Merci aux vrai.e.s qui ont lu ce résumé et immédiatement exigé que j'écrive cette histoire. Bisous Nymph', Ty', Ju', Obvy, Gaby' et Fu'. Cœur sur vous. Je vous aime !
Silence, ça tourne!
Chapitre 1
Du point de vue d'Iron Man, le casting était la partie la plus cruciale d'un tournage. Pour choisir ses acteurs et ses actrices, le réalisateur ne fonctionnait qu'au coup de cœur, jusqu'à, parfois, changer complètement de scénario pour intégrer la personnalité de celui ou celle qui lui avait tapé dans l'œil.
Les productions ARC reactor étaient connues dans le milieu pour la qualité des films qui sortaient de leurs studios, bien loin des habitudes prisent depuis quelques décennies par la majeure partie des professionnels après l'arrivée d'internet dans les foyers. À ce stade, plus personne ne parlait de film, et on ne parlait plus que de vidéos, voire même de capsules pour des sites à succès où les spectateurs scrollaient indéfiniment.
Nous disions donc que les productions ARC reactor n'entraient pas du tout dans cette catégorie, au contraire. Son discret CEO et réalisateur star, Iron Man, aussi nommé dans la vie civile Tony Stark, mettait un point d'honneur à apporter à ses films un soin tout particulier, digne d'une production mainstream de cinéma à moyen budget. Les scénarii étaient longuement travaillés et discutés, les scènes, les costumes, la lumière, le son, tout cela bénéficiait de l'approche de professionnels qualifiés, et évidemment, les acteurs et actrices étaient triées sur le volet, quitte à leur redonner quelques cours de théâtre si le patron en sentait le besoin.
Si vous ne l'aviez pas encore compris, ou si vous n'avez pas bien lu le résumé de cette histoire, les productions ARC reactor ne produisaient pas des films ordinaires, mais de la pornographie. Pourtant, même si la population ne connaissait même pas le nom de cette société, celle-ci pesait un poids non négligeable dans le milieu du cinéma. En effet, si Iron Man prenait son hobby très au sérieux, et avait mené sa société de production pornographique vers des sommets jamais atteints alors que celle-ci ne faisait strictement aucun bénéfice, c'était parce que Tony Stark était en réalité à la tête d'un empire.
Vous avez forcément entendu parler de Stark Industries, peut-être même sans vous en apercevoir. Leur petit logo bleu et blanc est visible sur tellement de produits culturels que cela en donne le tournis. La multinationale est surtout connue, encore aujourd'hui, pour ses produits de divertissement électroniques. Du mobile chantant pour bébé à la console de salon nouvelle génération, SI est partout donnant à Tony Stark une rente tellement impressionnante qu'il pouvait alors se permettre de financer quasiment seul une société de production filmique.
Pour les acteurs et les actrices qui participaient aux castings pour les films d'Iron Man, être engagées par les productions ARC reactor était la certitude d'être bien payées, d'être accompagnées pour progresser dans leur travail d'acting, et mieux encore, d'être bien traitées sur les plateaux de tournage. Il s'agissait également d'une voie vers des tournages plus classiques et il n'était pas rare de retrouver un acteur ou une actrice ARC reactor au générique d'un jeu vidéo produit par SI ou dans une publicité de la dernière bidouille électronique à la mode dans les cours de récrée.
Tout cela, Loki l'apprit lorsqu'il prit la décision d'envoyer chier son père et ses études et de se lancer dans une activité scandaleuse et réprouvée par son milieu social: la pornographie.
Loki d'Asgard était le deuxième fils (adoptif) d'un couple membre de la haute société américaine, celle qui ne passe pas à la télévision, dont le nom ne dit rien au grand public, mais qui a une influence considérable dans l'économie et la politique du pays.
La famille d'Asgard faisait remonter son arbre généalogique bien avant l'arrivée du Mayflower sur les côtes du nouveau continent, et avait établi son origine dans une lignée secondaire d'un puissant seigneur suédois. Autant dire que Loki n'y prêtait aucune espèce d'importance. Il ne partageait pas le moindre gène avec cet ancêtre prestigieux et ne se reconnaissait pas le moins du monde dans la fierté de la famille à avoir des racines aussi anciennes. Lui n'avait aucune idée de l'identité de ses géniteurs et pour ce qu'il en savait, ce pouvait être les derniers des junkies du Bronx, ou le roi et la reine d'Angleterre, cela ne changeait rien.
Il n'avait d'Asgard que le nom, et rejetait le reste.
Loki savait que, dès que l'université informerait son père qu'il avait abandonné ses études de droit, Odin allait lui couper les vivres. Avec Odin, tout fonctionnait à la carotte et au bâton. Tant que ses fils entraient dans les cases préconçues pour eux dès leur plus tendre enfance, alors la générosité paternelle n'avait pas de borne, mais dès que vous dépassiez la moindre limite, alors son ire s'abattait sur vous.
Il devait faire vite et trouver un moyen de subsistance rapidement. Or, si Loki avait abandonné brutalement ses études de droit, c'était pour poursuivre sa propre voie, celle qui lui était déniée par son père adoptif depuis qu'il était tout petit.
Loki rêvait de devenir comédien. Il aimait le théâtre et jouer la comédie était une sorte de don naturel. Malheureusement, le temps lui était compté et il n'avait pas le loisir de courir les castings de Broadway sans référence ni aucun contact dans le milieu.
Loki voulait jouer et il voulait aussi choquer, son père en premier lieu, son frère aussi, le si parfait Thor, héritier naturel de l'entreprise familiale. Loki n'était pas à une contradiction près, mais celle-ci était certainement la plus importante. Thor avait un sens inné des affaires, et les investisseurs lui faisaient une confiance aveugle. Heureusement pour eux, Thor n'avait pas la moindre goutte de tromperie dans ses veines, si bien qu'il avait toujours refusé d'élaborer la moindre escroquerie. Loki était profondément jaloux de la personnalité de son frère, de sa capacité à se faire des amis facilement, de la confiance que les gens lui donnaient spontanément, et alors que Loki n'avait aucune envie de devenir un homme d'affaires, il enviait la place qu'Odin avait réservée à son fils naturel à la tête de l'entreprise.
Loki voulait donc renverser la table et scandaliser son père et son frère, leur montrer qu'il n'était plus un adolescent incertain de son avenir, qu'il était un adulte de plein droit désormais, et qu'il pouvait prendre des décisions discutables, mais assumées.
Il allait donc devenir acteur porno.
Il avait pourtant un sens du standing et il savait que la plupart des vidéos pornographiques disponibles gratuitement sur le net étaient des productions louches et que les actrices n'y étaient pas toujours très bien traitées, ni même les acteurs. En faisant quelques recherches, il était vite tombé sur les productions ARC reactor et leurs exigences de qualité.
Son intérêt avait été piqué et il avait pris rendez-vous pour un casting ce jour-là.
Participer à un casting pour un film d'Iron Man était un peu particulier. Il fallait évidemment montrer que vous étiez à l'aise avec votre corps et celui des autres, mais aussi une capacité de jeu comparable à une moyenne production de cinéma. Lorsqu'il avait appelé le numéro joint à l'annonce de casting, il avait parlé avec un certain War Machine, directeur de production, qui lui avait envoyé par mail un texte à apprendre.
«Le casting se déroule en trois temps, avait expliqué War Machine. D'abord, vous jouez votre texte habillé, comme pour un casting normal, puis il y a une séance photo qui montera crescendo. Enfin, vous jouerez à nouveau votre scène pendant un acte masturbatoire de votre part. Est-ce que vous avez des questions?
—Oui. Combien de personnes assistent à ces castings?
—Une demi-douzaine. Parfois plus, parfois moins. Ah, pendant la séance photo, il est possible qu'on vous mette en couple avec une actrice qui passe aussi le casting.»
Les locaux des productions ARC reactor n'avaient certes pas pignon sur rue, et se trouvaient dans un bâtiment discret de Brooklyn, récemment rénové, spacieux et plus accueillant qu'on aurait pu le penser. Il se présenta à l'accueil, et déclara qu'il avait rendez-vous. L'hôtesse, une certaine Darcy, à en croire son badge, le dévisagea de bas en haut derrière de faux cils longs comme un doigt, puis déclara avec un sourire satisfait:
«Tu as toutes tes chances! Fonce! C'est au troisième étage, au fond du couloir, la double porte en face.»
Loki la remercia par réflexe et entra dans un ascenseur orné de gigantesques et coûteux miroirs. Alors que les portes allaient se refermer, une petite femme fluette s'engouffra au dernier moment. Elle tenait à la main un texte de théâtre dont elle avait surligné les lignes qui la concernaient.
Tout comme Loki, elle était mince, avait des cheveux noirs et la peau très blanche. Son maquillage était étonnement discret pour une actrice venue passer un casting pornographique.
«Toi aussi tu viens pour le casting? demanda-t-elle pour briser le silence pendant la montée.
—Oui, répondit Loki.
—Je suis Sigyn. Je débute dans le milieu. Enfin, je veux dire, pas vraiment, mais je n'ai pas beaucoup de films à mon actif. Surtout des photos. Et toi?
—Je suis ce qu'on appelle un grand débutant, répliqua-t-il avec légèreté.»
Elle eut un petit rire charmant.
«J'ai déjà passé un casting ici, il y a quelques mois, mais je ne correspondais pas au personnage qu'Iron Man avait en tête.
—Iron Man, souffla Loki. Rien que le nom est tout un programme.»
Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur un long couloir percé de fenêtres sur la droite et d'une enfilade de portes sur la gauche.
«Oh, non, rit Sigyn. C'est justement l'inverse. Il s'appelle Iron Man, parce qu'il ne respecte qu'un seul grand principe sur les tournages et autour des tournages. Pas de sexe avec les collègues, ni les actrices, ni les acteurs, ni personne avec qui il travaille.
—C'est… inhabituel, je suppose.
—Les hommes en situation de pouvoir, commença-t-elle avant de s'arrêter. Enfin, tu vois.»
Loki hocha la tête, même s'il ne voyait pas tant que cela. Il n'était pas naïf et savait que le pouvoir, même minuscule, montait vite à la tête, mais de là à en faire une généralité?
Ils frappèrent à la double porte qui leur avait été indiquée et sur laquelle une feuille de papier déclarait qu'ils étaient au bon endroit. Un grand homme noir, habillé de sombre, à l'air professionnel, mais chaleureux, leur ouvrit. Il se présenta comme le fameux War Machine, l'homme derrière les courriels.
«Vous devez être Sigyn Voluspa et Loki d'Asgard. Entrez. Loki, tu as la loge trois, Sigyn, la loge quatre. La maquilleuse va passer voir l'un puis l'autre. On viendra vous chercher pour la scène de RichardIII. Loki c'est bien le monologue d'ouverture, et Sigyn, acte I scène2? C'est bon pour moi. À tout à l'heure.»
Loki profita d'être isolé dans une petite loge pour se concentrer et répéter son texte à nouveau. Il le connaissait par cœur, et par chance, il l'avait déjà joué, lorsqu'il participait au club de théâtre de son lycée. Il savait donc ce qui fonctionnait et ne fonctionnait pas avec lui dans ce rôle. Il avait vite retrouvé certains réflexes de diction et d'articulation.
Il enchaîna sur des exercices de voix, afin de s'échauffer les cordes vocales. La maquilleuse entra pendant ses vocalises.
«Jolie voix, dit-elle avec un fort accent que Loki ne parvint pas à replacer. Je suis Scarlet Witch, et je suis chargée de te maquiller avant ton essai habillé. On va pas mal se voir, parce que je dois refaire le maquillage pour la séance photo et pour l'essai sexuel.
—Tout le monde ici porte un pseudo? demanda Loki pour faire la conversation.
—Oh, oui, ça fait un peu équipe de superhéros je trouve. On est loin de la Justice League, mais c'est rigolo. Tu as un nom de scène déjà, ou pas encore?
—Pas encore.
—Réfléchis-y. Si tu es pris pour le rôle, tu vas en avoir besoin. Bon, des fois, c'est Black Widow ou Iron Man qui décident, mais on demande quand même leur avis aux acteurs. T'as une demande particulière pour ton rôle? Ok, donc ce sera surtout de la retouche du teint. C'est quand même plus agréable d'être pomponné avant de faire les essais, je trouve.»
Scarlet Witch était professionnelle et efficace. En quelques minutes, elle déclara que son travail était terminé, et qu'il ne devait pas se toucher le visage en attendant son essai. Il patienta encore quelques minutes avant que quelqu'un ne frappe à sa porte. War Machine était revenu pour l'emmener vers le petit théâtre d'intérieur que comportait le bâtiment.
La présence d'une véritable salle de théâtre dans une société de production pornographique étonna Loki, mais il n'eut pas le temps de s'en préoccuper, on le pressait déjà à rejoindre la scène. Toutes les lumières étaient allumées, y compris celles de la salle, et il put constater qu'il y avait bel et bien une poignée de personnes présentes. L'homme au troisième rang, placé au centre pour faire face à la scène, se présenta comme Iron Man, le réalisateur du film. Loki avait déjà rencontré le directeur de production, War Machine, mais étaient aussi présents le chef opérateur et son assistant, le costumier, un machiniste plateau, et le cadreur qui enregistrait tous les essais. Loki se fit la réflexion qu'il n'y avait que des hommes dans la salle, quand il vit la maquilleuse accompagnée d'une autre femme se faufiler dans la dernière rangée de fauteuils.
«Avant de commencer, une petite explication du choix de RichardIII pour cet essai, commença Iron Man après avoir vaguement salué Loki. L'intrigue du film que nous préparons tourne autour d'histoires de rivalité et de trahison. D'où RichardIII.»
Loki ne savait pas s'il devait répondre ou pas, mais il fut sauvé par l'arrivée sur scène d'une autre femme, l'ingénieuse-son, qui lui accrocha un petit micro-cravate Bluetooth, lui fit faire quelques tests de voix, puis repartit aussi vite qu'elle était venue. Le cadreur se leva, alluma la petite caméra qui se trouvait entre lui et Iron Man, puis annonça:
«Loki d'Asgard, essai habillé sur RichardIII, acte I scène1. Loki, c'est à toi.»
Adolescent, Loki s'était fortement reconnu dans cette pièce, dans ce personnage. Le désir de reconnaissance, la jalousie, la colère étaient des sentiments qui existaient toujours en lui, et même s'il savait que jamais il n'irait aussi loin que Richard deGlocester, il en était suffisamment proche pour l'incarner. Lui qui s'était toujours senti faible, diminué, par rapport à Thor, sa plastique parfaite et sa personnalité hors du commun, n'avait qu'à imaginer que Clarence était son propre frère et qu'il était suffisamment habile pour retourner le vieux Odin contre lui et envoyer Thor en exil ou en prison.
Plongé dans le personnage, lorsqu'il finit le monologue, il était à moitié persuadé que Thor allait entrer sur scène, entouré de gardes royaux. À la place, Iron Man prit la parole.
«C'était vraiment pas mal. Sans doute un peu trop intense pour le cinéma, mais vraiment pas mal. Tu peux reprendre à ''J'ai, par des inductions dangereuses'' et y mettre un peu plus de joie? De la joie malsaine.»
Loki obtempéra et, dirigé par Iron Man, reprit quelques lignes du texte pour les jouer de différentes façons. À chaque interruption Iron Man répétait «vraiment pas mal», comme un mantra.
Enfin, après un petit quart d'heure, on l'invita à rejoindre sa loge et attendre qu'on vienne l'habiller et le maquiller pour la séance photo. Le costumier, un certain Hulk, arriva assez vite avec un portant soutenant de nombreux vêtements.
«Le thème du shooting est le décadentisme. J'ai recréé des costumes d'époque, avec quelques aménagements pour un déshabillage rapide. Les boutons pression, c'est quand même très pratique. J'espère que c'est à ta taille.»
Il sortit un mètre-ruban d'une poche et prit deux ou trois mesures rapidement.
«Oui, je pense que ce sera à ta taille. Pas de sous-vêtements sous le pantalon, pour hum… des raisons évidentes. Tout est bien sûr parfaitement propre. En parlant de propre, tu as bien envoyé ton bilan sanguin à Black Widow?
—Le service juridique? Oui, par mail.
—Bon très bien. On va pouvoir te mettre avec une partenaire. Il paraît que c'est ton tout premier casting, donc c'est normal si tu es nerveux, et si, hum, tes performances sont impactées.
—Tu veux dire, si je ne parviens pas à avoir une érection?»
L'autre homme semblait très embarrassé et Loki y vit une proie facile.
«Hum. Voilà. Bon. Je te laisse t'habiller. Au cas où, il y a un papier quelque part, à oui, là, pour te donner les grandes lignes du costume et comment le mettre. Bon. À tout à l'heure.»
Il sortit précipitamment et Loki ne put s'empêcher de ricaner. Il était étonnant qu'un homme aussi mal à l'aise avec la chair fasse partie d'une équipe de production de films pornographiques, mais Loki n'allait pas bouder son plaisir. Faire tourner les autres en bourrique, scandaliser et mettre mal à l'aise étaient ses outils de divertissement préférés.
Il finissait de boutonner les manches de sa chemise quand Scarlet Witch entra à nouveau pour retoucher son maquillage.
«On n'a pas le temps pour faire une coiffure vraiment d'époque, mais de toute façon, tu seras décoiffé en quelques minutes, je parie. Mais tu es très smart en costume! J'aime beaucoup!
—Merci, sourit Loki flatté malgré tout. Pourquoi le costumier est-il si mal à l'aise avec le sexe?
—Hulk? Oh, c'est… une longue histoire. Bon, je te le dis parce que tu es sympa, mais tu ne le répètes pas, hein? Il est abstinent depuis une dizaine d'années parce que le sexe le dégoûte. Iron Man a dû vraiment lui graisser la patte pour qu'il accepte de venir travailler ici. La plupart du temps, il est dans son atelier et il ne voit pas grand-chose, mais dès qu'il doit être en contact avec des acteurs, c'est un peu difficile pour lui. Ah, ah! Je connais ce regard. Tu peux oublier. Ce n'est pas un défi. Vraiment, laisse-le tranquille. Iron Man est très protecteur en plus, donc tout ce que tu vas gagner, c'est te faire virer à coups de pied au cul.
—Bon, d'accord, d'accord. Je serai sage. Et ce n'est pas mon genre en plus. Je préfère mes conquêtes plus fougueuses.»
Une fois son maquillage terminé, Loki fut à nouveau invité à rejoindre l'équipe dans une autre salle, où attendait un décor représentant un salon victorien assez cossu. Autour, on avait disposé des lampes parapluies et le photographe, Hawkeye, qui était aussi le chef opérateur, attendait armé de son appareil photo. Iron Man et War Machine étaient aussi présents, ainsi que la femme rousse qui s'était glissée dans le théâtre plus tôt, mais il y avait un peu moins de monde qu'à l'essai précédent.
«Ah, très bien! s'exclama Iron Man en le voyant entrer. Y a pas à dire, le vintage, c'est vraiment la bonne esthétique pour toi. Très victorien. Il manque peut-être une petite moustache et une barbichette, mais j'ai peur que nous n'ayons pas le temps pour regarder des poils pousser. Ah! Voilà Sigyn. Très jolie aussi! On vous croirait sortis tous les deux de Crimson Peak! Ok, au travail! Hawkeye, la piste est à toi.
—Cool, merci Man! Loki vient par là. On va commencer par du très simple, comme de la photo de mode, mais dans le personnage. Tu es un aristocrate décadent de la fin du XIXesiècle, tu fréquentes les soirées orgiaques, type Eyes Wide Shut. Sigyn est ta femme, on va d'abord shooter Loki et Sigyn ensuite, puis tous les deux ensemble. C'est là que les degrés vont monter.»
Effectivement, les premiers clichés furent parfaitement normaux. Habitué à être au sommet de la hiérarchie, Loki n'eut aucun mal à trouver une posture aristocratique méprisante, mais sexy. Sigyn, au contraire, venait d'un milieu très populaire, et elle eut plus de mal à trouver la bonne intention, mais très vite, elle comprit ce qui était attendu et répondit parfaitement aux directions d'Hawkeye.
Ensemble, ils formaient un couple parfaitement assorti. Non seulement leurs vêtements avaient été choisis avec soin par Hulk, mais leur teint, leurs cheveux et leurs yeux avaient des couleurs très proches, ce qui donnait presque l'illusion qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Iron Man observait, en retrait, mais n'hésitait pas à donner un avis, et se penchait régulièrement vers War Machine pour commenter le shooting à voix basse.
Puis, on passa aux photos plus osées. D'abord, ce ne fut qu'une question de postures, de suggestion, mais bientôt, Loki défit sa cravate, ouvrit sa chemise, révélant un torse crémeux et presque lisse. Le décolleté de Sigyn s'ouvrit, ses jupes se retroussèrent. Hawkeye continuait de les diriger sans se déconcentrer, plongé dans son travail de forge de l'image. Il les mitrailla pendant un baiser langoureux, les mains baladeuses. Il prit en gros plan la bouche de Loki léchant le sein blanc offert. Parfois, il leur demandait d'en faire moins ou d'en faire plus. Dans tous les cas, Loki et Sigyn s'amusaient plutôt bien. Ils riaient souvent, d'autant plus qu'Hawkeye n'était pas le dernier pour lâcher une blague potache.
Enfin, Sigyn ne porta plus que sa culotte fendue, qui laissait voir toute son anatomie, et ses jarretelles noires, tandis que Loki se trouvait complètement nu et arborait une demi-érection encourageante.
«Tu peux la faire monter? demanda Hawkeye. C'est toujours plus simple que de le faire avec une prothèse ou en post-prod.
—Je vais essayer.»
Avec sérieux, il massa sa verge avec vigueur, et, satisfait, vit son érection gonfler.
«Une petite scène légèrement BDSM, maintenant, demanda Iron Man. Sigyn, tu prends l'ascendant. Tiens, récupère la ceinture de Loki. Loki, à genoux, offert aux traitements de Sigyn, je veux bien voir son érection. Super Hawkeye, continuez comme ça les enfants, ça rend super bien.»
Évidemment, les coups de ceinture étaient parfaitement fictifs, Sigyn ne faisait que lever la main sans jamais la baisser. Elle se prit au jeu et s'amusa à manipuler le corps de son partenaire. Elle lui attacha les mains dans le dos, grâce à la ceinture, et fit semblant de jouer avec son érection, pendant que l'appareil photo crépitait.
Une fois la séance finie, Iron Man reprit le contrôle de la situation, alors que Hulk, les oreilles rouge pivoine, leur tendait des peignoirs en satin.
«Vous avez une heure de pause. Il y a une douche dans chaque loge, derrière la porte jaune. Lavez-vous, reposez-vous un peu, mangez un morceau, et on reprend les essais masturbatoires dans une heure. Loki, désolé, mais je préfère te prévenir que tu vas devoir attendre avant de soulager cette érection. Une heure, c'est un peu court pour récupérer. Je suis très content pour le moment. Les photos ont l'air réussies. Dans tous les cas, même si vous n'êtes pas retenus pour les rôles, vous serez payés pour les photos. Il faudra voir ça avec Black Widow.»
Il désigna la femme rousse en tailleur.
Loki suivit le conseil d'Iron Man. Il prit une douche, ce qui fit redescendre son érection, et mangea les biscuits qui avaient été apportés dans sa loge. Il ne se rhabilla pas et resta en peignoir jusqu'à ce qu'on l'appelle pour la dernière partie des essais, le monologue masturbé.
Le principe était exactement le même que pour le premier essai, mais Loki ne pouvait pas utiliser les mêmes images mentales pour entrer dans le personnage. La pensée même de faire intervenir son père et son frère pendant une masturbation le dégoûtait. Il s'était donc entraîné à convoquer d'autres personnes dans sa tête. Quelques-uns de ses ex feraient parfaitement l'affaire.
Loki avait eu de nombreuses aventures, plus ou moins sérieuses, depuis son adolescence. Certaines de ces histoires s'étaient bien finies et d'autres avaient laissé une rancune tenace chez lui. Ils étaient donc les personnages parfaits à faire intervenir dans son jeu d'acteur.
«Donc, voici l'hiver de notre déplaisir changé en glorieux été par ce soleil d'York, commença-t-il une fois qu'il avait eu le feu vert.»
Il marcha lentement sur la scène jusqu'à un sofa posé en plein milieu. Il retira le peignoir lentement alors qu'il continuait à monologuer.
«Voici tous les nuages qui pesaient sur notre maison, ensevelis dans le sein profond de l'Océan!»
Aussi lourdement que cette maison ensevelie métaphoriquement, il se laissa tomber, nu comme au premier jour, sur le sofa.
«Donc, voici nos tempes ceintes de victorieuses guirlandes, nos armes ébréchées pendues en trophée, nos alarmes sinistres changées en gaies réunions, nos marches terribles en délicieuses mesures!»
Il s'installa plus confortablement, les jambes écartées, une main sur le sexe, massant doucement cette verge ainsi exposée à la vue d'autant d'individus. Il ne fallait pas y penser et rester dans le personnage. Pour faire bonne mesure, il laissa passer un soupir sur le mot 'délicieuses', puis prit une pause à la fin du vers.
«La guerre au hideux visage a déridé son front, et désormais, au lieu de monter des coursiers caparaçonnés pour effrayer les âmes des ennemis tremblants, elle gambade allègrement dans la chambre d'une femme sous le charme lascif du luth.»
Cette fois, il prit son sexe fermement dans sa main droite, pendant que la gauche explorait son corps. Son sexe était chaud, mais sa peau se refroidissait vite. Pour maintenir l'intérêt de son public, lorsqu'il évoqua les 'ennemis' il se pinça durement un téton, et au mot 'lascif', il décida de jouer avec ses bourses. Ce fut assez efficace. Il pouvait sentir la pression dans sa verge grandir. Il devait faire vite. Il accéléra sa diction et la rendit plus hachée, plus suffoquée.
«Mais moi qui ne suis pas formé pour ces jeux folâtres, ni pour faire les yeux doux à un miroir amoureux, moi qui suis rudement taillé et qui n'ai pas la majesté de l'amour pour me pavaner devant une nymphe aux coquettes allures, moi en qui est tronquée toute noble proportion, moi que la nature décevante a frustré de ses attraits, moi qu'elle a envoyé avant le temps dans le monde des vivants, difforme, inachevé, tout au plus à moitié fini, tellement estropié et contrefait que les chiens aboient quand je m'arrête près d'eux!»
La masturbation devenait presque frénétique. Il passa une main affolée dans ses cheveux et se tira lui-même la tête en arrière.
«Eh bien, moi, dans cette molle et languissante époque de paix, je n'ai d'autre plaisir [pincement brutal de téton et gémissement] pour passer les heures que d'épier mon ombre au soleil et de décrire ma propre difformité.»
Les mots dégringolaient de sa bouche, et parfois restaient bloqués, comme empêchés avant de s'écouler à nouveau. Sa peau était toujours froide, mais ses joues et ses yeux étaient brûlants.
«Aussi, puisque je ne puis être l'amant qui charmera ces temps beaux parleurs, je suis déterminé à être un scélérat [pincement brutal de téton et nouveau gémissement] et à être le trouble-fête de ces jours frivoles.»
Il devait finir en apothéose, il le savait, alors il accéléra le rythme tandis que sa voix exprimait un plaisir charnel et psychologique, malsain et pervers.
«J'ai, par des inductions dangereuses, par des prophéties, par des calomnies, par des rêves d'homme ivre, fait le complot de créer entre Clarence et le roi une haine mortelle.»
Il avait volontairement retiré les mots «mon frère» pour ne pas sortir du personnage, et à la place, imaginait que Svaldifari était une incarnation de Clarence.
«Et, pour peu que le roi Édouard soit aussi honnête et aussi loyal que je suis subtil, fourbe et traître, Clarence sera enfermé étroitement aujourd'hui même, en raison d'une prédiction qui dit que G sera le meurtrier des héritiers d'Édouard.»
Il éjacula dans un râle théâtral.
Ce ne fut pas spectaculaire, mais suffisamment visible pour que le public ne manque rien du bouquet final.
En un bon, Loki était debout et se saisissait du peignoir pour se rhabiller, avant de lâcher le dernier vers de son monologue:
«Replongez-vous, pensées, au fond de mon âme ! Voici Clarence qui vient.»
Légèrement essoufflé, les joues rouges, un peu embarrassé tout de même de s'être ainsi exhibé, Loki attendit une réaction de la salle. Il ne fut pas déçu.
«Putain, marmonna Iron Man. T'es engagé.»
