Notes de l'auteur : Un chapitre qui a mis beaucoup de temps à arriver. J'ai repris le travail en nuit avec toute la fatigue que cela suppose, j'ai du régler des soucis personnels et, je l'admets, je me suis peut être perdu quelque part entre la 2.0 de Star Rail et Persona 3 Reload.

Mais je dois aussi avouer que l'inspiration n'est pas trop là en ce moment, ce qui explique l'arrivée tardive de ce chapitre, qui n'est ni mon plus long, ni mon plus inspiré. J'espère malgré tout qu'il vous plaira.


Chapitre 21 : Les Ombres s'agitent

Depuis quelques temps, les rapports entre Ishtar et sa familia avaient beaucoup changé. Autrefois, la déesse était une personnalité hautaine qui ne quittait que rarement Belit Babili et n'était visible qu'en de très rares occasions en dehors des berberas et de ceux qui la servaient directement, lui donnant ainsi cette présence écrasante et oppressante.

Mais les choses avaient changé. Maintenant, Ishtar faisait régulièrement des tournées dans le quartier et allait dans les différents établissements pour prendre des nouvelles. Si les gens furent sceptiques au début, ils finirent par se rendre compte qu'Ishtar avait effectivement changé, en mieux, et qu'il devenait agréable d'avoir à faire à elle.

Il arrivait également régulièrement que Bell se joigne à elle en certaines occasions. Ce fut le cas ce matin-là.


Quand les deux arrivèrent à la Demeure Astrale, aux alentours de midi, ils provoquèrent immédiatement une certaine panique chez Hestia, en train de balayer le hall d'entrée.

"Par la création, qu'est-ce qu'il vous est arrivé ?" Demanda la petite déesse, complètement effrayée. "Vous êtes couverts de sang !"

Effectivement, Bell et Ishtar avaient la peau et les vêtements tachés de sang par endroit, vision qui pouvaient aisément mettre en panique quiconque les voyait.

"Ce n'est pas de l'ichor… Donc, ce n'est pas le tiens Ishtar. Bell !"

"Tout va bien dame Hestia, ce n'est pas le mien non plus." Répondit le garçon avec sa voix douce pour la rassurer.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé alors ?"

"Une situation assez inattendue je dirais." Lui fit Bell un peu gênée avant d'entamer des explications plus fournies.


Plus tôt dans la matinée, alors que le jeune homme accompagnait la déesse pour l'une de ces tournées matinales qu'elle faisait certains jours, ils arrivèrent devant un établissement, la Tendresse Voluptueuse.

En général, en matinée, les lieux étaient calmes, mais ce matin-là, les courtisanes de l'établissement semblaient en panique et couraient partout, ce qui permit à Ishtar de vite comprendre qu'il se passait quelque chose d'anormal. Sans perdre plus de temps, la déesse intercepta la première qui passa devant elle pour avoir plus d'information.

"Je peux savoir ce qu'il se passe ?"

"Que… pardon déesse ! Je ne vous avais pas vu !" répondit la jeune femme en panique.

"Ce n'est pas important, dis-moi plutôt ce qu'il se passe."

"C'est Lisa. Le travail a commencé."

"Déjà ? Mais il restait environ trois semaines avant le terme."

"C'est ce que nous croyions aussi, mais ça a commencé tout à l'heure et ça n'a pas l'air de bien se passer."

La dénommée Lisa n'était qu'une courtisane parmi tant d'autre au quartier des plaisirs, à la différence qu'elle était actuellement enceinte. Toutes les prostituées prenaient des potions contraceptives, ces dernières étaient très efficaces, mais pas infaillibles. Elles avaient beau diminuer très fortement le risque de grossesse, il y avait toujours un risque et Lisa en était un bon exemple.

Naturellement, Ishtar connaissait chacun de ses employés et était toujours au courant de ce genre d'évènement, même si avant, elle n'en avait cure. En tant que déesse, sa mémoire fonctionnait différemment de celles des mortels, comme tous les dieux, elle jouissait d'une mémoire quasi-parfaite, lui permettant de garder en tête tous les évènements de son domaine, ce qui lui permettait de se rappeler de la grossesse d'une simple courtisane parmi tant d'autres.

"Bon sang ! Je vais m'en occuper. Bell, désolée, mais je vais avoir besoin de ton aide."

"Moi ? Mais je n'y connais rien."

"Contente-toi de suivre mes instructions et de me faire confiance."

"D'accord."

"Qu'on envoie quelqu'un à la demeure de Miach pour lui demander de venir." Dit la déesse en se dirigeant promptement vers la chambre où se trouvait la jeune femme qui semblait horriblement souffrir.

La suite fut quelques heures très compliquées où Ishtar prit personnellement en main la naissance de l'enfant. Ce fut un accouchement compliqué, qui aurait sans doute dépassé la plupart des sage-femmes en mettant en danger aussi bien l'enfant que la mère. Cependant, la déesse le géra d'une main de maître. Bell assista comme il pût, suivant les instructions d'Ishtar, même si la moitié du temps, il se contenta de tenir la main de la future mère pour la rassurer. Ce qui lui permit de bénir son niveau 2 avancé, sans quoi, elle lui aurait probablement broyé la main.

Malgré tout, la naissance du fils de Lisa fut un succès, même si la mère en sortit très affaiblie. Heureusement, Miach finit par arriver et après de brèves salutations, ils prit le relais. Vu leur état, Ishtar et Bell rentrèrent rapidement à la Demeure Astrale.


"Eh bien, sacrée aventure, en effet." Commenta simplement Hestia une fois qu'ils lui eurent tout raconter.

"C'était une expérience assez inattendue je dois dire." Confessa alors Bell.

"Toute expérience est enrichissante Bell, au moins, maintenant, tu as une idée de ce qu'est un accouchement."

"Effectivement. En tout cas, je dois dire que je suis impressionné déesse, je n'imaginais pas que vous étiez capable de faire ça."

"Que je puisse remplir le rôle d'une sage-femme ? En réalité, ce n'est pas si anormale, c'est une question d'attribut divin."

"Que voulez-vous dire ?"

"En tant que déesse, je suis lié à différents concepts. Je suis une déesse de beauté, de la joie, mais aussi de la guerre. Et comme je le dis souvent, je suis une déesse liée à la sexualité, mais également une déesse de la fertilité par extension. Et par fertilité, on entends la procréation. Et vu qu'il s'agit d'un de mes attributs, j'ai toutes les connaissances sur le sujet, depuis la conception, où mon expertise n'est plus à démontrer, jusqu'à la mise au monde d'une nouvelle vie. Du coup, cela te parait-il plus logique que les mystères de la naissance n'aient aucun secret pour moi ?"

"Je comprends mieux. C'est vrai que c'est logique quand on y pense. Du coup, dame Hestia, si vous êtes une déesse du foyer, est-ce que vous aussi…"

"Non, je n'en serais pas capable. Je représente le foyer, la demeure qui accueille et protège la famille, le feu divin de l'âtre qui réchauffe les habitants de sa chaleur, mais pas la famille en elle-même. Ça peut paraitre anodin, mais cette subtile différence d'interprétation change beaucoup de choses." Lui expliqua alors Hestia, permettant de se rendre compte à quel point les dieux étaient des entités infiniment plus complexes qu'il ne l'imaginait. "Mais d'autres dieux en sont capables."

"Effectivement, si on omet les dieux médecins, ce qui me parait logique dans leur cas, toutes les déesse de la beauté peuvent faire la même chose, que ce soit Aphrodite, Freya ou Hathor entre autres."

"Et dame Demeter ?" demanda alors Bell. "N'est-elle pas aussi une déesse de la fertilité ?"

"Là encore, c'est une question d'interprétation. Demeter est une déesse liée à l'agriculture, elle représente une autre fertilité, celle de la terre. Elle est la fertilité qui nourrit et non la fertilité procréatrice."

"Oh… Je vois."

"D'ailleurs, le choix de nom de ton restaurant préféré, la Fertile Maîtresse, est quelque peu ironique. Dans les faits, un nom pareil pourrait autant convenir à une taverne qu'à un bordel si on y réfléchit bien."

"Effectivement." Répondit Bell avec un petit rire nerveux, se disant qu'il ferait mieux de ne jamais évoquer une telle anecdote en présence de Mia s'il tenait à sa vie.


Deux jours plus tard, à la Demeure Astrale, Chigusa, Mikoto et Ouka étaient venus trinquer pour fêter la fin de leur punition chez Ishtar. Leur dieu les avait d'ailleurs rejoints.

"Je suis heureux que tout ce soit bien terminé." Commença alors Takemikazuchi. "Ce fut une expérience inattendue, mais j'espère qu'elle se sera révélée enrichissante malgré tout."

"Je ne sais pas si ce sera très utile dans le Donjon, mais au moins, maintenant, je connais plein de recettes de cocktails." Répondit Mikoto, provoquant le rire de tout le monde.

"Je crois que je me sens plus à l'aise quand je parle à des inconnus maintenant." Fit à son tour Chigusa, qui avait dû vaincre sa timidité naturelle pour traiter avec les clients, mais également apprendre à repousser les avances de certains d'entre eux.

"Tant mieux alors. Et toi Ouka ?"

"J'ai appris l'une des plus grande vérité de ce monde… Rien ne vaut un corps puissant couplé à une âme ardente !" fit-il tout en défaisant son haut pour exposer son corps musclé et prendre une pose de culturisme. Ce qui surprit tout le monde, personne ne s'attendant à ça. Son passage aux Hommes du Pilier avait visiblement laissé quelques séquelles.

"C-c-c'est une vérité que je peux accepter." Dit alors Chigusa en bégayant légèrement et en mâtant sans vergogne.

"Chigusa… tu baves." Lui signala alors Mikoto, un peu dépité par les comportements excentriques que ses compagnons semblaient avoir développé ici. Mais encore une fois, cela fut pris à la rigolade.

"Bon, les enfants, je crois que nous avons assez abusé de l'hospitalité de nos amis." Fit alors Talemikazuchi. "Je dois encore aller voir Ishtar pour régler quelques détails, je vous retrouve à la maison."

Il salua tout le monde avant de quitter les lieux, puis Chigusa prit la parole à son tour.

"Bon, moi je dois faire quelques courses avant de rentrer. Ouka, tu veux bien venir m'aider ? Je vais avoir des choses à porter."

"Bien sûr." Répondit son capitaine après s'être rhabillé.

Etrangement, Mikoto ne se proposa pas, mais ce fut parce qu'elle vit le petit signe que sa sœur d'arme lui avait fait et elle comprit qu'elle voulait un peu de temps en tête-à-tête avec Ouka. Malgré ce qu'elle disait, cette petite expérience au quartier des plaisirs avait permis à Chigusa de gagner beaucoup de confiance en elle.

"On se retrouve à la maison tout à l'heure Mikoto." Lui fit Chigusa avant de partir avec Ouka.

"Oui, à tout à l'heure… Bon, je crois que je vais y aller aussi." Dit Mikoto en commençant se diriger vers la porte.

"Aaaaah… Vivement l'heure du repas." Fit alors Lili. "Dites, maître Bell, vous pensez que maîtresse Haruhime va revenir bientôt ? Sa cuisine me manque un peu."

Mikoto s'arrêta soudainement et se retourna, se demandant si elle avait bien entendu le nom prononcé par Lili.

"J'avoue qu'elle me manque aussi, mais elle va mieux maintenant, je pense que notre déesse va la laisser reprendre ses activités normales."

"Tant mieux."

"Sir Bell, excusez-moi, mais…"

"Oui, qu'y a-t-il ?" demanda Bell, qui ne savait pas trop interpréter le visage que faisait actuellement la samourai.

"Cette femme dont vous parlez…"

"Haruhime ?"

"Ce n'est pas… un nom très commun dans cette région du monde."

"Oui, mais je crois qu'elle vient de l'Est lointain, comme vous."

Quelles étaient les chances que ce soit juste un homonyme et que Mikoto se fasse des idées ? Non, elle devait savoir.

"A tout hasard, est-ce que vous pourriez me dire à quoi elle ressemble ?"

"Euh… oui. C'est une jeune femme, une renarde. Blonde, avec des yeux verts."

Mikoto sentit son cœur rater un battement. C'était impossible, ça ne pouvait être une coïncidence, le monde était immense, mais il ne pouvait pas y avoir deux jeunes femmes se ressemblant autant avec le même nom.

"Sir Bell ! Je vous en conjure, cette renarde… il faut absolument que je la rencontre !"


Loin de se douter des remous que Bell venait de causer bien malgré lui, Ishtar était assise dans son bureau à écouter des rapports divers et variés. Cela n'avait pas été facile, mais Neela avait fini par accepter de revenir travailler de temps à autre à Belit Babili, même si cela déplaisait à certains. La prum était une femme intelligente, avec un grand réseau de contacts et un talent pour récolter, analyser et recouper des informations. Et par ses convictions, elle sapait également l'influence que certaines berberas pouvaient avoir sur Ishtar.

"Tu penses que Loki nous espionne ?" demanda alors la déesse à la gérante du Soupir de Minuit.

"Oui. Enfin, plus qu'avant. Elle, comme tant d'autres, ont toujours dû gardé un œil sur nous, mais c'est devenu plus voyant. Et honnêtement, je dirais même assez peu subtil de sa part."

"Que veux-tu dire ? Qu'a-t-elle fait ?"

"La question est plutôt qui elle a envoyé."

"Comment ça ?"

"Eh bien, Ais Wallenstein est venue en journée à la Maison des Glycines pour suivre l'un des cours de Selena."

La nouvelle fut tellement surprenante qu'Ishtar en laisse tomber son stylo.

"Pardon ? On parle bien de la même Ais Wallenstein, la Princesse à l'épée, n'est-ce pas ?"

"Elle-même."

"Qu'est-ce qu'elle foutait là-bas ?"

"Comme je vous l'ai dit, elle était à l'un des cours de Selena, plus précisément, celui pour les débutantes."

La nouvelle avait de quoi choquer et cela pouvait se comprendre. La Maison des Glycines était un endroit particulier. Un ancien bordel, récemment reconverti pour une nouvelle utilisation. Quant à la dénommée Selena, c'était une ancienne prostituée humaine qui avait été obligé de se reconvertir quand l'âge avait commencé à la rattraper. Malheureusement, rien n'était éternel et, même avec les meilleurs produits et soins, les jolies fleurs finissaient inlassablement par faner et attiraient de moins en moins de clients. Dans ce genre de cas, les opportunités n'étaient pas nombreuses. Si la courtisane n'avait pas été racheté par un généreux client ou n'avait pas réussi à mettre de l'argent de côté, elle devait continuer en devenant à son tour une gestionnaire de bordel ou en participant autrement à la vie du quartier.

Selena avait donc profité des changements d'Ishtar pour lui proposer une nouvelle idée, à savoir donner des cours… d'activité nocturne. Les clientes étaient soit de jeunes femmes voulant se préparer à la chose, soit des femmes mariées cherchant à rompre la monotonie de leurs vies de couple.

Etonnamment, cela marchait plutôt bien, surtout auprès des femmes mariées. Il ne fallait surtout pas sous-estimer les dégâts que pouvait faire la frustration sexuelle dans un couple. Plus d'un mariage finissait malheureux en partie parce que le couple ne savait plus s'amuser dans l'intimité. Certes, c'était prendre le risque de perdre de potentiels clients à long termes en la personne des maris frustrés… et aussi des femmes dans certains cas. Mais dans les faits, cette idée avait plutôt bien marché et même contribué à améliorer légèrement l'image du quartier des plaisirs.

Donc, il ne fallait pas s'étonner qu'Ishtar soit extrêmement surprise de découvrir qu'Ais Wallenstein était venue assister à un cours sur l'art de faire l'amour.

"Effectivement, on a vu mieux comme tentative d'espionnage. Ou alors est-ce une diversion ?" se demanda la déesse.


Sauf que ce n'était rien de tout cela. Ais était effectivement venue assister à un cours de la Maison des glycines, mais pour une tout autre raison. Après avoir connu son… éveil en lisant quelques livres de la collection privée de Riveria, la belle blonde eut envie d'en savoir plus et ce n'était pas le pauvre cours froid et mécanique que lui avait fait sa mère de substitution qui pouvait satisfaire sa curiosité.

Le hasard voulut qu'elle trouve par chance un prospectus faisant la publicité pour les cours organisé dans l'ancien bordel, ce qui permit à la Mini Ais Coquine dans sa tête de lui souffler l'idée d'y aller.

Il n'y avait donc aucun grand projet secret ou manipulation bizarre de Loki derrière les actions de la Princesse à l'épée, juste une jeune femme qui venait de découvrir la sexualité et voulait assouvir sa nouvelle curiosité.

Mais cela restait tout de même assez dingue pour provoquer une réaction au sommet de la familia d'Ishtar.


"Soit, il faudra que je demande à Selena de passer me voir pour me raconter tout ça. Autre chose ?"

"Bete Loga se promène dans le quartier."

"Rien de bien fascinant, peut-être cherche-t-il simplement à détruire la mauvaise réputation que je lui ai faite. Mes consignes sont toujours appliquées ?"

"Oui Déesse, triple tarif pour lui."

"Je croyais avoir juste dit double tarif."

"Vraiment ? Oups !" fit alors Neela avec un air faussement innocent. Le werewolf ayant eu la mauvaise idée d'insulter Bell, devenue entretemps la coqueluche du quartier, les gens avaient appliqués les ordres d'Ishtar avec beaucoup de zèle et ce pauvre Bete subissait donc un double châtiment.

"Passons, il va falloir régler ce problème. J'ai cru que nous avions suffisamment bien effacé les traces de notre collaboration avec Kali, mais visiblement, pas assez pour tromper totalement Loki."

"Que devons-nous faire ma déesse ?" demanda une de ses berberas.

"Traitons le problème de front. Je vais inviter Loki et avoir une petite discussion avec elle."

"Déesse, ce serait prendre un gros risque !"

"Peut-être. Mais comme dit l'adage, garde tes amis près de toi, et tes ennemis encore plus près. Qui sait, peut-être que cela pourra prendre Loki à contrepied et la déstabiliser."

"Ca me parait dangereux déesse." lui rétorqua la berberas.

"On n'obtient rien sans prendre de risques, sachons nous montrer audacieuses. Neela, je vais avoir besoin de tes services."

La prum parut un peu surprise, mais écouta les explications de sa déesse.

Ishtar avait plusieurs problèmes à gérer pour rattraper ses erreurs, aussi bien en interne qu'à l'extérieur de sa familia. Elle avait déjà gérer une partie des marchands d'esclaves avec qui elle était en contact, les plus faciles à faire disparaitre. Il restait également le problème du casino, mais étant donné son statut spécial, il n'était pas une menace urgente à traiter.

Elle s'était quasiment débarrassée de Kali, mais il lui restait son plus gros problème, les Fils de la Nuit. Et eux, elle ne pouvait pas s'en débarrasser comme ça. Elle ne savait pas grand-chose de leurs projets, mais elle en savait tout de même trop. Sans compter qu'elle n'avait pas la force de frappe suffisante pour les gérer.

Dans ce cas, il ne restait qu'une seule solution, se servir de Loki. Cette dernière était déjà plus ou moins en guerre contre l'organisation obscure, le meilleure coup à jouer serait de la soutenir dans l'ombre et de la laisser faire le sale travail, d'une pierre deux coups. Mais cette approche était risquée, Loki était intelligente et n'était pas du genre à aimer se faire manipuler.

Ishtar allait devoir parier gros en espérant que le retour sur investissement en vaille la peine.


"Impossible…"

A la Demeure Astrale, un évènement majeur était en train de se dérouler. Devant la demande pressante de Mikoto, Bell l'avait tout simplement invité à rester déjeuner avec eux, vu qu'Haruhime devait venir les voir. Quand la jolie renarde arriva, Mikoto put enfin confirmer ses soupçons.

"Dame Haruhime… c'est bien vous ?"

"Que… Mikoto ? C'est toi ?"

"Dame Haruhime !"

La samourai se précipita alors vers la renarde et la prit dans ses bras, les larmes aux yeux.

"C'est bien vous, dame Haruhime !"

"Mikoto !" répondit-elle en l'enlaçant à son tour, se mettant aussi à pleurer, ignorant les trois spectateurs de la scène qui ne savaient visiblement plus où se mettre.


Un long moment gênant s'écoula avant que les deux jeunes femmes ne parviennent à se calmer. Les larmes avaient coulés à flot, mais elles avaient fini par se calmer.

"Je suis tellement heureuse de te revoir Mikoto, j'ai l'impression de revenir en enfance, mais… que fais-tu donc à Orario ?"

"C'est une longue histoire."

Mikoto expliqua alors comment elle, Takemikazuchi, mais aussi d'autres connaissances de l'époque, comme Ouka et Chigusa étaient venus à Orario pour gagner de l'argent et à quels fins."

"Je vois… Le temple n'a jamais été bien riche. Et le seigneur Takemikazuchi est un homme généreux, ça m'étonne pas qu'il soit venu chercher ici de l'argent pour soutenir le temple. Donc ça veut dire… c'était vous le pass parade ?" demanda Haruhime, choquée, alors qu'elle comprenait les choses.

"Ce n'est pas ce dont nous sommes le plus fiers."

"Je sais, je vous remercie d'avoir sauvé Bell et les autres."

"On a juste fait ce qui nous semblait juste."

"Peut-être, mais je t'en suis quand même reconnaissante. J'aurais eu beaucoup de peine s'il leur été arrivé quelque chose."

"Oui, sir Bell est quelqu'un d'honorable…" fit-elle en se levant. "J'ai sincèrement envie de croire qu'il l'est, cependant…"

Et sans crier gare, elle attrapa Bell par le col.

"Cependant, expliquez-moi pourquoi dame Haruhime porte un collier d'esclave !" cria-t-elle en colère contre le pauvre garçon.

"Un quoi ?" demanda Bell, tout aussi surpris par ses paroles.

"Ne jouez pas à l'idiot ! Je parle de l'horreur qu'elle a autour du cou !"

"Non ! Attends Mikoto, il ne sait rien de tout ça !" cria Haruhime en s'accrochant à Mikoto pour la faire lâcher.

"Vraiment ?"

"Oui !"

La samourai vit bien au regard surpris du jeune homme qu'il n'avait effectivement pas l'air au courant de ce qu'il se passait. Mikoto le lâcha donc, les joues légèrement rouge, honteuse de son comportement.

"Haruhime… De quoi parle-t-elle ?" demanda alors Bell, un peu perdu et inquiet à la fois.

"C'est… compliqué. C'est lié à la façon dont je suis arrivée ici."

Tristement, Haruhime commença à raconter son histoire. Comment elle avait été piégée par cette histoire d'offrandes soi-disant mangés, comment son père l'avait renié et confié à un marchand qui offrait d'être son protecteur, mais dont on se doutait qu'il avait tout orchestré. Comment il avait fui quand des monstres les avaient attaqués, la laissant à la merci de bandits qu'il l'avait vendu comme esclave à Orario avant qu'Ishtar ne la rachète.

Cependant, la renarde s'était bien gardée de parler des projets de la déesse et du sacrifice qui devrait bientôt avoir lieu. Elle-même ne savait pas encore que la déesse avait déjà renoncé à tout ça.

Bell était attristé par le récit d'Haruhime, tandis que Mikoto semblait bouillir intérieurement.

"Je vois… vous savez dame Haruhime, je me suis beaucoup amélioré en cuisine ces dernières années, présentez-moi donc tous ces braves gens, je leur montrerais mes talents pour la découpe du sashimi." Fit la samourai en sortant son sabre et en faisant une véritable tête de psychopathe.

"Mikoto !" lui répondit Haruhime en tentant de la calmer.

De son côté, Bell était profondément troublé. Il n'avait jamais rien su. Bien sûr, il avait toujours trouvé que ce collier noir était quelque peu dérangeant et qu'il n'allait pas du tout à la belle renarde, mais il avait toujours mis ce choix sur sa propre incompréhension des modes et goûts féminins.

"Je… je ne peux pas y croire !" fit alors Bell, à la fois choqué et triste. "Je refuse de croire que notre déesse ferait quelque chose comme ça !"

"Maître Bell…"

Sans crier gare, Bell quitta les lieux en courant.

"Maître Bell, attendez !" tenta Haruhime, mais c'était trop tard, il était déjà parti loin.


De leur côté, Hestia et Lili avaient assisté à la scène sans dire un mot. La petite déesse s'approcha alors de la porteuse.

"Tu le savais ?"

"Oui." Répondit sobrement la prum après un court silence.

"Alors pourquoi tu n'as…"

"Ce n'est pas à moi de le faire."


A Belit Babili, Ishtar venait tout juste de finir d'envoyer deux lettres secrètes. Pour deux destinataires différents, mais chacune liée au coup de poker qu'elle s'apprêtait à jouer. Alors qu'elle en profitait pour prendre une pause avec un bon verre de vin, elle fut surprise par la porte de son bureau qui fut ouverte en trombe.

"Déesse !"

"Bell ?"

Autant dire qu'Ishtar fut assez surprise de voir débarquer le jeune homme en plein milieu de la journée. C'était très rare qu'il vienne à Belit Babili de lui-même par ailleurs.

"C'est rare que tu viennes me voir ici." Commença-t-elle, souriante. "Que me vaut ce plaisir ?"

"Est-ce qu'Haruhime est une esclave ?" demanda-t-il de but en blanc. La déesse put alors se rendre compte qu'il avait le souffle court, comme s'il avait fait un sprint pour venir la voir. Cependant, en guise de réponse, il n'eut d'abord qu'un long silence gêné.

"Je vois… tu as fini pas découvrir certaines choses…" fit la déesse d'un ton triste avant de se lever pour aller s'assoir sur l'un des luxueux canapés de la pièce.

"Alors, c'est vrai ?" dit le garçon d'un air triste.

En guise de réponse, Ishtar lui fit simplement signe de s'assoir face à elle alors qu'elle allumait son kiseru.

"Pour commencer, sache que je n'ai jamais cherché à te le cacher, c'est juste que… je n'ai jamais trouvé de bonne façon de t'expliquer ce genre de chose…"

En voyant le visage de sa déesse, Bell comprit que les choses ne devaient effectivement pas être simples. Aussi, il se calma et prit place dans le canapé en face du sien.

"En fait, si on omet les berberas qui sont un cas un peu à part, je pense qu'on peut dire que presque la moitié de la familia est composé d'esclaves ou de gens qu'on peut considérer comme tels."

"Comment ?" Bell était clairement choqué par cette déclaration. "Mais, c'est…"

"Bell." L'interrompit la déesse. "Nous sommes dans le quartier des plaisirs, un lieu où les gens offrent des prestations sexuelles contre de l'argent. Quasiment personne ne fait ce métier par vocation. Les berberas sont un cas à part, car ce sont principalement des amazones et cette espèce a un rapport bien particulier à la sexualité. Mais pour le reste, c'est différent. Laisse-moi prendre tes amies du Soupir de minuit comme exemple. Saria le fait par choix, mais comprend bien qu'elle est une exception. Dezra a été jeté à la rue par son ex-mari et n'avait pas d'autres solutions pour survivre. Kelsie est l'aînée du famille de cinq enfants, son père est cloué dans un lit depuis un grave accident, elle fait se travail pour leur envoyer l'argent nécessaire à leur survie. Et même Neela a été vendu dans sa jeunesse par ses propres parents pour régler des dettes."

Bell voulut dire quelque chose, mais aucun son de parvint à quitter sa gorge. Au fond, il savait déjà un peu tout ça, il avait simplement refusé de regarder la réalité en face.

"Quant à Haruhime… ça peut paraitre paradoxale, mais être une esclave est justement ce qui la protège."

"Comment pouvez-vous dire ça déesse ? Comment être esclave pourrait protéger qui que ce soit ?" protesta-t-il. Mais Ishtar lui répondit calmement.

"Haruhime est une renarde, une espèce rare, réputée pour disposer de capacités magiques particulières. C'est une femme, jeune, d'une grande beauté, mais également naïve et faible. En gros, c'est une proie facile. Si je la libérais demain et lui rendait sa liberté. Combien de temps crois-tu qu'elle pourrait tenir par elle-même avant d'être victime de gens vraiment mal intentionnés ? C'est peut-être paradoxal, mais tant qu'elle est mon esclave, ce statut la protège, car rare sont ceux qui oseraient s'en prendre à mes… possession."

"Déesse, je…"

Ishtar se leva et vint s'assoir à côté de lui.

"Ta réaction ne me surprend pas Bell. Tu es bon et généreux par nature. Parfois, je me dis que tu es vraiment trop pur pour ce monde." Fit-elle tout en levant la main pour lui caresser délicatement la joue.

"Déesse…"

"Je sais que tout cela doit être dur à avaler, mais… concernant Haruhime, pour le moment, il faut que tu me fasse confiance. S'il-te-plait…"

Il y eut un long silence. Bell était pensive et ne savait plus très bien ce qu'il devait croire. Tout cela chamboulait complètement ses notions de bien et de mal. Cependant, il avait toujours fait confiance à Ishtar jusque-là et ne voyait pas de raisons de ne pas continuer.

"Très bien déesse, je vous fais confiance."

"Merci. Ca me touche, bien plus que tu ne le crois."

Et pour appuyer ses dires, elle dépose un baiser sur la joue du garçon, lequel se mit à rougir. Décidément, il restait beaucoup trop mignon pour qu'Ishtar ne continue pas de la taquiner un peu.


Finalement, Bell rentra à la Demeure Astrale. La situation devint un peu gênante et la jolie renarde préféré s'esquiver après avoir bafouiller de vagues excuses. Le garçon voulut la rattraper, mais quelque chose en lui le retint. En fait, il ne savait pas du tout comment gérer la situation. Lili vint s'excuser, car elle avait deviné, mais ne lui avait rien dit. Mais Bell comprit ses raisons et lui pardonna. Même s'il avait du mal avec cette idée, pour le moment, il faisait confiance à sa déesse.

Ainsi, la vie reprit son cours et il retourna à l'assaut du Donjon en compagnie de la prum et de leur ami forgeron, loin de se douter de ce qu'Ishtar était en train de préparer.


Ce soir-là, le Soupir de Minuit était exceptionnellement fermé. Ou plutôt, il avait été privatisé. Tout ça pour un client particulier, un VIP auquel tout l'établissement était dédié pour la soirée.

Ce client VIP était une femme aux traits androgynes, aux cheveux rouges et à la capacité pulmonaire contrariée. Ou plutôt… une déesse.

Car oui, c'était bien Loki qui occupait présentement le plus luxueux salon de l'endroit, assise sur un canapé hors de prix, avec à sa droite, Saria collée à elle et à sa gauche, Kelsie, tout aussi collée, lui servant un verre de vin, du soma de première qualité.

La trickster avait reçu une invitation quelques jours plus tôt. Officiellement, c'était pour remercier la déesse, dont les enfants s'étaient si généreusement portés au secours du groupe de Bell au dix-huitième étage.

"Eh ben, on peut dire qu'elle sait r'mercier Ishtar !" fit Loki avec un grand sourire et une voix joyeuse.

"Nous vous sommes toutes très reconnaissantes pour votre générosité envers le Delebat." Dit alors Neela qui supervisait la prestation, debout face à leur invitée, toujours nantie de son éventail. "J'ose espérait que notre accueil est à votre convenance."

"Pas d'soucis, il l'est largement !" répondit la déesse androgyne. "Surtout avec d'aussi jolies filles pour s'occuper d'moi !"

"Je suis heureuse que cet accueil soit à votre goût, d'autant plus qu'il ne s'agissait que d'un hors-d'œuvre pour vous faire patienter."

"Oh ? Maint'nant, j'suis curieuse."

"Vous êtes une invitée de marque chère déesse. Nous ne pouvons vous offrir que le meilleur. En l'occurrence, ce soir, c'est notre meilleure courtisane qui va s'occuper de vous."

"Oooooh ! La meilleure ? J'demanda à voir."

"Tout de suite déesse."

Là-dessus, Neela replia son éventail et fit un signe de la main. Immédiatement, Saria et Kelsie se levèrent et saluèrent silencieusement la déesse avant de se retirer, suivies de Neela, qui s'inclina avant de refermer la porte.

Juste après, une silhouette se dégagea délicatement d'un voile qui masquait un autre accès à la pièce.

Une femme à la grande beauté, à la peau bronzée, couverte d'une tenue constituée de nombreux voiles translucides.

"Aaaaah… bien évidemment… la meilleure des courtisanes…" dit alors la trickster avec un air amusé alors qu'Ishtar se dévoilait à elle.

Sans un mot, la déesse bronzée s'approcha de son invité, qui était affalée sur le canapé et lui monta dessus de manière à se retrouver assise à califourchon sur ses genoux tout en lui faisant face.

"Rien ne m'fait plus plaisir qu'un trait'ment aussi royal, mais qu'que chose me dit qu'y'a une bonne raison derrière not' rencontre."

Loki jouait souvent à l'idiote, mais ce n'était qu'une façade, car derrière se trouvait une déesse observatrice, à l'esprit vif et très manipulatrice quand elle le voulait.

Cependant, Ishtar ne dit rien, elle se contenta se pencher pour se coller lascivement à elle tout en lui offrant quelques caresses expertes. Ce ne fut quand elle eut enfin la bouche près de son oreille qu'elle lui murmura quelques mots au creux de cette dernière.

"Dis-moi, Loki… Ça te dirait que je te vende les Fils de la Nuit ?"

Immédiatement, les yeux habituellement peu visibles de la Trickster s'ouvrirent en grand.

"…A un prix défiant toute concurrence." Continua Ishtar dans un second murmure avant de se redresser de manière tout aussi lascive.

Après la surprise, Loki lui offrit une tout autre expression. Cette fois, elle lui montrait son sourire carnassier.

"Tu m'connais mieux que j'le pensais Ishtar… Tu sais qu'j'apprécie quand une jolie femme me murmure des mots d'amour à l'oreille…"

Pour le reste du monde, Loki passait simplement une bonne soirée en bonnes compagnie… et c'était techniquement le cas, car après tout, une bonne couverture se devait d'être le plus crédible possible.

C'est ainsi qu'au milieu des caresses et des baisers, les deux déesses échangèrent des murmures qui n'avaient rien de mots d'amour, mais établissaient un accord secret entre elles…


A la demeure Astrale, la situation était devenue un peu gênante. Haruhime n'avait pas osé revenir pendant deux jours et Bell n'avait pas eu le courage d'aller la voir, il se sentait horriblement stupide et aveugle. Il n'avait absolument rien vu alors que Lili et Mikoto avaient tout de suite deviné.

Lili aurait bien voulu l'encourager, mais elle ne se sentait pas en droit de lui faire la leçon, elle n'avait pas menti, mais elle avait tout de même caché la vérité. Quant à Hestia, elle se contentait de soupirer en voyant le pauvre garçon se montrer aussi empoté.

Les choses changèrent quand du bruit se fit entendre à l'extérieur de la Demeure. Plus précisément, les protestations de quelqu'un.

"Repose-moi Aisha !" fit la voix paniquée d'Haruhime, alors que Bell sortait sur le palier pour être accueilli par un spectacle assez insolite.

Devant lui, il y avait Lena et Aisha, laquelle portait la jolie renarde sur son épaule comme si elle était un sac à patate.

"Mais… vous faites quoi ?" demanda Bell, carrément choqué.

"Ah ! Bell ! Tu tombes bien ! On t'a emmené Haru-haru." Commença Lena avec un air amusé.

"J'en ai marre de l'entendre depuis deux jours et de la regarder tourner en rond parce qu'elle ne sait pas quoi te dire." Compléta alors Aisha, visiblement, plutôt énervé. "Alors, cadeau." Dit-elle en déposant la blonde face au garçon. "Maintenant, vous vous parlez comme des adultes et vous réglez vos problèmes."

Qui, techniquement, n'étaient pas les siens. Mais ce n'était pas ça qui allait arrêter Aisha. Même si au fond d'elle, elle agissait uniquement pour le bien d'Haruhime.

"Aisha !" protesta alors Haruhime en direction de sa grande sœur de cœur.

"C'est de l'autre côté que ça se passe." Répondit-elle en désignant Bell.

Le pauvre garçon ne savait plus où se mettre et encore une fois, il était pris de court par le comportement farfelu des deux amazones. Pourtant, depuis le temps, il devrait avoir l'habitude. S'en suivit alors un long silence gêné alors qu'aucun des deux ne semblait avoir le courage de regarder l'autre.

Si c'était très mignon par certains aspects, ça finissait pas vite en devenir énervant pour ceux qui regardaient ce drôle de spectacle.

"Bon, décidez-vous ! On va pas y passer la journée !" s'énerva alors Aisha, dont la patience semblait devenir de plus en plus limitée.

""Désolé !"" firent les deux à l'unisson.

Ce fut encore une fois très gênant, mais cela permit tout de même de débloquer quelque peu la situation.

"Maître Bell… euh… je suis désolée de ne rien vous avoir dit."

"Non, c'est… ma faute. J'aurais dû être moins naïf et comprendre certaines choses plus tôt."

"Alors, techniquement, c'est plutôt notre faute pour ne pas t'avoir tout expliquer." Dit alors Lena en s'incrustant dans la conversation, ce qui lui valut de se faire darder par plusieurs paires d'yeux qui lui intimaient subtilement de ne pas gâcher ce moment entre eux. Même si elle avait tout de même raison d'un certain côté.

"Et… je suis désolée de vous avoir fui comme ça pendant deux jours." Reprit la renarde.

"Dans ce cas, je suis aussi en tort pour ne pas être venu te voir."

De son côté, Aisha se demandait si les deux allaient continuer à s'excuser longtemps et si elle allait devoir de nouveau s'en mêler.

"Est-ce que… ça vous dérange si je reviens faire la cuisine de temps en temps ?"

"Bien sûr que non et pas seulement pour ça, tu peux venir quand tu veux Haruhime." Lui répondit Bell avec son sourire bienveillant.

Finalement, ce n'était pas si compliqué, il ne leur avait que l'aide d'une fouine aimant mettre les pieds dans le plat.

"Bien, affaire réglée alors ?" Demanda Aisha, la fouine en question.

"Oui… c'est bon. Merci Aisha." Dit alors Haruhime, bien qu'encore un peu gênée d'avoir été trimbalée jusqu'ici comme un sac à patate.


Cependant, alors que tout le monde allait entrer la Demeure Astrale, une nouvelle voix se fit entendre au loin.

"Messire Beeeeeeeeeell ! Dame Haruhimeeeeeeeee !"

La personne qui les appelait n'était nul autre que Mikoto, qui venait vers eux le visage souriant. Ou plutôt, elle semblait confiante.

"Mikoto ? Il y a un soucis ?" demanda l'ancienne noble orientale.

"Pas du tout dame Haruhime. Au contraire, j'ai une excellente nouvelle."

"Vraiment ?"

"Oui. J'ai appris quelques petites choses sur le fonctionnement du quartier des plaisirs, j'en ai parlé aux autres et nous nous sommes mis d'accord."

"De parles-tu Mikoto ?"

"De votre rachat ! Il est possible de racheter le contrat d'une courtisane. Du coup, il nous suffit d'économiser et nous allons acheter votre liberté."

La déclaration de Mikoto prit tout le monde de court. La seule qui eut une réaction différente fut Aisha, qui semblait rire, mais d'une manière moqueuse.

"Quelle naïveté…."

Une remarque cynique qui suscita immédiatement la colère de Mikoto.

"Comment ça ? C'est quoi votre problème à vous ?"

"Ta naïveté justement… Tu veux racheter Haruhime, soit. Et après ? Comment comptes-tu la protéger ?"

"La protéger de quoi ? C'est plutôt de vous qu'il faut la protéger !"

"Dans ce cas, tu n'as strictement rien comprit et encore moins la valeur d'Haruhime, ni à quel point elle serait convoitée. Crois-tu vraiment que ta pauvre petite familia serait vraiment en capacité de la défendre ?"

Mikoto serra les dents, mais elle comprenait qu'il n'y avait pas que du faux dans les propos de l'amazone, surtout qu'elle avait eu l'occasion de la voir à l'œuvre et constater l'écart de puissance entre elles. Cependant, elle refusait de l'admettre et de donner raison à cette pétasse imbue d'elle-même.

Le pire dans cette histoire était que les deux se préoccupaient sincèrement du bien-être de la renarde. Une pauvre renarde qui ne savait pas quoi faire pour empêcher sa grande sœur de cœur et son amie d'enfance de se disputer.

Mais contre toute attente, ce fut Lena qui prit les choses en main pour calmer le jeu.

"Allons les filles, du calme." Fit la joyeuse amazone en s'interposant entre elles avant de se tourner vers la samurai. "De toute façon, ce projet me semble difficile à réaliser."

"Que voulez-vous dire Lena ?"

"Eh bien, racheter le contrat d'Haru-haru n'est pas une mauvaise idée en soit, seulement… Vous avez combien d'économies ?"

Puis, l'amazone s'approcha alors de Mikoto et lui murmura quelques mots à l'oreille.

"COMBIEN ?!" cria de stupeur la jeune femme avant de devenir blême et commencer à faire des comptages avec ses doigts.

C'était quoi cette somme de dingue ? Ca faisait combien de zéros en fait ? Il n'y en avait pas un de trop par hasard ?

Mais d'un autre côté, elle trouverait ça insultant qu'on ne paie pas un tel tarif pour une femme comme Haruhime. Les Sanjou avaient peut-être perdu en prestige et en puissance, mais cela restait un clan de la kuge, la haute noblesse impériale. Et même déchue, Haruhime était à l'origine une dame de très haut rang. Il aurait été inconcevable qu'on lui accorde moins de valeur.

Ce fut donc avec tristesse que Mikoto dut se résoudre à abandonner ce plan, les maigres économies de sa familia n'étant au final qu'une goutte d'eau au regard du prix de la renarde.


Bien loin de ces considérations plutôt légère, la déesse de la familia se rendait à un rendez-vous qu'elle n'avait que trop longtemps repoussé. Revêtue d'une coule de couleur crème, la déesse avançait dans les souterrains de la ville, dans un passage oublié de tous… sauf de certaines personnes et pas forcément les plus recommandables.

La déesse était accompagnée de deux amazones, silencieuses, vêtues de la même manière. Une escorte symbolique, qui ne lui servirait pas à grand-chose en cas de problèmes, mais des femmes dont elle pouvait facilement s'assurer le silence.

Ishtar arriva face à une porte massive. Elle sortit alors de sa manche un objet sphérique, ressemblant à un œil sur lequel était gravé un énorme D. Réagissant à l'artefact, la porte s'ouvrit et la déesse put continuer son chemin.

Elle marcha encore un long moment, jusqu'à une grande salle, où elle fut accueillie par un groupe d'individus habillés de blanc.

"Dame Ishtar, nous vous attendions avec impatience."

"Oui, oui, gloire aux ténèbres, toussa toussa…" leur répondit-elle avec un geste dédaigneux de la main.

"Eh bien, eh bien…" fit alors un homme vêtu de noir. "C'est qu'on devient cynique ma chère Ishtar."

"Thanatos."

"Je te rappelle que c'est toi qui nous faut poireauter depuis des jours."

"Plains-toi à Kali." Dit-elle en n'ayant aucune honte de rejeter la faute sur la gamine massacreuse.

"Vous parlez de celles que vous avez abandonné à son sort ?" fit alors une femme au sourire mauvais alors qu'elle sortait de l'ombre. Valletta semblait se méfier grandement d'Ishtar. Ou alors cherchait-elle simplement quelqu'un sur qui passer sa frustration.

"Les lézards sont prêts à se couper la queue pour échapper aux prédateurs, Kali était devenu un boulet, je m'en suis débarrassé, tout simplement."

"Ouais, tout comme nous, on peut se débarrasser de toi et de ta familia si tu deviens gênante." Dit la femme tout en s'approchant de la déesse avec un ton et une démarche menaçante. Cependant, cela ne suffit pas du tout à décontenancer Ishtar qui s'était défaite de sa coule.

"Je te trouve horriblement nerveuse ma chère Villetta. Tu es stressée en ce moment ?" Fit alors la déesse tout en posant une main sur le visage de la sombre guerrière. Laquelle ne parvint pas à l'empêcher, comme si son corps était bloqué. "Ce n'est pas bon d'accumuler autant de stress tu sais…"

Tout en parlant, Ishtar gardait la main sur la joue de Valletta et avança, la forçant à reculer, jusqu'à ce que son dos atteigne le mur le plus proche et qu'elle ne puisse plus échapper à la déesse.

"Mais je peux peut-être t'aider un peu ma chère…" fit la déesse tout en commençant la caresser et lui donner diverses attentions des plus sensuelles… le tout sans se soucier des spectateurs dont l'attention était happée par ce spectacle des plus improbables.

Thanatos en tête de liste, lequel avait les yeux grands ouverts et fixés sur les deux femmes. Le dieu de la mort vida son verre de vin d'une seule traite et tendit le bras en arrière pour être immédiatement resservi par un de ses serviteurs tandis qu'il gardait la tête tournée en direction de l'action.

Et ce n'était pas le seul, surtout avec les petits gémissements que poussait Valletta, qui couinait parfois comme une adolescente encore innocente. Beaucoup furent surpris au fond d'eux. La terrible guerrière n'avait jamais donné l'impression d'être intéressée par la chose. Certains s'étaient même amusé à dire, dans le plus grand secret, qu'elle devait plutôt être massacrosexuel, vu que seul un bon bain de sang semblait lui permettre de prendre son pied.

"Bon, c'est assez de fan-service pour aujourd'hui." Fit alors la déesse et se décollant de la sombre guerrière. Laquelle tomba à genoux, les joues rouges, le souffle court. Son corps semblait en feu et elle présentait tous les signes d'une très forte excitation.

"Thanatos, tu baves, un peu de tenue devant tes fidèles !"

"Hein, oui… quoi ?" fit le dieu de la mort en revenant difficilement à la réalité. A sa décharge l'improbabilité du spectacle qui s'était offert à lui justifiait parfaitement son état.

"Le demi-esprit Thanatos. Je suis sensé finir son dressage."

"Euh… oui ! Tout à fait ! Que l'on conduise Ishtar jusqu'à la bête."

La déesse récupéra sa coule avant de suivre l'un des fanatiques en blanc. Du coin de l'œil, elle avisa Villetta qui semblait peiner à se remettre de ses émotions.

Personne ici ne se doutait qu'elle venait de planter une graine qui allait bientôt donner des fruits intéressants.


Deux membres des Fils de la nuit conduisirent donc Ishtar jusqu'à une lourde porte derrière laquelle on pouvait entendre des grognements.

"Ouvrez, puis laissez-moi seule."

"Euh… madame, ce n'est pas ce que…"

"Vous voulez que je dresse votre monstre de foire, n'est-ce pas ? Alors du vent et laissez l'artiste faire son travail." Dit-elle tout en s'approchant pour leur mettre une main sur la joue à chacun, déversant subtilement son pouvoir.

"Oui, comme vous voulez madame…"

Les deux hommes s'exécutèrent et laissèrent donc la déesse seule. De l'autre côté de la porte, l'attendait une monstruosité comme personne n'en connaissait, un gigantesque corps taurin sur lequel était greffé un torse humanoïde. La créature monstrueuse chargea en direction de la déesse…

"Couché !" dit simplement la déesse en plantant son regard dans celui du demi-esprit.

…puis se stoppa à mi-chemin avant de s'agenouiller devant Ishtar alors que le torse humanoïde se penchait vers elle. La déesse prit alors le visage de la créature entre ses mains et laissa son pouvoir se déverser pleinement.

"Bien, mon petit monstre, toi et moi, on a beaucoup de travail…"

Aucun membre de sa familia ne sut jamais ce qu'elle avait fait ce jour-là…


Et sans que personne ne soit au courant, la vie continua à la surface, et deux nouvelles journées passèrent.

Ce matin-là, quand Bell passa à la Fertile Maîtresse pour recevoir son repas de la part de Syr, il remarqua que Ryuu n'était pas là, ce à quoi la fausse humaine lui expliqua que cette dernière avait mystérieusement disparue, ce qui inquiétait les autres serveuses autant que cela les énervait, vu qu'elles devaient assumer sa part de travail. Bell leur promit de garder un œil ouvert au cas où il la voyait et partit pour le Donjon.


Le soir venu, il fut surpris de voir Ishtar débarquer, vêtue de sa large cape à capuche qu'elle utilisait pour sortir en ville. Chose qu'elle ne faisait pas quand elle venait simplement à la Demeure Astrale. Le jeune homme comprit immédiatement qu'elle allait le trainer en ville sans trop lui demander son avis.

Cependant, quand il comprit pourquoi, il ne le regretta pas, sans compter qu'ils n'étaient pas seuls. Lili était là aussi naturellement, tout comme Hestia, ravie de quitter son uniforme de soubrette. Haruhime, venue faire le dîner, les avait suivis, tout comme Aisha et Lena, qui collaient souvent la renarde ces derniers temps. Et enfin, Welf aussi était là, vu qu'il était resté dîner avec ses amis, on l'avait naturellement invité.

"Alors Bell, qu'est-ce que tu penses du festival de la Lune Sacrée ?" demanda la déesse.

"Je ne m'attendais pas du tout à ça." Répondit le jeune homme.

"C'est vrai que c'est votre première année en ville maître Bell, ça veut dire que vous découvrez encore tout ça." Fit Lili d'un air enjoué.

"Aussi fou que cela paraisse, je découvre moi aussi." Dit la déesse encapuchonnée.

"Vous aussi déesse ?" demanda Bell d'un air surpris.

"J'ai pris pendant trop longtemps la mauvaise habitude de trop rester dans mon domaine. Mais je compte bien corriger cette erreur à partir de maintenant. Et puis, les différents festivals nous donneront l'occasion de sortir ensemble."

"Oui, ça me plairait beaucoup de faire d'autres festivals avec vous."

"Au fait, vu que tu es descendu récemment, ça doit être une nouveauté pour toi aussi Hestia."

"Oui, j'avoue que je ne m'attendais pas à ça." Lui répondit la petite déesse généreusement pourvue.

Le petit groupe profita ensuite des festivités, se régalant aux stands de nourritures, admirant les bibelots et autres bijoux vendus sur les étals, jusqu'à ce qu'ils approchent d'une petite place où se trouvait une estrade, sur laquelle une personne qu'ils connaissaient bien était en train d'haranguer la foule.

"Approchez braves aventuriers ! Venez tenter votre chance et prouvez votre valeur !"

"Qu'est-ce que c'est que ça ?" se demanda alors Hestia à voix haute.

"Probablement la dernière fantaisie qui passée dans l'esprit tordu d'Hermès." Répondit Ishtar avec un soupir alors que le dieu vagabond continuait son numéro.

"Ais, on devrait tenter notre chance !" fit une voix pas loin d'eux.

Le groupe tourna alors la tête et virent une humaine blonde bien célèbre en ville, accompagnée d'une jeune elfe qui avait aussi une certaine renommée. Les deux femmes avisèrent le groupe au même moment.

"Miss Ais!" fit Bell un peu surpris de tomber sur elle.

"Bell…" dit simplement la belle blonde tout en rougissant légèrement, sans doute à cause de ce que Mini Ais Coquine était en train de lui murmurer au fond de son esprit.

"Bell Cranel !" l'invectiva Lefiya.

"La fée cinglée !" répondit instinctivement le jeune homme, pour le plus grand déplaisir de l'elfe.

"Arrête de m'appeler comme ça !"

Malheureusement pour eux deux, Ishtar comptait bien s'en mêler et les taquiner un peu.

"Oh ? Toi et Thousand Elfs, vous en êtes déjà au stade des petits surnoms ?"

"Que… mais pas du tout !"

"J-j-je n'ai aucune relation avec cet humain !" se défendit alors Lefiya, les joues en feu.

"Hmmm… pourtant, vos vêtements étaient déchirés cette fois-là et ça ne te dérangeait pas." Dit alors Ais, comme la bonne cruchasse qu'elle était.

"Ooooooh ? Des vêtements arrachés, votre relation en est donc à ce stade ?"

"Ne déformez pas tout déesse, il y avait des circonstances ! C'était la faute de ce monstre, il crachait de l'acide et ça a dissous une partie de nos vêtements."

"Bien sûr Bell, ce serait donc la faute d'un mystérieux monstre inconnu crachant un acide qui, comme par hasard, ne dissous que les vêtements." Lui fit alors Ishtar avec un petit sourire taquin.

"Vous déformez tout !" protesta la garçon.

"D'accord, d'accord, j'arrête de t'embêter. De toute façon, si je continue, ton amie elfe risque de nous faire une syncope." Fit-elle en désignant Lefiya, rouge jusqu'à la point des oreilles. "Et sinon, mademoiselle Wallenstein, comment avez-vous trouvé votre cours à la Maison des Glycines ?" Reprit alors Ishtar en changeant de victime.

La blonde ne lui répondit pas, mais se mit à fortement rougir à son tour.

"Comprenez-moi, c'est un tout nouveau service que nous proposons et je serais curieuse d'avoir des retours clients. J'espère que le travail de Selena vous a donné satisfaction."

Étrangement, Ais ne put baragouiner qu'un vague "oui…" avant d'attraper Lefiya par la main pour prendre la fuite dans la foule, sous les yeux du reste du groupe, ne s'attendant pas à voir la fameuse princesse à l'épée, réputée si peu émotive, fuir de cette façon parce qu'elle était gênée.

"Déesse, pourquoi j'ai la drôle de sensation qu'il me manque une information cruciale ici ?" fit alors Bell, quelque peu inquiet. "Déesse, qu'est-ce que vous me cachez ?"

Mais pour toute réponse, il n'eut qu'un petit rire amusé d'Ishtar alors qu'elle se dirigeait à son tour vers l'estrade où Hermès faisait son numéro.

"Déesse, répondez-moi ! Revenez ici !"

Et ce fut ainsi que le reste du groupe suivit la déesse de beauté vers la foule, sans se douter de la série d'évènements qui allaient bientôt se déclencher…


Notes de l'auteur : Je ne vais pas mentir, la fic risque de connaitre une baisse de rythme à partir de maintenant. Le fait est que l'inspiration est une maîtresse capricieuse qui va et vient selon son humeur.

Et en ce moment, je suis en phase creuse. Sans compter que je ne suis pas trop dans ma période Danmachi ces derniers temps. En fait, je serais plutôt dans ma période RWBY. Mais je me retiens de commencer une fic là-dessus pour ne pas trop me disperser.

Sans compter que j'ai également d'autres projets en parallèle qui me prennent du temps. Mais soyez rassurés, baisse de rythme ne signifie pas abandon, pas alors que tant de gens semblent l'apprécier.