Il était rare que Stiles se montre complètement honnête avec son père et celui-ci en avait parfaitement conscience. D'ailleurs, en général, il laissait couler parce qu'il avait l'habitude et… Que son fils avait ses raisons. Le mensonge ne le dérangeait pas tant qu'il ne concernait pas quelque chose de grave. Or, il avait cette fois choisi de ne pas le faire durer plus longtemps que nécessaire et même si ç'avait été le cas, il aurait pu compter sur lui pour ne pas lâcher l'affaire. Noah restait son père et il avait besoin de savoir ce qui lui était arrivé. Ainsi, il accueillit l'honnêteté de Stiles à bras ouverts, y voyant là une ouverture de sa part, une ouverture qui lui apparut complète.

Or, elle n'était que partielle.

- J'ai bien peur que non, sourit tristement le shérif.

Il aimait toutefois le reconnaître dans sa façon de parler et dans ses mots. C'était toujours plus rassurant que lorsqu'il l'avait découvert dans un état de panique si grand qu'il ne l'avait presque pas reconnu tant il lui était apparu différent. Quoi de plus normal dans la mesure où il avait dû faire face à une facette de lui qu'il ne connaissait pas? Car s'il avait déjà vu son fils triste ou angoissé – il se rappelait fort bien de toutes les crises de paniques qu'il l'avait aidé à calmer –, ce n'était en rien comparable à l'épisode de ce matin-là.

- C'est chiant, répliqua Stiles, la voix basse. Mais je sais que je ne pouvais pas faire semblant.

Ce constat était un aveu douloureux parce que Stiles, qu'importe son humeur ou son état, détestait en faire l'étalage. Il considérait un peu cela comme une partie de son jardin secret, ces choses qu'il préférait garder pour lui sans se soucier des conséquences que ce genre de comportement pouvait avoir. Minimiser pour mieux vivre, voilà l'un de ses mantras.

Sauf que cette fois, ce n'était pas possible parce qu'il avait pleinement conscience de ce qu'il s'était passé. Il eut un rire inexplicable pour Noah: un rire sans joie. Quand Stiles repensait à son besoin de savoir ce qu'il se cachait derrière son trou de mémoire… Ah, vraiment, il regrettait d'avoir eu le désir de dissiper le brouillard. Car maintenant que son inconscient avait exaucé son souhait, tout avait changé en lui.

Et plus rien ne serait jamais comme avant.

- Faire semblant ne t'aurait de toute façon rien apporté de bon, fils, et tu le sais.

Noah n'arrivait pas à croire qu'il réussissait à se montrer patient alors qu'il avait véritablement envie de précipiter les choses pour comprendre ce qui n'allait pas. Si cela ne tenait qu'à lui, il l'aurait sommé et sommé et sommé de lui dire ce qui lui arrivait. Mais Stiles n'avait jamais fonctionné selon cette méthode-là, hors cas extrêmes – qui pouvaient mettre en danger la vie d'autrui.

Stiles hocha la tête.

- Peut-être, mais là j'aurais bien aimé que ça fonctionne, souffla-t-il.

Il avait la gorge serrée, donnant un indice supplémentaire quant à son état. S'il ne s'apprêtait pas à pleurer, il se retenait à tout le moins, en témoignaient la tension dans son visage et ses yeux qui rougissaient à vue d'œil. Noah s'arma de patience même si cela ne lui apparaissait pas naturel et l'enjoignit de lui dire ce qui n'allait pas. Il lui précisa également, parce qu'il trouvait toujours utile de le rappeler, qu'il serait toujours là pour lui et ne le jugerait de rien.

- Haha, c'est marrant que tu parles de jugement…

Mais Stiles ne continua pas sa phrase et son rire se transforma en une sorte d'horrible son étranglé alors qu'il retenait l'émotion qui le prenait. Il avait besoin de pleurer, encore, cela se sentait.

- Stiles… Soupira Noah en passant un bras autour de lui.

S'il pensait sincèrement que son père disait des mots en l'air, c'était mal le connaître et cette idée le blessa quelque peu.

- Non, c'est juste… C'est moi qui me juge, avoua sans détour l'hyperactif.

Et Noah ne pourrait imaginer à quel point. Son fils, en plus d'avoir perdu toute estime de lui-même, en venait à se juger avec des mots si durs qu'il ne pourrait s'empêcher de le réprimander sévèrement s'il l'entendait penser de la sorte. Mais pourrait-il seulement le blâmer, une fois qu'il saurait? Non, parce que les plans de l'hyperactif étaient tout autres.

- Explique-moi, lui demanda Noah avec toute la douceur dont il était capable.

Il n'attendait rien, si ce n'est qu'il s'ouvre à lui – et c'était déjà pas mal.

Mais d'un coup, le visage de Stiles lui apparut comme s'il avait perdu dix ans: il rajeunit à cause de la vulnérabilité qui s'y afficha pour mieux s'ancrer en lui. Ses yeux se mirent à briller, mais pas de façon positive, Noah le savait. Stiles garda le silence un moment, si bien que son père dut s'armer de patience pour ne pas le presser – ce qui était relativement dur. Parce qu'en attendant, il ne pouvait rien faire, que ce soit de façon concrète ou non, pour l'aider… Et Noah détestait l'impuissance, encore plus lorsque son fils était concerné.

- Je ne peux pas, finit par souffler Stiles en secouant la tête.

Il s'agissait de sa plus grande certitude à l'heure actuelle. En parler n'était, pour lui, pas une option – encore moins à son paternel. Déjà, il lui fallait digérer ses souvenirs et… Les savoir réels était déjà suffisant. Il n'avait pas besoin, en plus, d'étaler son humiliation… Dont Noah ne comprendrait rien. Parce qu'il ne pouvait pas se mettre à sa place, imaginer ce qu'il avait, pendant et après coup, vécu.

Pire encore, Stiles n'était pas certain que son père prendrait bien la chose… Dans la mesure où il ne comprendrait sans doute pas le fait qu'il n'avait en rien cherché à ce que ces évènements se produisent. Disons qu'il connaissait son père et que même s'il avait progressé en termes de mentalité, il pouvait ne pas saisir tout ce qui sortait du cercle de sa compréhension. Ça viendrait, mais peut-être ne se montrerait pas très cool au premier abord en mettant la faute de ce… Cet incident sur la meute et toutes ces bizarreries surnaturelles qu'il ne comprenait pas toujours.

Or, c'était ce que Stiles devait absolument éviter parce que son père, pour le protéger, risquait de vouloir l'isoler de ses amis. Il penserait certainement bien faire, mais l'hyperactif savait qu'il ne pourrait qu'avoir tort dans sa démarche.

Et Noah, perdu dans son inquiétude, chercha à savoir par tous les moyens: Stiles sut qu'il ne pourrait pas compter ses tentatives tant elles furent nombreuses… Elles connurent toutefois toutes la même finalité.

- Non, je ne peux pas, répéta encore l'hyperactif en ramenant ses jambes contre sa poitrine.

Il avait véritablement envie de se recroqueviller par lui-même, de se réfugier dans ses draps pour ne plus en sortir. Il avait besoin de son cocon, d'une impression de chaleur et de sécurité… Celle qui pouvait lui faire supporter le fait que son intimité… N'avait plus grand-chose d'intime.

- Mais Stiles…

- Je ne peux pas t'en parler. Pas maintenant.

Plus tard, peut-être, lorsqu'un certain temps aurait passé et que cette soirée soit reléguée aux oubliettes. Quoiqu'avec ce qu'elle avait engendré, il doutait fort que ce jour arrive. Il doutait même d'arriver à penser à autre chose tant il avait la tête remplie d'images plus sordides les unes que les autres.

- Je ne veux juste pas aller en cours aujourd'hui, fit-il, la voix brisée.

C'était tout ce dont il arrivait à être certain à l'heure actuelle.