons pas d'aimer, nous te demandons un enfant. »

« Mais vous aimez Narcissa », intervint Scorpius.

« J'ai eu une chance que pratiquement aucun Sang-Pur n'a pu connaître. Un mariage n'a rien à voir avec l'amour. C'est tragique, mais nous ne sommes plus assez nombreux pour avoir le choix. Trop de sang moldu. »

ll eut une mine de dégoût que Scorpius feint d'ignorer. Jamais il ne défendait les moldus, il ne s'opposerait pas à son grand-père sur ce sujet. C'était peine perdue de toute façon.
Rapidement, Scorpius fit le tour des familles Pur-sang restantes, le compte des « filles à marier », qui ne désiraient pas plus cette vie que lui. Quelques chanceux s'étaient trouvés, comme Sally Macnair et Nicolas Greengrass, les autres… devront-ils se résigner ?
Scorpius sourit en se disant que personne ne pourrait contraindre Dorian à ce genre de chose. Mais il avait un avantage, il n'avait personne à décevoir.

« Alors, il faut se résigner à une vie sans amour ? »

« À quoi servent les amants ? »

« C'est terrible... » souffla Scorpius en baissant la tête, laissant ses cheveux couvrir ses yeux.

Il ne savait pas si Lucius l'avait entendu. Ce genre de vie lui paraissait inenvisageable, comme s'il imaginait la vie d'un autre et se sentait triste pour lui. Une vie insupportable, pour lui-même mais aussi pour Albus. Jamais le garçon ne supporterait de rester dans l'ombre. Il repoussa la panique qui l'assaillait quand il pensait à la vie après Poudlard, cette idée qu'il devrait faire des choix et supporter leurs conséquences. Il ne savait pas ce qu'il voulait mais il savait ce qu'il ne voulait pas et il ne voulait pas d'une vie d'apparences et de mensonges. Il humidifia ses lèvres du bout de sa langue.

« Et si je le choisis lui, je vous perdrai, vous ? »

A nouveau un silence, long et lourd, avant que la voix de Lucius ne lui parvint.

« Tu n'as que 15 ans Scorpius, je laisse le temps au temps. »

Scorpius se leva, entoura son grand-père de ses bras, posant son visage contre son dos. Oui il avait le temps pour les décisions, il voulait juste connaître l'avis de cet homme qu'il admirait tant, malgré tout. Laisser le temps au temps c'est ce qu'il devait faire, repousser l'échéance, rentrer dans la procrastination, et s'y complaire. Pourquoi s'inquiétait d'un avenir qu'il ne pouvait entrevoir ?

« Ils nous attendent pour dîner, je pense. »

Scorpius acquiesça contre sa chemise et il se détacha de lui, le regardant faire disparaitre les taches de peintures à l'aide de sa baguette et de se coiffer les cheveux de ses doigts. Il aurait été impossible qu'il pénétra dans la salle à manger dans un état moins qu'impeccable. Après cette cérémonie, il proposa son bras à Scorpius et ils rejoignirent les appartements habités du manoir.


Chez les Potter, 24 décembre.

Albus descendait les escaliers du grenier jusqu'au rez-de-chaussée, en portant deux cartons où était inscrit « décorations de Noël » au feutre noir. Arrivé en bas, il se cogna à sa mère qui sortait en trombe de la cuisine, un tablier couvert de farine autour de la taille.

« Oh, excuse-moi, chéri, » murmura-t-elle en rattrapant un des cartons qu'elle replaça dans les bras de son fils, puis elle ouvrit la porte d'entrée et cria au dehors : « James, mets une veste, tu vas attraper la mort ! » Elle referma la porte. « Ce gosse n'a jamais froid ! »

Albus jeta un coup d'œil au jardin et vit James en t-shirt, en train de couper du bois dans la neige.
« Je croyais que les parents avaient commencé les préparatifs de Noël, » souffla Lily en ouvrant les cartons de guirlandes.

« Ils ont coupé un sapin, » dit Albus en ouvrant les cartons un à un avec un couteau. «Sinon, ils ont juste fait les biscuits et les sablés, et la bière de Noël. J'ai trouvé la cachette, on pourra prendre une ou deux bouteilles. »

« Tu n'as rien trouvé, c'est la même cachette tous les ans. » Lily fit des paires de guirlandes et les montra à son frère tour à tour. « Bleu et blanc, vert et blanc ou rouge et blanc ? »

« Un sapin rouge et blanc ! »

« Adjugé ! » s'exclama Lily en sortant toutes les décorations rouges et blanches qu'elle pouvait trouver dans les cartons, tandis qu'Albus triait les pochoirs pour les décorations des vitres et secouait la bombe de fausse neige. Il décora toutes les vitres du salon avec de la neige artificielle.

« C'est du bon boulot, » dit son père en lui passant la main dans les cheveux. Albus se repeigna machinalement avec les deux mains. Harry prit sa baguette et la pointa sur les décorations en poudre blanche qui s'animèrent ; la neige tombait, les cerfs couraient sur les carreaux, tirant le traîneau du Père Noël.

« Je vais allumer la cheminée. Tu peux aller chercher le bois que coupe ton frère. Et apporte-lui ça en même temps. » Albus prit la veste que lui tendait son père et soupira.

« Fais un effort avec ton frère, ta mère commence à se poser des questions, » souffla son père en lui mettant la main sur l'épaule.

Albus acquiesça avec un sourire pincé. Il prit une écharpe qu'il enroula négligemment autour de sa gorge et sortit dans le jardin. Un vent glacé lui fouetta le visage et le glaça. Il hésita à retourner prendre un manteau mais si James pouvait supporter le froid, lui aussi.

Il avança dans la neige jusqu'au garçon qui lui tournait le dos, brandissant une hache qui paraissait très lourde sur une buche à la verticale et la trancha en deux moitié, avant de placer une prochaine buche sur le tronc lisse.

« James ! » appela Albus, frissonnant dans le froid malgré lui. « Maman veut que tu mettes ça. »

Mais Potter ne l'écoutait pas, il continuait à trancher les bûches à grands coups de hache. Agacé, Albus s'approcha et lança la veste sur la tête de son frère. James sursauta et se retourna brusquement, en lançant le bras qui tenait la hache en direction d'Albus.

La lame frôla le ventre de Potter, agrippant le gilet qu'il portait, le déchirant. L'un et l'autre restèrent stupéfiés, le souffle coupé.

« Merde, » souffla James en retirant les écouteurs qu'il avait sur les oreilles.

« Putain, tu l'as fait exprès ! »

« Ne sois pas con, tu m'as fait peur, c'est tout ! »

« Et ton premier réflexe, c'est de donner un coup de hache en aveugle ?! »

« J'avais mes écouteurs, je ne t'ai pas entendu arriver, tu m'as foutu la trouille ! »

« C'est pour le coup à la tête, c'est ça ? »

« Mais t'es pas bien, tu crois vraiment que je ferais une chose pareille ? Je suis ton frère, bordel ! »

Ils se jaugèrent un instant, l'un et l'autre furieux, déçus.

« Papa veut du bois pour le feu, » finit par dire Albus, les yeux brillants.

James leva le bras en montrant les morceaux de bois dans la neige.

« Sers-toi. »

Il planta la hache dans le tronc qu'il lui servait d'établi. Il remit ses écouteurs et partit vers la cabane à outil dont il ferma la porte.

Albus fixa un instant la porte, le cœur encore battant. Il avait bien failli être tranché en deux. Bien sûr James ne l'avait pas fait exprès. Mais sur le coup, il l'avait cru. Décidément, il ne parvenait pas à lui pardonner.

Il ramassa une à une les moitiés de buches, autant qu'il put porter et rentra à l'intérieur. Il savait qu'il avait laissé la veste dans la neige. Mais que James la récupère lui-même! Il rentra dans la maison en pestant, lançant son écharpe et son gilet déchiré sur le porte manteau et porta les buches jusqu'à la cheminée. Au moment où il fut sur le point de les lancer dans le foyer, une lueur verte envahit l'âtre.

« Hey ! »

« Pardon ! »

Scorpius éclata de rire, devant les bûches qui avaient croulé sur le sol à leurs pieds. Il avait bien failli les prendre toutes dans les genoux.

« Je ne me suis pas rendu compte qu'il était 15h, » dit Albus, les joues rougies par le froid. « On est vraiment à la bourre… ! »

Scorpius lui sourit.

« Ce n'est pas l'accueil que j'attendais, je peux revenir plus tard si tu veux, » dit-il en faisant mine de vouloir repartir, moqueur.

Potter l'arrêta, une main sur son bras.

« Arrête, je suis content de te voir. Entre. »

Albus le tira et le fit sortir de la cheminée. Il fut sur le point de l'attirer à lui mais se ravisa, quand il prit conscience qu'il se trouvait au milieu du salon de ses parents. Il se contenta de lui sourire, les yeux dévorant son visage, gardant une main dans la sienne.

Scorpius expira et retira sa main, entrant d'avantage dans le salon pour découvrir les lieux. Il plaça son manteau et son écharpe sur un fauteuil. Il avait fait des efforts pour prendre des vêtements qui pouvaient passer pour moldu, un pantalon de flanelle et une chemise aux manches légèrement bouffantes. Même si le style lui seyait parfaitement, cela ne passait pas pour une tenue moderne. Mais au moins il ne portait pas de robe de sorcier.

Le salon était la représentation parfaite d'un ameublement moldu. Un canapé de cuir accompagné d'une table basse et deux fauteuils de la même matière occupaient le centre de la pièce, entourant un tapis tissé beige. Les poutres étaient apparentes, un véritable cottage anglais. Une immense télévision noire entourée de haut-parleurs, un bureau typé d'architecte avec un ordinateur et une imprimante, recouvert de papiers et de dossiers.

Apparemment Harry Potter travaillait d'avantage dans le salon que dans son bureau. Si bureau, il possédait. Il aperçut Lily sur une échelle en train de décorer le sapin de Noël. Il lui rendit un signe de main timide quand elle le salua du haut de son perchoir.

Albus suivait Scorpius des yeux alors qu'il observait la pièce.
« Alors ? »

Scorpius haussa les épaules.
« C'est chaleureux. »

« Moins grand que chez toi sans doute. »

« Chez moi, nous n'habitons qu'une partie du manoir, à peu près la même superficie que ta maison. Enfin je crois… » Il se tut quand il vit une silhouette s'approcher de lui.

Harry Potter, oui, Harry Potter venait vers lui, un sourire sur son visage de héros. Malfoy sentit sa respiration s'accélérer et se maudit pour cela. Potter tendit la main et Scorpius sentit son cœur se serrer. Cet homme avait gagné une guerre et tué Voldemort. Et il avait vu des photos compromettantes de lui avec son propre fils et… il savait des choses. Il avait demandé à James de le laisser tranquille, Scorpius s'en souvenait. Cette information en tête, il fut ravi que sa main ne tremblât pas quand il serra celle d'Harry Potter.

« Bienvenue, Scorpius. »

« Monsieur Potter, » le remercia timidement le garçon.

« Appelle-moi Harry. »

Ça, ça m'étonnerait,se dit Malfoy, peu enclin à passer ce stade avec le Héros du Monde Sorcier qui lui adressait un sourire chaleureux, le gilet et le jean tachés de farine.

« Tu lui feras faire le grand tour plus tard, Albus, ta mère nous demande en cuisine. »

Albus roula des yeux et entraina Scorpius vers la cuisine à la suite de son père. Sa mère était toujours sous pression quand Noel se déroulait chez les Potter. Etant la seule femme parmi les Weasley, elle souffrait plus facilement les remarques de désapprobation de sa mère. Ginny n'était déjà pas une femme au foyer et l'entretien de la maison n'était pas son point fort. Noel était le seul moment où elle faisait un effort et tout le monde devait mettre la main à la pâte.

La cuisine ressemblait à un champ de bataille. Des récipients flottaient dans les airs, secoués par des fouets ou des cuillères en bois qui mélangeaient et secouaient pâtes, oeufs et sauces. Une odeur de beurre fondu mais aussi d'oignons et de viandes au four flottait dans l'air. Ses cheveux roux relevés en une queue de cheval, Ginny Weasley surveillait trois casseroles sur le feu au moment où ils entrèrent.

« Bonjour, Scorpius ! » Elle s'essuya les mains sur son tablier et le prit dans ses bras, un geste et une poigne énergique qui surprirent le garçon. La femme était mince, mais son corps était tout en nerfs et muscles, la silhouette d'une athlète. « Excuse l'état de la cuisine, nous sommes dans le rush. Il ne reste que quelques heures avant que ma mère n'arrive et il faut que tout soit prêt, sinon... Il faut que tout soit prêt ! »

Harry Potter glissa une main dans le dos de sa femme et lui murmura quelques mots à l'oreille. Elle le regarda, interloquée :

« Mais je suis calme ! » Harry acquiesça avec un sourire indulgent, mais Ginny l'ignorait déjà.

« Bon, on a dit en entrée un minestrone et en plat principal des cailles aux raisins et au foie gras. Je m'occupe des desserts. » Elle sortit des couteaux du tiroir et les mit sur la table. « Albus ! Toi et Scorpius, vous allez couper les légumes en lamelles pour la soupe minestrone. James ! Tu tombes bien, » s'exclama-t-elle alors que l'aîné des Potter faisait son entrée dans la cuisine, les cheveux ébouriffés et les joues rougies. « Mets-toi à côté de ton père, il faut peler les raisins à la main, les ouvrir en deux et en retirer les pépins. Et ne souffle pas ! Tout le monde met la main à la pâte. »

« Et Lily ? » demanda James, insolent. Il ignora superbement Scorpius. Le garçon prit soin de faire de même.

« Ta sœur finit toute la décoration toute seule ! Tu veux peut-être échanger ta place avec elle ? »

James ne répondit pas et se mit à peler les raisins. En face de lui, Scorpius n'osait pas lever les yeux. C'était la première fois qu'il se retrouvait dans la même pièce que les deux frères depuis le soir où leur histoire avait été dévoilée. Un malaise l'engourdit, désagréable, s'isolant dans le bas de son dos. Il sentit la même tension chez Albus, la mâchoire serrée et les yeux assombris. Il transpirait la colère, une colère froide que Scorpius ne savait pas gérer et ne parvenait pas à lui faire oublier. Il pensait sincèrement qu'ils auraient pu s'éviter, et non se retrouver à moins de deux mètres les uns des autres, encadrés par leurs parents.

Scorpius expira, attrapa les légumes et éplucha tour à tour oignons, carottes, tomates, céleri et les coupa rapidement en julienne sur la planche à une vitesse incroyable. Il poursuivit son ouvrage un moment quand il se sentit observé.
A côté de lui, Albus s'était figé, son propre couteau à la main et regardait les mouvements précis et rapides de Malfoy avec stupéfaction. En face d'eux, James et Harry écarquillaient les yeux. Troublé par le silence, Scorpius leva les yeux et vit que tous les regards convergeaient vers lui. Et cela n'avait rien d'agréable.

« Quoi ?

— Comment çaquoi ? s'étonna Albus. Je ne pensais pas que tu savais cuisiner. »

Scorpius ouvrit la bouche et la referma. Il observa la table. Il avait presque fini sa part de travail alors qu'Albus n'en était qu'au quart. Les autres ne semblaient pas plus avancés.

« Vous avez encore des elfes de maison, n'est-ce pas ? » demanda Ginny.

« Oui, bien sûr. » Et Scorpius ajouta rapidement, avec un sourire : « Mais rémunérés… comme la loi l'exige. Avant, au château, nous avions des serviteurs et un majordome.

— Alors comment se fait-il que tu saches manier un couteau de cuisine comme cela ? »

« Maman, laisse-le respirer, » dit Albus.

Ginny le pressait de questions, et Potter voyait bien que Scorpius ne souhaitait pas répondre.

« Je suis juste curieuse, ma mère ne coupe pas aussi vite ! Et on imagine mal les Malfoy en cuisine. »

Cette remarque piqua Scorpius, qui pinça les lèvres. Que savait Ginevra Weasley de sa famille ! Mais la colère retomba, c'était de la susceptibilité mal placée de sa part. Elle l'avait accueilli dans sa maison après tout.

« En fait, je cuisine beaucoup avec mon père. Et il est encore plus rapide que moi.

— Eh ben ça, je ne l'aurais jamais cru, » souffla Harry en lançant un coup d'œil complice à sa femme.

« Dorian cuisine avec vous ? » demanda Albus.

« Non, lui, il dormait. »

Les regards interloqués le submergèrent, et Scorpius comprit qu'il devait s'expliquer, même s'il s'aventurait sur un terrain qu'il détestait aborder, trop personnel. Mais il en avait trop dit, et il prit un autre légume à couper sur la pile d'Albus pour s'occuper alors qu'il parlait et ne pas affronter les regards.

« Mon père faisait des cauchemars et veillait la nuit. Je l'entendais errer dans le château et, le sachant réveillé et seul, je n'arrivais pas à dormir non plus. Je me mettais à sa recherche quand je savais qu'il ne dormait pas. Une nuit, les deux insomniaques qu'on était ont décidé de faire un gâteau de minuit. Et ça a continué comme ça, et on a fait plein de recettes, de plus en plus compliquées, au milieu de la nuit. Et petit à petit, mon père a réussi à dormir et moi aussi, mais on a continué à cuisiner, le jour. D'où le fait que je sois rapide avec un couteau de cuisine.

— Et tu n'aimerais pas faire ça après Poudlard ? » demanda Harry, qui peinait à peler les raisins. « Un restaurant ou une pâtisserie ? »

Scorpius sourit tristement en secouant la tête tout en continuant à couper les aliments.

« Mon nom n'appelle pas la gourmandise. On m'accusera sûrement d'empoisonner mes gâteaux et de les donner à des enfants de Moldus.

— Les choses évoluent, les mentalités aussi, » insista Harry Potter d'une voix sérieuse et profonde, et Scorpius leva les yeux pour croiser son regard. Voilà pourquoi il détestait parler de sa famille, il ne voulait pas de haine, mais il ne voulait pas non plus de compassion. Tout cela le mettait mal à l'aise.

« Pas assez vite. Mes enfants auront sûrement plus de choix. »
Albus vint à son secours.
« Et il nous reste trois ans à Poudlard, on a un peu de temps avant de se décider, non ?

— On vous demandera votre choix dès l'année prochaine, » dit Ginny.

« Merci de me le rappeler, » grinça le garçon.

« Je ne te presse pas, mais il serait temps d'y penser. Ton père et moi avons su très tôt ce que nous voulions faire après Poudlard. Et ton frère a déjà décidé. »

Albus tapa sur la table avec son couteau et le plat de son autre main. Tous les occupants de la cuisine sursautèrent.

« James est parfait, maman, on a compris ! »

Scorpius aurait voulu se liquéfier sur place et disparaître. En face de lui, James épluchait toujours les raisins sans changer de rythme.

« Albus, c'est Noël. Je ne sais pas ce que tu as contre ton frère, mais ça attendra la fin des fêtes. Ne gâche pas cette journée, s'il te plaît.

— Pourquoi tu dis que je vais gâcher la journée !

— Je ne veux pas de dispute aujourd'hui.

— Ce n'est pas mon intention !

— Tu es infect avec ton frère depuis votre retour de Poudlard et il prend tout sans broncher.

— Oh super, bien sûr ! Pauvre, pauvre James !

— Albus, tu veux vraiment que je hausse la voix devant Scorpius ? »

Malfoy gardait la tête baissée, il attendait que l'orage passe. Albus ne répondait rien, mais il le vit serrer et desserrer les poings.

Un bruit de moteur et de graviers tout proche de la maison les interrompit. James alla à la fenêtre et ouvrit le rideau.

« Ne me dis pas qu'ils sont déjà là, » gémit Ginny.

« Si, ils garent la moto.

— Quelle moto ? » Harry s'approcha lui aussi de la fenêtre, intéressé. « Dudley n'est pas avec eux ?

— Apparemment non, » dit James en observant l'extérieur à travers la vitre. « Ils roulent à moto avec cette neige ?

— Regarde la taille des roues, ils ne risquent pas grand-chose. »

Ginny prit tous les légumes et les mit dans une marmite qui serait mise à bouillir plus tard dans la soirée, les gestes secs.

« On n'aura jamais le temps de finir si on a des invités toutes les heures. » Elle se tourna vers Scorpius. « Je ne parle pas pour toi, tu étais attendu. Eux, ils ont 4 heures d'avance !

— C'est qui ? » s'enquit Malfoy.

« Amanda et Evan Dursley, les enfants du cousin de mon père, » répondit Albus en ramassant toutes les épluchures pour les mettre à la poubelle. « Des Moldus. »

« James, va les accueillir, » dit Ginny en déposant les cailles sur la table. « Je ne les veux pas dans la cuisine. Il faut qu'on avance. Harry, arrête avec cette moto et aide-moi, s'il te plaît !

— Je suis là, je t'aide, tu veux que je fasse quoi ? » dit tranquillement Harry en se rapprochant de la table, passant la main sur la nuque de sa femme qui essayait de se calmer, et Scorpius ne put s'empêcher de sourire.

Albus prit la main du garçon et l'entraîna hors de la cuisine.

« On y va nous aussi, on revient. »

Il n'attendit pas la réponse et entraîna Scorpius à sa suite. Ils attrapèrent leurs manteaux dans l'entrée et sortirent derrière James. Ils avaient à peine passé la porte qu'une fille aux cheveux bruns, petite et jolie, aux lèvres et formes charnues, sauta dans les bras d'Albus et, sans ménagement, lui donna un baiser sur la bouche.

« Amanda ! » s'écria Albus en repoussant la jeune fille. « Arrête avec les becs, on n'a plus 5 ans !

— Tu me dis ça à chaque fois ! » répondit-elle en riant.

« C'est vrai à chaque fois ! »

Elle l'ignora pour se tourner vers James et attrapa son bras.

« Viens voir la moto d'Evan ! Elle est superbe ! »

Un peu plus loin, Lily était en conversation avec un grand brun d'une belle carrure, assis sur une moto, un casque à la main.

« Hey, James, » dit-il en serrant la main du garçon. « Viens, monte ! » Il descendit de la machine et laissa James prendre sa place. « Elle te plaît ? Il faut que tu la conduises avant qu'on reparte ! Toi aussi, Al. »

Il s'approcha du garçon pour le saluer à son tour quand il vit Scorpius. Il se figea un instant, le dévisageant.

« Wow… C'est joli, ça, » dit-il en pointant son doigt, et Scorpius crut se méprendre un instant, mais non, c'est bien lui qu'il désignait de son index. Il fut sur le point de répliquer sèchement, mais Lily le devança.

« C'est pris, » dit-elle.

« Par toi ? » s'enquit le grand brun à la jeune Potter.

« Non, il est avec moi ! » intervint Albus d'une voix tranchante et glaciale. Il jaugeait le garçon, aussi furieux que Scorpius.

« Ah… dommage, » souffla le garçon, le coin de la bouche relevé en un demi-sourire, son regard ne quittait pas Malfoy. « Tu t'appelles comment ? »

Malfoy eut envie de lui dire d'aller se faire foutre, mais il était invité et débuter une bagarre avec la famille de Harry Potter le jour de Noël le rebutait. Il laissa passer son mépris dans le regard et dans sa voix.

« Scorpius Malfoy.

— Scorpius, » répéta-t-il avec une grimace. « C'est bizarre comme nom, non ? »

Malfoy prit une profonde et sifflante inspiration entre ses dents, mais Evan l'interrompit.

« Excuse-moi, ne te vexe pas. Scorpius, enchanté. Moi, c'est Evan Dursley. Je m'excuse pour ce que j'ai dit tout à l'heure, mais j'étais… troublé. »

Derrière lui, Lily se mit à pouffer.

« Arrête de te croire irrésistible, Evan, tu n'as aucune chance. En plus, c'est un Sang-Pur.

— Lily ! » s'exclama Albus.

« Un quoi ? » demanda Amanda en se rapprochant de Malfoy, comme si elle découvrait sa présence. Scorpius avait l'impression d'être une bête de foire exhibée dans un cirque.

« Vous ne voulez pas aller à l'intérieur ? » dit James d'un ton sec en enjambant la moto. « On gèle. » Il passa le bras autour des épaules d'Evan et l'entraîna avec lui vers la maison. « On essaiera la moto plus tard, avec mon père. »

Le garçon se laissa entrainer. Scorpius les suivit, précédée de peu d'Amanda qui avait à nouveau oublié son existence. Derrière lui il entendait Albus se disputait avec sa soeur, argumentant que « Sang-Pur ne se disait pas dans une conversation avec des moldus, ni avec personne d'ailleurs » et Lily ne voyait pas le mal. Il n'écoutait plus. Lui-même détestait ce genre de conversation.

Arrivé dans le couloir, il attendit Albus, et Lily le dépassa, visiblement furieuse. Potter le rejoignit, passa les mains dans ses cheveux, ébouriffé par le vent glacé.

« Viens, on monte dans ma chambre, ça nous permettra de souffler. »

Il lui montra l'étage, la chambre de ses parents au fond à gauche des escaliers, encadré de la chambre de Lily et une chambre d'amis. En face, un bureau, et à l'opposé à droite la salle de bain, la chambre de James et tout au fond la sienne.

La chambre d'Albus était truffée de livres, magazines, des vêtements et appareils électroniques moldus. Sur le bureau, deux écrans d'ordinateurs, une caméra super 8 et des bobines cinématiques.

Scorpius se mit à rire devant le désordre de la pièce.

« Tu n'as même pas rangé ! »

Albus tapa du pied pour dégager une allée parmi les objets jusqu'à son lit.

« Tu vis dans le même dortoir que moi, tu sais bien que je ne range rien ! Je ne vais pas faire semblant ici. »

Il activa l'ordinateur et, après quelques clics, la musique emplit la pièce.

« Voilà, avec ça, on ne nous entendra pas. »

Il hésita un instant, regardant Scorpius qui faisait de la place sur le lit pour s'asseoir, repoussant les vêtements. Il ôta ses chaussures et croisa les jambes sur le matelas. Potter sourit.

« J'aime ça.

— Quoi donc ?

— Toi, ici. » Scorpius leva un sourcil. Il ne comprenait pas, ce qui fit sourire Albus. « Le fait que tu sois dans ma chambre. » Il passa nerveusement la main dans ses cheveux. « J'aime que tu sois là. »

Scorpius détourna les yeux, mais il ne put dissimuler son sourire.

Albus se dirigea vers un placard.

« Il faut que je te montre quelque chose. Ne flippe pas. »
Scorpius le regarda fouiller dans le meuble et sortir un classeur vert à moitié rempli. Portant le dossier avec lui, Albus vint s'asseoir à ses côtés. Il hésita, comme s'il regrettait d'avoir sorti le classeur de sa cachette. Il inspira un instant et l'ouvrit.

« Oh mon Dieu ! » s'exclama Scorpius en regardant la première image.

« Ne flippe pas, j'ai dit ! »

Malfoy attrapa le classeur de ses mains et se mit à parcourir toutes les images, les articles, les brochures de journaux. Tout ce qui avait été publié sur lui se trouvait dans ce classeur, des photos professionnelles aux articles de magazines.

« Rose m'avait dit que tu collectionnais des choses sur moi, je ne pensais pas que tu avais tout ça.

— Je ne collectionnais pas vraiment, » dit Albus, gêné. « Mais je gardais ce que je trouvais. Je t'ai dit, je t'admirais beaucoup. »

Il regarda Scorpius tourner les pages, s'arrêtant pour lire les titres des articles, jamais très glorieux. Il fit une pause sur une photo prise près d'une fontaine où il posait avec un voile et des ailes d'ange.

« Celle-là a été prise à Kensington Park, on a mis 4 heures pour cette photo, et il faisait 2 C. Je n'ai jamais eu aussi froid de ma vie. Ma peau est presque bleue, regarde ! »

Albus acquiesça et il changea de page, continuant à feuilleter.

« Tu peux le garder si tu veux, je n'en veux plus. »

Scorpius fronça les yeux et Potter continua :

« Je te connais maintenant. Je sais qu'il n'y a pas un mot de vrai. Je t'ai admiré pour les mauvaises raisons.

— Ah. »

Scorpius sentit sa gorge se serrer. Il ne savait pas d'où venait l'envie de pleurer, mais elle était bien là. Il aurait voulu qu'Albus continue à remplir ce classeur vert, encore et encore, qu'il soit sensible à chaque mot publié sur lui, à chaque image le concernant. Il aurait voulu rester cette obsession. Il ne comprenait pas ce désintéressement, et cela le blessait.
Il ferma le classeur et le tendit à Albus.

« Je n'en ferai rien, brûle-le si tu veux. »

Surpris, Albus repoussa le classeur.

« Mais non, je ne vais pas le brûler !

— Pourquoi ? »

Le regard de Scorpius était froid et sa voix cassante. Ses doigts se crispaient sur les draps.

« Tu n'en veux plus, tu l'as dit toi-même ! Alors jette-le ! »

Il le jeta sur les genoux d'Albus et se recula jusqu'à la tête du lit.

Potter secoua la tête.

« Je crois qu'on s'est mal compris. Je ne veux plus de ces images parce qu'elles n'ont rien à voir avec toi. C'est un tissu de mensonges, rien n'est vrai.

— Mais c'est ce qui t'intéressait à l'époque, non ? Si tu es venu me voir la première fois, c'est parce que tu pensais que j'étais la personne décrite dans ces pages ? »

Albus inspira profondément. Il ne comprenait pas la colère du garçon, et la sienne commençait à percer doucement.

« Oui, à l'époque, je voulais te rencontrer en pensant que tu étais tel qu'on te décrivait. C'est quoi le problème ?

— Alors si tu avais su qui j'étais réellement, tu ne serais pas venu, c'est ce que tu me dis ? »

Albus se leva d'un bond et lança le dossier sur le sol.

« Si j'avais su quel emmerdeur tu pouvais être, non, ça c'est sûr. Scorpius ! »

Il interrompit le garçon avant que celui-ci ne puisse crier, les mains devant lui.

« J'essayais de partager un truc avec toi là, pour qu'on soit honnêtes l'un envers l'autre, ou une connerie comme ça. J'aurais pu m'en débarrasser et ne jamais t'en parler. Alors, au lieu de te vexer, tu pourrais essayer de comprendre ce que je tente de te dire. Je ne t'idéalise plus, c'est vrai. Je n'ai plus envie d'être comme toi, ça aussi, c'est sûr ! Mais ça veut simplement dire que je fais la différence entre vouloir "être toi" et vouloir "être avec toi". C'est si difficile pour toi de comprendre ça ? »

Scorpius expira, coinçant la langue entre ses dents alors qu'il tentait de se calmer et d'intégrer les paroles d'Albus.

« Non, je comprends, » dit-il enfin, mais de mauvaise foi, il refusait de regarder Albus, les bras croisés sur le torse.

« Bien ! Et l'autre raison pour laquelle je ne veux plus de ce classeur, c'est que je n'ai pas envie de garder des photos de toi où on te voit en compagnie de différents amants, réels ou fictifs. J'ai déjà du mal à m'habituer à celui qui occupe la chambre voisine ! »

La pique atteignit sa cible, et Scorpius sentit qu'il ne pouvait rien répliquer à cela.

« Ok, » accorda-t-il en regardant toujours le mur opposé. « Je me suis énervé un peu vite.

— Peut-être, oui, » insista le garçon en se rasseyant sur le lit.
Il fit exprès de se coller à lui, l'obligeant à accepter sa présence. Il attendit qu'il se détende un peu pour décroiser ses bras et prendre une de ses mains dans la sienne, jouant avec les doigts.

« Et pour info, ils sont tous fictifs, » dit Scorpius.

Albus sourit.

« Ça fait plaisir à entendre, » souffla-t-il.

Comme Scorpius refusait encore de le regarder, il quitta la tête de lit et lui fit face sur le matelas, attrapa ses chevilles et dans un geste sec, le fit descendre sur le lit. Scorpius eut un hoquet de surprise, suivit d'un rire alors qu'Albus l'emprisonnait sous lui, l'écrasant et l'obligeant à ouvrir les jambes pour qu'il se place entre elles. Il chercha les lèvres de Scorpius et celui-ci évita plusieurs fois sa bouche, joueur et cherchant sans doute à le punir.

Le jeu était d'autant plus passionné qu'ils ne s'étaient pas embrassés depuis trois jours et Albus ne le supportait plus. Il tenta de lui immobiliser le visage et la mâchoire mais Scorpius lui pinça plusieurs fois les côtes et il dût lâcher prise, en prenant soin de lui tirer les cheveux en guise de représailles. Malfoy finit par céder à un baiser qu'il désirait lui aussi. Le monde disparut et la pièce tourna. Ils n'existaient plus qu'aux places où leurs peaux se touchaient et où leurs souffles étaient joints.

Le baiser s'intensifia rapidement, et ils ouvrirent les lèvres, mêlant leur langue et leurs soupirs. Fiévreux, haletant, ils durent briser le baiser, retrouvant leur souffle, front contre front. Un autre baiser suivi, aussi passionné, et un autre alors que leurs mains intensifiaient des caresses de plus en plus intimes et pressantes sur tout leur corps, dans une exploration brulante de leur peau, soulevant les vêtements et cherchant la chair.

Soudain Albus brisa leur étreinte, se détachant du corps de Scorpius et il se maintint au-dessus de lui, appuyé sur les coudes. Malfoy releva la tête pour attraper à nouveau ses lèvres mais Albus se recula, lui échappant, le regard sombre.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » soupira le garçon, le souffle tremblant.

Albus respirait lentement, le regardant comme s'il cherchait à résoudre une énigme en le scrutant.

« Ils sont tous fictifs ? » demanda-t-il enfin.

Scorpius ne comprit pas tout de suite. Il lui demandait s'il disait vrai, qu'aucun des hommes à ses côtés sur les photos n'avait été son amant ?

« Oui, ils sont fictifs.

— Alors, tu en as eu combien ? »

Sa gorge se serra. Il ne comprenait pas cet interrogatoire.

« Un seul. »

À ces mots, Potter se détacha de lui et s'écarta pour s'asseoir sur le bord du lit. Scorpius comprit, et une fureur froide l'envahit.

« Albus, ne fais pas ça ! »

Mais Potter le coupa sèchement.

« Il le sait ?

— … Il l'a compris. »

Il entendit Albus soupirer, un bruit sec produit par l'énervement. Ses poings se serraient à nouveau sur ses côtés. Scorpius se redressa doucement sur le lit, la tête lourde et penchée, laissant ses cheveux cacher son visage alors qu'il murmurait :

« On n'aurait pas dû se mettre ensemble.

— Ne dis pas ça…

— C'était une erreur.

— Ne dis pas ça ! »

Potter s'était tourné vers lui brusquement, Scorpius avait sursauté. Albus se rendit compte de la violence de son comportement et tendit la main vers lui, mais il l'évita, se leva du lit.

Il attrapa ses chaussures.

« On s'est mis ensemble sur un coup de tête. Tu es venu me voir le soir même où tu as appris pour moi et James. » Il tirait fort sur les lacets en les nouant, ses doigts en devenant blancs là où le coton tissé comprimait ses doigts. « C'était trop tôt ! Et regarde-toi, tu ne le supportes pas ! »

Albus attrapa son poignet et le serra jusqu'à lui faire mal.

« Je ne veux pas rompre. Et je refuse que tu me quittes, tu entends ? » Il le lâcha et détourna le regard. « Ça va passer. »

Scorpius se leva et parcourut la pièce, plus pour se calmer que par réel intérêt. Il examinait les bobines et bandes de films, attrapant une caméra un peu bizarre sur le bureau. Mais il n'y prêtait pas vraiment attention, son esprit était ailleurs.

« Des fois, j'ai l'impression que ça n'a rien à voir avec moi. » Il posa la caméra et se tourna vers Albus, qui restait immobile, perdu dans ses pensées. « Tu détestes simplement que James te dépasse en quoi que ce soit.

— C'est faux, ça a tout à voir avec toi. On n'est pas en train de parler de Quidditch ! »

Il se leva et s'approcha du garçon.

« Ce qui s'est passé, oui je ne le supporte pas ! Si tu étais simplement sorti avec mon frère, j'aurais été déçu et jaloux, mais je me serais fait une raison. Ce n'est pas ce qui s'est passé ! Et vous agissez tous les deux comme si rien ne s'était passé ! Tu n'es pas en colère ? Moi, je le suis ! Je suis en colère et écoeuré, et Dorian aussi. On le serait moins si tu n'acceptais pas les choses sans te battre.

— Me battre pour quoi et contre quoi ? » soupira Scorpius en secouant la tête.

— Tu n'as pas envie de lui faire payer ? C'est mon frère, et j'ai envie de le cogner dès que je le vois !

— James et moi, on s'est dit tout ce qu'on avait à se dire.

— Ouais, c'est ce qu'il m'a dit.

— Alors tiens-le toi pour dit et passe à autre chose !

— Que je passe à autre chose ?!

— Est-ce que tu sais que c'est James qui a arrêté notre arrangement ? Est-ce que tu sais aussi que le soir où vous nous avez découverts, c'était moi qui étais venu le trouver pour m'envoyer en l'air ? »

Il eut presque envie de rire devant l'air dépité d'Albus.

« Ah, surprise ! Arrête de me faire passer pour une victime et d'être en colère à ma place !»

Albus ne pouvait pas. Une respiration profonde et pourtant rapide soulevait ses épaules.

« Pourquoi tu es allé le voir ?

— Quand je suis parti de la fête du match, quand Katie et toi… Je cherchais Dorian chez les Gryffondors. » Il haussa les épaules. « James était là…

— Arrête… » l'interrompit Albus en détournant les yeux. Il passa ses mains sur son visage, puis les glissa dans ses cheveux en expirant. « Ils nous attendent, on devrait descendre. »

Il se dirigea vers la porte. Scorpius en resta confus.

« C'est tout ?

— Oui, c'est tout. Je t'ai dit, ça va passer. Mais je veux qu'on reste ensemble. »

Scorpius acquiesça, mais il n'y croyait pas.

Fin du Chapitre 28


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