CHAPITRE 12
17 Décembre 1977
Assise au milieu de la table de Gryffondor, une châtaine mordillait sa plume alors qu'elle réfléchissait à son devoir. Elle devait rédiger la conclusion de ses quatre parchemins de Métamorphose. Elle devait les rendre pour le mardi suivant. Il restait une semaine de cours avant les vacances de Noël et les professeurs en profitaient pour les inonder de devoirs.
Ce qui arrangeait bien l'affaire de la jeune Doge puisque cela lui permettait d'éviter le plus possible Sirius. Ethel se réfugiait donc à la bibliothèque, une salle de classe abandonnée et même un escalier peu fréquenté ou en l'occurrence la Grande Salle. Tous les coins y passaient. Pourtant, peu importe où elle allait, le Black finissait toujours par la retrouver. Il semblait avoir un don pour la débusquer et ça la rendait folle.
Ethel soupira lourdement avant de tremper sa plume dans son encre et d'ajouter le point final à sa rédaction. Elle fit sécher l'encre d'un tapotement de baguette, puis le rouler avec les autres. La châtaine rangea ses affaires avec empressement et partit en direction de la Tour de Gryffondor. Le devoir de Métamorphose avait été le dernier devoir de sa liste et Ethel comptait bien profiter un peu de son samedi après-midi.
Elle donna le mot de passe à la Grosse Dame avec indifférence et traversa la salle commune sans un regard. Une fois dans son dortoir, Ethel soupira de soulagement. Ici elle se savait en sécurité de Sirius. Le dortoir des filles était inaccessible pour les garçons. La jeune femme posa alors son sac de cours sur sa malle avant d'attraper un livre quelconque. Elle s'affala sur son lit et commença à lire.
De longues minutes passèrent pendant lesquelles Ethel se détendit. Elle n'était pas vraiment concentrée sur son livre, mais ça lui faisait du bien de faire autre chose que de rédiger des dissertations. Pendant ces deux dernières semaines, elle s'était plongée dans le travail dans une vaine tentative d'éviter Sirius.
Ethel n'avait absolument aucune idée de comment se comporter avec lui. Aussi lorsqu'il la trouvait, elle se contentait de l'expédier gentiment en lui disant qu'elle avait du travail. Bien sûr, le Black essayait toujours de résister un peu sinon ça ne serait pas amusant pour lui. Cependant, il n'insistait pas beaucoup. Tous les Gryffondor savaient à quel point il était imprudent de se mettre entre Ethel Doge et ses devoirs.
Evidemment cette excuse n'était pas toujours valable. Ethel ne pouvait pas l'éviter perpétuellement, car ils étaient binômes en Métamorphose et que les filles ne la laissaient pas louper un seul repas en leur compagnie. La jeune femme se contentait alors du minimum syndical et lui adressait la parole le moins possible.
Les cours de Métamorphose étaient devenus extrêmement long pour Ethel. Elle essayait tant bien que mal de se concentrer sur le cours, mais par Merlin ! Il y avait une telle tension entre eux. La châtaine ne savait pas si le brun la ressentait également. C'était une torture qu'Ethel n'aurait jamais imaginée ... L'avoir à côté d'elle pendant deux heures alors qu'elle savait les sensations qu'il pouvait lui procurer rien qu'avec un seul baiser ...
Leurs bras, leurs jambes se frôlaient parfois se transformant en doux frissons. Et au vu des regards que lui lançait Sirius, Ethel se demandait si ces contacts étaient réellement fortuits. Que cherchait-il à faire ? Ethel n'en avait aucune idée. Pourquoi le faisait-il ? Elle le savait encore moins, mais quand ses yeux gris plongeaient vers elle, Ethel sentait tout son corps s'embraser. La Gryffondor peinait parfois à se retenir de se jeter sur lui à la fin du cours alors dès que la sonnerie résonnait, Ethel fuyait le plus vite possible.
Avec un soupir, la jeune femme éloigna son livre et plongea sa tête dans ses mains en grognant. Maintenant qu'elle pensait à Sirius, il lui était bien impossible de continuer sa lecture. Elle se demandait bien ce qu'elle devait faire. Devait-elle lui parler ? Mettre les choses au clair ? Sûrement, mais pour dire quoi ? Après tout, leurs baisers ne voulaient rien dire. Ils s'étaient aidés mutuellement, certes d'une manière particulièrement agréable ...
Ethel secoua la tête en se morigénant mentalement. Elle devait se reprendre. La jeune femme ne pouvait pas se permettre ce genre de pensées avec Sirius. C'était dangereux. Sans réfléchir plus, Ethel se dirigea vers la salle de bain et se précipita sous la douche qu'elle alluma froide. L'eau gelée coula sur elle et sur ses vêtements. Rapidement ceux-ci finirent mouillés. Ses pensées se calmèrent instantanément. Elle profita de la sensation d'accalmie pendant plusieurs minutes.
Elle ressortit de la douche lorsqu'elle ressentit vraiment la sensation de froid et s'enroula dans une grande serviette. Elle enleva ses chaussures trempées et retourna dans le dortoir. Surprise elle y trouva Mary, Lily et Dorcas. Celles-ci la regardaient indécises et Dorcas demanda perplexe :
- Tu as pris une douche habillée ou bien ?
- C'est une longue histoire, soupira Ethel.
- On déposait nos affaires, expliqua Lily, on va bientôt descendre dans la Grande Salle pour le déjeuner. On t'attend dans la salle commune ?
- Oui, je vais me changer ...
Les filles la laissèrent non sans lui accorder un regard curieux. Ethel soupira une nouvelle fois et se débarrassa de ses vêtements mouillés. Elle essuya rapidement son corps et ses cheveux pour ensuite enfiler une combinaison en jean. Elle sécha ses cheveux à l'aide d'un sortilège avant de mettre également un gros gilet en laine grise et des tennis blanches.
La jeune femme descendit ensuite dans la salle commune où elle retrouva l'intégralité des septièmes années de Gryffondor, sauf Marlène. Ethel se demanda justement pourquoi la blonde n'était pas là. Elle ratait rarement une occasion de se réunir avec les Gryffondor. Ethel ne s'en préoccupa toutefois pas plus puisque Lily l'entraînait déjà en dehors de la salle commune.
Naturellement, elle se laissa traîner tout en lançant un regard désespéré à tire-larigot. Elle croisa alors les yeux gris malicieux de Sirius, mais se détourna immédiatement comme prise en flagrant délit. Elle suivit tranquillement son amie et s'installa à côté d'elle dans la Grande Salle. Tant pis si elle devait supporter James et Lily amoureux, mais elle savait que Lily éloignerait Sirius. Ce dernier avait toujours un peu de mal avec la rousse, car ils avaient tous les deux un fort caractère.
Ethel se servit tranquillement du rôti et commença à manger. Elle discutait avec Dorcas quand Marlène arriva à la table de Gryffondor, elle paraissait particulièrement remontée. Elle s'assit entre Dorcas et Mary non sans lancer un regard inquisiteur à Ethel. Bien sûr, la jeune Doge ne comprit pas et fronça les sourcils sans se rendre compte que Marlène l'avait également adressé à Sirius. Le repas continua tranquillement et alors que Ethel mangeait une pomme, Marlène commença presque innocemment :
- Ethel, j'ai entendu quelques rumeurs intéressantes à ton propos ...
La châtaine tourna immédiatement ses yeux vers son amie. La blonde semblait très sérieuse et Ethel avala difficilement sa bouchée en réfléchissant. Quelles rumeurs ? Était-ce en rapport avec Sirius ? Ethel fut tentée de le regarder pour l'interroger, mais elle se reprit à temps. Ne pas regarder Sirius. Ne pas le regarder. Elle finit par dire perdue :
- Des rumeurs ?
- Oui, confirma Marlène avant d'ajouter nonchalamment, Sirius une idée de ce que ça pourrait être ?
Ne pas le regarder. Ne pas le regarder. Ne pas le regarder. Elle n'entendit aucune réponse de sa part. Peut-être avait-il juste secoué négativement la tête, car Marlène avait repris :
- C'est bizarre ... Parce que si certaines rumeurs étaient différentes, elle s'accordait toutes sur un point : la nature passionnelle de votre relation.
Ethel déglutit. Elle aurait dû s'y attendre. Vanessa Corner aimait marquer son territoire. Les ragots devaient être sa seule arme en l'occurrence. Pourtant, Ethel n'avait pu s'empêcher d'espérer que cela s'arrêterait aux Serdaigle ou aux Poufsouffle peut-être. Comme le temps passait, elle y avait vraiment cru et pourtant il avait fallu deux semaines pour que la rumeur arrive jusqu'aux Gryffondor de septième année.
Silencieuse, elle sentit le regard de toutes ses camarades de dortoir sur elle. Sans aucun doute que Sirius avait droit au même traitement de la part de ses amis. Ethel était incapable de dire quoi que ce soit. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien répondre de toute façon ? Elle n'allait tout de même pas avouer ce qui s'était passé entre eux. Comment il l'avait aidée avec Jeremiah à la limite, mais le deuxième baiser hors-de-question ...
- Eh bien ... commença la voix grave de Sirius.
Ethel ferma les yeux en soufflant discrètement. Elle ne pouvait pas entendre ça. Elle ne le voulait pas. Elle se leva précipitamment et prit la direction de la porte le plus vite possible. Au loin, elle entendit Sirius l'appeler, mais elle ne s'arrêta pas bien au contraire. Elle avait enfin atteint la porte lorsqu'elle sentit quelqu'un l'attraper et la porter comme un sac à patates. Il n'y avait qu'une personne pour faire ça.
- Black ! s'écria Ethel. Par Merlin, lâche-moi !
- Au moins, s'ils avaient un doute maintenant ils sauront que c'est bien toi ! rigola Sirius.
- Mais de quoi tu parles ? marmonna la jeune femme avant de reprendre, lâche-moi !
Le Black se contenta de rigoler alors qu'ils avançaient vraisemblablement dans les couloirs. Ethel observait difficilement le chemin que son ami empruntait, mais elle n'arrivait pas à voir vers où ils se dirigeaient. Aussi, elle demanda les sourcils froncés :
- Où est-ce que tu emmènes ?
- Tu verras ... chantonna Sirius.
- Tu pouvais pas juste me demander de te suivre ? soupira la châtaine.
- Parce que tu l'aurais fait ? demanda le jeune homme amusé.
- Non, avoua Ethel en grimaçant, mais quand même ! Tu prends trop de liberté avec moi ! C'est une affreuse habitude ...
- Quand tu arrêteras d'avoir mauvais caractère, j'arrêterais peut-être ...
- Tu rêves ! s'écria la jeune femme.
- C'est bien ce qui me semblait, rigola Sirius.
Ce dernier ouvrit une porte et finit par la déposer avec une douceur surprenante. Ethel observa où elle se trouvait avec méfiance. Le Gryffondor l'avait emmené dans une salle de classe abandonnée. La jeune femme s'éloigna le plus possible de Sirius et s'assit sur une table. Le Black, lui, resta debout et la regardait de ses yeux persans.
- Pourquoi tu es partie ?
- Je n'avais pas envie d'entendre ça, marmonna Ethel.
- Entendre quoi ? fronça-t-il des sourcils.
- Toi en train de raconter ce qui s'est passé aux autres ! lâcha-t-elle énervée. A partir du moment où ils le sauront, ils ne vont pas nous lâcher ! Et je n'ai pas envie qu'ils viennent se mêler ! Les filles le font déjà de plus en plus, mais alors là ça va être pire ! Enfin on est amis quoi, il ne s'est rien passé de vraiment "grave" ...
Ethel s'arrêta de parler le visage sombre. Elle redoutait les conséquences de ces rumeurs. Certes quand elle avait accepté de renouer avec Lily, elle avait décidé de s'ouvrir un peu plus et elle l'avait fait d'une certaine manière. Elle passait une grande partie de ses journées avec les septièmes années et elle avait avoué sans rechigner la vérité à propos de Summerby aux filles du dortoir.
Cependant, elle n'avait pas envie de mettre en danger son amitié avec Sirius. Bon, elle l'avait un peu évité ces deux dernières semaines ... Mais ce baiser lui avait retourné la tête plus qu'elle ne l'avait pensé ... Ce baiser, bien que très agréable, ne voulait rien dire. Elle l'avait aidé et elle devait juste se faire une raison pour l'oublier. Elle devait l'oublier.
Malgré ses taquineries et son caractère malicieux, Sirius était un ami très précieux pour Ethel. Ils se comprenaient facilement. Ethel savait que derrière sa nonchalance se cachait un ami loyal, un jeune garçon qui avait manqué d'affection et un jeune homme coléreux des valeurs douteuses de sa famille. Tout comme lui savait ce qu'elle cachait derrière son sérieux : une amie attentionnée, une fillette aux rêves plus gros qu'elle et une jeune femme fière de sa famille. Ils ne parlaient pas beaucoup de ces choses-là, mais entre imposteurs, ils se démasquaient bien.
- Tu ne sais absolument pas ce que j'allais dire ! rigola Sirius.
- Tu allais dire quoi ? demanda Ethel sceptique.
- Que ce n'était que des rumeurs ! C'est que je leur ai dit avant de te rattraper ! Ils vont te poser des questions, c'était suspicieux de partir comme ça !
- Oui et bah je pensais que tu dirais la vérité donc bon ... marmonna la jeune femme.
- Tu croyais vraiment que j'allais trahir ma promesse ? questionna le Black un peu blessé. Je t'ai promis que ça resterait entre nous et ça sera le cas.
- Désolé ... souffla Ethel mal-à-l'aise. Mais tu me taquinais dessus alors qu'ils étaient juste à côté alors ...
- Des taquineries ! Ça n'était que ça.
- Je sais, soupira la jeune femme, mais tu les connais ...
- Ouais ...
Ethel soupira à nouveau et regarda Sirius. Celui-ci était toujours debout et semblait pensif. La châtaine elle-même ne savait pas quoi penser de la situation. Comment allait-elle justifier son départ à ses amis ? Dépitée, elle demanda :
- Qu'est-ce que je vais leur dire ?
- Je vais m'en occuper, déclara Sirius.
- Vraiment ? s'étonna la jeune femme.
Sirius posa ses longues mains sur ses fines épaules et lui assura :
- Ne t'inquiète pas. Je leur ai dit que j'allais voir comment tu allais. Quand ils vont s'enquérir de ton état, je leur dirais que tu es inquiète des répercussions que ça peut avoir sur ta famille et le tour sera joué.
Les yeux bleus d'Ethel s'écarquillèrent alors. Sa famille ? Elle l'avait totalement oubliée avec les derniers évènements. Il était cependant plus qu'évident que si de telles rumeurs arrivaient à aux oreilles de ses parents, ces derniers ne seraient pas ravis. Ils l'avaient toujours incitée à ne pas faire de vagues et à rester discrète. Elphias et Margareth Doge étaient parfaitement au courant de la nature volatile de leur fille. Ils la laissaient en paix à la seule condition qu'elle ne périsse pas l'image de la famille, et cette rumeur n'allait pas vraiment dans ce sens-là.
Les mains de Sirius pressèrent doucement les épaules de la jeune femme alors que celle-ci commençait à paniquer. Se justifier auprès de ses amis encore ça pouvait aller, mais sa famille ? Comment allait-elle leur expliquer qu'elle avait manqué de vigilance ? Il fallait qu'elle se reprenne et vite ! Certes elle pouvait s'ouvrir avec ses amis, mais il ne fallait pas qu'elle se relâche devant tout Poudlard non plus !
- Ethel, je leur demanderais de ne pas te déranger. Ne t'inquiète pas.
- Ils font bien pâle figure face à mes parents ... marmonna la châtaine.
- Je peux arrêter les rumeurs si tu veux, proposa Sirius.
- C'est gentil, mais c'est simple. Si on les alimente pas, elles s'arrêteront d'elles-mêmes.
- Je suppose que tu as raison ... soupira le Black avant d'ajouter amusé, donc plus d'aide inopinée pour se débarrasser d'une fille un peu collante ?
- Tu m'as aidée. Je t'ai aidé. Il n'était pas question d'une autre fois, répliqua sèchement Ethel.
- Dommage, c'était bien pratique !
Ethel lança un regard noir à Sirius. Le Gryffondor avait un air particulièrement amusé. Il n'y avait pas à dire il avait un don pour l'énerver ! La jeune femme blasée croisa les bras et marmonna :
- Si tu ne veux pas qu'elles soient collantes, tu n'as qu'à arrêter de rôder autour d'elles !
- Tu peux bien parler toi ! rigola Sirius.
- Le seul problème que j'ai eu s'appelle Jeremiah Goldstein et c'est un cas à part ! Ça en dit beaucoup sur nos manières différentes de gérer les relations !
Sirius éclata alors en un fou rire. Le Gryffondor se tenait les côtés et ses rires faisaient terriblement penser à des aboiements. C'était pour le moins déconcertant ... Le Black finit par lever les mains en signe de reddition et d'avouer en un sourire :
- Je t'accorde ce point.
- Parce que on compte les points maintenant ? demanda Ethel les sourcils haussés.
- Pourquoi pas ? haussa des épaules le brun.
- Tu vas vite perdre alors ... averti sans vergogne la jeune femme.
- C'est ce qu'on verra.
Sirius lui répondit accompagné d'un clin d'œil. Cela eut le don de renfrogner la châtaine qui l'observa avec un regard revanchard. Le Black rigola à nouveau avant de déclarer :
- Bon, je vais aller les rassurer ! Reste un peu là et quand tu reviendras je te promets que tu n'auras rien de plus que quelques regards.
- Tu es sûr de toi ? demanda Ethel incertain.
- Oui, assura son ami, fais-moi confiance.
- La dernière fois que je t'ai fait confiance je me suis retrouvé enfermé dans un placard à balais avec Lily, se renfrogna la jeune femme, alors excuse-moi de douter !
Sirius rigola à nouveau avant de la quitter guilleret non sans avoir déposé un baiser rassurant sur sa tempe. Alors qu'elle se retrouvait seule dans la salle de classe abandonnée, Ethel grogna en marmonnant. Elle accordait décidément bien trop de liberté à Sirius. Bien trop.