Le titre musicale du chapitre est Civilization, une vieille chanson pop américaine écrite par Bob Hillard et Carl Sigman en 1947. Il y a eu plusieurs interprétations, dont celle de Danny Kaye qui doit être la seule que je connaisse.
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Ace n'avait rien contre Adara. Au contraire, il appréciait de voyager avec elle dans ce monde totalement nouveau pour lui. Il y avait eu une connexion entre eux. Il ignorait si c'était à cause de la parenté de la femme avec Aarch ou la vie de celle-ci et ses merdes d'avant la guerre, mais ils arrivaient à se comprendre.
Cependant, la différence avec Sanji, c'est que le gars, non seulement il avait la génétique de son côté en étant un fils de Jaijji (pas besoin de parler de tout ce que le fou avait fait sur ses gosses) et de l'autre, il était un pirate. Alors, il avait la force, l'endurance et la résistance pour qu'ils puissent augmenter le rythme et prendre plus de risque.
En sortant de la librairie, ils n'avaient pas fait de chichi.
- Destination ? demanda Ace en s'étirant.
- On file vers l'ouest, lui dit Sanji en tapotant le sol du bout d'une de ses chaussures extrêmement bien cirée. On va passer devant l'abri 81 de Vault-Tec. On traverse le pont et on continue tout droit jusqu'au réservoir de l'entreprise Poséidon. De là, on part vers le nord, jusqu'aux Stocks Fédéraux de Ration. De là, on retourne à l'ouest jusqu'à trouver une station permettant de relier le parc d'attraction au reste du Massachusetts.
- D'accord.
- En route.
Et il partit en sprint endiablé.
C'était ça qui avait manqué à Ace durant son voyage avec Adara. Pas de chichi, pas de détail. Ils avaient un objectif et le logia n'avait pas à s'en faire pour son camarade de voyage. Ils étaient solides, ils étaient habitués au danger, aucune raison de s'inquiéter de son compagnon de route.
Bientôt, ils couraient à toutes jambes dans les ruines de Boston, sautant aisément par-dessus des obstacles ou n'hésitant pas à défier la gravité au besoin. Sans compter que quand Sanji voyait qu'Ace en avait encore dans le coffre, le blond se permit un sourire et d'accélérer, invitant l'autre pirate à en faire autant.
Ce fut plus fort que lui, mais le noiraud se mit à rire.
Ils n'allèrent pas bien loin avant de s'arrêter.
Ils n'avaient même pas quitté Boston avant que la pluie ne commence à tomber. Des trombes d'eau, comme si le ciel avait ouvert ses vannes.
- C'est mieux ainsi, assura Sanji en voyant qu'Ace tira une grimace. Les radiations rendent les logias instables, alors, si on rajoute de l'eau, au moins, on est certain que l'on se retrouvera pas avec un feu hors de contrôle avec du matériel extrêmement radioactif dans les environs.
- Dommage. J'avoue que…
Le logia leva le nez vers le ciel, regardant les hauts murs qui bordaient la ruelle qu'ils empruntaient.
- On voit si peu le ciel, ça aurait été avec un grand plaisir que j'aurais fait un peu de vide.
Sanji eut un micro rire, comme s'il comprenait son sentiment.
- Point positif, on est pas trop loin de la côte. Point négatif… avec toute la radiation qui a été relâché dans cette apocalypse nucléaire, la navigation est devenue une stupide idée. Autant sauter la tête la première dans un réacteur nucléaire.
- HALTE !
Le duo regarda devant lui, pour voir un homme en tenue de baseball qui avait vu de meilleurs jours les braquer avec une arme à feu de fortune.
- Les monstres comme toi ne sont plus autorisés à Diamond City, goule !
Sanji baissa la tête avec un micro rire.
Ace n'avait pas besoin de lui demander ce qu'il y avait de drôle. C'était évident, et ça le faisait sourire.
- Ne, ossan… où sont tes potes ? demanda Ace avec un air innocent.
- Pas de témoin. Pas de backup. Je pourrais te buter à l'instant, sourit Sanji d'un air sanglant.
- Je-je-je-je…
- Oui ?
Sanji s'approcha lentement, ignorant le flingue toujours pointé sur lui.
- Soit on en vient aux mains, soit tu nous laisses passer, parce qu'on ne va pas à Diamond City mais à l'abri 81. Capiche ?
Le bras trembla, et l'homme finit par s'écarter en crachant une dernière fois au sujet de Sanji. Si obsédé qu'il était par le cuisinier goulifié, il ne remarqua pas Ace qui se glissa dans son dos. Sa tête fit un froid cent-quatre-vingt degré.
- Je hais le racisme, se justifia le D. devant le sourcil levé de Sanji. Et parce que j'avais un poil de frustration à évacuer.
- Alors, je dirai que t'es pas bien dans ta tête, mais après avoir survécu tout ce temps aux conneries de ton frère, je dirai que c'est de famille, soupira le blond. En route.
Ils reprirent leur marche. Et ce qu'ils virent en bout de route leur fit dire que le D. avait eu une chance du tonnerre. Il y avait une tourelle automatique et vu qu'elle ne les attaqua pas, elle n'avait pas repéré ou comprit l'acte d'Ace. Après, ils étaient à présent sur une large place, coupée partiellement par un début de barricade sur leur droite qui indiquait la route vers Diamond City. Sanji lui fit un signe de passer par la barricade, avant qu'un son ne vienne de son Pip-Boy à la ceinture.
- Pourquoi tu ne le mets pas au poignet ? demanda Ace.
- Cela me dérange pendant que je cuisine.
Ce qui était une réponse logique de la part d'un cuisinier des océans dans l'esprit du logia alors qu'il passait la barricade. A présent, la vue de gauche n'était plus bloquée par des murs de briques, mais par des tas de véhicules à l'abandon, comme une décharge. Il s'arrêta juste un instant pour lire un tag en blanc sur la porte d'un garage à sa droite.
Protégé par le Mur.
- Faut entrer dans Diamond City pour comprendre de quoi ça parle. Nami-san vient de m'envoyer un message. On a une présence de coursiers dans les environs de l'abri 81. Elle recommande de couper en passant un peu plus au nord.
- Coursiers ? se renseigna Ace.
- Synthétique de génération trois avec un design tourné vers les missions en surface et de combat. Ils auraient eu parfaitement leur place dans le Cipher Pole.
Un frisson d'horreur secoua le logia. Il n'aimait pas l'image.
Un robot vola à côté d'eux pendant un instant avant de s'éloigner. Il ressemblait à un gros boulet de canon avec une grille sur une face et des flammes le gardant en apesanteur sur le bas et l'arrière. Sanji lui dit qu'il s'agissait d'un Eyebot avant de reprendre :
- Bon, puisque Nami-san nous a signifié la présence de l'Institut tout prêt, alors, autant accélérer le pas.
- Comment le sait-elle ?
- Robin-chan. Robin-chan a des yeux partout dans l'Institut, donc, elle sait leurs mouvements. Elle les transmet à son itération dans la bibliothèque qui le dit à Nami-chan, répondit tout bas Sanji après être certain que personne ne pouvait les entendre.
Il avait même jeté un œil vers le ciel pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'espion.
Ils arrivèrent sur la place juste devant l'entrée de Diamond City. Un véhicule calciné finissait de se consumer en dépit de la pluie. Il y avait dû avoir un combat récemment.
Ils recommencèrent à accélérer le pas, passant par une ouverture à l'ouest dans les barricades, avalant les marches d'un escalier humide entre deux bâtiments d'habitation à leur droite, faire quelques mètres de plus pour en remonter d'autres toujours à droite pour se diriger vers ce qui ressemblait à un quartier commercial.
Une femme tenait le mur devant un grand bâtiment du nom de « Hardware Town » d'après les plaques colorées sur sa façade. Elle sembla crier quelque chose mais le bruit de la pluie et de leur course couvrit ses paroles et de toute façon, elle était déjà rentrée.
Ils dépassèrent un bâtiment et sautèrent pardessus une corvega jaune qui leur barrait la route.
Un semblant d'étendue sauvage était devant eux, quelques arbres encore debout en dépit des éléments. Mais Sanji l'ignora, menant Ace un peu plus vers le nord, dépassant un immense immeuble pour se rapprocher d'une promenade de béton qui permettait d'accéder à pied à une route qui passait sous la ville. On avait fait un semblant d'avant-poste sur cette zone, mais qui l'avait occupé était une grande question, puisqu'il n'y avait plus personne à cet instant, outre le cadavre d'une goule sauvage dont le visage avait quasiment fondu sous les radiations. Et elle n'était pas venue seule, parce qu'en traversant la zone, Ace compta trois autres cadavres.
Cela ne sembla pas déranger Sanji plus que ça. Ou alors, il avait tellement l'habitude de ce genre de vision que cela ne le dérangeait plus.
Ils accélérèrent leur course en dépit de la pluie, continuant de suivre la route bien droite de la promenade de béton qui encadrait le coin boisé, jusqu'à la voie ferrée un peu plus loin.
Sans le vouloir vraiment, Ace ralentit pour s'arrêter totalement.
Les rails passaient sur une butte et traversaient un bras d'eau via un pont de fer, mais ce n'était pas ce qui avait fait se stopper le D.
Non, c'était la vue. D'ici, c'était tellement dégagé.
C'était de la végétation morte et de l'eau à perte de vue, avec peu de constructions, avec une coupure dystopique au milieu sous la forme d'une route aérienne à moitié effondrée avec des carcasses de véhicule encore sur le peu de béton toujours en un seul morceau. A certains endroits, les squelettes de métal avaient littéralement fondu.
Un paysage de mort qui faisait froid dans le dos.
- Impressionnant, hun ? nota Sanji.
Ace tendit une main et regarda le ciel.
- L'averse n'aura pas duré.
- Tant mieux, parce qu'on va déjà bien se mouiller pour passer.
- On est où par rapport au point d'impact ? se renseigna le logia en se tournant vers son camarade de voyage.
- Neuf heures à pied, en allant vers le sud-ouest. On entre dans la zone de dommage, la Mer Brillante, en s'approchant du sud de Natick, qui est à six heures de marche d'ici.
- Je vois.
Sanji fit un signe de la main invitant le D. à traverser le pont de fer rouge. Il fit juste un petit geste de deux doigts demandant d'accélérer le pas. Ace ne comprit qu'en rapportant son attention sur le pont. La nuit commençait à tomber, mais il faisait encore assez clair pour voir que quelqu'un se baladait sur la ruine. Il avait envie de dire que c'était une personne seule, qu'ils ne risquaient rien, surtout à cette distance, mais Sanji connaissait mieux que lui les règles de ce monde, alors, il allait le suivre.
Ils ne longèrent pas longtemps la voie ferrée. Bientôt, ils laissèrent les rails envahis par la végétation pour descendre la pente de végétation couleur rouille et suie pour se rapprocher de la rive et du pied de l'échangeur.
Cette frontière toujours présente entre la végétation moribonde et les marques d'une humanité pas plus vivante n'était toujours pas un paysage appréciable. Spectaculaire, certes, mais cela n'était qu'un triste résultat prévisible en sachant que peu importe les époques, les Hommes seraient toujours des machines de destructions. Et ce n'était pas le pied gigantesque de béton armé qui soutenait l'échangeur aérien qui lui dirait le contraire, même quand Ace était nez à nez avec lui.
Il releva le nez en entendant Sanji jurer. Et c'était compréhensible parce que quelque chose explosa juste en suivant. Il ne vit que la projection de flamme et le son, le chaos ayant lieu au-dessus de leur tête, en partie masquée par la part de la voie toujours en place.
- On a des robots, chuchota Sanji. Un robot sentinelle si j'en crois le bruit. Il use d'armes laser et marche avec un FC. Donc, si on le détruit, il va nous faire une micro explosion atomique.
- On fait quoi ? On peut toujours le pousser à la flotte, ou pas ?
- Ce sont des machines faîtes pour offrir une protection à des soldats dans un gros échange de feu. C'est loin d'un Pacifista, mais le souci vient de son système d'autodestruction. Suivant les modèles, on a deux explosions équivalentes à une mini-nuke.
- Alors, on passe sans s'arrêter aussi vite que possible.
- T'aimes le risque, toi, non ?
- Tu me dis ça alors que tu as navigué avec Luffy ?
- T'es pas tout blanc non plus, Portgas.
Ace allait lui répondre quand il se rappela sur quoi il se tenait.
Et ça le fit sourire d'un air maniaque.
- Oi, le cuistot. Regarde sous tes pieds.
Sanji baissa les yeux et blanchit sous les marques de brûlure de radiation qui scarifiaient son visage.
- Tu vas pas faire ça…
- Oh, allez, t'es pas joueur…
Sanji eut un rire nerveux.
- On va se retrouver dans une tempête de feu et on ne va rien comprendre. Ce n'est pas parce que tu es un logia que tu es insensible aux radiations. Regarde.
Et il lui pointa le ciel au sud. C'était étrangement chargé de lourds nuages statiques sur la ligne d'horizon.
- Ça, c'est ce qu'il reste de Smoker. Impossible de savoir s'il est vivant ou mort. Voilà ce que les radiations ont fait de lui, alors, fait pas le con.
- Je n'aie pas l'intention. Mets-toi à l'abri.
Le cuistot eut un claquement de langue pour se coller à la paroi rocheuse laissant Ace seul sur le morceau de carrosserie rouge qui leur avait permis de traverser ce bras de rivière à défaut de pouvoir utiliser le pont au-dessus de leur tête à cause de sa destruction. Quand le pirate en aurait fini, il manquerait certainement un morceau de plus au pont… et aux terres autour.
Il forma entre ses mains une lance de flamme qu'il planta dans la corvega. Il la tourna entre ses mains, l'enfonçant un peu plus dans le véhicule pour provoquer l'explosion.
Boom.
Profitant du souffle de l'explosion, le logia se retrouva projetée dans le ciel, injectant ses flammes dans la boule de feu qu'était à présent la voiture. Il voyait le béton mangé par la terre et les arbres morts. Il voyait aussi parfaitement ce qui était le robot sentinelle dont lui avait parlé Sanji. C'était gros, comme deux armures automatisés mises côte à côte et presque plus grand qu'un homme, dans un métal sombre, se déplaçant sur des chenilles en guise de roue, avec des bras massifs. Il ne prit pas la peine de voir les armes de la machine. Il sentait la menace qu'elle représentait, courant sur sa peau.
Ace leva les bras, soulevant la boule de feu si grosse qu'elle en éclipsait le soleil, et toujours en apesanteur, les jambes grandes ouvertes, il la projeta dans un dunk magistral sur le robot. La double explosion que cela produisit envoya bouler le D. de l'autre côté de la rivière, produisant un champignon de fumé majestueux.
Après la fumée et les flammes, ce fut une pluie de pierres.
En toussant, Sanji émergea des décombres de métal, de bétons, de pierres et de bois. Il resta assis par terre, regardant autour de lui. Il ne restait rien de la zone. Il n'y avait plus rien dans la rivière. Il n'y avait plus de pont. Plus de béton. Tout avait été tout simplement oblitéré.
- PORTGAS ?! appela Sanji en se relevant.
Il s'épousseta et mit ses mains en porte-voix.
- PORTGAS ?! ACE !?
Sur ce qui était désormais la rive opposée, Ace finit par se relever, avec quelques flammes encore sur lui, clairement ébouriffé.
Et il éclata de rire.
- Vous êtes des timbrés dans cette famille, grommela Sanji.
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La course avait repris, Ace avec des flammes persistantes sur son corps qui inquiétaient sérieusement Sanji. Ils avaient suivi l'échangeur encore un moment, avançant toujours vers le nord. Quand ils avaient aperçu un groupe de robots hétéroclites, Sanji avait pris le logia par la peau du cou pour lui faire contourner discrètement le groupe, avant de se cacher derrière les rochers, lui faisant signe de se taire.
« Votre attention, habitants du Commonwealth ! Moi, le Mécaniste, ai décidé d'apporter la paix. N'ayez pas peur. Ces robots sont vos alliés, vos protecteurs, et ils ont pour seule mission de sauver le Commonwealth. Ensemble, nous rétablirons la justice et précipiterons le monde dans une ère nouvelle. »
C'était un message que le groupe de robot diffusé en boucle dans leur marche vers le sud.
En silence, affalé entre les broussailles et les rochers, les deux pirates les regardèrent passer, jusqu'à ce qu'ils soient totalement hors de vue et que leur message dicté par cette voix clairement modifiée, mais avec une étrange tonalité féminine, ne soit plus qu'un murmure.
- C'est une mauvaise nouvelle ? devina Ace.
- Très mauvaise. Ce Mécaniste est discret. Très discret. Suffisamment pour que sa base ait échappé aux yeux de Robin-chan et aux espions volants de l'Institut. En avant.
Ils reprirent leur route, laissant l'échangeur aérien derrière eux.
Ils croisèrent sur leur chemin un étrange camion… relié à un terminal.
Ace s'arrêta pour observer la construction. On aurait dit une turbine.
- Touche pas. T'es pire qu'un gosse.
- Désolé, je viens de sortir d'un caisson cryogénique, je découvre.
- Rien à foutre, tu me suis. On n'est plus très loin du fort Hagen. Raison de plus pour que tu éteigne tes flammes, parce qu'il y a des trucs très dangereux qui traînent encore là-bas On a déjà eu une première explosion aujourd'hui. Pas besoin de tenter de faire encore plus gros. On essaye de rester sous le radar.
- C'est encore loin ?
- Non, on est quasiment à côté de la station de transit. Tu le verras vite. Surveille l'horizon. Si tu vois quelque chose qui ressemble à une bouteille de soda, au loin, version géante, c'est là.
- D'accord.
Et ils se remirent en route. Mais pas de course, cette fois, mais un simple trot, un footing, tout au plus. Pas parce qu'ils étaient épuisés ou essoufflés. Deux heures de courses, ce n'était rien pour eux et ils avaient fait le trajet plus vite que prévu. Non, c'est simplement qu'ils étaient proches de leur destination et que Sanji ne voulait pas la louper.
Et bientôt, à l'horizon, Ace vit une construction ressemblant à une bouteille de soda géante. Et plus ils se rapprochaient, plus il en voyait au travers les arbres morts et la brume persistante. Puis vinrent les détails. Les décorations avaient des plaques absentes dans leur construction, et la peinture avait littéralement rouillé par endroit.
En arrivant à une route, Sanji cessa son footing et se dirigea vers la paroi rocheuse juste à côté, ignorant la ruine qu'était la voie bétonnée.
- T'y arrives avec tes flammes ? se renseigna Sanji en lui jetant un regard par-dessus son épaule.
- Elles s'éteindront seules.
Il lui lança un regard dubitatif et continua l'ascension, suivit par le D. curieux. Ils se rapprochaient de leur destination mais il n'avait toujours pas la moindre idée de pourquoi il se devait de s'y rendre.
Puis, ils virent de la lumière.
Ils approchaient d'un endroit qui rappelait vaguement le parc d'attractions à Shabondi, les manèges en moins. En grand sur l'entrée, on avait « Nuka World » d'écrit.
- C'est juste la zone de transit, informa Sanji alors qu'ils marchaient entre les véhicules abîmés par la bombe et le temps Ce sont des lieux pour ranger des véhicules, ces bâtiments. Des parkings, ils appellent ça.
Sur les murs des divers « parkings », il y avait d'immenses affiches publicitaires à l'effigie de la boisson "Nuka-Cola".
Sauf qu'ils n'étaient pas seuls. Il y avait un groupe de personnes en vêtements paramilitaires, avec un robot du même modèle de KLEO avec eux. Ils les regardèrent avancer, et l'un d'eux leva une arme, prêt à leur hurler quelque chose, mais un de ses camarades l'en empêcha en secouant la tête.
- Depuis quand ce coin est le territoire des Déplacés ? demanda un des membres du groupe.
- Ce n'est certainement pas celui des Artilleurs. On est que de passage et je peux vous assurer que vous ne voulez pas vous rendre dans le parc en lui-même. Qu'est-ce que vous foutez là ? répliqua Sanji.
- On a reçu un étrange signal et on vient voir l'origine.
- Bah allez voir votre boss et dîtes-lui que c'est une affaire de Déplacés, donc, rien à voir ici.
Les Artilleurs s'écartèrent et les laissèrent passer sans leur poser plus de difficultés.
Sanji embarqua Ace jusqu'à un bâtiment assez large et vaguement mis en valeur par une petite placette pavée positionnée juste devant le très large escalier permettant d'y accéder. Ils montèrent la demi-dizaine de marches, traversèrent les poubelles rouges éventrées qui avaient laissé leurs déchets partout sur le sol, pour descendre un escalier de métal qui menait à la porte du bâtiment.
- Un escalator, informa laconiquement Sanji en posant pied devant la porte en bas. Normalement, il est censé bouger, mais le courant ne passe plus.
Il ignora la porte de gauche bloquée par des déchets en pagaille et ouvrit la droite, les laissant entrer dans une structure souterraine rappelant le métro à Ace. Sauf qu'il y avait un liseré de carrelage rouge sur les murs, tout comme les poteaux d'éclairage et l'étrange train sur les rails à peine plus loin. Impossible de comprendre pourquoi, en dépit de l'éclairage électrique encore actif, on avait jugé utile de rajouter un baril contenant un feu actif à côté d'une colonne effondrée. La chaleur ? Ace n'en avait pas la moindre idée. Même si l'ambiance absolument morte des lieux pouvait donner froid, avec son don, le Shirohige était certainement mal placé pour parler de température.
- Un truc à faire, et on est parti.
- Et me dire pourquoi on vient ici juste tous les deux ? se renseigna le logia.
Sanji s'alluma une nouvelle cigarette, et prit son temps pour tirer dessus avant de regarder le nuage qu'il expira.
- C'est une sale décision. Très sale. Honnêtement, si je pouvais, je ferais demi-tour et te demanderais d'oublier tout. Mais tu le sauras, à un moment ou un autre, et le problème sera le même que maintenant, alors, autant gérer la situation dès à présent. Installe-toi dans la première voiture du métro, j'arrive.
Et il laissa Ace sur le quai pour se diriger vers la droite et le comptoir qu'il y avait là, avec quelques caisses enregistreuses d'un rouge délavé. Le blond se projeta souplement par-dessus le comptoir et se rapprocha d'un panneau de commande informatique rouge et blanc. En soupirant, le Shirohige alla s'asseoir dans l'appareil et s'allongea dans la banquette, les mains sous la tête.
Pendant un instant, il perçut les grognements de Sanji qui semblait manipuler quelque chose et entrer des commandes sur le panneau au vu des sons de touche, avant de l'entendre parler :
- Oi, Franky, tu me reçois ?
« Suuuuupaaa réception de mon côté, frangin ! Tu te fais chier à Goodneighbor ? »
- C'est pas important. Je débarque avec un Déplacé, assures-toi que l'autre idiot ait pas une idée lumineuse, dans le genre, se barrer à Las Vegas ou se la jouer comme el Che et nous faire toute l'Amérique Latine en moto.
« Il a eu le topo de la part de Robin déjà ou pas ? »
- C'est fait.
« Bien noté. Je déverrouille le Suuuupaaaa Nuka Express. On vous attend. »
- On arrive.
« Ah, et ignore la flèche à l'arrivée. On doit y foutre un coup de peinture, te jure que ces pillards avaient vraiment un grain, pire que certains de Capital Wasteland. »
La conversation se coupa et Sanji vint rejoindre Ace dans le véhicule. Il marcha jusqu'au siège du conducteur, activa un levier et immédiatement, la porte du wagon glissa à sa place, les enfermant dedans.
« Please, stay away from the door. Por favor, manténgase alejado de las puertas. Doa kara hanarete kudasai. Merci de bien vouloir rester loin des portes. Plîs. Arhoswch i ffwrdd o'r drysau * … »
Tranquillement, alors qu'ils prenaient de la vitesse sur les rails, le cuistot vint s'installer dans le siège en face d'Ace, toujours fumant. Il croisa une de ses jambes par-dessus l'autre pour se mettre de travers sur la banquette, appuyant son bras sur le dessus du dossier pendant qu'il regardait d'un air absent l'extérieur.
- Ca fait quoi ?
- De ? se renseigna Sanji.
- De se prendre une douche de radiation.
- Mal. Demande pas à ce con de Hancock, lui, il a choisi de se procurer une drogue ultra rare pour devenir une goule. Il peut te parler des heures durant du trip qu'il a vécu en la consommant. Mais une goule classique te dira que tu sens littéralement tes organes fondre alors que tu es toujours vivant. Tu sens une douleur telle que tu veux en mourir, jusqu'à ce que ton métabolisme ait réussi enfin à s'adapter pour encaisser les radiations sans que cela ne lui fasse quoi que ce soit. Et encore, je m'en sors mieux que les autres…. Merci Jaijji.
La grimace de haine et d'amertume était parfaitement compréhensible.
Ils étaient à présent dans la pénombre, avec pour seul éclairage la faible lueur qu'émettait la cigarette qui se consumait entre les dents du cuistot.
Pendant un moment, il n'y eut que le son des frottements contre le métal de l'appareil, avec le vent qui mugissait contre les parois sous la vitesse.
Puis ce fut la lumière. Une lumière presque jaune avec le soleil commençant sa montée à l'horizon. Le voyage depuis la librairie avait duré toute la nuit.
Ace se redressa et observa à l'extérieur, ignorant la voix de femme qui leur souhaitait la bienvenue. Il se pencha pour mieux voir par les vitres. Il voyait de grands espaces. Très grands espaces quasiment plats et déserts, avec parfois, un arbre blanchi par les radiations ayant réussi à pousser jusqu'à leur niveau pour les saluer avec des branches aussi tortueuses qu'un tire-bouchon. Au centre de tout ça, il y avait le parc d'attraction, totalement caché par des murs aussi haut et épais que les murailles de Goa, avec juste le haut d'immenses constructions représentant de hautes bouteilles de soda qu'on pouvait reconnaître de par leur taille et leur couleur rouge.
Généralement, Ace n'avait rien contre cette couleur, mais y'en avait tellement dans les environs que ça allait finir par le rendre malade.
Mais ce qui le prit de court, ce fut la foutue montagne. Au beau milieu du parc, dépassant largement toute construction, il y avait une montagne avec une autre bouteille de soda qui semblait incrustée dans son flanc. Une montagne avec de la neige à son sommet en plus.
- La montagne est une construction artificielle, lui dit Sanji qui avait dû constater ce qui avait fait tiquer son camarade de voyage. C'était un restaurant cinq étoiles à l'époque, le Fizztope Grill. Perso, je vois pas comment ils ont eu leurs étoiles, c'était de la merde ce qu'ils faisaient. Ah… voilà pourquoi Franky disait que ces pillards avaient un grain.
Le regard d'Ace glissa sur un arbre noircit par un brasier qu'on avait apparemment récemment éteint au vu de la fumée qui en sortait encore. Et en le regardant, il avait l'appellation « hanging tree » qui lui venait au crâne. Un arbre large et noueux auquel des cadavres étaient accrochés, parfois dans des cages de métal assez étroite mais pas non plus très grande, forçant quiconque dedans à soit se recroqueviller sur lui-même, soit à devoir se tenir debout en se pliant autant que possible parce qu'il fallait être petit pour entrer à l'aise dedans. Et pour en rajouter, on avait eu l'idée de planter des javelots rouillés à ses racines pour lui faire une couronne épineuse.
Le monorail prit une courbe, montrant quelques ruines ci et là, tout juste discernable dans la poussière, mais il y avait toujours cette impression de vide.
Mais en se rapprochant de leur destination, ce fut des panneaux, parfois juste devant les fenêtres, avec de publicités pour les diverses variations du Nuka-Cola.
Enfin, l'appareil s'arrêta et s'ouvrit sur une station littéralement à ciel ouvert. S'il y avait eu un toit, il n'était plus là et les jolis petits carreaux qui servaient de fenêtres n'étaient à présent qu'un quadrillage de vide dans du béton. Ce quai était sale, empli de détritus et surtout, puait la mort, avec un simple îlot en son centre. Un comptoir arrondi avec un terminal qui avait dû servir d'accueil et de centre de renseignement.
En sortant du Nuka-Express, Ace sentit un œil tiquer.
Juste à leur droite, il pouvait voir à présent des cages rouillées, des palissades de bois et plusieurs poutres de métal recouvertes de sang plus ou moins séché. D'accord, on avait des cons à passer à tabac, dans les environs. En se rapprochant, ils notèrent qu'ils étaient à présent sur le seuil d'une cage d'escalier avec écrit sur le mur de brique grise en face d'eux « Gauntlet » avec une flèche pointant vers le bas, suivant la courbe de l'escalier.
- Hm. Ce doit être ce dont parlait le tas de boulons. Donc, si on ignore les flèches…
Le blond pivota sur ses talons, tournant le dos à l'escalier et fixant le mur opposé.
- Bingo, un ascenseur.
- Et sauter ? proposa Ace. On vire la grille qui empêche la chute en bout de ligne et on est direct en bas.
- Contrairement à toi, je suis un homme civilisé.
Et le cuisinier arrangea dignement sa cravate alors qu'il appuyait sur le bouton d'appel de la cabine.
Le duo sursauta quand la musique se mit à sortir du Pip-Boy de Sanji qu'il avait au fond de sa poche.
- Tu as lancé la radio ? s'étonna Ace alors que l'ascenseur arrivait.
- Du tout.
- Un dysfonctionnement ?
C'est un chœur féminin qui lui répondit :
Each morning a missionary advertises neon sign
He tells the native population that civilization is fine
And three educated savages holler from a bamboo tree
That civilization is a thing for me to see
La cigarette se carbonisa toute seule sans l'intervention d'Ace qui regarda son camarade de voyage fulminer de rage alors qu'il cherchait à éteindre le Pip-Boy.
- Blague du concepteur ? devina avec un visage de marbre le logia.
- Ta gueule.
- Yup. Blague.
C'était difficile de se retenir, il avait bien envie d'en rire.
Dans un petit ding, l'ascenseur s'ouvrit devant eux. Le logia serra discrètement les dents et entra avec le blond dans l'habitacle. Bien heureusement, le trajet était très court, donc, pas le temps de faire une crise de panique.
- Derrière la porte numéro un… un parking, grommela Sanji quand ils mirent le pied hors de l'habitacle.
C'était vide.
C'était grand.
Le sol était recouvert d'une poussière jaunâtre vaguement sablonneuse qui faisait ressortir d'autant plus les carcasses des véhicules qui se mourraient sur ce lieu. Il y avait juste cette grande allée faîte de carrelage et de mosaïque pavant le chemin jusqu'au parc d'attraction, avec, environ mi-distance, une fontaine depuis longtemps asséchée, représentant une bouteille de soda.
- Bienvenue au parc d'attractions Nuka World, présenta Sanji.
En se rapprochant, ils notèrent d'abord que l'entrée avait été bloquée. On avait mis un mur de métal et de brique avec une entrée sécurisée. Et ça avait l'air extrêmement récent. Sanji toqua d'une phalange contre la paroi qui s'élevait sur plusieurs mètres en hauteur. Cela rejoignait les tourelles décoratives sorties droit d'un conte de fée, qui avaient dû encadrées l'entrée du parc. Ces grands piliers de pierres et de béton étaient désormais truffés de caméras de surveillance et de tourelles automatiques de sécurité.
La place était vraiment sécurisée.
- Cela m'a l'air assez solide pour empêcher le passage d'un béhémoth.
- Bien évidemment, je ne fais que de la suuuupa qualité !
Le duo leva la tête pour voir un type sauter du haut mur qui encerclait à l'origine le parc d'attraction.
L'homme était grand, ultra baraqué, avec des ajouts métalliques le faisant ressembler vaguement au robot sentinelle qu'il avait bousillé un peu plus tôt. Cela lui faisait des bras énormes, et des épaules encore plus énormes. C'était assez détonnant, parce qu'on avait encore des zones où le bras était humain, et des endroits, genre, les avant-bras ou les épaules où on avait des grosses masses de métal d'un bleu luisant. Cela était un rappel de la chevelure bleuté du l'individu qui avait une forme… de pas de vis. Original. Toujours mieux que sa chemise hawaïenne et son speedo qu'il avait pour tout vêtement.
- Bon, tu nous ramènes qui comme…
Le cyborg baissa ses sublimes lunettes de soleil.
- Dîtes-moi que je rêve ! S'il y en avait bien un que l'on pensait pas voir apparaître comme ça, c'est bien le Supaaa Portgas D. Ace !
- Jamais là où je devrais être si j'en croyais mes camarades, sourit sombrement le logia. A qui ai-je l'honneur ?
Il regretta sa question quand le cyborg prit une pose absolument ridicule en joignant ses bras au-dessus de sa tête, collant ses avant-bras ensemble pour que les marques en étoiles dessus se rejoignent pour n'en former qu'une, alors qu'il se penchait légèrement sur le côté.
- Je suis Suuuupaaaa Franky, aniki !
- Franky est notre charpentier. Ton frère ne recrute que des cas, expliqua succinctement Sanji.
- Donc, tu es toi aussi un cas.
- Coupable. En tout cas, Portgas a un rendez-vous.
- Ah bon ? s'étonna le D.
Franky regarda Sanji très sérieusement.
- T'es certain sur ce coup, mec ? en semblant comprendre de quoi il était question.
- C'est quoi qu'ils disaient, ici, avant les bombes ? Ah oui. Damned if I do, damned if I don't ?
Ace plissa les yeux en notant le regard scrutateur de Franky sur lui. C'était quoi ce bordel ? Qu'est-ce qu'il se passait pour qu'on veuille qu'il vienne ici mais qu'on soit aussi récalcitrant dans la démarche ? En quoi c'était une mauvaise chose, pourtant nécessaire, qu'il vienne ? Il aurait pu être à Boston, à aider Adara dans sa quête pour retrouver son fils, mais il était là, devant un mystère qui le dépassait. Certes, rencontrer un autre membre de l'équipage de son frère, c'était cool, mais ce n'était pas le moment. Et cela ne ramènerait pas son frère.
Franky ouvrit une porte sécurisée, offrant un accès à ce qui devait être auparavant l'entrée du parc, avec les files d'attente et d'enregistrement des tickets encore en place. A peine plus loin, on voyait des civils avec la peau sur les os et des haillons sur le dos qui avaient l'air de revenir de l'enfer.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ici pour que tu compares ça à la salle numéro un de Shabaody ? demanda Sanji alors qu'il entrait dans le parc avec Ace.
Franky referma la porte derrière eux et remit la barre de sécurité en place avec facilité malgré le poids de celle-ci.
- Un con du nom de Colter a pris la tête des lieux. Son idée était de fédérer divers groupes de pillards pour en faire une armée. Sauf qu'il n'en a rien fait. Les seules victimes de ces gars étaient les marchands qui venaient se perdre dans le coin et qu'ils réduisaient en esclavages. Les aventuriers isolés étaient attirés dans le Gauntlet, un jeu supaaa tordu avec des tas de pièges mortels pour au final, s'ils y survivent, finir par affronter Colter en face à face dans un combat truqué. On a débarqué y'a quoi… trois jours ? On leur a botté le cul. Je suis en train d'installer des fortifications pour que cela devienne un vrai centre de commerce et une colonie sécurisée, que cela ne se reproduise pas. C'est une femme, suuupa brillante, franchement, qui a réussi à nous contacter. Sous couvert d'une commande de médicament ultra rare, Mackenzie-nee-chan a réussi à envoyer un message d'appel à l'aide sous forme de code. Du pur génie. Etant donnée que les différents gangs étaient déjà en train de se tirer dans les pattes et étaient plus que mécontent de Colter... c'était une invitation pour faire le ménage.
- Je vois. Tu peux t'occuper de Portgas, le temps que…
- Même pas besoin.
Ace était de plus en plus perdu. C'était quoi tout ce bordel ?
Franky pointa quelque chose au-dessus d'eux, au-delà d'une placette circulaire faîte d'arches avec des étales marchands de fortunes à l'intérieur.
- Tu vois le restaurant au sommet de la montagne, là ?
Le Shirohige leva la tête pour suivre le doigt et vit en effet ce dont on lui parlait, vers l'est. C'était plus proche qu'auparavant depuis le monorail, certes, mais ça restait à une belle distance. Un mont solitaire couvert de neige éternelle au beau milieu du parc d'attractions. Mais de là où ils étaient, il ne voyait pas de restaurant.
- Tu vas là-bas et tu rejoins le restaurant. Soit, tu prends l'ascenseur extérieur…
Sans façon merci, il en avait assez des ascenseurs.
- … soit tu prends celui à l'intérieur, mais faut avoir l'estomac bien accroché parce que c'était le QG d'un des gangs et c'est une boucherie qu'on a pas encore nettoyé. Soit, tu prends l'option d'escalader la façade.
- Je n'ai rien contre de l'escalade. Et donc, une fois en haut, je saurai enfin pourquoi on me veut ici ou pas ?
- A mille pour cent, lui assura le cyborg.
- Je pense que mes compétences sont nécessaires ici. Tu m'as pas l'air d'avoir de soucis d'orientation, donc, tu devrais t'en sortir. Mais si tu fais pas gaffe, je peux t'assurer que tu ne sortiras pas de Nuka World vivant, grommela Sanji en retirant son veston.
- Et pourquoi cela ?
- Parce qu'on te détruira, purement et simplement, lui dit avec sérieux Franky. Bon, j'ai du boulot, je dois remettre en marche les lumières d'origine du parc.
Et les deux camarades abandonnèrent le logia perplexe qui resta là, à les regarder partir, avant de soupirer et de tourner sa route vers l'est. Il passa une nouvelle arche qui avait été équipée de porte de sécurité, certes, grande ouverte, mais qui pouvaient offrir un lieu de repli en cas d'attaque. Il monta au niveau d'une nouvelle fontaine, avec cette fois, une bouteille de soda et une capsule géante dotées d'immenses sourires. Le temps ne les avait pas épargnés. De la végétation avait fini par pousser du soda, masquant partiellement son visage, et quelqu'un avait utilisé la pauvre capsule assise au bord de la fontaine comme cible de tirs au vu des impacts de balles sur son visage.
Il continua sa route et se fit quasiment agressé par une blondinette sortie de nulle part avec un pantalon et des chaussures poussiéreuses de la route, un tee-shirt d'un vert très fluo avec les mêmes personnages de la fontaine dessinée dessus et des lunettes de soleil… originales si on comptait le fait que la monture faisait penser à deux capsules de bouteilles côte à côte avec la mascotte capsule sur chaque verre teinté.
- He ! He ! T'aurais pas vu quelque chose de bizarre dans le coin ?! Quelque chose de caché ? En forme de capsule de bouteille ?
- Ano… commença Ace.
Mais déjà, elle s'était accrochée à son bras avec excitation.
- J'ai toujours rêvée de venir à Nuka World ! Cet endroit est merveilleux, n'est-il pas ?!
- Tu veux vraiment une réponse, nee-san, ou tu veux juste parler de ta passion pour la franchise jusqu'à ce que mes oreilles m'abandonnent ? grommela le logia en fronçant les sourcils. Et honnêtement, ce coin n'a rien de si excitant que ça.
Sa façade menaçante ne marcha pas parce qu'elle continua de lui parler avec un autant d'excitation qu'un chien à qui on promet une promenade.
- Quoi ?! Mais tu ne peux pas parler sérieusement, mec ! Cet endroit est le plus merveilleux du monde !
Ace regarda autour de lui, observant les débris et les détritus qui jonchaient le sol.
- Ce n'est pas parce qu'il y a des couleurs que ça change le fait que cet endroit est une décharge que l'on cherche à réhabiliter.
- Comment oses-tu ! Ce n'est pas une décharge ! Regarde seulement autour de toi !
Et elle poussa le culot en passant un bras autour des épaules du logia et montra les rues et les divers bâtiments (cafés, bars, théâtres et certainement des attractions d'intérieur) avec un grand geste de la main.
- Tu peux quasiment voir les enfants heureux et souriants, qui savouraient leur Nuka-Cola en profitant du meilleur jour de leur vie ! Cela devait être magique !
Entre deux doigts, le pirate se saisit du poignet de la femme et retira manuellement le bras autour de ses épaules.
- Je suis Sierra Pietrovita. J'ai fait tout le chemin depuis Capital Wasteland pour visiter cet endroit. Tu as certainement entendu parler de mon musée du Nuka-Cola.
- Lâche-moi la grappe.
Il tira sur son bras quand elle s'y accrocha à nouveau.
- Personnellement, je n'ai jamais goûté, je ne suis pas fan de soda et si j'en crois ma pote Adara, c'est trop sucré, raison pour laquelle elle n'aime pas, elle.
- QUOI ?!
Profitant de l'outrage que ses paroles avaient provoqué, Ace prit la fuite dans un sprint aussi motivée que s'il avait eu Garp aux fesses. Sprint qui ne dura pas longtemps, parce que la pensée que justement, Garp ne viendrait plus jamais le poursuivre lui fit mal. Dure de se dire qu'il était attaché au vieux. En dépit de tout, il avait quand même de bons souvenirs avec lui.
Il fit quelques pas pour s'arrêter au bord d'un immense bassin. Très grand bassin, et assez profond pour qu'on puisse y faire des balades sur des petites barques s'il en croyait la présence de certaines au bord de l'eau. Il y avait une carte de Nuka-World juste à sa gauche, et à peine plus loin, une énième et majestueuse fontaine.
Mais là, juste en face de lui, immanquable, il y avait la montagne artificielle avec son sommet enneigé et la statue de bouteille de soda rouge adossée à elle. Clairement, la construction avait vu de meilleurs jours au vu des plaques manquantes de la bouteille.
Et il voyait enfin le restaurant.
C'était une forme assez circulaire, à plusieurs mètres de hauteur, émergeant du flanc de la montagne. Un gros anneau à la tranche rouge et blanche. Il y avait un néon au-dessus, mais il était éteint et à cette distance, Ace n'arrivait pas à voir ce qu'il y avait noté.
Mais ce qu'il percevait, c'était une grosse puissance. Quelqu'un était en haut, seul, dans ce restaurant. Et ce quelqu'un n'était pas à chercher stupidement. Il avait déjà eu ce sentiment en côtoyant Aarch, Sanji et ce Franky, mais là, c'était… différent. C'était comme regarder une étoile morte. C'était froid, témoin de meilleurs jours, mais impressionnant quand même.
Comme ce parc.
Lentement, le pirate fit le tour du bassin, passant par la gauche. Il dépassa un dépôt de poussettes à côté de toilette du parc et continua sa route, rejoignant la fontaine qu'il avait vu. Il voyait encore les marques du passage des pillards, avec des pieux arrachés et entassés sur le bord des routes. Il y avait des corps que l'on avait cachés sous des draps, sentant la pourriture et la décomposition. Quelques personnes récupéraient les dépouilles les unes après les autres, avec lenteur, pour s'éloigner avec. Et parfois, c'était juste des restes humains qu'un chien errant avait récupérés et grignotait dans un coin.
Ace ne s'y attarda pas. Il avait déjà vu ces scènes plus d'une fois en servant le drapeau de Shirohige.
Il se contenta de lever les yeux vers la montagne artificielle en ignorant les marques de sang séché sur le sol qui s'éloignaient vers l'un des côtés de la construction.
Il voyait quelques fenêtres cassées au restaurant et une partie à l'avant bien ouverte avec une étrange plateforme. En baissant les yeux, il nota une plateforme semblable, reliée à cette ouverture des câbles. Ce devait être l'ascenseur dont on lui avait parlé. Le logia recula de quelques pas pour mieux voir. Ce n'était pas si haut.
Il se dirigea vers la paroi et commença son escalade.
- Y'a un ascenseur, tu sais ? lui fit noter un gars en le voyant faire.
- Je sais.
Cela n'empêcha pas de continuer son ascension. Cela faisait du bien aux muscles cet effort. Juste trouver la bonne prise et continuer toujours plus haut. Puis, s'accrocher à une des fenêtres cassée pour entrer dans la pièce et le tour était joué. Pas de bobo, pas de mauvais souvenirs, et un effort sain, que demande le peuple ?
En regardant autour de lui, il vit que ce qu'il restait des traces d'une période restaurant, avec un comptoir central et quelques tables avec des fauteuils rembourrés, voire même des cubiques pour des repas plus intimes. Mais sinon, tout avait été revu pour servir de quartier de vie, avec un coin salon et un autre couchage. Une partie du mobilier avait dû passer par la fenêtre vue les marques sur le sol et les murs (ce qui pouvait expliquer les fenêtres cassées). Il y avait même des lustres assez classieux. Et quelqu'un semblait dormir dans l'un d'eux. C'était dans la pénombre et il n'y avait pas de courant, donc, difficile à voir, mais Ace percevait clairement une masse au sommet du lustre centrale, avec un pied nu qui pendouillait. C'était lui la source de puissance qui l'avait alerté ?
Lentement, avec prudence, le D. se rapprocha pour voir mieux la personne. Elle était plutôt de petite taille et mince, quasiment maigre sous son bermuda de jean et sa chemise rouge aux manches arrachées. Enfin, les yeux du pirate purent se faire à la luminosité basse du lieu et il put voir d'autres détails. Comme une touffe de cheveux noirs en épis et un très vieux chapeau de paille qu'on avait accroché à une des ampoules.
C'était trop familier. Cela ne pouvait pas être une coïncidence.
Avec précaution, usant de son logia pour se rendre aussi silencieux que possible, il se hissa au niveau du dormeur. Un garçon d'apparence juvénile en dépit des muscles et des cicatrices qu'un gamin ne pourrait pas avoir à un tel âge. La crasse recouvrait une partie du visage, mais elle avait été nettoyée par le passage de larme récente, permettant de voir une cicatrice sous l'un des orbites.
Ace n'en croyait pas ses yeux.
Luffy…
C'était Luffy, il en était certain. Et tant de choses faisaient sens à présent (même si d'autres restaient un mystère), et retrouver son frère, là, comme ça, faisait battre son cœur à tout rompre.
Avec toute la délicatesse du monde, le Shirohige se mit en équilibre dans le lustre, s'accroupissant de son mieux sur l'anneau d'ampoules sur lequel son tout petit-frère dormait. Il leva une main, hésitant un instant, avant de la poser sur l'épaule de l'autre D.
Deux yeux noirs s'ouvrirent. Deux yeux ensommeillés avec un regard ancien. Très ancien, bien trop ancien pour que cela soit normal. C'était en totale opposition avec l'air d'adolescent entrant à peine dans l'âge adulte de son frangin. Un désaccord total, absolu, qui ouvrait la porte à trop de questions. C'était le même genre de regard qu'Aarch. Le regard de quelqu'un qui a vu trop de fois le monde partir en fumée. Le regard de quelqu'un qui a tout perdu et qui ne supportera pas d'autres pertes.
- … Ace ?
Le logia ne répondit pas immédiatement. Il se contenta d'abord d'esquisser un sourire en récupérant le chapeau qui pendait encore d'une ampoule et l'enfoncer sur le crâne du plus jeune.
- Désolé d'avoir tardé, frangin. Je tiens mes promesses.
La main de Luffy monta à son poignet avec hésitation, comme s'il craignait qu'il disparaisse, avant de se refermer avec force dessus. Assez de force pour qu'il y ait du Haki présent inconsciemment dans la prise. Les sanglots suivirent rapidement et cette fois, l'aîné des deux n'avait pas le droit de lui reprocher ses larmes, parce qu'il les comprenait parfaitement.
En prenant Monkey D. Luffy dans ses bras, Portgas D. Ace comprenait parfaitement pourquoi on l'avait menacé. Pourquoi on avait insisté pour qu'il vienne ici. Et pourquoi, qu'il vienne ou pas, le simple fait qu'il soit vivant en même temps que son frère était une malédiction.
Luffy avait l'air d'avoir traversé l'enfer, d'avoir déjà tout perdu plus d'une fois. S'il arrivait une bricole, il y avait de forte chance pour que ce soit la goutte de trop.
Mais pour cette fois, Ace avait besoin d'être égoïste alors qu'il resserrait son frère contre lui, des larmes dans les yeux qu'il cacha dans les cheveux en épis de son petit-frère.
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Alors, c'est le même message, mais en gallois.
