Hello ! Ça aura mis un tout petit peu plus de temps que prévu, mais voici le chapitre 19. Chapitre important et beaucoup plus long que prévu ha ha. Aussi c'est l'avant-dernier, il ne restera que le chapitre 20 après ça, qui sera normalement plutôt court. J'ai hâte de savoir ce que vous en pensez en tout cas, parce que je l'aurais écrit et réécrit un bon nombre de fois ! Et à la toute fin, je me suis dit, vas-y, rajoute tout cette scène tant qu'on y est. Donc j'espère que ça rend bien. A la prochaine, je ne sais pas dans combien de temps, mais dans tous les cas ça ne devrait vraiment pas dépasser les 4 semaines. J'espère.
Chapitre 19 : Lastoli
Ils arrivèrent à Shiganshina un peu avant midi. Zeiad ayant été dévastée par les forces sinayennes, Eren et Livai n'avaient pas eu d'autre choix que de continuer jusqu'au prochain village. Eren n'avait pas eu besoin de forcer pour qu'ils repartent le lendemain à la première heure : Livai aussi était d'avis que plus tôt ils seraient rentrés à Shiganshina, mieux ce serait.
Ils étaient encore à quelques centaines de mètres de l'entrée Sud quand Eren se rendit compte que quelque chose clochait. À cette distance, ils devraient déjà voir les rues pleines, entendre les cris des marchands du souk du sud. Mais tout était calme. Il échangea un regard inquiet avec Livai et ils durent mettre pied à terre quand les gardes de la porte les arrêtèrent.
"Qu'est-ce qu'il se passe ?" demanda Livai et le garde perdit tout de suite son attitude agressive quand il l'entendit parler en sinayen, passant sur le ton de la confidence.
"Il y a eu des soulèvements hier, tout le quartier sud est bouclé. Couvre-feu pendant les trois prochains jours."
"Et le Nord-Est ?" demanda Eren en se postant à côté de Livai, et le garde fronça les sourcils en entendant son accent.
Eren avait beau parler couramment sinayen, il gardait une intonation de Maria, et son physique n'était pas exactement typique de Sina non plus. Peut-être qu'il aurait dû laisser Livai faire la conversation, pensa-t-il, mais le garde lui répondit quand même :
"Tout continue normalement là-bas, à ce que je sache. Il y a eu des émeutes aussi dans ce coin, mais ça a été plus vite maîtrisé," reprit-il en s'adressant à Livai, et Eren pinça les lèvres. Le Fi Malja n'était donc pas dans la zone bouclée, mais connaissant ses amis, il craignait qu'ils aient été impliqués dans l'insurrection. "Ici c'est pas la même histoire, il y a eu une dizaine de morts. Enfin bon, au-dessus de l'ancien palais c'est à nouveau circulation libre."
Livai et le garde échangèrent encore quelques phrases, Livai assurant qu'ils se débrouilleraient sans escorte, et Eren fermant sa grande gueule, ne pouvant s'empêcher de jeter des coups d'œil vers le Nord-Est, avant d'enfin repartir.
"Sale chienne de Maria !"
Eren se retourna vers la ruelle où une soldate sinayenne frappait une alpha à terre. Celle-ci tenta de riposter, mais se prit un nouveau coup de pied en plein menton et Eren sentit une main retenir son poignet.
"On ne peut pas intervenir," déclara Livai et il savait qu'il avait raison.
Ils étaient encore dans la zone sous couvre-feu, et les soldats étaient très visiblement à cran. S'il essayait de s'y mêler maintenant, il ne s'en sortirait pas sans ennuis, même accompagné de Livai.
Eren détourna le regard et se força à relâcher ses poings serrés autour de ses rênes. La priorité était d'arriver au Fi Malja.
Ils sortirent de la zone bouclée le plus rapidement possible, ne se faisant arrêter que deux fois, mais il suffisait que Livai décline son identité pour qu'on les laisse passer sans histoire. L'étable où ils avaient emprunté les chevaux n'était pas loin, et Eren échangea rapidement quelques mots avec le palefrenier qui lui expliqua que la nouvelle du débarquement de Rose avait affolé sinayens et galvanisé maraniens, mettant tout le pays en ébullition. Des soulèvements avaient lieu dans toute la ville, et des exécutions étaient ordonnées en réponse, ou l'inverse, personne ne savait vraiment. Les rues étaient bien plus remplies ici, chacun vacant à ses occupations, mais Eren sentait parfaitement la tension sous-jacente. Chacun s'attendait à ce que tout éclate à nouveau, et Eren aurait couru jusqu'au Fi Malja s'ils n'avaient pas été chargés et épuisés par le voyage.
Après une dizaine de minutes de marche, le Fi Malja finit par apparaître dans leur champ de vision. Les rideaux étaient tirés, la porte du salon de thé fermée. Pas si étonnant considérant la situation, mais pas exactement rassurant non plus. Contrairement à bon nombre d'habitants de Shiganshina, ils pouvaient se permettre de fermer quelques jours sans faire faillite. Eren espérait que ce n'était pas le signe de quelque chose de plus inquiétant.
Ils se faufilèrent par derrière, ouvrant la porte avec discrétion et Eren fut soulagé de voir que la barrière qu'il avait érigée autour de la maison était toujours en place. Leurs sacs étaient à peine posés que la tête de Jean fit son apparition, et ça devait être la première fois qu'il le voyait soulagé de le voir arriver.
"Vous êtes rentrés," soupira-t-il.
Il jeta un rapide coup d'œil vers les escaliers et leur fit signe de le suivre.
Eren échangea un regard avec Livai, refermant la porte de la cuisine derrière eux une fois entrés.
"Les autres sont en haut," commença-t-il par le rassurer. Puis son visage devint grave et Eren sut que Jean irait droit au but. Il n'eut pas le temps de s'y préparer. "Mikasa a été arrêtée par les brigades spéciales."
Eren arrêta de respirer. Le sol parut si loin tout à coup.
"La famille qui habitait ici ? Tout le monde a péri dans un incendie je crois. Il n'y a que la fille qui a survécu et elle a été capturée pas longtemps après. Sûrement envoyée dans un camp de travail… Elle aussi doit être morte à l'heure qu'il est."
Non. C'était différent cette fois.
"Qu'est-ce qui-" sa voix se bloqua dans sa gorge, et il dut avaler sa salive avant de réessayer."Qu'est-ce qui s'est passé ?"
"Ils ont exécuté Hannes hier," annonça-t-il directement, simplement. Comme si ça ne lui déchirait pas le cœur d'entendre ça. Mais peut-être que c'était ce qui lui fallait : des faits, sans tourner autour du pot, sans regards larmoyants. " Pas mal de gens ont essayé d'intervenir, et quelques-uns ont été arrêtés. Armin pense qu'ils avaient identifié Mikasa et qu'ils l'ont ciblée en particulier, mais on a aucune preuve. Il est à un conseil d'urgence de la Résistance avec Annie là."
"Pourquoi Mikasa, ils savent qu'elle fait partie de la Résistance ?" demanda Eren en portant inconsciemment une main à son oreille droite.
Ou Heidan ? Ou le fait qu'elle ait des informations sur la Faucheuse ? Il y avait pleins de raisons possibles.
"On en sait rien, j'te dis, on attend qu'Armin et Annie reviennent," répondit-il sèchement. L'angoisse de Jean était en train de le contaminer.
"Elle n'était pas là non plus."
"Perds pas espoir, on finira par la retrouver."
"...je sais pas, je sais plus. Ils l'ont peut-être déjà t-"
"Et arrête avec tes trucs là !" s'agaça Jean.
Eren sursauta. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il s'était mis à claquer des doigts à côté de son oreille.
De son côté, Livai avait déjà remis sa cape de voyage.
"Je vais au QG, essayer d'en savoir plus," déclara-t-il avant de se poster devant lui. "Eren regarde-moi. Regarde-moi." Eren leva les yeux avec réticence. "Tant que je n'ai pas d'infos, tu ne sors pas d'ici. Tu ne tente pas un truc débile. Tu récupères des forces, rassembles tes talismans j'en sais rien, mais pas de mission suicide. C'est compris ?"
Comme s'il pouvait faire quelque chose. Même s'il engloutissait tout le quartier militaire dans la magie noire, se tuant au passage, ainsi que toute la population du quartier Ouest, Mikasa périrait avec eux. Peut-être que s'il parvenait à convaincre Livai de lui faire parvenir sa bague…
"C'est compris ?" répéta celui-ci face à son silence.
Qu'est-ce qu'il croyait ? Livai n'accepterait jamais ce plan.
"Oui, oui," marmonna-t-il, le regard se détournant vers les traits sur la porte, "si je tente quelque chose, j'attends que tu sois revenu."
Il voulait croire que tout irait bien, que Livai et Armin trouveraient un plan, mais il était terrifié. S'il perdait vraiment Mikasa cette fois… il l'avait déjà trop pleurée.
"Eren, fais moi confiance," insista Livai et il y avait quelque chose dans son assurance qui étouffait son angoisse. Livai ferait tout son possible pour ramener sa sœur saine et sauve, et s'il n'en était pas capable, ils trouveraient un autre moyen.
"Sois prudent," murmura-t-il finalement en le serrant dans ses bras de toutes ses forces, et les bras de Livai aurait pu lui briser les côtes que ça ne l'aurait pas dérangé.
Juste un moment, pensa-t-il avant qu'ils ne doivent se lâcher. Livai lui pressa la main une dernière fois avant de sortir avec un hochement de tête qui sonnait comme une promesse. Eren sentait le regard de Jean sur lui mais il garda les yeux rivés sur la porte.
Ramène là moi, Livai.
o O o
Livai passa à peine chez lui pour déposer son sac, prendre la douche la plus courte de son existence et revêtir son uniforme. Il ne s'attendait pas à ce que l'état de la ville se soit autant dégradé en quelques jours. Même dans les quartiers non bouclés, tout paraissait désolé et les soldats étaient à cran.
Même au quartier général, il sentit tout de suite un air tendu. Hanji n'était pas dans leur bureau, mais il ne savait pas si débarquer directement dans celui d'Erwin et exiger la libération de Mikasa était vraiment une bonne idée. À la place, il frappa une fois à la porte entrouverte de son escouade avant de la pousser.
"Caporal, vous êtes de retour !" s'exclama Pétra en le voyant, mais son sourire n'atteignait pas ses yeux.
"Vous savez où est Hanji ?" demanda-t-il en regardant autour de lui. Comme si Hanji pouvait être planquée sous un bureau.
…C'était moins improbable que ça n'aurait dû l'être.
Eld et Gunther s'échangèrent un regard.
"Elle est en train de préparer une mission," répondit rapidement Eld.
Ça arrivait souvent qu'Hanji ne soit pas là. Ça n'aurait pas dû être louche. Livai fronça les sourcils. Toute son équipe agissait bizarrement, Auruo n'avait toujours pas levé les yeux du sol.
"Il s'est passé quelque chose pendant mon absence ?" hésita-t-il en refermant la porte. Il n'avait jamais fait trop d'effort pour être proche de son équipe, mais il se rendait maintenant compte qu'il l'avaient été. Même avant qu'il n'arrive à Shiganshina, leurs relations avaient été plus chaleureuses que ça.
Livai repensa à leur retour de Maliin. Ils n'étaient pas cons, ils connaissaient plus ou moins sa relation avec Eren, et avaient vu de quoi celui-ci était capable. Ils n'avaient peut-être pas capté que c'était la Faucheuse, mais ils devaient se douter qu'il y avait quelque chose de pas net. Et pourtant, ils n'avaient pas du tout changé d'attitude envers lui avant qu'il ne parte. Non, le problème était survenu pendant son voyage à Ishka.
Petra croisa son regard avant d'aussitôt reporter ses yeux sur le sol, et Livai commença à sentir l'inquiétude monter. Ce n'était pas de la méfiance ou de la colère dans leurs yeux, mais de la culpabilité.
"Dites-moi ce qu'il se passe," ordonna-t-il en se redressant, cherchant le regard de son escouade.
Tous pincèrent les lèvres, avant de finir par se tourner vers Eld.
"... Ils vont arrêter Eren," lâcha-t-il finalement, et Livai sentit son cœur manquer un battement. "Ils vont arrêter la Faucheuse."
Comment ? Comment ils savent ?
"C'est Erwin qui l'a découvert," marmonna Petra. "Ça fait quelques jours qu'ils préparent cette opération, et ils ont prévu de lancer l'offensive aujourd'hui, à la prière Assili."
Assil- ! C'était dans moins d'une heure !
"Je dois le prévenir !" s'exclama-t-il en se retournant, mais Gunther s'était déjà positionné entre lui et la porte.
"Si vous y allez, vous serez exécuté pour trahison vous aussi. N'aggravez pas votre cas, Caporal, on ne peut rien faire pour lui," l'avertit Gunther, et Livai sentit la colère venir remplacer le choc.
"Pousse-toi, Gunther," le prévint-il d'une voix froide. Il n'avait pas besoin de dégainer son épée pour écarter son escouade de son chemin.
"Caporal," intervint doucement Eld, "il est si important que ça pour vous ?"
Il n'y avait pas à choisir. Il mettait déjà constamment sa vie en jeu pour Eren. En fermant les yeux sur Heidan, sur la Faucheuse, pire, en l'aidant à massacrer les soldats censés être dans sa propre armée, Livai s'exposait à la peine capitale depuis longtemps. Il n'allait pas abandonner Eren maintenant.
Livai traça un talisman dans l'air, mais ne l'activa pas.
"Pousse-toi, Gunther."
C'était son dernier avertissement, tout le monde dans la pièce pouvait voir qu'il était sérieux.
Son subordonné l'affronta quelques instants du regard, avant de finir par légèrement se décaler sur le côté.
"J'espère que vous ne regretterez pas votre choix, caporal."
Livai hocha la tête, et lui passa devant. Il ne regrettait jamais rien.
Il avait à peine la main sur la poignée quand la porte s'ouvrit brusquement, l'obligeant à faire un pas en arrière. Une dizaine de soldats surgirent dans la pièce, l'encerclant complètement. Niles entra à la suite et se posta devant lui. Il était à ça de dégainer son épée et de se frayer un chemin.
"Pose ton épée Livai. Tu es déjà accusé de haute trahison, ne rajoute pas "assaut d'officiers" à ton cas."
"On est plus à ça près, non ?" rétorqua-t-il d'un ton venimeux.
"C'est tout ce que j'attendais," sourit Niles en faisait un geste de la main.
Trois soldats essayèrent de se jeter sur lui. Livai esquiva habilement, et en une demie seconde, il avait sorti son épée et repoussé les soldats. S'il avait sectionné les tendons de gens qu'il connaissait, il n'en avait rien à foutre. Ces gens étaient les mêmes connards qui persécutaient les maraniens. Deux autres soldats furent assez courageux pour s'avancer, et Livai les envoya à terre un peu plus difficilement. Il pouvait tenir. Tant qu'ils n'y allaient pas tous ensemble… Livai pouvait voir de l'hésitation dans le regard des soldats. Il fallait juste qu'il choppe ce connard de Niles, pensa-t-il en le cherchant du regard.
Livai se figea quand il le vit enfin, une épée pointée à la gorge d'Auruo.
"Pose ton épée Livai," répéta-t-il calmement en faisant signe à ses soldats de reculer un peu. "Tu vois, j'ai du mal à croire que ton escouade ne soit pas au courant de toute cette histoire de Faucheuse. Ce qui signifie qu'ils sont tout autant coupables de haute trahison. Et contrairement à toi, ils sont sous ma juridiction, j'ai tout à fait le droit de les exécuter ici et maintenant."
Il ne ferait pas ça. Niles n'en était pas capable.
Livai reserra ses doigts autour de son épée. Il ne pouvait pas céder à ce chantage de merde. S'il se rendait maintenant, il abandonnait Eren.
Niles haussa les épaules avant de se tourner vers Auruo.
"Ne le prends pas mal, je déteste les traîtres."
Niles abattit son épée.
"NILES !" cria Livai, et celui-ci arrêta sa lame à quelques centimètres du cou d'Auruo.
Livai pris une profonde inspiration avant de rengainer son épée et la fourrer dans les mains de la soldate la plus proche. Celle-ci sursauta, et ses mains aggripèrent l'arme comme si sa vie en dépendait.
Niles abaissa son épée avec un sourire.
"Tu vois que tu peux être raisonnable parfois."
Livai lui aurait arraché la tête à mains nues.
Niles fit un signe à quelqu'un derrière lui, et des mains lui attrapèrent les poignets avec hésitation. Quand les soldats se rendirent compte qu'il ne résistait pas, les mains se firent plus fermes, lui tirant les bras dans le dos. Le métal froid des chaînes lui mordit la peau, aspirant son énergie spirituelle d'un coup. Il ne restait qu'un désagréable sentiment de vide.
Livai se força à respirer. Tout était en train de virer au cauchemar. Eren n'était pas encore remis de sa virée à Ishka, ni Mikasa ni Annie n'étaient présentes au Fi Malja pour le protéger, et maintenant on venait l'arrêter. C'était trop gros pour être une coïncidence.
Niles s'approcha avant de passer derrière lui. Livai n'aimait pas le sentir dans son dos.
Il ne pouvait pas dire qu'il ne l'avait pas vu venir, mais le coup de fourreau dans la tempe l'envoya quand même dans le mur.
"Caporal !" s'écria Pétra quelque part sur le côté, et même quelques soldats de Niles laissèrent échapper une exclamation choquée.
Livai se redressa, trébuchant légèrement. S'il avait encore son énergie spirituelle, ça n'aurait pas été un problème. Sans elle, du sang lui coulait rapidement en périphérie des yeux, et il ne pouvait même pas guérir l'égratignure.
"Tu vois, j'ai toujours détesté ça chez toi Livai," déclara Niles en venant se poster devant lui. Livai lui lança un regard noir, mais ça ne devait pas être très convaincaint quand ses cheveux poisseux lui tombaient dans les yeux. "Même à Sina, tu t'es toujours cru invincible, tu t'es toujours cru supérieur. Comme si tu pouvais faire ce que bon te semble sans craindre les conséquences. Et bien il y a des conséquences, et je me réjouis d'être celui qui te fait tomber."
Il n'avait pas remarqué que Niles le haïssait autant.
"Emmenez-le," continua-t-il et deux soldats lui attrapèrent un bras chacun.
Il pouvait encore s'enfuir. Attendre le bon moment pour neutraliser les soldats et aller prévenir Eren. Il ne pourrait peut-être pas se débarrasser de ses chaînes, mais il n'avait pas besoin de son énergie spirituelle pour courir jusqu'au Fi Malja.
"Qu'est-ce qu'on fait des autres ?" demanda une soldate à sa gauche.
"Laissez-les, je ne pense pas qu'ils soient des traîtres tout compte fait."
Cet enfoiré savait très bien depuis le début que son escouade n'avait rien fait, il en avait juste rien à foutre. Niles avait juste cherché un moyen de le faire fléchir et il l'avait trouvé.
Livai poussa un grognement de douleur quand on le tira en arrière. Quelque chose n'allait pas avec son épaule.
Il ne résista pas quand on le poussa vers le couloir. La porte se referma derrière eux, mais Livai n'eut pas le temps de voir l'expression sur le visage de son escouade. Niles mena la marche, et il garda les yeux rivés sur sa nuque. Il devait attendre qu'ils soient descendus à l'abri des regards et des renforts, mais agir avant qu'on puisse l'enfermer dans une cellule.
Du mouvement dans le couloir à sa droite attira son attention et il tourna le regard juste à temps pour voir Erwin sortir de son bureau. Livai s'arrêta net. C'était lui. Depuis le début, c'était lui. Celui qui tirait les ficelles dans l'ombre. Il s'était toujours dit qu'il devait y avoir quelque chose entre Eren et Erwin. Ça se voyait à la façon dont Eren parlait du Commandant. Maintenant il en était sûr : Erwin savait tout depuis le début. Même s'ils avaient passé deux années éloignés, Livai connaissait encore Erwin. Il avait vu à quel point il détestait cette occupation barbare, comment son visage se fermait quand on évoquait les maisons de réconfort. Qu'Erwin travaille main dans la main avec la Faucheuse n'était pas du tout étonnant. Chacune de ses attaques avaient été méthodiques, frappant là où ça ferait le plus mal à l'armée sinayenne avec le moins de morts. Eren n'avait pas accès à ce genre de détails internes. Et à Utgard…
Un soldat derrière lui le poussa dans le dos pour le faire avancer, mais il ne bougea pas. Parce que c'était Erwin. Celui qui détruisait Sina de l'intérieur. Et maintenant que Rose avait débarqué, maintenant qu'il n'avait plus besoin de la Faucheuse, il se servait d'Eren une dernière fois. Il était vraiment la pire des enfl-
Le soldat derrière lui s'impatienta, mais cette fois quand il tenta d'attraper son épaule blessée, Livai se retourna et l'assomma d'un coup de tête, ignorant la douleur éclatant dans son front. Des exclamations retentirent autour de lui, mais avant que quelqu'un ne puisse réagir, Livai sauta par-dessus ses bras menottés, les faisant passer devant lui. Il envoya une soldate valser d'un coup de coude en plein visage, et une autre d'un coup de pied dans les reins. Livai n'avait qu'une cible.
Pour sa défense, Erwin ne tenta pas de s'enfuir quand Livai se rua sur lui et l'attrapa par le col. Il ne semblait même pas surpris.
"Espèce d'enfoiré…T'as tout ce que tu voulais maintenant ?!"
Bordel c'était même Erwin qui l'avait envoyé sur le piste d'Eren, qui l'avait fait comprendre ce que cachait vraiment Heidan. Il avait vraiment tout prévu cet enfoiré.
"Il aurait compris, Livai. Il était prêt à se sacrifier."
"Vraiment ?!" s'écria-t-il en plaquant un peu plus Erwin contre le mur, la fureur s'emparant de lui. Qu'est-ce qu'il savait d'Eren ?! Rien ! Eren qui venait de s'autoriser à vouloir vivre !
"Les omégas de Maria ne sont pas les seuls à souffrir," répondit calmement Erwin et Livai sentit une main sur son épaule juste avant qu'on ne le tire violemment en arrière.
Plusieurs personnes essayèrent de le maîtriser mais Livai n'arrêta pas de se débattre. On le tira en arrière, appuyant sur son épaule blessée, mais il n'en avait plus rien à foutre. Alors quoi ? Erwin avait prévu de s'afficher en héros, comme celui qui avait démasqué la Faucheuse, pour récupérer sa gloire une fois de retour au pays ? Qu'ils aillent tous se faire foutre !
"Je sais que tout ça n'est qu'un malentendu. Je veillerais à ce que tu sois libéré," déclara Erwin avec un regard vers Niles, et Livai avait très bien compris qu'il ne voulait pas qu'il soit vraiment arrêté.
Il voulait juste le mettre hors d'état de nuire, le temps qu'ils aillent tuer Eren.
Et dire qu'il lui avait fait confiance, qu'il l'avait considéré comme un de ses seuls amis ici… Est-ce qu'il n'avait été qu'un pion dans son plan, lui aussi ?
Pourquoi tu me fais ça Erwin…
"Ne me laisse jamais sortir de là en vie !" cria-t-il une dernière fois alors qu'on l'embarquait de force dans le couloir. Parce que si Eren mourrait aujourd'hui, Livai lui ferait la peau, de ça il pouvait en être sûr.
Les traits d'Erwin se durcirent.
Le Commandant avait remis son masque, et Livai le vit tourner le dos juste avant que le pommeau d'une épée ne s'abatte à l'arrière de son crâne.
o O o
Eren balança un nouveau talisman raté dans un coin de son bureau. Créer des talismans demandait une précision et un sang-froid qu'il ne possédait pas à l'instant. Il pouvait entendre Soraya faire les cent pas dans la salle à côté. Ça n'aidait pas à calmer ses mains prises d'une agitation fiévreuse. Juste une petite ligne qui se casse, une courbe un peu trop haute, et le talisman était à jeter. En soit, presque tous les parchemins froissés sur son bureau fonctionnaient plutôt bien, mais Eren avait besoin qu'ils fonctionnent mieux que "plutôt bien". Une demie‐seconde de retard dans son déclenchement, une explosion un peu moins forte que prévu, un bouclier un peu moins grand, un peu moins puissant… Tout ça pouvait faire la différence entre la vie et la mort dans un combat. Et Eren se préparait au combat.
Un léger changement dans l'atmosphère le fit relever la tête. Il posa son pinceau en fronçant les sourcils, se levant de sa chaise. Ça avait été subtil, mais il pouvait jurer que l'énergie avait bougé autour de lui. Ou autour de la maison.
Eren se dirigea vers la fenêtre, l'ouvrit en entier et passa la tête à travers. Il n'y avait absolument personne dans la rue devant. Sa barrière semblait encore en place.
Attends…
Il y avait quelque chose de bizarre avec sa barrière. Eren passa une jambe par-dessus le cadre de sa fenêtre et tendit la main là où sa barrière invisible devait se trouver. Ses doigts l'effleuraient, envoyant des petites décharges d'énergie pour tester sa résistance. Ce fut comme ça qu'il sentit la barrière tomber à l'instant même où elle s'effondra.
Quoi ?
Eren retira sa main. Il ne connaissait qu'un talisman capable de faire disparaître sa barrière aussi facilement : un qu'il avait créé.
Il s'écarta rapidement de la fenêtre, juste à l'instant où un couteau sifflait à le long de son oreille, se logeant dans le mur derrière. S'il n'avait pas bougé, son cadavre serait écrasé en bas de la rue à l'heure actuelle.
Merde merde merde.
Eren se rua vers la porte, s'arrêtant à peine pour attraper son épée et une poignée de talismans sur son bureau, et l'ouvrit à la volée.
"FUYEZ !"
Il eut à peine le temps de dévaler un étage qu'il entendit la porte du salon de thé se faire fracasser, suivi de cris de terreur.
Il était trop tard.
o O o
Livai frappa de toutes ses forces contre les barreaux et ses orteils ne le remercièrent pas. Il ne savait pas depuis combien de temps il pourrissait là, mais ça faisait au moins dix minutes qu'il avait repris conscience et la base militaire au-dessus de leur tête était étrangement silencieuse. On l'avait débarrassé de sa cape, son brassard et sa cravate pourpres, mais laissé ses deux bracelets en fer. Au moins, la chaîne avait été retirée.
"Ça ne sert à rien," marmonna une voix familière sur sa droite.
Livai fronça les sourcils.
"Mikasa ?" hésita-t-il et il entendit du bruit dans la cellule voisine. Puis la tête de Mikasa apparut contre les barreaux. Son visage était tuméfié, son arcade sourcilière tachée de sang séchée et ses cheveux en bataille. Mais surtout, elle avait l'air anormalement pâle et affaiblie.
"Livai ? Qu'est-ce que tu fais là ?" demanda-t-elle avant de réaliser ce que ça voulait dire. "Et Eren ? Eren va bien ?!"
"Il allait bien quand je l'ai laissé au Fi Malja," répondit-il en continuant d'inspecter les barreaux à la recherche d'une faiblesse.
"Mais ?" insista-t-elle, parce que bien sûr elle avait senti qu'il y avait un "mais".
"...ils ont découvert qu'il était la Faucheuse. Une attaque est prévue pendant Assili."
Ici. Le barreau avait une entaille. Pas suffisamment profonde pour faire quelque chose à mains nues cependant.
Mikasa ne dit rien pendant un moment. Livai reprit son inspection mais à part cette entaille, rien. Les barreaux étaient bien trop solides, le mur, le plafond et le sol étaient constitués de pierres parfaitement scellées. La porte était plus renforcée que tout le reste.
Un bruit de métal sur sa droite le fit sursauter et il aperçut Mikasa se tenir le pied, une grimace de douleur sur le visage.
"Merde ! MERDE !" s'écria-t-elle, et il n'aurait pas mieux dit.
Si seulement il avait une arme, ou mieux encore, si seulement il pouvait utiliser sa magie. Mais les talismans de Sina se retournaient contre lui, et le fer autour de son poignet était d'une efficacité redoutable.
"Rien qui puisse servir d'arme de ton côté ?" demanda-t-il quand même, parce qu'il ne pouvait pas juste se résigner aussi facilement.
"Non, absolument rien, même pas mon…"
Elle se coupa net et Livai détourna les yeux de l'entaille.
"Même pas ton…?"
"Livai ! Ils t'ont laissé ta bague !" s'exclama-t-elle soudain.
Livai baissa les yeux sur sa main. Il avait du mal à comprendre ce que ça avait à voir avec leur situation.
"Effectivement."
"Elle est chargée ?"
"Chargée ?" répéta-t-il bêtement. Elle ne lui paraissait pas plus lourde que d'habitude.
"Est-ce qu'elle a aspiré de l'énergie noire dernièrement ?" reformula-t-elle avec une lueur d'espoir. Il commençait à voir où elle voulait en venir.
"Elle a été en contact avec de la magie noire, oui," confirma-t-il, "mais j'avais l'impression qu'elle la repoussait plus qu'elle ne l'aspirait."
"Montre," demanda Mikasa, et il la fit passer à travers les barreaux.
Un étrange sentiment de vide le saisit dès le moment où il retira l'anneau.
"Elle a bien absorbé de l'énergie," affirma-t-elle avant de la lui rendre. "Cette amulette commence par absorber la magie noire, si elle est en petite quantité. S'il c'est trop violent, elle commence à la repousser, jusqu'à ce qu'elle casse. L'énergie accumulée se décharge petit à petit par la suite. Pas terrible, mais Eren n'a pas réussi à se débarrasser de ça."
Livai regarda l'anneau avec une attention nouvelle.
"Si tu casses la bague, il y a de bonnes chances que cela crée une onde de choc."
"Une onde de choc capable de détruire les barreaux nous tuerait d'un seul coup," rétorqua Livai.
Lui aussi était prêt à tout pour sortir de là, mais ça ne servait plus à rien que la porte soit ouverte s'ils crevaient tous les deux.
"Eren a forcément dû mettre une sécurité au cas où la bague casserait, pour protéger son porteur," déclara-t-elle, et il n'en était pas si sûr. Eren était ingénieux, mais il manquait parfois d'anticipation. Mikasa dut voir le doute sur son visage, puisqu'elle insista : "il ne te donnerait jamais un objet capable de te tuer à cause de sa magie noire."
Livai repensa à leur conversation en haut de l'Oasis de Zeiad, et elle devait avoir raison.
"Et toi ?"
"Je serais protégée en partie par le mur," déclara-t-elle avec une expression qui signifiait que même si ce n'était pas le cas, elle s'en fichait. Tant que ça leur permettait d'aller sauver Eren.
Ils se regardèrent pendant quelques secondes et Livai prit sa décision. Ils n'avaient pas le temps d'hésiter. C'était le meilleur moyen, et Eren valait le coup qu'ils prennent ce risque.
Ça sentait vraiment la connerie, pensa-t-il quand même en retirant sa bague et s'approchant du barreau entaillé.
Il fit signe à Mikasa de s'abriter et pria pour que l'anneau reconnaisse bien la main qui l'avait portée ces dernières semaines.
Bordel, Eren l'embarquait vraiment dans les plus gros traquenards… Et il l'avait toujours suivi jusque là.
Livai cassa la bague.
o
"Prends les autres et fuis !" hurla Eren en repoussant difficilement un soldat Sinayen.
Jean n'hésita pas bien longtemps et poussa Soraya dans le passage secret derrière le comptoir. C'était la dernière, tout le monde avait réussi à évacuer, et maintenant Eren devait juste protéger le passage jusqu'à ce qu'ils soient suffisamment loin.
Il esquiva l'épée d'un soldat, le saisit par l'épaule et plongea sa lame dans son corps. Ses yeux se vidèrent et Eren le poussa devant lui comme bouclier. Le cadavre fut lacéré par trois épées et Eren tua ceux qui avaient osé s'approcher trop près.
Il s'était déjà débarrassé d'une dizaine de soldats, mais il en venait toujours plus, un flot d'ennemis se déversant dans le Fi Malja.
Il était quasiment certain qu'ils étaient là pour lui. Et pourtant, il ne pouvait pas fuir, dans l'infime possibilité qu'ils poursuivent ses amis dès l'instant qu'il arrêterait de défendre le passage secret.
Il envoya une nouvelle table valser et créa une barrière invisible devant lui, gagnant encore du temps.
Ça devait être bon maintenant.
Eren se saisit d'un talisman amplificateur et le plaqua sur le sol avant d'y pousser une vague d'énergie. Le parquet craqua. Une, deux fois. Il crut pendant un instant que ça n'allait pas marcher. Le sol s'effondra tout à coup sans prévenir, condamnant l'entrée du passage secret, et Eren dû éviter des débris de parquet volant dans sa direction.
Une soldate profita de son inattention pour se jeter sur lui. Eren fit un pas en arrière, sortant un nouveau talisman bouclier en panique et l'activa. Il comprit qu'il y avait un problème une demie seconde avant de sentir le coup. L'épée de la sinayenne lui transperça la cuisse et Eren hurla de douleur. La soldate n'eut pas le temps de savourer sa victoire : Eren l'envoya valser contre un mur avant qu'elle ne puisse profiter de son avantage.
Putain de talisman de merde, pensa-t-il en reculant vers le couloir, la respiration saccadée. Le bouclier n'avait pas recouvert autant de surface que d'habitude, laissant ses jambes exposées. Ça devait être un des talismans qu'il avait ramassé sur son bureau en vitesse. Un rapide coup d'œil à sa cuisse l'informa que la blessure n'était pas jolie, mais avec un peu d'énergie spirituelle, il devrait pouvoir arrêter le flux de sang pour un certain temps.
Deux soldats essayèrent d'attaquer mais Eren les repoussa et s'enfuit derrière le rideau de perles après un rapide talisman barrière. Ça ne les retiendrait clairement pas longtemps, pensa-t-il en grimpant les escaliers quatre à quatre. Il devait absolument atteindre sa chambre, où se trouvait sa réserve de talismans. Sans eux, il n'avait aucune chance de s'en tirer. Sortir par la porte de derrière alors que des dizaines de soldats l'attendaient sûrement de l'autre côté, avec son épée comme seule arme, était du suicide. Sa jambe le tuait, mais Eren serra les dents, continuant de monter les escaliers en courant. Il pouvait entendre les soldats un étage en-dessous.
Ce qui l'inquiétait plus, c'était l'état de son énergie spirituelle. Il aurait dû être capable de mieux gérer l'entaille sur sa cuisse, et les petits talismans qu'il avait utilisés jusque-là n'auraient pas dû l'épuiser à ce point. Il ralentit un instant pour lancer un talisman foudroyant dans les escaliers, mais l'explosion noircit à peine le mur.
C'était bien ce qu'il pensait. Il y avait peu de chances de s'en sortir cette fois.
o
L'onde de choc le frappa de plein fouet sans son énergie spirituelle pour le protéger, le projetant contre le mur du fond.
Elle va te reconnaître mon cul, oui !
Puis il vit dans quel état se trouvait le reste de la cellule, et finalement elle avait dû le reconnaître, cette bague.
"Ça va ?" toussa-t-il en essayant de dégager la poussière qui lui obstruait la vue.
"Vas-y… vas-y sans moi," répondit Mikasa et si l'entendre parler rassurait Livai, il n'en était pas de même pour la douleur qu'il entendait dans sa voix.
Les pierres tout autour avaient été amochées, certaines s'étaient même détachées du plafond, les barreaux avaient été bien creusés mais aucun n'avait lâché. Comme quoi le matériel de l'armée n'était pas de la merde.
Livai donna un grand coup de pied dans le barreau entaillé, et cette fois il céda.
o O o
Ils avaient à peine atteint le bout du passage secret que Jean balança Soraya dans les bras d'Elena et fit demi-tour en courant. Il connaissait trop bien ce crétin d'Eren. Si personne ne le trainait hors de là, il défendrait ce passage secret jusqu'au bout.
"Jean !"
Jean manqua de trébucher dans le tunnel et alluma une flamme dans le creux de sa paume pour y voir plus clair, mais ne ralentit pas.
"Retourne avec les autres Marco !" cria-t-il par dessus son épaule, "on se retrouve chez Reiner !"
"Pas question, je viens avec toi !"
S'il ne savait pas que Marco pouvait être aussi têtu qu'Eren quand il s'y mettait, il aurait insisté. À la place, il ralentit un peu pour qu'il puisse également bénéficier de sa bougie improvisée et ils se mirent à courir ensemble.
Ils ne devaient plus être très loin de la sortie du tunnel, mais il n'apercevait aucune source de lumière. Marco ralentit, et Jean fronça les sourcils, ne se rendant compte de ce qu'il voyait devant lui que lorsqu'il manqua de se ramasser dans les décombres.
Il n'y avait plus de tunnel. Là où devait se trouver les escaliers vers le Fi Malja, il n'y avait plus que des débris de pierre et de bois. On voyait à peine la première marche.
"Putain Eren…"
o O o
Livai courait plus vite qu'il ne l'avait jamais fait, bousculant hommes et femmes sur son passage. Les passants ne le voyaient même pas arriver, leurs regards tournés dans la même direction que le sien, vers cette colonne de fumée s'élevant au-dessus de la ville.
Certaines personnes s'y précipitaient, tandis que d'autres se contentaient de la fixer avec inquiétude, sans oser bouger.
"Ils ont débusqué la faucheuse !" cria un homme à la foule.
Loin de paraître réjouit à l'annonce de l'arrestation d'un tueur en série, le visage de l'homme reflétait les sentiments de la population de Maria : la crainte et l'angoisse de perdre celui qui était devenu leur lueur d'espoir.
o O o
Il avait vu Eren se battre des dizaines de fois.
"Excusez-moi !" répétait Marco en se frayant un chemin à travers la foule. Jean se contentait de le suivre.
Putain, Eren, si tu ne sors pas d'ici vivant…
Ils avaient enfin atteint le Fi Malja, autour duquel un attroupement s'était formé. Les voisins et les amis se mêlaient aux curieux, à peine repoussés par quelques soldats sinayens. Personne n'osait s'approcher plus de toute façon : le premier étage du Fi Malja était ravagé par les flammes.
"Il est encore à l'intérieur ?" réalisa Jean d'une voix blanche.
Sûrement il avait dû sortir de là sans que personne ne le voit. Les flammes progressaient bien trop vite, Eren ne pouvait pas être encore dans ce brasier. Jean pouvaient voir des talismans sinayens empêchant l'incendie de se propager dans les maisons alentour, mais rien pour l'éteindre.
N'avaient-ils pas des soldats encore à l'intérieur, eux aussi ?
Mais ils se contentaient de regarder, postés sur les toits et dans les rues tout autour du Fi Malja.
"Regardez !" s'écria un jeune alpha en pointant du doigt une fenêtre qui venait de s'ouvrir à la volée au dernier étage.
Là où était la chambre d'Eren.
Une silhouette s'en extirpa, et Jean sentit sa respiration se bloquer dans sa gorge. Il regarda Eren s'appuyer sur le cadre de la fenêtre et se hisser avec difficulté sur le toit.
Il pouvait sauter sur le toit d'en face d'ici. C'était un peu loin, mais en gérant bien son énergie spirituelle dans ses jambes, c'était tout à fait possible. Et Eren gérait toujours bien son énergie spirituelle. Alors pourquoi est-ce qu'il hésitait ? pensa-t-il en le voyant regarder derrière lui d'un air incertain.
"Ne me dis pas qu'il essaie de sauver le Fi Malja ?" souffla Marco, mais même Eren n'était pas aussi con que ça.
…
Il était pas aussi con, si ?
Au lieu de s'échapper, Eren tentait de geler les flammes autour de lui, mais seule une légère vapeur s'échappait de ses mains. Il n'avait plus son épée.
"Il se passe quelque chose avec son énergie," réalisa Jean avec effroi.
Eren se retourna vers quelque chose -ou quelqu'un- qu'ils ne pouvaient pas voir, et Jean attrapa la main de Marco.
"Viens !" s'exclama-t-il en l'entraînant vers l'arrière de la foule.
La petite Domi les reconnut et s'écarta pour les laisser entrer dans son épicerie. Ils montèrent l'escalier quatre à quatre jusqu'à arriver sur la terrasse au dernier étage juste à temps pour voir Eren esquiver une épée dirigée vers sa poitrine.
Une demie douzaine de soldats l'encerclait sur le toit, l'acculant contre le rebord du toit.
"Mais qu'est-ce que tu fais bon sang ! Saute !" vociféra Jean entre ses dents.
Il avait vu Eren se battre des dizaines de fois. Il ne l'admettrait jamais devant lui, mais Eren était la personne la plus impressionnante qu'il ait jamais vue. Il paraissait toujours savoir quel talisman utiliser, et à quel moment. Combien d'énergie envoyer dans son épée pour qu'elle te fracasse les os sans rien dépenser en trop. Ça paraissait si facile quand Eren le faisait, on ne se rendait pas compte de la vitesse à laquelle il réfléchissait derrière.
Jean l'avait vu se battre des dizaines de fois, et repousser ce type d'ennemis sans difficulté.
Même sans talisman, il n'aurait pas dû avoir du mal à ralentir l'incendie.
"On dirait… on dirait qu'il ne parvient plus à utiliser sa magie," murmura Marco.
Jean fixa un peu plus la petite silhouette qu'était Eren. Marco avait raison. S'il avait toujours un minimum d'énergie, Eren aurait essayé de sauter sur le toit d'à côté. Là au moins, il aurait eu une chance de pouvoir s'enfuir maintenant que tout le monde était en sécurité.
Eren porta la main à sa poitrine avec une grimace de douleur, et pour la première fois, Jean réalisait pleinement ce que cela signifiait d'être la Faucheuse. Ce n'était pas une question de gloire ou de justice, mais avant tout de magie noire.
"Hé, qu'est-ce que vous faites là, vous deux !" aboya le soldat sinayen stationné sur le toit.
Il n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit avant de se faire assommer, bâillonner, attacher et balancer dans une chambre vide.
Personne ne se rendit compte de rien, trop absorbés par la scène sous leurs yeux.
Eren réussit à balancer un soldat par-dessus le toit qui s'écrasa en bas dans un bruit sourd. Le feu continuait de se répandre, mais Eren semblait être le seul affecté. Les soldats devaient avoir mis un charme isolateur sur eux. Jean vit l'un d'eux s'approcher, et Eren jeta un coup d'œil paniqué derrière lui mais il n'avait nulle part où fuir.
L'air changea soudain, lui donnant des sueurs froides, alors qu'Eren étendait sa main devant lui. Cela ne dura que quelques secondes avant qu'Eren ne tombe à genoux, sa main crispée sur sa poitrine, comme terrassé par la douleur. L'atmosphère oppressante disparut instantanément. Un soldat s'avança vers la silhouette d'Eren, une boule de feu grossissant à vue d'œil dans sa main.
Bouge !
La boule de feu continua de grossir mais quelque chose n'allait pas. Le soldat la maintenant ne la contrôlait plus, tentant d'annuler le sort. Un seul regard vers Eren au sol confirma que c'était ce crétin qui continuait de l'alimenter.
Abruti.. !
Il voulait tous les faire sauter.
"Recule !" cria-t-il soudain à Marco en le poussant à l'intérieur de la chambre avant de sauter par-dessus la balustrade.
o O o
L'explosion fut tellement puissante que Livai la vit alors qu'il était encore à quelques artères du Fi Malja. Tout le monde s'était figé, les yeux rivés vers le ciel avec effroi.
"Non non non non," répéta Livai en se remettant à courir.
Les dernières rues furent parcourues en un instant, et l'alpha se fraya un chemin parmi une foule anormalement immobile. Un jeune homme abaissait lentement un charme de protection recouvrant une bonne partie de la foule.
Livai balaya rapidement le décor des yeux, s'arrêtant sur le cratère béant où s'était trouvé la chambre d'Eren et sa gorge se serra. Le Fi Malja était en flammes, un immense brasier qui menaçait de s'écrouler à tout moment.
Et pourtant, les soldats sinayens encerclaient encore le bâtiment, comme si leur cible se trouvait toujours à l'intérieur.
Livai se rua vers l'entrée principale mais des mains le restreignirent, l'empêchant de se précipiter dans la fournaise, juste au moment où la devanture en bois s'effondrait. On lui cria dans les oreilles mais Livai était incapable de comprendre ce qu'ils disaient. Il gardait les yeux rivés sur le bâtiment qui se consumait alors qu'on le traînait à l'écart. Quelqu'un lui secoua l'épaule et il se rendit compte qu'une alpha lui parlait en Sinayen.
"C'est trop tard, tous ceux encore à l'intérieur doivent être morts à l'heure qu'il est."
Livai détourna enfin le regard du Fi Malja, et se tourna vers la femme. C'était une amie d'Eren. Il lui avait déjà parlé plusieurs fois mais il ne se rappelait plus de son nom. Ymir, peut-être.
"Eren ?" demanda-t-il dans un souffle.
Ymir reporta son attention sur le brasier et il la vit lutter pour trouver quelque chose à dire. Livai retint sa respiration, la chaleur meurtrière de l'incendie caressant tout son côté gauche.
"Il n'a pas réussi à s'échapper."
Elle mentait.
"Il ne doit pas être loin," la contredit-il en faisant un pas en avant mais la femme lui barra le passage.
"On l'a vu," déclara-t-elle en haussant la voix et Livai se figea quand il aperçut les traces encore humides sur ses joues. "On l'a vu faire exploser le toit pour tuer tous les soldats," reprit-elle en montrant le dernier étage du Fi Malja qui s'affalait, ravagé par les flammes, "et lui avec."
"On met tous notre vie en jeu ici, tous les jours. Parce que ça en vaut la peine."
Son souffle resta bloqué dans sa gorge. Une partie du Fi Malja s'effondra, et il sentit vaguement la foule reculer en criant. Il n'y avait plus une seule pièce du Fi Malja épargnée par les flammes, pensa-t-il sans le quitter des yeux. Personne ne pouvait être encore vivant dans ce brasier.
Quelque part à l'arrière de son esprit, il réalisa qu'il était trop près des flammes, mais il ne bougea pas. La chaleur lui brûlait le visage.
Une main le tira en arrière, et il leva les yeux vers Ymir. Il ne savait même pas pourquoi elle faisait ça.
Des soldats sinayens passèrent un peu plus loin, provoquant un grondement de colère de la foule. Tous ces gens étaient persuadés qu'ils avaient tués la Faucheuse, mais Livai savait qu'Eren n'était pas si facile à abattre. Il se foutait bien de ce que croyait avoir vu Ymir, Eren était encore en vie. Il avait peut-être besoin d'aide à cet instant même, et Livai était en train de perdre du temps. Il recula dans la foule, et cette fois, Ymir ne tenta pas de l'arrêter.
Eren était en vie. Il avait survécu à pire.
Il se dirigea rapidement vers la ruelle longeant le Fi Malja, mais de nombreux soldats étaient amassés là. Merde. Livai ne pouvait pas se fondre parmi eux, la plupart devait déjà savoir qu'il était accusé de trahison, et le sang sur sa tempe et dans son cou attirerait l'attention. Il n'avait pas d'autre choix que de faire le tour.
Un mouvement parmi les rangs des soldats attira son regard avant qu'il ne puisse se retourner, et il vit une groupe d'hommes traîner quelque chose sur le sol et le jeter sur la place. La foule se mit à hurler. Livai revint sur ses pas, essayant d'apercevoir ce qu'il se passait à travers la masse de gens. Il aperçut Erwin s'approcher de l'avant de la foule et il se baissa un peu pour éviter son regard. Ce fut à ce moment-là qu'il aperçut ce qui avait été traîné devant. Ça n'avait duré qu'un instant, mais Livai savait ce qu'il avait vu : un corps carbonisé. Sa gorge se serra, le faisant suffoquer. Au lieu d'essayer de s'approcher, Livai passa sur le côté. Au moins ici, il pourrait voir quelque chose sans être trop proche d'Erwin et ses soldats. Une lieutenante retourna le cadavre devant Erwin. Une grande partie de son corps était brûlé, le rendant peu reconnaissable. Ce n'était pas Eren. Il l'aurait reconnu. Eren n'avait pas ce genre de-
"J'ai cru voir quelque chose là."
"Ah ça ? Elle s'appelle Azadi."
Quelqu'un le bouscula, et Livai dut s'appuyer contre le mur pour ne pas tomber.
Pourquoi.
Même de loin, le tatouage était reconnaissable, s'étalant sur une rare partie de peau qui n'était pas ensanglantée. L'oiseau ne bougeait pas.
"ENFOIRÉ !" hurla quelqu'un un peu plus loin, et quand Livai leva les yeux, il eut à peine le temps de voir Erwin lever le bras bien haut, une épée à la main, avant qu'il ne l'abaisse dans un mouvement rapide et précis.
La tête d'Eren roula sur le pavé, coupée juste au-dessus d'Azadi.
Non.
Livai hurla avec tous les autres, l'horreur parcourant tout son être. Sa voix lui paraissait étrangère, noyée parmi les cris de rage. Ce n'était pas - ça ne pouvait pas être réel.
"Voyez ce qui arrive lorsqu'on défie l'empire de Sina !" cria Erwin, fier et conquérant devant la foule l'insultant. Il n'avait pas peur d'eux.
La fureur autour de lui le contamina, remplaçant rapidement l'horreur. C'était ce genre de monde dans lequel ils vivaient. Un monde où les plus forts tuaient les plus faibles. Où les dominants écrasaient tous les autres sans jamais aucune conséquence.
Livai allait lui montrer.
Il s'engouffra dans une maison au hasard. La porte avait été laissée ouverte, il n'y avait personne à l'intérieur. Livai trouva facilement la cuisine, ouvrant tiroir après tiroir.
"Bordel, BORDEL !" cria-t-il.
Ses mains tremblaient. Il ne savait même pas à qui appartenait cette maison.
Il tira trop fort sur un tiroir l'envoyant s'écraser au sol, mais il l'ignora. Il n'y avait pas ce qu'il cherchait. Finalement, il trouva les couteaux. Il attrapa le plus grand, l'aiguisa en deux coups, et ressortit dans la rue.
La foule était encore plus bruyante que lorsqu'il était entré, les lamentations se mêlant aux injures et cris de colère. Livai longea le mur, gardant bien le couteau le long de sa jambe. Personne ne faisait attention à lui, tous étaient concentrés sur le rassemblement devant le corps d'Eren. La foule criait, les soldats la repoussaient avec de plus en plus de difficultés. Erwin s'était légèrement retiré à l'écart. Parfait, ce serait plus facile de l'atteindre.
Livai trouva un endroit où s'enfoncer dans la foule, se frayant facilement un chemin, les yeux rivés sur sa cible. Il ne lui échapperait pas. Livai l'avait promis : si Eren mourrait, Erwin suivrait. Maintenant qu'il avait décapité Eren sous ses yeux, plus rien ne pourrait le sauver.
"Elle s'appelle Azadi. Ça veut dire 'liberté' en maranien."
Plus qu'une vingtaine de mètres.
Un cri de douleur retentit vers l'avant de la foule.
Quinze mètres.
"Bientôt on sera libres !"
Les gens fuyaient tout autour de lui, ralentissant sa marche, mais pas suffisamment pour l'empêcher d'avancer.
Dix.
Erwin ne l'avait pas encore vu.
Quelqu'un lui attrapa les épaules, et Livai mit du temps à comprendre que ce n'était pas le mouvement de foule. Il tenta de se dégager, lâchant enfin Erwin du regard quand les bras se refermèrent autour de lui dans une étreinte.
"Ne fais pas ça Livai," une voix étranglée lui souffla à l'oreille.
Il s'écarta juste assez pour voir l'expression dévastée sur le visage de Darya. Pour la première fois depuis qu'il avait vu le cadavre d'Eren, il réalisa qu'il n'était pas la personne qui en souffrait le plus. Le visage de Darya était trempé par les larmes, ses cheveux en bataille collaient sur ses joues et dans ses yeux rougis, sa mâchoire tremblait.
Il avait perdu Eren aujourd'hui, mais Darya avait perdu un fils.
"Si tu y vas, ils te tueront !" sanglota‐t‐elle contre lui.
Livai le savait très bien. Sans son épée ni son énergie spirituelle, il ne pourrait pas faire grand chose de plus que tuer Erwin. Mais ça lui suffisait.
"C'est à cause de cet enfoiré qu'Eren est mort," gronda-t-il en tentant de se dégager, mais les doigts de Darya aggripèrent un peu plus ses manches.
"Il n'aurait pas voulu que tu meures pour ça," insista-t-elle, et peut-être que c'était vrai, mais Eren était mort, et Livai n'avait plus nulle part où aller. "Il aurait compris, il était prêt à se sacrifier !"
"Arrêtez de dire ça !" cria-t-il en faisant un pas en arrière, et cette fois Darya le lâcha.
Il ne voulait pas entendre cette phrase. Ils connaissaient tous si bien Eren, n'avaient-ils pas vu son désir de vivre, caché loin sous sa façade ?!
Il contourna Darya et la dépassa, la foule continuant de bouger autour d'eux.
"Je t'en supplie Livai," cria Darya derrière lui, la voix déchirée par les larmes, "je ne peux plus voir d'enfants mourir pour ce foutu pays !"
"J'avais enfin trouvé des gens à protéger, des gens qui comptaient sur moi."
Livai s'arrêta. Quand il se retourna, Darya le regardait droit dans les yeux, le suppliant de ne pas faire un pas de plus.
Faisait-il partie des gens qu'Eren voulait protéger ?
Sa main se resserra un peu plus autour du couteau. Pourquoi hésita-t-il putain, Erwin était juste devant lui ! Et pourtant, les yeux de Darya le clouaient sur place. Elle avait le même regard qu'Eren.
Il détestait ce regard, pensa-t-il en s'écartant rapidement dans la foule. Il devait partir de là, et vite, avant qu'il ne change d'avis.
La sensation d'un regard sur sa nuque le fit se retourner, et il croisa les yeux d'Erwin, indéchiffrables. Livai planta le couteau dans le volet d'une maison à côté. Il savait qu'Erwin avait compris. Livai ne l'avait pas pardonné. C'était une promesse. La promesse de revenir le tuer dès qu'il en aurait l'occasion.
Il se détourna d'Erwin, s'enfonçant dans une ruelle sans attendre Darya, sans attendre personne, avant qu'il ne fasse une connerie. Ses doigts l'avaient démangé de reprendre ce couteau.
Il avait à peine parcourut deux rues avant que ses genoux ne cèdent, le laissant s'écrouler dans la poussière. Livai pouvait toujours voir et sentir la fumée d'ici. Il pouvait toujours entendre la clameur de la foule au loin. Il ne voulait pas se relever.
Peut-être que ça avait été une erreur de ne pas tuer Erwin tout de suite, pensa-t-il alors que sa vue se troublait. Il ne savait pas s'il aurait la force d'y retourner.
Livai se mordit la lèvre alors que les sanglots commençaient à secouer ses épaules.
"Livai… si jamais, si jamais tu veux rester, tu as ta place au Fi Malja."
Il n'avait jamais eu sa place nulle part. Et maintenant qu'allait-il faire ? Il ne pouvait pas rentrer à Sina, ni rester à Maria.
Sans Eren…
"Le plus proche de 'Lastoli' serait quelque chose comme 'solitude', 'vide' ou peut-être 'manque'…"
Il n'avait jamais aussi bien compris le sens de ce mot.
Il pouvait presque entendre son rire. Quand il apprenait la silve, quand il jouait avec Aslan, quand il essayait de le renverser sous lui… Il se rappelait de ses sourires aussi, de son odeur, de la chaleur de sa peau sous ses doigts.
"T'as cru que t'allais me couler aussi facilement ?"
Il n'arrivait plus à respirer. C'était comme si de l'eau s'était infiltrée dans ses poumons, le faisant suffoquer. Comme si tout l'air autour de lui avait disparu.
Il avait cru qu'ils pourraient attendre Rose. Que la guerre était finie, que le plus dur était derrière eux. Et pourtant, il avait suffi d'une matinée pour que tout bascule. En quelques heures seulement, ils avaient tout perdu.
"Alors reste."
Livai hurla à s'en déchirer la voix.
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Une heure passa, ou peut-être deux. Une bourrasque de vent balaya la ruelle, et Livai ferma les yeux pour ne pas se prendre de sable en pleine vue. L'odeur de fumée et le bruit de la foule avait disparu maintenant. Il ne sentait plus ses jambes, mais il savait qu'il devait se lever. Les soldats sinayens finiraient par le retrouver s'il restait là. Lorsqu'il rouvrit les yeux, un petit bout de papier attira son regard. La brise le faisait voleter sur les pavés, le déplaçant de quelques centimètres à la fois. Livai le suivit machinalement des yeux. Des inscriptions y étaient tracées à l'encre noire d'une écriture familière, et il reconnut le talisman qu'Eren lui avait donné des mois plus tôt. Celui qui l'avait permis de le suivre lors de son infiltration au sein de Traoma. Il ne savait même pas qu'il avait gardé ça, mais il était devenu inutile maintenant.
Il le contempla quelques instants avant de s'en rendre compte. Le petit papier continuait de tournoyer en harmonie avec les grains de sable, dans une danse aux allures de silve.
Et l'aiguille bougeait.
À suivre…
