Les jours s'enchaînaient avec une régularité implacable, chaque matin se levant sur une routine dont Regina tentait, en vain, d'apprécier la constance. La vie qu'elle s'était efforcée de bâtir avec Daniel lui apparaissait désormais sous un jour mécanique, presque artificiel, comme un décor minutieusement assemblé, mais dénué de toute substance. Elle s'était persuadée que rester avec lui relevait du bon sens, qu'il s'agissait d'une décision mûrement réfléchie, rationnelle, la plus à même d'assurer un équilibre stable. Pourtant, un vide insidieux rongeait son être, une absence dont elle peinait à identifier l'origine, mais dont elle connaissait intuitivement la cause.

Chaque matin, sa main effleurait son téléphone avant même que son esprit ne soit pleinement éveillé, cherchant inconsciemment un message d'Emma qui ne venait jamais. Depuis cette nuit où leurs chemins s'étaient croisés dans la pénombre d'une rue, où Emma, dans un geste infiniment cruel par sa simplicité, avait choisi de détourner le regard, quelque chose en Regina s'était fissuré. L'évidence s'imposait : la distance qu'Emma avait instaurée était un choix, et non le fruit d'un hasard. Et si cette pensée aurait dû lui offrir un semblant de liberté, elle ne faisait qu'attiser une douleur qu'elle refusait de nommer.

Elle se réfugiait dans son travail avec une rigueur encore plus sévère, espérant que les responsabilités et les décisions chirurgicales anesthésieraient cette tourmente grandissante. Mais l'illusion ne durait qu'un instant. Dès qu'elle se retrouvait seule, son esprit retournait inévitablement à Emma, à ses regards brûlants de non-dits, à cette tension impalpable qui, malgré ses efforts, ne s'était jamais dissipée.

Jusqu'à ce qu'un appel bouleverse tout.

Le coup contre la porte de son bureau fut net, pressant. Regina releva à peine les yeux de son dossier, feignant une patience qu'elle ne ressentait pas.

— Entrez.

Une infirmière surgit, l'air grave, une expression d'inquiétude perceptible dans la crispation de ses traits.

— Docteur Mills, on vient d'amener une patiente aux urgences… Emma Swan.

Le temps s'immobilisa. Le bruit ambiant du service, le murmure des conversations lointaines, le bourdonnement des néons, tout sembla s'effacer dans une chape de silence. Regina sentit une onde glacée lui traverser la poitrine, son cœur se serrant avec une brutalité qu'elle ne put maîtriser.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

Sa propre voix lui parut étrangère, lointaine, presque déformée.

— Un accident de moto. Un chauffard l'a percutée à un croisement. Elle a perdu connaissance en arrivant aux urgences. Il y a des contusions multiples et un traumatisme crânien…

L'infirmière poursuivait son explication, énumérant les blessures, détaillant les procédures en cours, mais Regina n'entendait plus rien. Son corps bougea avant même que son esprit ne puisse analyser pleinement la situation. Elle quitta son bureau avec une urgence irrépressible, traversant les couloirs d'un pas précipité. Son cœur battait à un rythme chaotique, chaque battement résonnant dans ses tempes comme une alarme assourdissante.

Lorsqu'elle pénétra dans la salle des urgences, ses yeux balayèrent immédiatement la pièce, cherchant une silhouette qu'elle connaissait trop bien. Et lorsqu'elle la vit, allongée sur un brancard, le visage marqué par des ecchymoses violacées, une perfusion plantée dans le bras, un moniteur cardiaque émettant des bips réguliers à son chevet, une panique froide s'empara d'elle.

Elle s'approcha, tentant de masquer le tremblement de ses mains. La voir ainsi, immobile, vulnérable, brisait quelque chose en elle. Emma, cette femme d'une force indomptable, gisait là, inconsciente, et Regina n'avait aucun contrôle sur la situation.

— Elle va s'en sortir ?

Sa voix tremblait imperceptiblement lorsqu'elle interrogea le médecin urgentiste.

— Elle est stable. Le scanner montre un traumatisme crânien modéré, mais sans saignement cérébral. Quelques côtes fêlées, une entorse au poignet, des hématomes. Rien de vitalement critique.

Rien de vitalement critique. Ces mots auraient dû la rassurer. Pourtant, la douleur sourde qui lui enserrait la poitrine ne s'atténua pas. Elle s'assit lentement sur le siège à côté du lit, incapable de détacher son regard d'Emma.

Le silence s'étira, ponctué seulement par le rythme régulier des machines. Elle resta là des heures, oubliant le temps, refusant de partir. Jusqu'à ce qu'un gémissement léger brise enfin le silence.

Emma cligna plusieurs fois des paupières, luttant pour émerger de l'inconscience., puis, son regard se posa sur Regina, embué de fatigue, mais empreint d'une douceur inattendue.

— Tu es là… murmura-t-elle.

Regina sentit son cœur se contracter, mais sa réponse fusa, teintée d'une émotion qu'elle ne maîtrisait plus.

— Bien sûr que je suis là. Tu t'attendais à quoi ? Que j'aille boire un verre pendant que tu joues les inconscientes ?

Un sourire faible étira les lèvres d'Emma, et Regina sentit une vague de soulagement tempérer son anxiété.

— Je vais bien…

— Non, Emma, tu ne vas pas bien ! s'emporta Regina. Tu es sur un lit d'hôpital après un accident qui aurait pu…

Elle s'interrompit, sa voix se brisant malgré elle. Une main tremblante vint se presser contre son front, cherchant à reprendre contenance.

— J'ai cru te perdre, avoua-t-elle finalement, à mi-voix.

Emma l'observa un instant, puis tenta de parler, mais Regina ne lui en laissa pas l'occasion.

— J'ai été une idiote. J'ai passé des semaines à me convaincre que tout allait bien, que mes choix étaient les bons. J'ai essayé d'ignorer à quel point tu comptais pour moi… Mais en te voyant inconsciente, j'ai compris que je ne pouvais plus faire semblant.

Le silence s'installa, dense, chargé d'émotions inexprimées.

Emma, malgré la douleur visible sur son visage, esquissa un sourire tendre.

— Tu es en train de me dire que tu m'aimes sur un lit d'hôpital ?

Un rire nerveux s'échappa des lèvres de Regina.

— Tu es insupportable…

— Mais tu m'aimes bien quand même.

Regina serra doucement la main d'Emma, son regard brillant d'une émotion qu'elle n'avait plus peur d'exposer.

— Oui…

Emma resserra faiblement sa prise.

— C'est la meilleure chose que j'ai entendue depuis des semaines.

Regina soupira, un sourire attendri aux lèvres.

— Repose-toi. On parlera quand tu iras mieux.

Emma ferma doucement les yeux, mais le sourire sur ses lèvres demeura, et Regina sut, avec une certitude absolue, qu'il n'y aurait plus de retour en arrière possible.

Trois jours s'étaient écoulés depuis l'accident, et enfin, Emma était autorisée à rentrer chez elle. Regina avait suivi chaque étape de son rétablissement avec une vigilance qu'elle ne s'était jamais permise pour aucun autre patient. Elle avait veillé à ce que chaque examen soit effectué avec la plus grande rigueur, à ce que chaque paramètre vital soit sous contrôle, à ce qu'aucune complication ne vienne compromettre la stabilisation d'Emma. C'était une question de professionnalisme, s'était-elle répété. Une simple expression de sa conscience médicale.

Mais maintenant que l'urgence était dissipée, que la menace imminente s'était évaporée, la difficulté véritable commençait. Car il n'y avait plus de justification tangible à sa présence constante aux côtés d'Emma, plus d'excuses plausibles pour masquer l'ancrage profond de son inquiétude. Elle était là, tout simplement, parce qu'elle ne pouvait pas faire autrement. Parce qu'au fond, elle savait que quelque chose s'était joué cette nuit-là, dans cette chambre d'hôpital, lorsqu'elle avait laissé tomber les masques et confessé, dans un souffle, une vérité qu'elle s'était obstinée à refouler.

Et maintenant, elle devait en affronter les conséquences.

Elle se tenait devant la porte d'Emma, en fin d'après-midi, un sac en papier contenant des plats soigneusement préparés entre ses mains. C'était un geste simple en apparence, mais débordant de significations qu'elle n'osait pas formuler.

Elle hésita un instant avant de frapper.

La réponse fut presque immédiate.

Emma ouvrit la porte, vêtue d'un legging et d'un sweat trop ample, ses traits encore marqués par la fatigue de son rétablissement, mais illuminés par un sourire léger.

— Tu es vraiment incapable de ne pas jouer au médecin, hein ? plaisanta-t-elle en désignant le sac d'un mouvement de tête.

Regina haussa un sourcil, retrouvant une contenance dans cette légère provocation.

— C'est de la simple courtoisie, corrigea-t-elle. Je doute que tu sois en état de cuisiner.

Emma sourit, amusée par cette fausse détachement, puis s'effaça pour lui permettre d'entrer.

L'appartement baignait dans une lumière douce, la fenêtre entrouverte laissant filtrer l'air tiède du début de soirée. Regina posa le sac sur le comptoir et se retourna lentement. Son regard croisa enfin celui d'Emma.

Le silence s'étira. Ni oppressant, ni totalement serein. Une expectative suspendue entre elles.

Emma finit par s'adosser au meuble, bras croisés, l'air délibérément détendu.

— Tu es venue me voir en tant que médecin, ou en tant que… autre chose ?

Regina pinça les lèvres.

— Je suis venue te voir parce que j'en avais envie.

Un éclair de surprise traversa les traits d'Emma, vite dissimulé. Mais elle ne chercha pas à masquer la sincérité brute de sa réponse suivante.

— Alors on parle de ce qui s'est passé ?

Regina sentit son rythme cardiaque s'accélérer.

— Tu veux en parler ?

— C'est toi qui as dit que je te manquais. C'est toi qui as admis que tu ne pouvais plus ignorer ce que tu ressens. Emma la fixa intensément. Et pourtant, depuis que tu as dit ces mots, tu es en train de reculer. Je me trompe ?

Regina détourna les yeux.

Elle avait su que cette conversation était inéluctable. Pourtant, confrontée à Emma, elle sentait ses certitudes vaciller dangereusement.

— Emma… murmura-t-elle, avant de s'interrompre.

Emma poussa un soupir las, passant une main sur son visage.

— Regina, je ne te demande pas une déclaration d'amour ou une promesse, mais je veux savoir une chose : est-ce que tu es prête à tout quitter pour moi ?

Regina sentit son souffle se suspendre.

Emma ne plaisantait pas, son regard était grave, sa voix dénuée de la moindre ironie.

— Parce que moi, je ne veux pas être ton second choix, continua Emma. Je ne veux pas être celle vers qui tu te tournes quand tu es perdue, celle qui te fait te sentir vivante un instant avant que tu ne retournes à ta vie rangée avec Daniel.

Regina resta silencieuse.

Parce qu'Emma avait raison.

Parce que c'était exactement ce qu'elle faisait.

— Je… Elle inspira profondément. Je ne veux pas te blesser, Emma.

— Et tu crois que ton indécision ne me blesse pas ?

Leur regard se croisa, et Regina lut dans les yeux d'Emma une blessure plus profonde qu'elle ne l'aurait imaginé.

— Tu as peur de quitter Daniel, je le comprends, mais ne prétends pas que ton hésitation est sans conséquence. Emma fit un pas en avant. Moi aussi, je ressens quelque chose pour toi, Regina, mais je ne peux pas rester dans l'ombre de ta vie.

Leurs visages étaient à quelques centimètres.

Regina sentit la chaleur d'Emma contre elle, l'écho de son souffle.

Tout en elle criait de céder.

Mais au dernier moment, elle recula légèrement.

— J'ai besoin de temps.

Emma la regarda longuement, puis acquiesça lentement.

— Alors prends le.

Mais le sous-entendu était clair :

Le temps n'était pas infini.


Regina n'avait jamais ressenti une telle appréhension à l'idée de rentrer chez elle.

Depuis sa discussion avec Emma, le vernis fragile de sa relation avec Daniel s'était fissuré, laissant place à une réalité qu'elle ne pouvait plus ignorer. La supercherie était à son terme. Elle savait que poursuivre cette relation était un leurre, un confort illusoire auquel elle s'accrochait par peur du changement.

Mais ce soir, elle devait faire face à l'inéluctable.

Lorsqu'elle poussa la porte de l'appartement, l'odeur familière du bois ciré et du parfum de Daniel l'assaillit aussitôt. Le silence de l'endroit accentuait son malaise, comme si chaque objet était en suspens, attendant l'orage.

Daniel était assis sur le canapé, une bière à la main, le regard perdu dans les lueurs bleutées de la télévision. Lorsqu'il la vit entrer, il esquissa un sourire fatigué, l'air de quelqu'un qui sent venir le dénouement sans vouloir l'affronter.

— Tu rentres tard.

Regina referma la porte, inspirant profondément, rassemblant son courage.

— On doit parler.

Daniel soupira, posant sa bière sur la table basse. Son regard s'assombrit, son corps se tendit, signe qu'il était prêt à encaisser une vérité qu'il préférait ignorer.

— Je t'écoute.

Elle s'approcha lentement, sentant son cœur cogner contre sa poitrine. Chaque mot qu'elle allait prononcer serait un pas de plus vers l'inconnu.

— Je veux qu'on arrête, Daniel.

Un silence brutal s'installa, déchirant.

Daniel fronça les sourcils, comme si les mots étaient une équation qu'il ne parvenait pas à résoudre.

— Quoi ?

Regina s'efforça de maintenir son regard, refusant de reculer devant la vérité.

— Je ne suis plus heureuse. Je ne l'ai pas été depuis longtemps.

Daniel se redressa, son corps adoptant une posture plus rigide, ses traits se crispant sous l'impact de ses paroles.

— C'est à cause de ton accident, c'est ça ? Depuis ce jour-là, tu es distante. Je sais que ça a été un choc, mais…

— Non, Daniel, ce n'est pas ça, coupa-t-elle, sa voix plus dure qu'elle ne l'aurait voulu. C'est nous. C'est cette relation qui ne fonctionne plus. On est devenus des colocataires, pas un couple.

Il se leva brusquement, sa bière basculant sur le tapis dans un bruit sourd. Le liquide ambré s'étala en une flaque insidieuse, mais aucun d'eux n'y prêta attention.

— Tu veux tout gâcher comme ça ?! s'emporta-t-il, la voix tremblante de colère. Après tout ce qu'on a construit ensemble ?!

Regina recula d'un pas, surprise par l'énergie soudaine qu'il dégageait.

— Construire quoi, Daniel ? On vit ensemble comme deux étrangers, on ne se parle plus vraiment. Je ne peux pas continuer à faire semblant.

Son regard s'obscurcit davantage, et elle vit le moment où le soupçon l'assaillit.

— Et tu veux quoi, Regina ? Être seule ?

Il la fixa, cherchant une vérité qu'il craignait déjà.

— Ou alors c'est quelqu'un d'autre ?

Elle se figea, et dans ce silence, la réponse lui apparut avec une cruauté insupportable.

Daniel explosa.

— Putain, Regina ! Il frappa la table du plat de la main, un bruit sec résonnant dans la pièce. Je fais tout pour essayer de nous sauver et toi, tu cours ailleurs ?!

— Ce n'est pas ça.

— Alors explique-moi ! hurla-t-il en s'avancçant vers elle, poings serrés. Explique-moi pourquoi tu veux tout foutre en l'air !

Elle ouvrit la bouche, mais il était trop tard.

D'un geste brusque, incontrôlé, il leva la main et la frappa.

L'impact fut brutal, laissant un silence assourdissant derrière lui.

Regina chancela, portant machinalement une main tremblante à sa joue où la douleur irradiait.

Daniel se figea, le regard horrifié par son propre geste.

— Regina… murmura-t-il, la voix brisée.

Mais elle ne l'écoutait plus.

Tout son être était consumé par une seule émotion : une rage froide, une certitude absolue.

Elle avait pris la bonne décision.

Elle ne perdit pas une seconde.

Sans un mot, elle tourna les talons, attrapa son sac et quitta l'appartement, laissant Daniel face à sa culpabilité.

Elle marcha longtemps dans la nuit, sans savoir où aller. Sa joue lui faisait mal, mais c'était le cadet de ses soucis.

Regina avait différé ce moment avec toute la rigueur d'une pensée analytique.


Quelques jours plus tard, elle savait qu'elle devait s'entretenir avec Emma et formuler une explication cohérente, mais la mise en mots de ses émotions représentait un obstacle insurmontable. Chaque tentative de rédaction d'un message se soldait par une hésitation prolongée, conséquence directe de son appréhension. Elle redoutait la nécessité d'articuler les complexités d'un ressenti qui, jusqu'à présent, n'avait été qu'une abstraction floue. Son esprit lui soufflait qu'en évitant la confrontation, elle pourrait contenir les conséquences d'une réalité pourtant irréfutable.

Mais cette posture ne tenait plus. L'impératif du dialogue s'imposait avec une force indéniable.

Regina : Puis-je te voir ?

Quelques secondes suffirent pour recevoir une réponse laconique.

Emma : Bien sûr. Tu veux passer chez moi ?

Regina expira longuement, ressentant l'ampleur de l'instant.

Regina : J'arrive.

Le trajet jusqu'à l'appartement d'Emma se dilata dans une temporalité subjective, étirée par l'appréhension. Chaque signal lumineux, chaque passage piéton constituait une pause supplémentaire dans le cours inéluctable des événements. Son esprit rationnel tentait de structurer un discours ordonné, mais les tentatives de formulation ne parvenaient qu'à accroître son anxiété. Elle se savait incapable de se dérober plus longtemps.

Arrivée devant l'immeuble, elle prit une inspiration profonde et leva les yeux vers la fenêtre éclairée. L'échéance était là.

Lorsque la porte s'ouvrit, elle fut accueillie par un Emma au regard attentif. Une fatigue sous-jacente était perceptible, mais son intensité demeurait intacte.

— Entre, dit-elle sobrement.

Regina obtempéra, son cœur battant plus fort qu'elle ne l'aurait voulu. Emma referma la porte et la fixa avec une acuité troublante, analysant probablement ce qui se tramait sous la surface du silence.

— Tu vas bien ?

Regina esquissa un hochement de tête, avant de le contredire immédiatement en secouant la tête, un rire amer s'échappant malgré elle.

— Non. En réalité, non.

Emma s'avança légèrement, une tension visible au creux de ses sourcils.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Regina passa une main nerveuse dans ses cheveux, marquant un silence avant de répondre.

— J'ai quitté Daniel.

Emma haussa les sourcils, l'expression traversée d'une surprise manifeste.

— Tu…

— Il m'a frappée.

Un silence absolu s'imposa, comme si l'espace même avait cessé d'exister. Regina vit les muscles d'Emma se contracter imperceptiblement, ses poings se refermant lentement.

— Quoi ?

L'intensité de la réaction d'Emma poussa Regina à détourner le regard.

— Le soir où je suis partie, précisa-t-elle d'une voix maîtrisée, j'ai voulu lui dire que tout était terminé. Il a perdu son sang-froid et m'a frappée.

Emma inspira profondément, tentant visiblement de contrôler l'impulsion d'une réponse plus violente. L'effort qu'elle fournissait pour ne pas céder à la colère était manifeste. Ses épaules se soulevèrent légèrement alors qu'elle tentait de stabiliser sa respiration.

— Tu as porté plainte ?

— Non.

Emma recula d'un pas, secouant la tête lentement, comme si elle cherchait à contenir une exaspération grandissante.

— Regina, tu ne peux pas ignorer cela. Ce qu'il a fait est inacceptable.

— Je veux juste avancer, Emma. Je ne veux pas que cet instant définisse qui je suis.

Emma ferma brièvement les yeux avant de les rouvrir, plus perçante que jamais.

— Mais il l'a fait, insista-t-elle. Tu peux prétendre que ce n'est qu'un incident isolé, mais il l'a fait.

Un silence pesant s'installa. Regina perçut sous la colère d'Emma une autre émotion plus subtile : l'inquiétude. Une peur dissimulée derrière la frustration.

Finalement, Emma soupira et s'approcha lentement. Elle posa une main légère sur le bras de Regina, un contact à la fois discret et significatif.

— Je suis là. Peu importe ce dont tu as besoin.

Regina releva les yeux vers elle et perçut une forme de promesse, une constance qu'elle n'avait jamais espérée recevoir.

— Emma…

Elle hésita un instant avant d'ajouter :

— Je ne veux pas que tu penses que je cherche seulement un refuge. Que tu es un simple échappatoire.

Emma scruta ses traits avec attention, comme pour y déceler une faille, une hésitation cachée.

— Alors prouve-le-moi.

Regina sentit une onde la traverser. Elle inspira lentement, prenant la mesure de ce qui se jouait en cet instant précis.

Et pour la première fois depuis bien longtemps, elle sut qu'elle était prête à affronter ce qu'elle ressentait réellement.


Regina aurait voulu croire que tout était derrière elle. Que la rupture avec Daniel marquait la fin d'un chapitre douloureux. Que le baiser échangé avec Emma était une promesse d'avenir, un tournant décisif. Mais la réalité ne tarda pas à la rattraper, implacable et insidieuse. La liberté nouvellement acquise semblait n'être qu'une illusion fragile, menacée par un passé qui refusait de s'effacer.

Tout avait commencé par des messages empreints de regret et de contrition.

Daniel : Je suis désolé pour tout, Regina. J'ai perdu mon sang-froid. Je ne voulais pas te blesser.

Elle avait choisi d'ignorer.

Puis étaient venues les suppliques, des tentatives maladroites de raviver un lien déjà rompu.

Daniel : Tu ne peux pas juste tout effacer comme ça. Nous avons vécu trop de choses ensemble pour que cela se termine ainsi. Je t'aime.

Elle avait persisté dans son silence.

Mais bientôt, la tonalité changea. Les paroles douces firent place à une insistance menaçante.

Daniel : Tu crois que tu peux m'effacer de ta vie ? Que je vais disparaître comme si je n'avais jamais existé ?

Puis, enfin, vinrent les messages qui la firent frissonner d'inquiétude.

Daniel : Je sais que tu vois quelqu'un. Tu crois que ça va durer ?

Elle sentit son sang se glacer. Comment pouvait-il savoir ? L'espionnait-il ? Était-ce une simple intuition ou une menace sous-jacente ?

Elle voulait croire que Daniel ne franchirait pas cette ligne. Mais pouvait-elle en être certaine ?


Ses nuits devinrent plus courtes, ponctuées de réveils en sursaut. Chaque vibration de son téléphone lui donnait des sueurs froides. Elle vérifia plusieurs fois si les portes étaient bien verrouillées avant de dormir. L'angoisse insidieuse s'immisçait en elle comme un poison lent.

Regina tenta de poursuivre sa routine, de ne pas laisser ces messages perturber l'équilibre précaire qu'elle reconstruisait, mais Emma la connaissait trop bien pour ne pas percevoir ce trouble dissimulé sous un masque de normalité. Chaque séance de Zumba était devenue une épreuve de concentration : ses gestes étaient moins fluides, son regard fuyant.

Un soir, alors qu'elles partageaient un café après le service, Emma la fixa longuement avant de parler.

— Regina, qu'est-ce qui se passe ?

— Rien, répondit Regina, trop vite.

Emma posa sa tasse avec une lenteur calculée, croisa les bras et fixa Regina d'un regard perçant.

— Ne me mens pas. Tu es ailleurs depuis plusieurs jours. Je le vois.

Regina soupira, hésitant un instant. Elle voulait gérer cela seule. Mais c'était Emma.

Elle sortit son téléphone et lui montra les messages.

Emma parcourut l'écran, son expression devenant de plus en plus sombre. Lorsqu'elle releva les yeux, ses traits étaient durs, son regard brûlant de colère contenue.

— Tu plaisantes ? Il te harcèle, Regina !

— Il est en colère, c'est normal.

— Non, ce qui n'est pas normal, c'est qu'il continue à t'envoyer ce genre de messages alors que tu as clairement mis fin à votre relation.

Regina détourna le regard.

— Il finira par se lasser.

Emma secoua la tête, furieuse.

— Et s'il ne le fait pas ? Tu crois vraiment qu'il va juste disparaître ?

— Je ne veux pas en faire une affaire, Emma.

— Et moi, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, répliqua Emma avec une intensité qui fit frissonner Regina.

Un silence pesa entre elles.

— Tu devrais porter plainte, ajouta Emma doucement.

— Je ne veux pas.

Emma inspira profondément, visiblement frustrée.

— Alors bloque-le au moins. Coupe tout contact.

Regina hésita. Bloquer son numéro serait une déclaration définitive, une façon d'admettre qu'il y avait bien un problème. Mais sous le regard insistant d'Emma, elle prit son téléphone et appuya sur l'option fatidique.

Emma relâcha un souffle qu'elle semblait retenir.

— Merci.

Mais Regina savait que ce n'était pas terminé


Le lendemain, alors qu'elle terminait une consultation, une infirmière frappa à la porte de son bureau.

— Docteur Mills, il y a quelqu'un qui insiste pour vous voir.

Regina releva la tête, fronçant légèrement les sourcils.

— Je n'ai pas de rendez-vous prévu.

— C'est… votre conjoint. Il dit que c'est urgent.

Un frisson glacial la traversa.

— Dites-lui que je ne peux pas le recevoir.

L'infirmière hésita, son malaise visible.

— Il refuse de partir. Il attend à l'accueil.

Regina sentit son estomac se nouer.

— J'arrive.

Elle inspira profondément, se préparant au combat, avant de sortir de son bureau.

Daniel se tenait là, à l'accueil, sa posture tendue, son regard empreint d'une détermination inquiétante. Lorsqu'il la vit approcher, il s'avança immédiatement vers elle, ignorant les regards curieux des patients et du personnel.

— On doit parler.

— Il n'y a plus rien à dire, Daniel.

— Ne me fais pas ça, Regina. Tu sais que tu ne peux pas tout effacer comme ça.

Elle croisa les bras, tentant de contenir la colère qui montait en elle.

— Je ne t'efface pas. J'avance, et tu devrais en faire autant.

Un rictus amer déforma son visage.

— Avec elle ? cracha-t-il.

Regina tressaillit.

— De quoi tu parles ?

— Je sais que tu la vois. Emma Swan.

La façon dont il prononça son nom lui donna envie de vomir.

— Ce qui se passe dans ma vie ne te regarde plus.

Daniel éclata d'un rire froid.

— C'est ça ? Après tout ce qu'on a vécu, tu passes à autre chose aussi vite ? Comme si je n'avais jamais compté ?

Regina sentit une colère sourde la submerger.

— Tu m'as giflée, Daniel. Ce soir-là, tu as tout détruit.

Un instant, il sembla vouloir nier, puis, il soupira et se passa une main sur le visage, feignant un air désolé.

— Je t'aime, Regina.

— Et moi je t'ai aimé, mais je ne t'aime plus.

Silence.

— Et je ne te laisserai plus jamais me faire du mal.

Elle s'attendait à plus de colère, plus d'insistance. Mais Daniel recula lentement, secouant la tête.

— Tu vas regretter ça.

Puis il tourna les talons et quitta l'hôpital. Regina resta figée quelques secondes, son cœur battant à tout rompre. Mais alors qu'elle inspirait profondément, elle ressentit un soulagement inattendu. C'était terminé. Ou du moins, elle voulait y croire.


Le soir-même, chez Emma.

Regina lui raconta tout.

Emma écouta en silence, son visage impassible, mais ses poings serrés sur ses genoux trahissaient la rage qu'elle contenait.

Si jamais il revient, tu m'appelles. D'accord ?

Regina esquissa un sourire.

Tu vas me protéger, Swan ?

Toujours.

Emma tendit la main et effleura doucement la sienne.

Regina la serra sans réfléchir.

Et à cet instant, elle sut que cette fois, elle était vraiment libre.

Et qu'elle n'était plus seule.

Leur relation s'était construite sur des silences lourds de sens, des regards trop prolongés et une tension qui ne faisait que croître au fil du temps. Elles s'étaient cherchées, évitées, retrouvées dans des circonstances toujours plus intenses, oscillant entre le besoin d'avancer et la peur de céder.

Mais ce soir-là, il n'y avait plus d'excuses. Plus de barrières. Seulement l'inévitable.

Regina aurait été incapable de dire comment elles en étaient arrivées là. Tout avait commencé par un simple dîner chez Emma, un moment en apparence ordinaire, comme elles en avaient partagé plusieurs ces dernières semaines. Pourtant, une tension plus diffuse, plus sourde, imprégnait chaque échange. Chaque regard échangé semblait porter un poids invisible, chaque sourire contenait une promesse implicite.

Les minutes s'étaient étirées, le repas s'était prolongé, les conversations s'étaient faites plus intimes, comme si elles repoussaient inconsciemment la fin de la soirée. Il y avait eu des rires, des souvenirs échangés, des silences suspendus qui en disaient plus long que n'importe quelle parole. Puis, sans qu'aucune d'elles ne le décide réellement…

Un regard trop intense. Un souffle retenu. Un frisson au moment où leurs doigts s'étaient frôlés sur la table, où l'électricité statique de ce contact avait semblé les clouer sur place.

Regina aurait pu reculer. Mais elle en avait assez de reculer.

Cette fois, elle s'était laissée faire.

Emma s'était approchée, lentement, avec cette douceur mesurée, cette précaution qui laissait à Regina la possibilité de s'éloigner si elle le voulait. Mais elle n'avait pas bougé. Son cœur battait trop fort, et l'espace entre elles semblait se réduire sans qu'aucune ne prenne réellement l'initiative.

Lorsque leurs lèvres s'étaient enfin rencontrées, ce fut comme une déflagration silencieuse, un embrasement longtemps contenu. Un souffle coupé. Un vertige délicieux.

Le premier baiser fut doux, hésitant, comme une question posée du bout des lèvres. Un effleurement timide, une caresse incertaine.

Puis, en une fraction de seconde, la retenue vola en éclats.

Emma agrippa la nuque de Regina et l'attira contre elle avec une intensité irrépressible, approfondissant le baiser avec une urgence qu'elles partageaient toutes les deux. Regina sentit son souffle s'accélérer, sa peau s'échauffer sous la montée du désir. Elle s'accrocha instinctivement aux hanches d'Emma, cherchant un point d'ancrage dans la tempête qu'elles déchaînaient l'une sur l'autre.

Le désir était brut, électrique, un feu longtemps contenu qui désormais les consumait sans retenue. Chaque contact était une révélation, chaque frémissement une invitation à explorer davantage. Emma glissa ses mains le long du dos de Regina, la pressant contre elle avec une ferveur qui laissa Regina haletante.

Pourtant, sous cette ardeur, il y avait autre chose.

Quelque chose de plus profond.

Quelque chose qui l'effrayait autant qu'il l'attirait.

Regina sentit une vague de vulnérabilité l'envahir alors qu'elle se laissait aller à cette étreinte. Ce n'était pas juste du désir, pas juste un moment de passion fugace. C'était une avancée vers quelque chose de plus grand, de plus significatif. Emma semblait le comprendre aussi, car malgré l'urgence du baiser, il y avait une douceur sous-jacente, une patience inébranlable.

Elles reculèrent à peine, le temps d'un souffle, leurs regards se croisant dans une compréhension muette, un instant suspendu entre la nécessité et la crainte de ce qui allait suivre.

Puis Emma murmura contre ses lèvres, sa voix rauque et légèrement tremblante :

— Dis-moi d'arrêter si tu n'es pas prête.

Regina sentit un frisson lui parcourir l'échine. Elle aurait pu répondre mille choses. Elle aurait pu chercher une excuse, invoquer la peur d'aller trop vite. Mais en réalité, il n'y avait pas de peur. Il n'y avait que la certitude brûlante que ce moment était inévitable.

Elle plongea son regard dans celui d'Emma, y lisant une sincérité qui la fit chavirer.

— Je suis prête, souffla-t-elle, sa voix à peine plus qu'un murmure.

Cette fois, ce fut elle qui combla la distance, qui captura les lèvres d'Emma avec une ferveur déterminée, l'entraînant irrémédiablement vers ce point de non-retour.

Le reste se passa dans une succession de gestes fiévreux, de vêtements qui glissèrent au sol, de soupirs échappés dans l'obscurité. Emma l'embrassa avec une tendresse qui contrastait avec l'intensité du moment.

Regina ne s'était jamais sentie aussi vulnérable. Aussi vivante.

Elles s'explorèrent lentement, apprenant le langage du corps de l'autre, savourant chaque contact comme une découverte précieuse. Regina sentit des frissons parcourir sa peau sous les caresses d'Emma, un mélange de douceur et de passion. Elle se laissa aller, laissant Emma la guider dans cette danse qu'elles attendaient depuis trop longtemps.

Et quand elles atteignirent cet instant où plus rien d'autre n'existait, Regina sut que quelque chose avait changé. Que plus rien ne serait comme avant.


Le matin arriva bien trop vite.

Regina ouvrit les yeux en sentant une chaleur familière à ses côtés. Emma était là, encore assoupie, une main posée sur son ventre, leur proximité évidente dans la douce lumière du matin.

Regina observa son visage détendu, la respiration lente et régulière. Un sentiment étrange lui serra la poitrine. C'était différent de tout ce qu'elle avait connu. Plus réel. Plus effrayant.

Elle inspira profondément, essayant d'ignorer cette boule d'émotions qui menaçait de l'envahir. Mais Emma remua légèrement et ouvrit les yeux, croisant immédiatement son regard.

— Salut, murmura-t-elle, la voix encore empreinte de sommeil.

Regina sentit son cœur se serrer.

— Salut.

Emma observa son expression un instant avant de parler doucement :

— Tu regrettes ?

Regina secoua immédiatement la tête.

— Non.

Un soupir de soulagement échappa à Emma.

Mais Regina savait que ce n'était pas la seule question suspendue entre elles. Et Emma, toujours aussi intuitive, l'exprima à voix haute.

— Alors… qu'est-ce que ça signifie ?

Regina détourna brièvement les yeux, cherchant ses mots.

— Je ne veux pas que ce soit juste… un moment hors du temps.

— Ce n'est pas ça pour moi non plus, répondit Emma sans hésitation.

Regina releva les yeux vers elle, cherchant une confirmation silencieuse. Elle la trouva dans l'intensité du regard d'Emma. Dans la manière dont elle la regardait, comme si elle était la seule personne qui comptait à cet instant.

Et Regina sut qu'elle n'avait plus à lutter contre ce qu'elle ressentait.

Elle laissa échapper un léger sourire et murmura :

— Alors, on verra où ça nous mène.

Emma sourit à son tour, déposant un baiser léger sur ses lèvres.

— Ça me va.

Et alors que Regina se laissait aller contre elle, pour la première fois depuis longtemps, elle se sentit enfin à sa place.

Le silence du matin était paisible, entrecoupé uniquement par la respiration régulière d'Emma et le faible bruissement des draps.

Regina n'avait pas bougé.

Elle restait allongée sur le côté, le regard posé sur Emma, qui l'observait en retour, un sourire discret aux lèvres.

Il y avait quelque chose d'irréel dans cet instant.

Comme si le temps s'était suspendu, les laissant flotter entre hier et demain.

Mais elles ne pouvaient pas rester dans cette bulle indéfiniment.

Et Regina le savait.

Emma aussi.

C'est pour ça que, malgré leur proximité, elle semblait légèrement tendue.

Comme si elle attendait quelque chose.

Comme si elle craignait que Regina ne brise cet équilibre naissant.

Regina le voyait dans la manière dont Emma évitait de poser la question directement.

Dans la manière dont ses doigts effleuraient doucement son poignet, hésitants.

Alors, cette fois, ce fut elle qui prit les devants.

Elle attrapa délicatement la main d'Emma, entrelaçant leurs doigts, et souffla :

Je ne vais nulle part.

Emma cligna des yeux, surprise par la certitude dans sa voix.

Regina…

Non, écoute-moi. Regina s'humecta les lèvres, cherchant ses mots. Je sais que j'ai hésité. Que j'ai pris du temps à comprendre ce que je voulais vraiment.

Elle caressa doucement la main d'Emma, sentant son pouls s'accélérer légèrement.

Mais maintenant, je le sais.

Elle prit une inspiration tremblante avant de plonger son regard dans celui d'Emma.

C'est toi.

Emma sembla retenir son souffle.

Regina continua, plus doucement :

C'est toi que je veux. Pas parce que je cherche à fuir, pas parce que j'ai peur d'être seule. Pas pour combler un vide.

Elle effleura la joue d'Emma du bout des doigts, sentant la douceur de sa peau sous sa paume.

Mais parce que quand je suis avec toi… Elle fit une pause, son cœur battant plus fort. Je me sens vivante.

Emma relâcha enfin un soupir qu'elle ne semblait même pas réaliser qu'elle retenait.

Un sourire sincère et ému étira ses lèvres.

Tu es sûre ? murmura-t-elle, sa voix légèrement tremblante.

Regina hocha lentement la tête.

Je n'ai jamais été aussi sûre de quelque chose de toute ma vie.

Emma la scruta un instant, cherchant peut-être une hésitation, une faille.

Mais elle n'en trouva aucune.

Alors, lentement, elle se rapprocha et l'embrassa.

Ce baiser-là était différent.

Moins pressé, moins urgent.

Il était tendre, sincère, empreint de tout ce qu'elles n'avaient pas encore mis en mots.

Regina s'y abandonna complètement, serrant Emma un peu plus fort contre elle, comme pour lui prouver que tout cela était bien réel.

Quand elles se séparèrent, leurs fronts restèrent collés l'un à l'autre.

Emma sourit contre ses lèvres et murmura :

Je crois que j'attendais ça depuis longtemps.

Regina esquissa un sourire en retour, caressant doucement sa joue.

Alors je crois qu'on a du temps à rattraper.

Et cette fois, aucune des deux ne douta plus.

Le début de leur relation s'était fait dans une sorte d'évidence silencieuse.


Après leur première nuit ensemble, il n'y avait pas eu de grande discussion, ni de promesses précipitées.

Juste une certitude partagée.

Elles étaient ensemble.

Et pour la première fois, Regina n'avait pas peur de le dire.

Mais apprendre à être en couple avec Emma, c'était un tout autre défi.

Le quotidien s'installait doucement entre elles.

Emma passait de plus en plus de temps chez Regina, d'abord en laissant quelques affaires, puis en s'invitant sans vraiment le prévoir.

Un jour, Regina ouvrit son armoire pour découvrir qu'Emma y avait discrètement rangé un sweat et un jean.

Elle haussa un sourcil, attrapant le vêtement pour l'examiner.

Tu comptes t'installer ici sans me demander mon avis ?

Emma, qui était en train de faire du café dans la cuisine, leva les yeux vers elle avec un sourire innocent.

Tu veux que je les reprenne ?

Regina la fixa quelques secondes avant de soupirer et de remettre les vêtements en place.

Fais comme chez toi, Swan.

Emma sourit, satisfaite.

C'est déjà le cas, Mills.

Regina se pinça les lèvres, tentant de cacher son sourire.

Oui, c'était déjà le cas.


Ruby et Kathryn n'avaient pas tardé à organiser une soirée "célébration" du fait que Régina avait rompu enfin avec Daniel.

Le restaurant était chaleureux, bruyant, bondé.

Regina était habituée à ce genre d'ambiance. Mais ce soir-là, quelque chose était différent.

Emma était assise juste à côté d'elle, et malgré la conversation animée entre Ruby et Kathryn, elle pouvait sentir sa présence, la chaleur de sa main qui frôlait la sienne sous la table.

À un moment, Ruby posa son verre et les fixa avec un sourire en coin.

Alors ? Vous allez nous en parler ou on doit deviner ?

Regina releva la tête, sentant immédiatement la chaleur monter à ses joues.

De quoi tu parles ?

Kathryn haussa un sourcil, amusée.

De cette alchimie flagrante entre vous deux. Sérieusement, c'est quoi, maintenant ? Vous êtes ensemble ?

Le silence s'installa un instant.

Regina sentit tous les regards se poser sur elle.

Elle ouvrit la bouche, cherchant comment répondre sans que son estomac ne se noue.

Mais Emma, à côté d'elle, ne semblait pas avoir ce problème.

Elle attrapa la main de Regina sur la table et entrelaça leurs doigts, lançant un regard moqueur à Ruby.

C'est pas évident ?

Ruby éclata de rire.

Oh, ça l'est, mais je voulais voir si Regina allait l'admettre à voix haute.

Regina jeta un regard noir à son amie, puis baissa les yeux vers leurs mains entrelacées.

L'espace d'un instant, elle hésita.

Mais elle n'avait pas envie de se cacher.

Pas cette fois.

Elle serra doucement la main d'Emma et répondit simplement :

Oui. On est ensemble.

La réaction de Ruby fut un mélange de cris de joie et d'applaudissements exagérés.

Enfin !

Kathryn leva son verre avec un sourire sincère.

À vous deux.

Regina sentit un poids quitter ses épaules alors que tout le monde reprenait la conversation comme si de rien n'était.

C'était fait.

Et ça faisait du bien.

Mais si Regina assumait pleinement être avec Emma, il y avait encore des choses qu'elle n'arrivait pas à faire.

Comme montrer son affection en public.

Emma, elle, n'avait aucun problème à effleurer sa main en marchant, à poser une main dans son dos, à se pencher pour l'embrasser sur la joue au détour d'une phrase.

Mais Regina…Elle se crispait parfois. Elle se détachait instinctivement.

Un soir, alors qu'elles se baladaient après une journée bien remplie, Emma attrapa doucement sa main.

Regina la laissa faire, mais au bout de quelques secondes, elle finit par la retirer, mal à l'aise.

Emma s'arrêta immédiatement.

Ça te dérange ?

Regina soupira, passant une main dans ses cheveux.

Non… enfin, je ne sais pas. Je ne suis pas habituée.

Emma hocha la tête, mais son regard se fit plus sérieux.

Regina, est-ce que tu as honte d'être avec moi ?

Le ton n'était pas accusateur, mais Regina sentit son estomac se nouer.

Bien sûr que non.

Alors pourquoi ça te gêne autant ?

Regina détourna le regard, cherchant ses mots.

Ce n'est pas toi. C'est moi. J'ai toujours été dans des relations où… ce genre de choses ne se faisait pas. Et maintenant que je suis avec toi, j'ai peur de mal faire, de ne pas être assez bien.

Emma la fixa un instant, puis soupira en croisant les bras.

Je ne veux pas que tu changes qui tu es, Regina. Mais si tu es avec moi, j'ai besoin de sentir que tu es avec moi. Pas seulement en privé, mais aussi en dehors. Je ne te demande pas de m'embrasser en pleine rue, juste… d'être à l'aise avec ça.

Regina baissa les yeux, se sentant stupide.

Elle ne voulait pas blesser Emma.

Alors, sans réfléchir, elle fit un pas en avant et prit doucement sa main dans la sienne.

Emma leva un sourcil, surprise.

Tu n'es pas obligée.

Je sais, murmura Regina. Mais je veux essayer.

Un sourire tendre étira les lèvres d'Emma.

Elle serra doucement ses doigts et répondit simplement :

D'accord.

Et alors qu'elles continuaient à marcher, main dans la main, Regina se surprit à apprécier cette sensation.

Peut-être qu'elle pouvait y arriver.

Pas tout de suite, pas sans difficulté.

Mais avec Emma, elle voulait essayer.

Le bonheur avait commencé à s'installer dans la vie de Regina.

Elle et Emma trouvaient leur équilibre. Elles s'habituaient l'une à l'autre, apprenaient à naviguer dans cette relation naissante avec patience et sincérité.

Regina se sentait plus légère, plus elle-même qu'elle ne l'avait été depuis des années.


Mais le passé avait une manière vicieuse de s'inviter dans les moments où tout semblait enfin stable.

Et ce jour-là, il revint sous la forme d'un message.

Daniel : On doit parler.

Regina fixa l'écran de son téléphone, le cœur battant plus fort.

Elle aurait dû l'ignorer.

Elle aurait dû supprimer le message sans même y penser.

Mais elle sentit ce doute insidieux s'infiltrer en elle.

Non pas sur son choix.

Mais sur ce que Daniel pouvait encore avoir à lui dire.

Et si elle ne lui répondait pas, allait-il trouver une autre façon de la contacter ?

Devait-elle l'affronter une dernière fois pour mettre un point final à cette histoire ?

Elle hésita quelques secondes avant de taper une réponse.

Regina : Je n'ai rien à te dire.

Il répondit immédiatement.

Daniel : Moi, si.

Regina ne parla pas du message tout de suite.

Mais Emma sentit immédiatement que quelque chose clochait.

Le soir même, alors qu'elles étaient allongées ensemble sur le canapé, Emma jouant distraitement avec les doigts de Regina, elle fronça les sourcils.

Tu es ailleurs, Mills.

Regina soupira, se redressant légèrement.

Ce n'est rien.

Emma lui lança un regard.

Tu veux essayer encore une fois ? Avec une vraie réponse cette fois ?

Regina hésita, puis finit par tendre son téléphone à Emma, le message de Daniel encore affiché sur l'écran.

Emma le lut, et immédiatement, son expression se durcit.

Il veut te voir ?

Je n'ai pas l'intention de répondre.

Tu ne comptes pas le voir, hein ?

Regina sentit la tension dans la voix d'Emma, et cela lui fit réaliser quelque chose.

Emma était inquiète.

Pas jalouse.

Pas possessive.

Mais véritablement inquiète pour elle.

Non, répondit-elle avec sincérité. Je ne veux pas lui donner cette satisfaction. Mais… Elle prit une inspiration. Je veux m'assurer qu'il me laisse tranquille.

Emma serra les mâchoires.

Et s'il ne le fait pas ?

Regina posa une main sur son bras pour l'apaiser.

Alors je mettrai un point final, cette fois pour de bon.

Emma la fixa un moment, puis hocha lentement la tête.

D'accord. Mais tu ne fais pas ça seule.

Regina esquissa un sourire.

Je peux gérer Daniel.

Je n'en doute pas. Emma haussa un sourcil. Mais je serai là quand même.

Et Regina sut qu'elle ne pourrait jamais la convaincre du contraire.

Deux jours plus tard, elle reçut un autre message.

Daniel : Je t'attendrai devant l'hôpital ce soir. Cinq minutes. C'est tout ce que je demande.

Cette fois, Regina ne recula pas.

Elle n'avait pas peur.

Elle n'avait plus peur.

À la sortie de son service, Emma était là, fidèle à sa parole.

Regina s'arrêta près d'elle.

Il m'attend.

Emma hocha la tête, mais ne bougea pas.

Je te laisse y aller. Mais je reste là.

Regina esquissa un sourire.

Merci.

Puis elle avança vers Daniel.

Il était là, appuyé contre un lampadaire, l'air fatigué, le regard moins dur que la dernière fois.

Tu es venue, dit-il en la voyant approcher.

Fais vite, Daniel. Je n'ai pas toute la soirée.

Il poussa un soupir et passa une main dans ses cheveux.

Je voulais juste comprendre. Pourquoi tu es passée à autre chose si vite ?

Regina croisa les bras.

Parce que c'était déjà terminé bien avant que je parte. Tu le sais.

Il baissa les yeux, secoua la tête.

Je t'aimais, Regina.

Elle ferma les yeux un instant avant de répondre :

Alors pourquoi tu m'as frappée ?

Le silence tomba brutalement.

Daniel blêmit légèrement, puis détourna le regard.

C'était une erreur.

Non. Regina secoua la tête. C'était la fin.

Il sembla chercher quelque chose à dire, mais elle ne lui en laissa pas le temps.

Je ne suis pas venue pour t'offrir une rédemption, Daniel. Je suis venue pour que ce soit clair : il n'y a plus rien entre nous. Il n'y en aura plus jamais.

Daniel la fixa un instant, puis son regard glissa derrière elle.

Emma, qui attendait non loin.

Il la reconnut immédiatement.

C'est elle, hein ?

Regina ne détourna pas les yeux.

Oui.

Il laissa échapper un rire amer.

Tu crois qu'elle est différente ?

Regina sourit doucement, mais il y avait une fermeté froide dans sa voix lorsqu'elle répondit :

Je sais qu'elle l'est.

Daniel expira, secoua la tête, et sembla enfin comprendre.

Alors je suppose que c'est la fin.

Regina hocha la tête.

Oui. Et cette fois, c'est définitif.

Il ne chercha pas à la retenir.

Il la regarda une dernière fois, puis tourna les talons et s'éloigna.

Regina le regarda partir, et avec chaque pas qu'il faisait, elle sentit un poids s'alléger.

Elle n'avait plus peur.

Elle n'avait plus d'attaches.

Elle était enfin libre.

Lorsqu'elle revint vers Emma, cette dernière l'observa avec un regard interrogateur.

C'est fini, dit Regina avant même qu'elle ne pose la question.

Emma hocha la tête, puis, sans prévenir, elle l'attira contre elle, pressant un baiser contre son front.

Tu es sûre que ça va ?

Regina sourit, sentant une chaleur réconfortante l'envahir.

Je vais mieux que jamais.

Emma l'embrassa doucement, et cette fois, Regina y répondit sans hésitation.

C'était fini.

Le passé appartenait au passé.

Et avec Emma, elle pouvait enfin se tourner vers l'avenir.


L'invitation était arrivée sur le bureau de Regina sous la forme d'une enveloppe élégante, portant le sceau officiel de l'hôpital.

« Gala annuel de bienfaisance – Une soirée pour honorer l'excellence médicale. »

Un événement prestigieux, où tous ses collègues et supérieurs seraient présents.

Regina avait d'abord hésité à y aller.

Mais Ruby l'avait convaincue.

Tu es une des meilleures chirurgiennes de l'hôpital, Mills. Ils vont probablement te féliciter publiquement. Tu ne peux pas manquer ça.

Regina savait que Ruby avait raison.

Mais ce n'était pas le gala en lui-même qui la rendait nerveuse.

C'était une autre question bien plus intime.

Devait elle y aller seule… ou avec Emma ?

Elles n'avaient pas encore vraiment officialisé leur relation en dehors de leur cercle proche.

Avec Ruby et Kathryn, tout était simple.

Mais là, il s'agissait d'un événement professionnel.

De son image.

Regina se demandait si elle était prête à s'afficher aux yeux du monde comme la femme qui aimait Emma Swan.

Elle tourna et retourna la question dans sa tête pendant des jours.

Finalement, ce fut Emma qui brisa le silence.

Alors qu'elles dînaient ensemble, Emma posa son verre de vin et la fixa avec un regard interrogateur.

Tu veux que je sois là, oui ou non ?

Regina se tendit légèrement.

Bien sûr que je veux que tu sois là.

Emma haussa un sourcil, attendant la suite.

Regina soupira, jouant avec la tige de sa fourchette.

C'est juste… c'est un événement important. Il y aura tous mes collègues, des gens influents. Je…

Emma ne dit rien, mais Regina vit dans son regard qu'elle comprenait ce qu'elle n'osait pas formuler.

Tu as peur que ça change quelque chose, murmura Emma.

Regina baissa les yeux.

Ce n'est pas que j'ai honte, Emma.

Je sais.

Un silence s'étira entre elles, pesant.

Puis Emma inspira profondément et ajouta avec une douceur inattendue :

Regina, je ne veux pas te forcer à quoi que ce soit. Mais je veux aussi être avec quelqu'un qui est fière d'être avec moi.

Regina releva brusquement les yeux vers elle.

Le ton n'était ni accusateur ni blessé.

C'était une vérité simple.

Emma voulait être assumée.

Rien de plus, rien de moins.

Et Regina se rendit compte que si elle ne franchissait pas cette étape maintenant… quand le ferait-elle ?

Alors, elle prit une décision.

Elle posa sa main sur celle d'Emma et lui sourit doucement.

Alors viens avec moi.

Le sourire qui illumina le visage d'Emma en réponse dissipa tous ses doutes.

La salle était somptueuse, décorée avec élégance, remplie de médecins, de mécènes et de figures influentes du monde médical.

Regina, toujours impeccable, portait une robe noire élégante, classique mais raffinée.

À son bras, Emma était sublime dans une robe bleu nuit qui contrastait avec ses cheveux blonds.

Elles faisaient un duo frappant, mais pour l'instant, personne ne semblait remarquer la nature exacte de leur relation.

Regina salua plusieurs de ses collègues, engagea des conversations sur ses dernières interventions, tenta de garder son professionnalisme intact.

Mais tout au long de la soirée, elle sentit Emma rester légèrement en retrait.

Non pas par malaise, mais par respect.

Emma ne voulait pas la forcer.

Elle lui laissait le choix.

Et c'est cette retenue qui fit comprendre à Regina à quel point Emma comptait pour elle.

Tout bascula lorsqu'un de ses collègues, le Dr Leclerc, un homme respecté dans le domaine, engagea la conversation avec elle au buffet.

Vous êtes venue seule ce soir, Regina ? demanda-t-il poliment.

Regina sentit son estomac se contracter. C'était une question anodine. Un simple détail social.

Et pourtant, tout reposait sur la manière dont elle allait répondre. Elle aurait pu esquiver. Faire une plaisanterie. Changer de sujet.

Mais elle en avait assez de se cacher.

Alors, au lieu de répondre, elle fit quelque chose de plus significatif.

Elle tendit la main derrière elle et attrapa doucement celle d'Emma, qui attendait juste à quelques pas. Le contact fit sursauter légèrement Emma, qui leva les yeux vers elle, surprise.

Regina lui offrit un sourire sincère, puis tourna son regard vers le Dr Leclerc et répondit avec une simplicité déconcertante :

Non. Je suis venue avec ma petite amie.

L'homme haussa un sourcil, son regard passant de Regina à Emma, avant qu'un sourire courtois ne se dessine sur ses lèvres.

Enchanté, Mademoiselle… ?

Emma, qui avait observé la scène avec une lueur amusée dans les yeux, serra la main du médecin avec assurance.

Swan. Emma Swan.

Le Dr Leclerc hocha la tête, visiblement indifférent à la révélation.

Eh bien, j'espère que vous passez une bonne soirée, toutes les deux.

Et puis, il s'éloigna. Tout simplement.

Regina se rendit alors compte qu'elle avait eu peur de rien.

Que ce moment, qu'elle avait tant redouté, venait de se produire sans drame, sans choc.

Juste une vérité dite à voix haute.

Elle se tourna vers Emma, qui la fixait avec un sourire tendre.

Tu viens vraiment de faire ça ?

Regina haussa un sourcil.

J'ai bien l'impression que oui.

Emma l'observa un instant, puis, dans un élan de fierté et d'émotion, elle se pencha et l'embrassa.

Pas un baiser précipité ou volé. Mais un baiser sincère, posé, en plein milieu de cette soirée mondaine.

Regina sentit son cœur s'emballer.

Mais cette fois, ce n'était pas par peur.

C'était par excitation.

Par bonheur.

Parce qu'elle assumait enfin.

Parce qu'elle avait choisi d'aimer Emma au grand jour.

Et elle ne le regrettait pas une seule seconde.