Elle ne voulait pas s'arrêter, cette satanée pluie, même ici. Parce qu'il avait fini par monter dans la chambre que Derek lui prêtait gracieusement. Ce n'était pas de gaieté de cœur qu'il avait accepté de sortir de son poste devant la baie vitrée. On pouvait d'ailleurs dire qu'il avait cédé, ce qui expliquait la situation de manière un peu plus juste. Evidemment, Stiles ne crachait pas sur le confort qui lui était accordé et dont il allait profiter éhontément puisqu'il n'en avait pas le choix. Derek lui imposait de rester, soit. Il allait vite comprendre son erreur. Parce que Stiles Stilinski ne s'avouerait pas vaincu si vite et ce, même si l'envie ne manquait pas. C'était usant, pour lui, de devoir se battre alors qu'il n'en avait pas l'énergie et que tout dans sa vie semblait voler en éclat. Il était loin, le temps où il ne pensait à rien, si ce n'est à rêver surnaturel, manger surnaturel, respirer surnaturel.
Vivre surnaturel.
Là, c'était le naturel qui revenait au galop, le mettant face à ses contradictions et à ses secrets, dont il pensait certains profondément enfouis en lui – il s'était manifestement trompé. Le pire, c'est qu'à voir la pluie battante s'écraser contre la vitre de la grande fenêtre lui rappelait à quel point il était mal en point. Il n'y avait pas mieux que ce temps pourri pour représenter son humeur massacrante – mais douce. Et il était bien là le problème, Stiles en avait conscience.
Comment voulait-il se rendre invivable et, par extension, partir, s'il ne se donnait pas les moyens de gagner sa liberté? Poser des questions à Derek sur ce qu'il pourrait faire pour l'agacer n'était pas une mauvaise idée en soi… Si l'on mettait de côté le fait qu'il n'y aurait, de cette façon, aucun effet de surprise pour rendre ses actions plus impactantes. De même, préparer un semblant de plan, c'était bien mais agir restait mieux. De même, il ne lui servait à rien de râler aussi mollement qui l'avait fait depuis qu'il était arrivé là.
Mais peut-être que finalement, tout ceci était bien inutile. Derek s'attendait à ce qu'il le trolle et qu'il fasse n'importe quelle action stupide pour pouvoir partir. Sentant qu'il tenait quelque chose dans cette réflexion, Stiles se redressa. Il était une heure du matin mais il avait l'air de ne pas ressentir la moindre once de fatigue… Et il trouva, dans la foulée, le moyen de s'en aller sans plus attendre. Il posa ses pieds nus sur le sol et s'empara de son téléphone avant d'esquisser un triste sourire. Ce à quoi il pensait n'était vraiment pas mauvais, à tel point qu'il oublia chacune de ses précédentes idées pour partir sur celle qu'il venait d'avoir. Il ne devait pas attendre, pour l'exécuter.
Alors il se leva, éclaira son chemin avec la lampe torche de son cellulaire et marcha jusqu'à s'arrêter devant une porte sombre, un peu plus que les autres. Une pancarte surmontée d'un sobre «Derek» n'aurait pas pu indiquer mieux l'identité de l'occupant de la pièce qui se cachait derrière le grand panneau de bois lisse. Stiles fit fi de son hésitation et de son stress naissant. C'est donc dans un moment rapide mais pas discret pour un sou qu'il ouvrit la porte en grand. Comble du bonheur, elle grinça atrocement, si bien qu'il entendit tout autant qu'il vit Derek bouger dans son lit. Qu'il se réveille donc! Car c'était là bien le but de l'hyperactif, la première partie de son plan atrocement bancal. Il y avait de l'idée mais il savait qu'il ne le finaliserait pas avant de le mettre en place, pour la simple et bonne raison qu'il n'en avait pas l'énergie. Il allait mal et ne voulait rien si ce n'est partir, quitter ce loft de malheur. Aller déverrouiller la porte à l'étage d'en-dessous? Inutile, Derek l'aurait entendu et sans doute poursuivi jusqu'à le ramener de force ici.
Là où Stiles pensait que son plan avait des chances de réussir, c'est qu'il avait la possibilité de l'agacer par rapport à de nombreuses choses.
- Eteins-moi cette putain de lampe, grogna rapidement le loup-garou.
Oui, parce que Stiles avait eu la bonne idée de la braquer sur ses yeux, histoire de le titiller efficacement. Quoi de mieux qu'un réveil quelque peu brutal et douloureux pour les yeux? Le fait est qu'il s'exécuta, il éteignit la lampe de son téléphone… Avant d'appuyer sur l'interrupteur à l'entrée de la chambre. Le plafonnier s'alluma sans détour, éclairant la pièce comme en plein jour. Stiles, fasciné et peu touché par son éclat puisqu'il était réveillé depuis un bon moment, la regarda fixement en faisant la réflexion que pour luire de cette façon, cette ampoule devait bien consommer. A la fin du mois, la facture d'électricité devait être salée.
- Tu n'as aucun putain d'instinct de survie, râla Derek lorsque ses yeux lupins, très sensibles à la lumière, se furent habitués à la luminosité soudaine.
Stiles reporta son attention sur lui. Cette ampoule l'avait fait partir dans des réflexions telles qu'il en avait momentanément oublié Derek, ainsi que son plan. La distraction pour mieux l'apaiser et repousser le moment qu'il attendait tout autant qu'il le redoutait.
- Je sais, on me le dit souvent, finit-il par répondre sur un ton nonchalant.
Dans un soupir clairement agacé, Derek se redressa, laissant la couverture glisser sur son torse… Passablement appétissant.
- On te l'a déjà dit, que t'étais bien bâti? Ne put s'empêcher de lui demander Stiles.
Il ne le bouffait pas du regard, non – il savait tout de même faire preuve de décence! –, mais il s'était autorisé à le lorgner une petite seconde. Quitte à passer un mauvais moment, autant graver un bon souvenir dans sa mémoire. Parce qu'après ça, Stiles n'aurait sans doute plus l'occasion de voir le fruit de ses fantasmes à moitié nu. Cette fois-ci, il la considérait déjà comme une exception, une sorte de miracle – une petite lumière éclairant ses pensées sombres.
- Stiles, sérieusement…
Rendre Derek bougon, c'était génial. Mais ça pourrait l'être davantage encore s'il pouvait être libre et l'embêter sans avoir à se livrer comme il allait le faire.
- Laisse-moi prendre un peu de bon temps et profiter du spectacle, rétorqua l'hyperactif en se permettant, sans gêne, de se rapprocher suffisamment pour s'assoir au bord du lit.
Derek le toisa presque froidement. Presque. Pour l'instant, il paraissait juste en colère et impressionnait Stiles par le contrôle qu'il exerçait sur elle. L'hyperactif choisit cependant de garder cet élément-là pour lui. Il n'avait pas envie de complimenter Derek alors qu'il lui en voulait de l'avoir mis dans cette situation… La seule exception qu'il s'était autorisée – pour le gêner uniquement bien sûr – avait été sa question rhétorique par rapport à son physique fort agréable à regarder parce qu'il savait que le loup-garou détestait qu'il s'attarde dessus. Le nombre de remarques qu'il lui avait déjà faites par le passé l'avait vacciné et… Stiles se demandait encore comment son vis-à-vis n'avait pas cramé ses sentiments pour lui.
- Stiles, il est plus d'une heure du matin, râla Derek après avoir très brièvement consulté l'heure sur son téléphone.
- Et je n'arrive pas à dormir, rétorqua Stiles, donc tu vas souffrir avec moi un peu.
Devait-il s'estimer heureux que Derek ne lui ait pas sauté à la gorge pour cet affront? Peut-être. Parce que le regard du loup-garou lançait des éclairs.
- Ne t'avise pas de râler,lui ordonna gentiment l'hyperactif, parce que c'est à cause de toi qu'on en est là.
