Depuis les évènements de tout à l'heure, Mimir est restée prostrée, triturant une fleur à sa portée avec ses doigts. A chaque touche sur un de ses pétales, la fleur tressaillit, non pas pour essayer d'attraper une proie, mais juste en réaction, comme une sorte de réflexe nerveux, ou un moyen primaire de communication. Peut-être que d'autres types de stimuli entrainent d'autres types de réactions ? Mimir approche son visage de la fleur, en profite pour sentir son parfum – totalement quelconque mais pas forcément déplaisant – puis souffle dessus. Les pétales se redressent lentement, comme pour venir lui caresser les joues pour en effacer les traces de larmes séchées dans la crasse.

« C'est bien la première fois que je vois ce genre de fleur, intervient Skoll en s'accroupissant à côté d'elle.

- Moi aussi… »

Mimir continue de toucher les pétales de la fleur à main nue, sans entrain. Elle a bien essayé de toucher le centre de la fleur, mais cette zone semble être dépourvue de capteurs nerveux.

« Elle parait vivante, reprend Skoll. C'est fascinant…

- C'est une fleur, rétorque Mimir. Bien sûr qu'elle est vivante.

- Oui, bien sûr… Je veux dire qu'elle parait… consciente ! C'est ça le mot que je cherchais.

- C'est probable, en effet. »

Les libellules noctulescentes poursuivent leur balai aérien, emplissant l'entrée de Noctilum d'une lueur féérique.

« Comment tu définirais la conscience ? demande Mimir.

- Comment ça ?

- Ou plutôt, qu'est-ce qui te fait dire qu'une espèce a une conscience ?

- Ben… C'est difficile à dire… Le fait de réagir à son environnement, c'est déjà une forme de conscience de soi, non ?

- Il existait des arbres sur Terre, en Afrique, qui émettaient des phéromones lorsqu'ils se faisaient manger les feuilles par les girafes. Les autres arbres, quand ils « sentaient » ça, empoisonnaient leurs feuilles pour décourager les girafes.

- C'est dingue !

- Est-ce que tu dirais que ces arbres étaient conscients ?

- Non, pas vraiment…

- Pourtant ils réagissaient à leur environnement. Et c'est loin d'être un cas isolé.

- C'est vrai…

- La conscience dans le domaine du vivant est très difficile à définir, et il n'y aura jamais de consensus. Qu'est-ce qui est conscient ? Qu'est-ce qui est pensant ? Qu'est-ce qui est intelligent ? Ce sont toujours des questions floues.

- Ce sont des questions complexes en effet… » marmonne Skoll, pensif.

Mimir attrape quelques grains de terre et les dépose sur les pétales de la fleur. Après quelques instants de tressaillement, la fleur finit par s'ébrouer pour chasser les particules indésirables.

« Incroyable, s'ébaubit Skoll.

- Ça change, de voir quelqu'un s'émerveiller du vivant…

- Baldr n'est pas autant fasciné ?

- Tu parles ! Il est adorable et c'est un très bon ami, c'est pas le problème. Mais quand on en vient à parler de biologie, il fait de son mieux pour paraître intéressé mais c'est clairement pas sa tasse de thé.

- Il faut dire que je vois difficilement qui de nous trois a un assez bon niveau en biologie pour discuter avec toi.

- C'est surtout que son truc c'est les machines. Le vivant, il en a globalement un peu peur.

- C'est un peu leur défaut, aux deux autres. La peur de l'inconnu. Ça les pousse à prendre des décisions disproportionnées…

- Ça LA pousse à prendre des décisions disproportionnées. » corrige Mimir.

Un lucane vrombit au-dessus d'eux, se dirigeant à grande vitesse vers l'intérieur de Noctilum.

« C'est vraiment une connasse… finit par lâcher Mimir, ne pouvant retenir sa colère plus longtemps.

- Elle est… terrifiante, répond Skoll.

- Pardon, je sais que vous êtes proches, mais j'ai pas vraiment l'énergie de filtrer mes propos, là.

- Pas de problème. Je t'avoue qu'elle m'a surpris aussi sur ce coup.

- Elle est vraiment monstrueuse… Elle a pas hésité à me viser, ni à tirer.

- Elle a tiré en l'air.

- Elle aurait très bien pu me tirer dessus. Si elle avait été sûre que la balle me traverse pour atteindre le saltat, elle l'aurait fait. Je l'ai vu dans son regard.

- Tu penses ?

- Crois-moi, je connais bien ce regard. J'espérais juste ne jamais le voir sur Mira. »

Un coup de feu résonne depuis Primordia. Si Skoll se retourne brusquement vers l'origine du bruit, Mimir se contente de relever la tête quelques secondes avant de reposer les yeux sur la fleur.

« C'était quoi ça ? demande Skoll, inquiet.

- On dirait qu'elle a encore trouvé quelque chose à flinguer… marmonne Mimir.

- Baldr est avec elle, ils ne devraient pas être en danger, tente de se rassurer Skoll.

- Je suis sûre qu'elle trouverait le moyen de ruiner notre première rencontre avec les Nopons en en remplissant un de plomb parce qu'ils sont « dangereux ». A ce compte, autant qu'elle se flingue toute seule ! C'est un danger ambulant pour tout Mira !

- Elle est à bout de nerfs… Elle n'avait pas de mauvaises intentions. Elle voulait éviter de prendre le risque que la créature nous attaque.

- En me pointant son arme dessus ?!» commence à s'emporte Mimir, avant d'hurler un « CONNASSE ! » qui résonne tellement fort que les quelques créatures encore dans les environs préfèrent s'éloigner.

« Elle est allée trop loin, c'est indiscutable, approuve Skoll. Mais le fond du raisonnement reste logique.

- … Tu aurais fait pareil ? demande Mimir, partiellement calmée par son hurlement.

- Si par « pareil », tu entends « faire fuir la créature », alors oui.

- Mais tu l'aurais pas tuée, si ? Parce que c'est ce qu'elle voulait faire à la base.

- Si il n'avait pas fui, j'aurais envisagé de l'abattre je pense. Par nature, je ne m'amuse pas forcément à m'attaquer à des animaux, même sans parler du fait qu'un animal blessé est beaucoup plus dangereux. Cependant, dans une situation où ils représentent un danger, je n'hésite pas à me défendre, parce qu'il en va de ma survie.

- Il ne représentait pas un danger…

- A tes yeux, peut-être. Mais pour nous, si. Imagine qu'il ait été piqué par un de ces frelons qu'on a vu ici à l'aller…

- … Ça aurait été… problématique. » consent Mimir en versant un peu d'eau sur la plante, qui prend aussitôt une forme arrondie afin de concentrer l'eau en son centre.

« Mais c'était pas une raison pour essayer de me flinguer, reprend Mimir. Je t'avoue que j'ai du mal à le digérer…

- Personne ne te le demande, crois-moi ! »


Cosmos sekka : Un grand cosmos dont les pétales réagissent aux stimuli. A cause de cela, beaucoup croient qu'il possède un certain degré de conscience.

Exploration de Mira : 4,71 %