Notes de l'auteur : Bonjour à tous, un nouveau chapitre qui s'en vient. Chaque fois que je vois les stats de la fic (enfin, surtout sa version anglaise), je me demande si je ne rêve pas. J'ai un peu de mal à me dire qu'il y a presque 300 personnes qui attendent un nouveau chapitre.

Dans ce cas, voici pour vous, bonne lecture.


Chapitre 9 : le conte du chien et du renard

Bien qu'un peu surpris, Bell avait accepté d'écouter ce que cette jeune fille avait à lui dire. Mais c'était aussi parce qu'il se demandait s'il ne s'agissait pas de la prum qu'il avait aidé l'autre jour. Ils allèrent s'assoir au bord d'une fontaine et commencèrent à discuter.

"Donc, tu es porteuse indépendante ?"

"Non, Lili appartient à une familia."

"Dans ce cas, tu ne devrais pas travailler avec eux ?"

Bell n'était pas encore au fait de beaucoup de choses, même si son statut particulier au sein de sa propre familia lui permettait de se douter qu'il pouvait y avoir des circonstances particulières. C'était peut-être le cas ici, car le visage de la jeune fille sembla s'assombrir.

"Non, Lili a ses propres circonstances…"

"Je vois. Tu es dans quelle familia ?"

"Soma familia."

Le nom ne disait rien du tout à Bell, mais cela n'était guère étonnant. Il ne connaissait que les principales familias, comme celles de Loki, Freya ou Ganesha.

"Et vous maître Bell ?"

Le jeune homme fut un peu gêné qu'elle lui parle avec tant de déférence, mais ne dit rien et lui répondit.

"Ishtar familia."

Et rien qu'en voyant le regard de la jeune femme, il sut déjà quel terrible quiproquo allait se produire.

"Mais… Maître Bell a pourtant l'air si innocent…"

Lili commença à se demander intérieurement si elle n'avait pas commis une terrible erreur de calcul en se fiant uniquement à son visage et son comportement héroïque stupidement naïf de l'autre soir. Est-ce qu'il risquait de lui demander "ça" ?

"M-m-maître Bell, Lili reconnait avoir besoin d'argent, mais elle n'est pas prête à faire ce genre de chose."

Bell se contenta de soupirer, ne s'étonnant même plus de ce genre de répliques et se mit à tout lui expliquer. Le Delebat, son rôle dans la familia, son statut un peu particulier et le fait qu'il n'était pas un gigolo. Au fond d'elle, une petite part de l'inconscient de Lili se dit que cela était bien dommage, qu'avec sa bouille adorable, il pourrait facilement faire fortune et que si elle était une aventurière ordinaire, elle deviendrait probablement sa cliente.

Mais elle n'était pas encore prête pour ça…

"Je vois. Mais revenons à nos affaires. Avez-vous besoin d'un porteur maître Bell ?"

Le jeune homme se mit à réfléchir, il avait l'habitude de se débrouiller seul, mais plus il descendait, plus la logistique devenait compliquée. L'aide de quelqu'un pouvant assumer ce genre de tâches serait un plus non négligeable.

"J'avoue que ça pourrait être utile."

Voyant qu'il hésitait, Lili décida de se montrer prudente et de l'appâter tout en douceur.

"Dans ce cas, maître Bell, que diriez-vous de commencer par un essai pour la journée ? Vous vous ferez votre propre idée ainsi."

"Oui, ça me parait une bonne idée."

Les deux se serrèrent alors la main pour conclure leur accord et Bell posa la question qui le taraudait depuis un moment.

"Je voulais te demander quelque chose."

"Quoi donc maître Bell ?"

"Tu ne serais pas la prum que j'ai sauvé l'autre soir ?"

Lili s'était attendue à cette question, mais elle ne pouvait pas se permettre d'être démasquée, heureusement, elle avait sa magie pour ce genre de cas.

"Désolé, mais Lili n'est pas une prum, Lili est une chienthrope." Fit-elle tout en rabattant sa capuche pour révéler deux adorables oreilles canines avec une fourrure de la même couleur que ses cheveux.

Inconsciemment, Bell se sentit obligé de vérifier. Sans même demander la permission, il leva les mains et commença à examiner les fameuses oreilles sous tous les angles, tout en les caressant de bien des manières… pour la science bien sûr.

Mais Lili semblait lui dire la vérité, les réactions étaient naturelles. Chaleur, moiteur, tout était là. Y compris les gémissements de Lili, à mi-chemin entre gêne et plaisir. Bell se rendit alors compte de ce qu'il venait de faire et relâcha immédiatement la jeune fille tout en s'éloignant, rouge de honte, pendant que Lili reprenait son souffle.

"Une telle technique… Maître Bell est bien un enfant de dame Ishtar…"

"Pardon."

Le garçon préféra mettre ça sur le dos de sa déesse. A force d'être aussi tactile avec lui, elle commençait à lui donner de mauvaises habitudes. Ce n'était pas parce qu'il avait un fétiche sur les oreilles des thérianthropes… non, pas du tout.

Suite à cette étrange interlude, les deux se mirent donc d'accord sur leur collaboration de la journée et se mirent en chemin vers le Donjon.


Plus bas dans ce dernier, un affrontement dantesque battait son plein.

Il n'y avait pas une seule berberas qui ne soit pas blessée. L'Amphisbanea leur faisait passer un sale moment, mais sous le commandement d'Aisha, elles n'abandonnaient pas. Cette dernière était également blessée, mais puisait dans sa détermination pour ne pas se laisser faiblir.

"Une tête qui crache du feu, une autre qui annule la magie, ce truc sait comment être casse-pied." Dit Lena, souffrant elle aussi, mais refusant de se laisser abattre.

"Violent, impitoyable et sans aucune pitié, pour un peu ce monstre aurait toutes les qualités que j'aime chez un homme." Fit alors Aisha tout en se léchant les lèvres pour en nettoyer le sang.

"T'as vraiment un problème Aisha."

"Bordel, ce truc crève quand ?" leur demanda alors Samira qui venait de les rejoindre.

"Ici et maintenant." Répondit la sensuelle amazone. "Lena, combien d'armes magiques de glace il nous reste ?"

"Seulement deux, l'une a assez de puissance pour recréer des appuis, mais l'autre est prête à se briser."

"Donne-moi celle qui est usée et une cape en peau de salamandre. Dès que j'aurais détourné son attention, vous refaites des appuis et frappez de tous les côtés."

"Toi, tu as une idée folle en tête." Lui fit alors Samira.

"Un certain crétin m'a beaucoup inspiré. Si on veut gagner, il va falloir tout donner et se dépasser."

Aisha fut plus marquée qu'elle le croyait par le combat de Bell contre le silverback. Malgré les risques, il n'avait pas hésité. Cela l'avait inspiré. Elle pouvait continuer à maudire son sort, jouer la dure et faire semblant de protéger Haruhime. Ou elle pouvait affronter son destin. Bell avait changé quelque chose, elle en était de plus en plus convaincue. Et elle allait avoir besoin de plus de force pour cela.

"Je te suis Aisha. Je dis aux autres de se mettre en place."

La fière amazone commença par se vider toute une gourde d'eau sur le corps, ce n'était pas grand-chose, mais cette petite pellicule d'eau allait aider. Elle attrapa ensuite la cape en peau de Salamandre et fonça droit vers le monster rex.

Sa tête de feu s'ouvrit en grand et cracha un jet de flammes bleues. Chaudes, brulantes. L'amazone ne chercha pas à esquiver, elle continua de foncer droit devant. Quand les flammes l'atteignirent, elle plaça la cape en salamandre devant elle comme un bouclier et activa l'arme magique de glace, laquelle créa un jet de froid devant elle.

C'était un pari risqué, encaisser le feu du dragon sans ralentir. Tout le monde la vit disparaitre dans le tourbillon de flamme.

Aisha souffrait, terriblement… Son plan fonctionnait, la cape et l'arme magique diminuait l'impact des flammes, mais elles la brulaient belle et bien. Une douleur à en crever, mais Aisha serra les dents et chercha la moindre étincelle de volonté en elle.

Quand le dragon arrêta de souffler, persuadé de l'avoir carbonisé, elle jaillit devant lui. La cape était en cendre, ayant absorbé bien plus qu'elle ne pouvait. L'arme magique venait de tomber en morceau.

Mais le court intervalle que cela lui donna suffit amplement.

D'un bond, elle sauta vers la tête de flamme, mais cette dernière eut un réflexe défensif et tenta de la mordre. Aisha se tourna en plein saut et le frappa d'un coup de pied, profitant de l'impulsion pour atteindre l'autre tête du monstre et planter sa grande épée dans son cou pour stabiliser sa position.

La tête hurla de douleur et l'autre s'apprêta à attaquer, mais c'était sans compter sur Lena, qui avait profité de la diversion d'Aisha et du peu d'appuis qu'il restait pour venir au contact et sauter sur la tête de flamme.

L'amazone avait amené une grande chaine avec elle et d'un mouvement fluide, elle l'enroula autour de la gueule du monstre, comme une grande muselière et, posée sur sa tête, elle tira de toute ses forces pour lui maintenir la gueule fermée.

Du haut de son niveau 2, Lena n'aurait pas la force de faire ça tout le temps. Un simple regard vers elle permettait de voir qu'elle était en train de tout donner et à la couleur que ses bras prenaient, il était évident qu'elle était à deux doigts de la déchirure musculaire.

"Aisha !" cria-t-elle pour stimuler l'autre amazone et lui faire comprendre de se dépêcher.

Aisha ne se fit donc pas prier, elle mit la douleur de côté et poussa un cri de guerre et de rage. Usant de toutes les forces qui lui restaient, elle enfonça son épée plus profondément, faisant hurler la bête, avant de pousser cette dernière.

L'amazone entama alors une course folle le long du cou du monstre, tirant son épée toujours fermement enfoncée, traçant un gigantesque sillon sanglant alors qu'elle ouvrait la chair en deux.

Quand elle arriva au corps, elle dégagea son épée, sauta et la planta lourdement dans la carapace de la créature, dont la tête anti-magie retombait lourdement dans l'eau.

"Maintenant !"

A son signal, toutes les berberas en état de combattre s'élancèrent ensemble et assaillirent le monstre de toute part.

Gravement blessé, il fut incapable de se défendre correctement et finit par se laisser choir. Aisha retira son épée, créant une giclée de sang qui la recouvrit presque entièrement et lui donnant un aspect effrayant.

Titubant, tenant son arme d'une seule main, elle tomba dans l'eau et s'en extirpa pour aller là où la tête de flamme venait de tomber.

Le monster rex possédait encore un souffle de vie. Cette créature ne volait pas sa réputation d'être coriace. Puisant dans le peu de forces qui lui restait, Aisha brandit son épée et la planta lourdement dans la tête de la créature.

Sans un son, le monstre se transforma en poussière. L'amazone leva alors son épée en l'air.

"Victoire !"

Et ce furent les acclamations des autres berberas qui lui répondirent. Elles ne se sentaient réellement vivantes qu'en deux occasions, soit au cœur de l'extase procurée par une étreinte ardente, soit au cœur d'une bataille sans merci.

A bout de force et une fois la pression retombée, Aisha se laissa choir en arrière et finit sur le dos. Elle avait tout donné et n'avait même plus la force de tenir debout.

"Que celles qui tiennent encore debout forment deux groupes ! L'un pour monter la garde, l'autre pour dispenser les premiers soins !" fit alors Samira, obligée de prendre les choses en main vu l'état d'Aisha.

De son côté, Lena souffrait aussi énormément, elle n'avait jamais eu aussi mal aux bras de toute sa vie.

"Les filles, regardez ça, il a laissé plein de trucs !" fit l'une des amazones.

"Rassemblez tout." Leur dit Aisha. Bien qu'à terre, elle n'était pas encore inconsciente. "Il y a quoi ?"

"Sa pierre magique… un foie de dragon ! Génial, ça vaut cher ça. Et ça, c'est quoi ? Une autre pierre magique ? C'est énorme !"

"Non, ce n'est pas une pierre magique, on dirait l'un des cristaux qu'il y avait sur une de ses têtes."

"Emballez tout. On s'occupera du butin plus tard." Dit alors Samira, alors qu'elle était en train d'administrer des potions à Aisha. Cette dernière récupéra assez de forces pour se redresser.

"On fait les premiers soins ici, dès que tout le monde est en état de repartir, on remonte et on prendra le temps de se reposer au dix-huitième étage."

Plusieurs berberas acquiescèrent et se mirent en œuvre.

"Oh ! Comme j'ai hâte de raconter tout ça à Bell, il va pas en revenir !" fit alors Lena sur un ton enjoué. Même un combat à mort contre un monster rex ne semblait pas capable d'entamer sa bonne humeur.


Et pendant que les berberas se remettaient du combat contre un monster rex, encore plus bas dans le Donjon, un autre s'apprêtait à affronter en combat singulier une épéiste blonde, elle aussi animée par le désir ardent de progresser.


Loin d'affrontements aussi épiques, Bell se contentait de son côté de sa petite routine dans le Donjon. Une routine qui était bien améliorée par le renfort de Lili. Elle n'était certes pas une combattante, mais toutes les tâches dont elle s'occupait lui facilitait grandement l'existence. Récupérer les pierres magiques et les différents drop item, lui donner du matériel, garder un œil sur ses arrières. Elle le déchargeait de plein de choses, lui permettant de se concentrer sur le combat. Et vu qu'elle portait tout dans son havresac, il était en prime libéré du poids de son propre sac à dos.

Grâce à elle, en seulement quelques heures, il avait fait bien plus que seul en une journée. Ce fut alors qu'ils décidèrent de prendre une pause pour manger. Comme à son habitude, Bell avait son panier-repas, cuisiné avec amour par Syr.

Il en proposa à Lili, mais dès qu'elle le vit, elle sut d'instinct que pour sa santé, il valait mieux ne pas y toucher. Est-ce que la personne qui avait cuisiné ça le détestait ?

"C'est gentil maître Bell, mais Lili a ses propres rations." Fit-elle avec un petit rire nerveux avant de sortir un morceau de viande séché de son sac.

"Comme tu veux." Répondit-il avant d'attaquer son propre repas avec un plaisir sincère, sous le regard horrifié de la porteuse. L'estomac de ce garçon était en adamantium ou quoi ? "Et je voulais te dire que je suis très content que tu sois avec moi. Tu m'aides vraiment énormément."

"Je vous en prie, c'est surtout parce que maître Bell est bon combattant."

"Tu n'es pas obligé de me parler de manière si formelle tu sais."

"Vous êtes gentil maître Bell, mais Lili ne peut pas se permettre d'être trop familière. La plupart des aventuriers méprisent les porteurs. Si Lili vous traitait comme un égal, cela passerait pour de l'arrogance de sa part et plus personne ne voudrait travaillait avec elle."

"C'est… horrible."

Le garçon semblait sincère, mais Lili ne voulait pas y croire, il restait un aventurier, tôt ou tard, il montrerait son vrai visage. Allait-il l'abandonner ou allait-il tenter d'abuser d'elle ? Il restait un enfant d'Ishtar après tout. Et la porteuse connaissait bien la réputation de la déesse des plaisirs dans les milieux les plus sombres.

"C'est ainsi maître Bell. Ne vous en faites pas trop."

"Bien, comme tu veux."

Bell avait le sentiment qu'insister ne mènerait pas plus loin, Lili était bien trop résolue à son sort de son point de vue.

"Dites-moi maître Bell."

"Oui ?"

"Cette dague…"

"Ah ! ça ?" fit-il en désignant la dague noire. "C'est un cadeau de ma déesse, je dois dire qu'elle m'aide beaucoup."

"Lili voit bien que c'est une arme exceptionnelle. Mais ça ne change rien au fait que maître Bell est très fort."

"Et bien… merci." Répondit-il d'un petit rire nerveux, peu habitués à ce genre de compliments.

La fausse chienthrope se renseignait activement. La seule valeur du garçon était cette dague. Un cadeau de la déesse Ishtar en personne avait forcément de la valeur. La voler était un risque, elle devrait s'en débarrasser rapidement, mais cela valait le coup. Une arme signée Héphaïstos se revendrait forcément à un prix très élevé. Mais pour l'instant, il lui fallait gagner la confiance du garçon. C'était un jeu de dupe, le voler avant qu'il ne se retourne contre elle.

Car dans le petit univers de Liliruca Arde, quelqu'un d'aussi bon et innocent que Bell ne pouvait tout simplement pas exister.

Et cette confiance nécessitait également de le faire sentir s'endetter envers elle. Plus tard dans la journée, Lili laissa volontairement un monstre faible s'approcher de Bell et fit comme si elle ne l'avait qu'à la dernière minute, tirant de son arbalète de poignet tout en criant, tuant le monstre d'une flèche.

"Merci Lili."

Peut-être pas une combattante, mais pas sans défense non plus constata le jeune homme.

Puis vint le moment de partager le butin. Pour le premier jour, Lili décida de ne pas essayer de l'arnaquer, il fallait d'abord le mettre en confiance et l'évaluer. Tout d'abord, Bell admira ce qu'ils avaient gagné, tellement plus que ce qu'il faisait seul dans son coin. Son enthousiasme communicatif déborda sur Lili, qui admettait volontiers que pour un niveau 1 en solo, c'était effectivement pas mal.

Suite à cela, Bell donna tout simplement la moitié à Lili, ce qui choqua cette dernière.

"Maître Bell, vous donnez la moitié à Lili ?"

"Oui, pourquoi ? Il y a un problème ?"

La jeune fille était quelque peu choquée. Ce garçon était-il le pigeon ultime ? Ou est-ce que tout cela faisait partie d'un plan bien ourdi pour endormir sa méfiance ?

"Non, je veux dire… Vous n'essayez pas de diminuer la part de Lili ? Ou même de tout garder pour vous ?"

"Pourquoi ferais-je ça ? Tu m'as beaucoup aidé Lili, tu mérites largement ta part."

Elle ne comprenait pas vraiment, mais s'il lui laissait autant d'argent, elle n'allait pas se priver.

"Et puis, je voudrais bien travailler encore un peu avec toi… si tu veux bien."

"Bien sûr maitre Bell, avec plaisir !" Répondit alors Lili avec un grand sourire. Si elle n'avait même pas besoin de le supplier, c'était l'idéal. Ce garçon allait visiblement être un bon "client". Si sa naïveté se confirmait, elle allait pouvoir le détrousser de pas mal d'argent avant de s'enfuir avec son couteau.

Ignorant tous des véritables intentions de la fausse chienthrope, Bell la salua après avoir convenu de la retrouver le lendemain et retourna chez lui.


Quand il revint enfin à la Demeure Astrale, ce fut pour être accueillit par une odeur des plus alléchantes. Mais qui avait cuisiné ? Certainement pas Hestia, son seul essai n'avait pas été des plus concluants. Ce n'était pas tant le goût le souci, Bell étant capable de supporter les repas préparés par Syr, que l'état déplorable dans lequel elle avait laissé la cuisine.

"Ah ! Maître Bell ! Bienvenue, ce sera bientôt prêt."

A sa grande surprise, la voix était celle d'une jeune femme qu'il connaissait depuis peu et en se rendant dans la cuisine, ses soupçons se confirmèrent. La renarde était bien en train de cuisiner. Elle avait attaché ses cheveux, ainsi que les manches de son kimono et portait un tablier par-dessus. Ce petit côté femme au foyer lui allait plutôt bien.

"Haruhime ? Mais qu'est-ce que vous faites là ?"

"C'est moi qui lui ai dit qu'elle pouvait venir faire la cuisine pour toi de temps en temps." Lui répondit alors Ishtar qui apparut à son tour dans la pièce.

"Vraiment ? C'est gentil… vous n'étiez pas obligé." Dit alors Bell un peu timidement.

"Je vous en prie, ça me fait plaisir."

Bell était un peu gêné que la renarde se dérange pour lui, mais il ne pouvait nier que cela était agréable de trouver un repas en rentrant.

"Haruhime ne travaille plus dans un bordel, je l'ai prise à mon service personnel. Et je l'ai aussi autorisé à venir aider ici selon son bon vouloir. Je me suis dit qu'un bon repas de temps en temps te ferait du bien, vu que ce n'est pas le point fort d'Hestia."

"Je suis là, tu sais…" lui fit alors remarquer la petite déesse.

Sans plus de cérémonie, tout ce petit monde passa à table. Et Bell se rendit compte qu'Haruhime était vraiment une excellente cuisinière, même si elle se montrait modeste. Hestia en avait les larmes aux yeux. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas mangé un repas aussi délicieux.

"Trop bon ! Finalement Ishtar, ça vaut le coup de laisser Bell séduire toutes les femmes qu'il rencontre si c'est pour obtenir ce genre de chose."

"Mais je n'essayais pas de… enfin, laissez tomber."

Le jeune homme avait bien comprit qu'il perdait son temps à essayer, sa réputation était déjà faite auprès de certaines personnes et il n'arriverait pas à la changer facilement. A la place, il préféra raconter à sa déesse les évènements de la journée et sa rencontre avec Lili.

"Eh bien, c'est une bonne chose je crois. Un peu d'aide ne te fera pas de mal. En revanche, je dois dire que je suis étonné, je ne m'attendais pas à ce que tu fasse quelque chose d'aussi osé à une jeune femme que tu viens à peine de rencontrer."

Le jeune homme devint soudainement blême, s'attendant à la nouvelle bêtise que sa déesse allait lui sortir.

"Je veux dire, pour la majorité des thérianthropes, les oreilles sont très sensibles tu sais, alors les caresser d'une telle manière, c'est très audacieux."

Ce qui semblait être confirmé par les rougeurs sur les joues d'Haruhime.

"Mais je te comprends Bell. Difficile de résister quand on voit remuer ces choses… mignonnes… douces… duveteuses…"

Tout en parlant, elle s'était levée et était passée derrière Haruhime, avant de poser ses mains sur ses oreilles et commencer à les caresser.

"Tellement tentant…" fit-elle tout en continuant à jouer avec les oreilles de la renarde.

Après un premier cri de surprise, cette dernière se mit à rougir et pousser divers gémissements de plus en plus sensuels à mesure que la déesse continuait à leur démontrer toute l'étendue de sa technique dans ce domaine. Bell était rouge, essayant désespérément de faire abstraction des bruits beaucoup trop suggestifs que la renarde faisait malgré elle, tandis qu'Hestia se cachait le visage derrière ses mains, soumise à une vision bien trop indécente à son goût.

Finalement, Ishtar se décida enfin à arrêter, laissant Haruhime essoufflée sur sa chaise.

"Oups ! Désolée, je me suis un peu trop laissé aller on dirait."

Mais en voyant le visage de sa déesse, Bell sut immédiatement qu'elle n'était pas désolée du tout et que tout cela l'amusait.

Quant à Haruhime, elle passa le reste du repas dans le silence, rouge de honte du spectacle qu'elle avait donné bien malgré elle.


Après tout cela, Hestia se retira dans sa chambre d'un pas précipité, soumise à trop d'indécence à son goût. Quant à Ishtar, elle retourna à Belit Babili avec Haruhime. Bell aurait bien passé sa soirée au calme, mais ce fut alors qu'une des employées du Soupir de Minuit vint le chercher pour lui demander un peu d'aide.

Ce fut ainsi que Bell se retrouva à jouer les videurs. Un client mécontent, et passablement éméché, faisait un peu de bazar. Fort heureusement, il s'agissait d'un homme ordinaire, sans bénédiction, aussi, bien que niveau 1, Bell avait largement le force de lui indiquer la sortie. Ce qu'il fit sans violence, vu que ce n'était pas son genre.

Bien évidemment, le client vociféra tout ce qu'il savait, mais Neela, la prum responsable des lieux, fit signe à Bell de ne pas en tenir compte.

Quelques instants après, le jeune humain et la prum étaient dans un petit salon privé. Pour le remercier, Neela lui servit un grand verre de jus de baies.

"Désolé de te demander ce travail ingrat Bell. En temps normal, on demande plutôt ça aux berberas, mais elles sont pas mal occupées en ce moment avec leur expédition."

"Pas de soucis, ça ne me gêne pas."

"Tant mieux. Cela fait quelques jours qu'on ne t'a pas vu, que racontes-tu de beau ?"

Bell lui fit alors un petit résumé des derniers évènements, sa rencontre avec Lili, les histoires avec les serveuses de la taverne et la réputation qu'il avait malgré lui, sa rencontre avec Haruhime et tout ce qu'Ishtar lui faisait subir.

Neela fut assez curieuse d'apprendre qu'Ishtar lui avait fait rencontrer Haruhime. Elle n'était pas au courant de tous les détails, mais savait que la renarde jouait un rôle important dans les futurs plans de leur déesse. Et de son point de vue, tout cela semblait presque organisé. A quoi jouait donc la déesse ?

"Sérieusement, je l'aime beaucoup, mais si elle pouvait moins me taquiner parfois…"

Mais les questions sur Haruhime pouvaient attendre, il y avait autre chose dans le discours de Bell qui dérangeait Neela.

"Tu penses qu'Ishtar te taquine ?"

"Euh… oui, sinon, je ne vois pas…"

En réponse, il n'eut de Neela qu'un profond soupir. Depuis quelques temps, elle ressentait comme une forme de malaise en présence de Bell. Au début, elle n'avait pas réussi à l'expliquer, mais maintenant, elle commençait à comprendre.

"Ishtar peut être effectivement un peu taquine, mais elle ne fait pas que ça avec toi."

"Je ne comprends pas."

"Combien de temps est-ce que tu comptes fuir Bell ?"

La question de la prum le laissa un instant sans voix, car il ne comprenait pas où elle voulait en venir.

"Mais… je ne fui pas…"

"Menteur. Tu fuis. Tu fuis le désir qu'Ishtar ressent pour toi. Tu refuses de le voir en cachant ça derrière de soi-disant taquineries."

"Neela, je…"

"Au début, j'étais heureuse de te connaitre. Comme toutes les filles ici, je pensais que tu nous acceptais comme nous étions, que tu verrais en nous plus que de simples prostituées. Mais c'est faux. Si tu nous traites normalement, c'est parce que tu te forces à nous voir comme des femmes ordinaires, tu occultes complètement ce que nous sommes. Peut-être le fais-tu inconsciemment avec de bonnes intentions, mais le résultat est encore pire. Tu nies totalement la réalité."

Bell ne disait rien, il ne savait pas quoi dire de toute façon. Il aurait voulu nier, lui dire qu'elle se trompait, mais étrangement, il en était incapable.

"Bell, la vérité, c'est que tu fuis totalement tout ce qui est lié au désir et au sexe, comme si cela était quelque chose de mauvais."

"Non, je… je…"

En réalité, que savait-il vraiment du désir dans le fond ? Le fait est que Bell n'avait pas reçu de véritable éducation concernant le sexe. Son grand-père lui avait raconté des tas de bêtises, comme monter un harem, espionner les femmes dans le bain ou tout autres idioties du genre. Mais dans les faits, il n'avait jamais vu son grand-père y gagner autre chose que des gifles ou des insultes. Peut-être que ce très mauvais exemple dans son enfance lui avait inconsciemment fait catégoriser le désir physique comme quelque chose de mauvais. En plus, dans son petit village, la pensée était encore vieux jeu et le désir était quelque chose de réservé aux couples. Du moins, de ce qu'il en avait vu, étant donné qu'il l'avait quitté à l'âge où les désirs commencent à apparaitre.

"Tu fuis l'idée même d'avoir toi-même du désir. Comptes-tu rester chaste toute ta vie ? Mettons qu'un jour, tu rencontres une femme et débute une relation avec elle. Tu ne la toucheras jamais ? Et que feras-tu le jour où elle te montrera ses propres désirs ? Continueras-tu de catégoriser cela comme des taquineries ?"

Neela était dure dans sa façon de faire, mais elle estimait que ce qu'elle faisait était nécessaire.

"Ou alors es-tu de ces hommes qui considèrent que toute femme ressentant du désir est forcément une trainée ?"

"Quoi ? Non !"

"Certaines personnes pensent même qu'une femme n'a de valeur que si elle est encore vierge. Imagine qu'une femme te plaise Bell, est-ce que soudainement, elle cesserait de te plaire si tu découvrais qu'elle a déjà connu quelqu'un avant ?"

Les pensées de Bell se tournèrent alors vers une certaine épéiste blonde. Et son esprit se mit à réfléchir rapidement. S'il découvrait demain qu'Ais Wallenstein avait déjà eu un amant, que ferait-il ? Bell commença par respirer pour reprendre son calme. Il repensa à cette femme qu'il admirait, un modèle de force, un objectif à atteindre et surpasser.

"On dirait que tu as la réponse finalement." Lui dit alors Neela qui savait très bien lire son visage.

Oui, cela ne changerait rien. Son admiration pour Ais serait toujours intacte.

"Bell, ne fuis pas tes propres désirs. Ils sont normaux, ils n'ont rien de mauvais. Le sexe est un plaisir de la vie. Tout comme la nourriture, l'alcool ou d'autres choses, il faut juste ne pas en abuser et savoir se contrôler. Ce qui ne veut pas dire non plus tout réfréner, ce n'est pas mieux."

"Je… peut-être…"

"Au cours de ma carrière, j'ai vu bien des gens, de ceux venus chercher de l'amour, fût-t-il simulé, à ceux incapables de se contrôler, en passant par ceux cherchant un bon moment ou encore les gens cherchant juste à assouvir des fantasmes particuliers. C'est pourquoi je peux te dire que le désir n'a rien de mauvais en soi."

Bell resta silencieux, il avait tant à réfléchir et ne savait pas par où commencer. Aussi, Neela décida d'enfoncer le clou en lui forçant un peu la main. La prum se leva et fit glisser sa robe qui tomba au sol. Avec son métier, elle avait pris l'habitude de mettre des vêtements qui s'enlevaient rapidement. Et vu qu'elle ne portait rien en-dessous, elle se retrouva nue devant lui.

"Que… Neela ! Rhabillez-vous !" fit-il en tournant la tête

"Hors de question. Regarde-moi."

"Certainement pas !"

"REGARDE-MOI !"

La voix de la prum était impérieuse, pleine d'assurance. Assez pour forcer Bell à lui obéir. Il tourna la tête et ouvrit les yeux. Le corps nue de Neela était dans son champs de vision. Son corps, bien que petit, avaient de jolies formes et elle dégageait une aura de maturité.

"Bell, il faut que tu te rappelles que tu n'es pas dans une familia ordinaire. Tu es dans la familia d'Ishtar. Nous vivons du commerce que nous faisons du désir et de la sexualité. Même si le Delebat a un rôle à part, tu ne seras jamais totalement à l'écart, tu seras toujours un enfant d'Ishtar, tu seras toujours lié à ce que nous sommes fondamentalement."

Cela, on lui rappelait fréquemment, avec cette réputation de gigolo qui le suivait partout. Neela avait raison, il ne pourrait jamais échapper à l'aura d'Ishtar.

Neela s'était approchée de lui et Bell s'était écrasé un peu plus dans sa chaise. La prum dégageait une forme d'autorité qui semblait écrasante.

"Bell, sais-tu combien de personne m'ont déjà vu nue ? Combien m'ont touché ? Combien d'homme j'ai accueilli dans ma chair et laissé se déverser en moi."

Les mots de Neela étaient crus, mais encore une fois, elle estimait cela nécessaire.

"Non…" parvint-il à dire doucement.

"Beaucoup. Tellement que j'en ai perdu le compte il y a longtemps. Tellement que j'aurais déjà dû pondre une dizaine d'enfants si nous n'avions pas d'excellents contraceptifs. Tu comprends Bell ? C'est ce que nous sommes. Nous sommes des prostituées et nous ne voulons pas que les gens nous rabaissent pour ça et nous traitent comme des citoyens de secondes zones. Nous voulons être traités de manière égale. Mais nous ne voulons pas non plus qu'on nie ce que nous sommes. Ce serait renier ce que nous avons vécu, nos peines, nos souffrances, mais aussi nos joies."

Tout en parlant, elle s'était encore approchée de lui. Doucement, elle avait pris la main de Bell pour la poser sur sa joue, alors qu'elle en faisait de même de son côté tout en le regardant droit dans les yeux, établissant un lien physique en plus du lien visuel.

"Bell, ne fuis pas le désir. Tu dois accepter qu'il fasse parti de toi. Tout comme tu dois accepter l'idée que d'autres peuvent ressentir du désir pour toi. Dans un cas comme dans l'autre, ce n'est pas quelque chose de mal. Un jour ou l'autre, tu devras forcément te confronter au désir qu'Ishtar ressent pour toi. Tu ne pourras ni le fuir ni l'ignorer, sinon, cela ne provoquera que de la douleur."

La prum se détacha alors de lui. Doucement, Neela se retourna et attrapa sa robe pour se couvrir au milieu d'un long silence.

"Je dois te paraitre dure Bell, je m'en excuse, mon approche était peut-être un peu agressive, j'en conviens."

Neela n'était pas quelqu'un de mauvais et elle se rendait compte qu'elle avait peut-être voulu aller trop vite.

"Non, je… Je dois encore réfléchir à tout ça. Ça fait beaucoup de choses. Mais… je crois que tu as raison… je ne peux pas fuir certaines choses. Je… Je vais y aller, bonne nuit."

"Bonne nuit Bell." Souffla-t-elle doucement en le laissant partir. Au bout d'un petit moment, la belle prum reprit la parole. "Tu comptes espionner encore longtemps Kelsie ?"

Une humaine aux longs cheveux blond vénitien sortit alors des ombres.

"Tu joues le mauvais rôle au risque qu'il te déteste Neela. Mais je suis d'accord avec toi sur ce coup."

"Que veux-tu, j'ai tendances à être dure avec les gens que j'apprécie." Fit-elle avec amusement.

"Oh oh ? La célèbre Neela l'éthérée, celle qui n'a jamais cru un seul mot d'amour d'un homme en plus de vingt ans aurait enfin craqué pour quelqu'un ?" lui fit-elle une pointe de taquinerie dans la voix. Ce à quoi la principale intéressée ne répondit qu'en déployant son éventail pour rire doucement derrière ce dernier. "Mais, je te comprends parfaitement. Moi aussi, j'ai développé de l'affection pour lui. Peut-être même plus que je ne le croyais…"

Bell, gentil, innocent, encore naïf, n'avait pas encore comprit à quel point il était aimé…


Le lendemain matin, à sa grande surprise, Haruhime était revenue de bonne heure à la Demeure Astrale et lui avait préparé le petit-déjeuner, ainsi qu'un panier-repas à emporter dans le Donjon. La renarde lui avait expliqué que depuis qu'elle était au service personnel d'Ishtar, elle avait bien plus de temps libre et qu'en règle général, la déesse se levait tard, comme beaucoup de membres de la familia, qui étaient par nature des oiseaux de nuit.

Trouver une jolie fille qui cuisinait au réveil avait un petit quelque chose d'agréable que Bell ne parvenait pas encore à définir, mais qui lui faisait plaisir. Le jeune homme avala donc le repas préparé avec soin, s'équipa et s'apprêta à partir.

"J'y vais, merci encore Haruhime, bonne journée."

"Bonne journée maître Bell."

"Bonne journée dame Hestia." Fit alors le jeune homme à l'intention de la petite déesse qui venait de descendre les escaliers avec un air encore à moitié endormi.

"Bonn' journée." Répondit-il dans un profond bâillement.

Le jeune homme quitta les lieux, les derniers mots qu'il entendit furent ceux de la déesse du foyer.

"Oooooooh ! Ça sent trop bon ! Epouse-moi Haruhime !"

Le jeune homme se permit un petit rire, imaginant déjà la tête que ferait la renarde devant ce genre de propos.


Comme tous les matins depuis quelques temps, ses pas le guidèrent tout d'abord vers la Fertile Maîtresse, où il avait pris pour habitude de récupérer le panier-repas que Syr lui avait préparé. Et ce fut quand il se retrouva face à elle qu'il se rendit compte qu'il avait déjà ce qu'il fallait. Et vu que Bell était un modèle d'honnêteté…

"Syr, c'est vraiment très gentil à vous, mais vous êtes sûres que ça ne vous dérange pas tous les jours à force ?"

"Pas du tout Bell, ça me fait plaisir. Il y a un soucis ?" dit-elle en lui tendant le panier-repas qu'elle lui avait préparé pour ce jour.

"C'est que… quelqu'un de ma familia m'a déjà fait à manger pour aujourd'hui et je… ne m'y attendais. C'est pour ça, si à un moment, ça vous embête, ce n'est pas grave si vous ne le faites pas de temps à autre."

Ce fut alors que Bell repéra une lueur étrange dans le regard de la jeune femme, quelque chose qui lui disait qu'il avait intérêt à ne pas refuser la bonne volonté de Syr.

"Mais je vais quand même le prendre ! Vous savez ce qu'on dit, dans le Donjon, tout peut arriver, c'est toujours une bonne chose d'avoir des rations en plus. Merci encore et bonne journée !" fit alors le jeune avec un petit rire nerveux avant de prendre le repas fait par Syr et s'esquiver rapidement.

Quant à la fausse humaine, elle resta silencieuse, le regard fixé vers la direction où était parti Bell, une aura sombre l'entourant. Elle ne répondit pas, même quand Anya vint lui demander ce qu'il se passait.

A la place, Syr se rendit en cuisine d'un pas décidé et ouvrit en trombe la porte des lieux, ce qui fit sursauter May, la cuisinière Cat People, tranquillement concentrée sur son travail.

"Nya ! Qu'est-ce qu'il se passe ?"

"May, j'ai besoin de toi, aide-moi à m'améliorer en cuisine."

"Euh… d'accord, si tu veux nya. Mais pourquoi maintenant ?"

"Je pars en guerre." Répondit simplement Syr avec un regard sombre. Si elle faisait des repas tous les jours pour Bell, c'était parce qu'elle avait entendue l'expression disant que le chemin vers le cœur d'un homme passait par son estomac. Visiblement, quelqu'un semblait avoir la même idée qu'elle. Syr avait toujours mis un point d'honneur à se débrouiller et cuisiner elle-même, mais elle devait se rendre à l'évidence, il lui fallait de l'aide, surtout pour s'améliorer.


Freya n'était pas idiote, elle savait parfaitement que sa cuisine était atroce. Elle se rappelait encore son premier essai. Les gouteurs furent alors ses plus proches enfants. Naïfs qu'ils étaient, ils prirent ça pour une récompense, aucun d'entre eux ne s'était attendu à ça et chacun en garda… un certain souvenir.

Allen, rampant au sol, dévoré par ce qui ressemblait à une souffrance atroce, tendant un bras désespéré en direction de sa déesse.

"Cela ne changera jamais… mon amour… pour vous…" avait-il dit avant de s'évanouir.

Derrière lui, Hedin, se servant de son arme comme canne pour rester debout, tentant vainement de réajuster ses lunettes.

"Quelle terrible… erreur de calcul…" fit-il avant de sombrer à son tour.

Hogni, le visage pâle, riant comme un damné.

"Mwahahaha, les ténèbres ! Les ténèbres m'envahissent ! Elles me déchirent de l'intérieur !" Et puis, il s'était évanoui aussi.

Des quadruplets, seul l'aîné avait pu tester la cuisine de leur déesse et il était maintenant dans les bras de ses frères.

"Désolé… mes frères… je pars… le premier…"

"Non ! Alfrigg ! Aaaaaaaaaaaaalfriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiigg !"

Le seul qui n'avait rien dit et qui resta stoïque tout le long fut Ottar… pour la simple et bonne raison qu'il s'était évanoui debout.

Le dernier clou fut enfoncé par Heith qui passait par là et constatant les dégâts, commença par demander la chose suivante :

"Génial ce poison ! Qui l'a mis au point ?"

En bref, Freya ne se faisait aucune illusion sur son niveau et sa soudaine volonté de s'améliorer allait changer bien des choses, à commencer par une forte diminution des aigreurs d'estomac au sein de sa familia.


Comme convenu, Bell retrouva Lili pour une nouvelle journée dans le Donjon. La jeune femme avait appâter le poisson, maintenant, il fallait le ferrer doucement, sans le faire fuir. Elle le complimentait, faisait son travail au mieux et voyant qu'il progressait vite, le poussait subtilement à descendre un peu plus bas dans le Donjon.

Ce jour-là, elle constata que le jeune homme avait un peu plus à manger que d'habitude, il lui expliqua alors l'étrange concours de circonstances qui l'avait amené à avoir deux panier-repas. Si la fausse chienthrope se méfiait toujours du repas très douteux, elle salivait devant l'autre, qui avait l'air bien plus appétissant. Bell le vit et, gentil comme il était, il lui proposa de se servir dedans, ce qu'elle fit sans hésiter.

A quand remontait la dernière fois qu'elle avait mangé quelque chose d'aussi bon ? Elle ne savait même plus. Mais il devenait urgent qu'elle vole cette dague et disparaisse, avant qu'elle ne se fasse piéger par sa gentillesse.

Plus tard dans l'après-midi, les choses se déroulèrent tranquillement, jusqu'à ce que le garçon comète une erreur en faisant preuve d'inattention.

"Maître Bell, attention !"

La jeune femme avait alors dégainé une arme magique et un jet de flammes avait carbonisé un monstre s'apprêtant à attaquer Bell. Pourquoi avait-elle utilisé quelque chose d'aussi précieux pour lui ? Elle-même ne savait pas pourquoi. Elle essaya de se convaincre que c'était pour le remercier de cet excellent repas, et aussi pour gagner sa confiance.

"Merci Lili."

"Je vous en prie maître Bell, mais soyez prudents, il ne faut pas faire ainsi preuve d'inattention dans le Donjon."

"Tu as raison, désolé Lili. J'ai eu… une conversation compliquée avec quelqu'un de ma familia et j'avoue que ça me travaille encore un peu."

Les paroles de Neela tournaient encore dans le fond de son esprit et cela le travaillait.

"Je comprends, mais restez concentré maître Bell."

Mais c'était en fait une bonne nouvelle pour la porteuse, dans l'état où il était, ce serait le moment idéal pour le délester de cette dague et disparaitre, ce qu'elle ne se priva pas de faire une fois qu'ils eurent enfin fini leur journée dans le Donjon.


Après cette journée, Bell en profita pour aller voir Eina. Visiblement, le petit incident de leur rendez-vous fut étrangement oublié. Heureusement, sinon, la semi-elfe n'aurait plus jamais pu le regarder dans les yeux s'il avait su ce qu'Ishtar avait vu sous sa jupe.

A la place, ils restèrent professionnels et Bell expliqua à sa conseillère avoir trouvé l'aide d'une porteuse.

"Quelqu'un de ta familia ?"

"Non, elle est de la familia de Soma je crois."

"Soma familia…" répéta alors Eina tout en étant pensive. Cela provoqua un silence que Bell rompit au bout d'un moment.

"C'est un problème ?"

"Non, je ne crois pas. De toute façon, il est vrai que tu as besoin d'aide."

Eina n'était pas sûre d'elle, mais elle jurerait avoir entendu des choses sur la familia de Soma.

"Au fait, Bell, où est ton couteau ?" lui dit-elle en se rendant compte que son fourreau était vide. Vu que Bell portait son arme à l'arrière de sa ceinture, il n'avait pas vu sa disparition. Rapidement, il porta sa main vers son arme et se rendit compte qu'elle n'était plus là. Immédiatement, le garçon devint blême et commença à paniquer.

"L'arme que ma déesse m'a offerte ! Je dois la retrouver !"

Et sans laisser le temps à Eina de dire quoi que ce soit d'autre, il sortit de la Guilde en panique. Ce fut le moment que choisit Misha, la collègue d'Eina, pour venir un peu la taquiner.

"Eh bien ? Ton soupirant s'enfuie sans même dire au revoir ?"

"Misha, je t'ai déjà que ce n'était pas ça."

"Dit celle qui était en rencard avec lui l'autre jour."

"Ce n'était pas un rencard Misha."

"Ah bon ? C'est pas ce qu'on m'a dit" répondit-il avec un sourire taquin. "Surtout avec ce que tu as osé mettre pour y aller. Ça n'avait rien de simplement amical."

Eina commença à paniquer et lui colla sa main sur la bouche pour la faire taire.

"Tais-toi ! Et comment tu sais ça pour commencer ?"

"J'ai mes méthodes…" fit-elle avec un sourire faussement mystérieux une fois que la semi-elfe l'eut relâché.

"Ça, pour raconter des commérages, je te crois sur parole." Concéda-t-elle avec un soupir.

"Et sinon, c'était comment ?" Demanda alors Misha à voix basse.

"De quoi tu parles ?"

"Roooohh ! Fais pas l'innocente, tu as pas passé une journée en tête-à-tête avec un enfant d'Ishtar. Je te demande s'il est doué. Je ne te juge pas naturellement, tu t'amuses comme tu veux, mais fais attention, je te rappelle que le chef aime pas trop quand on devient trop proche de nos aventuriers."

L'énorme sous-entendu était des plus évidents. Et Eina répondit à ce dernier à sa manière.

"Misha… encore un mot là-dessus, je t'étrangle et j'abandonne ton corps dans les égouts." Lui dit-elle avec un grand sourire aussi adorable qu'effrayant.

"Tu deviens un peu susceptible Eina… et effrayante pour le coup."

"Au fait Misha, tu entends beaucoup de chose n'est-ce pas ?"

"Evidemment, je suis toujours très bien informée !" fit-elle en gonflant la poitrine de fierté, elle se devait de défendre son titre de reine des commères après tout.

"Tu as entendu des choses dernièrement sur la familia de Soma ?"

"Soma…" dit-elle de manière pensive. "Hmmmm… difficile à dire, mais il y a quelque chose de bizarre."

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"Je ne sais pas trop, ils ont presque l'air désespérés… surtout ces derniers temps."

"Comment ça ?"

Alors qu'elles discutaient, elles entendirent de grands éclats de voix venir du comptoir d'échange. Visiblement, un aventurier était en train de se plaindre du tarif qu'on lui proposait pour son butin. Un aventurier dont la tenue arborait l'emblème d'une coupe et d'un croissant de lune. L'emblème de Soma.

"Justement, quand on en parle du loup…" fit alors Misha en désignant l'homme qui se plaignait que ce n'était pas assez.

"Un aventurier de la familia de Soma ? Ce ne serait pourtant pas le premier à chipoter sur la valeur de son butin."

La cupidité était un vice courant chez les aventuriers. Beaucoup venaient en quête de richesses et après avoir risqué leurs vies dans le Donjon, ils voulaient que ça paie le plus possible derrière.

"Certes, mais chez eux, c'est systématique. A chaque fois, c'est le même cirque et ça empire ces derniers temps."

"Leur familia aurait des difficultés financières ?"

"Pas que je sache, je pense même que c'est l'inverse. En plus d'explorer le Donjon, cette familia produit du vin, plutôt réputé et qui se vend bien."

"Etrange."

Eina n'arrivait pas à se débarrasser de ce mauvais pressentiment qui la hantait. Cela dépassait le cadre de son travail, mais elle se sentait l'obligation d'enquêter un peu. Au moins pour s'assurer que Bell ne courait pas de danger.


De son côté, Bell était justement en train de courir, à la recherche de son couteau. Couteau présentement dans les mains d'une prum énervée. Trente valis… son receleur habituel était prêt à lui en donner trente valis. Selon lui, ce n'était qu'un vieux couteau rouillé qui ne tranchait absolument rien. Elle avait voulu protester, mais quand elle eut elle-même essayé le couteau, elle dut se rendre à l'évidence, il ne coupait rien. Mais elle avait pourtant vu cette arme trancher à la travers le cuir et les écailles des monstres comme si c'était du beurre. Mais les détails lui importaient peu. Il lui suffirait de récupérer le fourreau avec la signature d'Héphaistos, aller voir un autre receleur, et le vendre à un prix décent.

Elle était si près du but, hors de question de reculer maintenant. Malheureusement, tout à son énervement, elle ne fit pas attention quand deux jeunes femmes, vêtues d'uniformes de serveuses, passèrent à côté d'elle et que l'une d'entre elles, une elfe, se retourna pour l'interpeller.

Une altercation qui laissa Lili particulièrement effrayée, mais elle ne sut dire ce qui lui fit le plus peur, l'aura meurtrière de l'elfe ou les menaces de l'humaine. Elle leur abandonna sa prise et s'enfuit aussi vite que possible.


Ryuu avait parfaitement identifié l'arme de Bell et avait une bonne idée de ce qui avait pu se passer. De son côté, Freya aurait bien volontiers laissé cette arme s'évanouir dans la nature. C'était un cadeau personnel d'Ishtar à Bell après tout, quelque chose qui symbolisait un lien entre eux et dont la perte aurait peut-être pu mettre leur relation à mal. Il représentait également à ses yeux une certaine emprise que la déesse des catins exerçait sur lui. C'était bien le comportement singulier d'Ishtar qui la retenait encore d'attaquer sans réfléchir.

Malheureusement, son amie elfe avait vu l'arme et même si en tant que Syr, elle avait de l'influence sur elle, elle ne la convaincrait certainement pas de la jeter.

Sans compter que ce fut le moment que Bell choisit justement pour débarquer. Dès qu'il vit son arme, il fonça vers les jeunes femmes et attrapa à deux mains celle de Ryuu qui tenait le précieux objet.

"Je pensais l'avoir perdu ! Merci, merci !" disait-il presque en larmes.

De son côté, Ryuu était elle-même au bord de la crise de panique, même si elle essayait de ne pas le montrer. Cet humain, enfant d'Ishtar accessoirement, lui avait attrapé la main d'une manière tellement indécente. Quant à Syr, elle essayait de masquer sa jalousie.

"Monsieur Cranel, vous devriez plutôt…"

Elle s'apprêtait à dire qu'il devrait plutôt faire ça à Syr, mais elle se rappela qu'il était un enfant d'Ishtar. Devait-elle prendre le risque de lui dire ouvertement de s'attaquer à Syr ? De le laisser déverser sur elle toute sa luxure ? Ou devait-elle au contraire protéger l'innocence (inexistante) de son amie ?

Et comptait-il lui lâcher la main un jour ? Cela faisait déjà trente secondes ! Quelle indécence… Encore trente secondes de plus et elle serait obligée de l'épouser.

Bien que cette vision l'amusât terriblement, Syr fut bien obligée d'intervenir avant que tout ne dégénère.

"Bell, je crois que tu peux lâcher la main de Ryuu maintenant."

"Oh ! Oui, pardon !" fit-il en relâchant la main de l'elfe tout en reprenant son arme pour la ranger au fourreau. "Merci encore de l'avoir retrouvé, je ne sais même pas où je l'ai perdu."

"C'est une prum qui l'avait." Fit alors Ryuu en essayant de rester stoïque.

"Une prum ? Etrange…"

Bell avait un drôle de pressentiment, mais il n'arrivait pas à savoir pourquoi. La jeune fille qu'il avait sauvée l'autre soir ? Non, ce serait une drôle de coïncidence. Sentant qu'il ne servait à rien de réfléchir d'avantage et voyant le soleil qui déclinait, il s'excusa auprès des jeunes femmes et rentra chez lui.

Dès qu'il fut hors de vue, Ryuu tourna la tête vers Syr, les oreilles rouges.

"Syr… est-ce que… est-ce que le mariage polygame te dérange ?"

"Hein ?" fit-elle avec un cri de surprise.

"Je veux dire… maintenant que Mr Cranel a déversé sa luxure sur moi… je vais devoir l'épouser…"

"Ryuu… calme-toi ! Il t'a juste tenu la main !"

"Ne dis pas des choses aussi indécentes de manière si légère !" fit l'elfe en se couvrant le visage de ses mains, visiblement très choquée par ce qu'il venait de se passer. "Avec ses deux mains… plus d'une minute…" marmonna l'elfe avec des trémolos dans la voix.

Et ce fut ainsi que Syr tenta de faire dédramatiser la situation à Ryuu, mais avec un succès des plus relatifs. En fait, elle avait même le sentiment qu'elle venait de se créer elle-même une nouvelle rivale.


Pour ce qui était du fiancé qui ignorait son nouveau statut, il était rentré chez lui et vu qu'il était incapable de mentir, il avoua tout à sa déesse. Ishtar n'aurait certainement pas eu le cœur à le réprimander alors qu'il se flagellait déjà lui-même.

"Je suis désolé d'avoir perdu l'arme que vous m'avez offert."

"L'essentiel, c'est que tu l'aies retrouvé." Lui répondit-il tout en lui caressant la tête de manière affectueuse et presque maternelle.

"Je vous promets de faire plus attention à l'avenir."

"Je sais Bell, tu es un garçon malin, tu ne feras pas la même erreur deux fois."

Rassuré, il lui fit un sourire tendre, le tout sous le regard distant d'Hestia, qui se languissait du jour où elle aurait enfin une familia à elle avec qui partager ce genre de moments.

"Sur un autre sujet Bell, je dois dire que tu m'impressionnes."

"Comment ça ?"

"Tu deviens de plus en entreprenant dis donc."

Le garçon devint soudainement blême, se demandant ce que sa déesse allait encore lui inventer.

"Je veux dire, attraper ainsi la main d'une elfe de sang pur… quelle audace ! A ses yeux, c'est comme si tu l'avais plaqué contre un mur, fais un suçon dans le cou et mis la main sous sa jupe."

Bell voulut pousser un cri d'horreur, mais sa bouche grande ouverte ne laissa passer qu'un silence gêné. Si sa déesse disait vraie, la réputation de gigolo qu'il se trainait à la Fertile Maîtresse allait encore empirer. Comment allait-il faire pour soutenir le regard de Ryuu à l'avenir ?

De son côté, Hestia ne put contenir un petit rire. Bien qu'elle soit un petit peu jalouse, elle ne pouvait s'empêcher de les trouver mignons ces deux-là. D'un certain côté, elle comprenait Ishtar, comment se retenir de taquiner un garçon comme Bell ?


Et pendant que le jeune homme était en plein questionnement sur son avenir social, une autre déesse, au sommet de la plus haute tour, s'intéressait à l'avenir de ce dernier de manière plus poussée.

Puisque Ishtar semblait vouloir prendre son temps, il n'y aurait rien de mal à la doubler un petit peu. La déesse des catins avait mis la main sur un diamant brut, mais n'avait pas les compétences pour le faire briller, alors Freya pouvait bien forcer les choses.

"Voyons voir… ah ! Celui-ci sera parfait." Dit-elle en prenant en sortant un livre blanc de sa bibliothèque privée.


Notes de l'auteur : Et encore un chapitre qui se conclut. Au final, il n'aura même pas été aussi loin dans l'histoire que je le pensais au début. Mes chapitres s'étoffant au fil de l'écriture et de mon inspiration.

Je pourrais certes faire des chapitres plus longs, mais je ne les sortirais qu'une fois tous les trois mois et ça ne m'intéresse pas.

Concernant le personnage de Neela. A la base, je ne pensais pas lui donner une telle importance. Je ne voulais pas spécialement intégrer d'OC trop important (et je sais que certains lecteurs n'en sont pas fans). Mais ce personnage se révèle finalement très utile pour moi en termes de narration, puisqu'il me permet de mettre en avant une autre facette de la familia d'Ishtar.

Bell a été mis ici en face d'une certaine réalité. Dans cette histoire, il est un enfant d'Ishtar, son rapport à la sexualité va forcément prendre une direction très différente de l'histoire originelle où il est l'enfant d'une déesse vierge jalouse et possessive.

Bon, soyez rassurés, je ne vais pas non plus en faire un protagoniste de hentai, mon but reste de garder de la cohérence et de la logique.