Chapitre 35: La Ressouvenance

Naegi avait les yeux rivés sur l'écran de veille devant lui tandis qu'il patientait. Ses doigts étaient parcourus de spasmes, mais il était pratiquement sûr qu'il n'était pas autorisé à toucher l'ordinateur. En fait, il s'asseyait sur ses mains parce que la tentation était trop forte. Mais peu importait à quel point il désirait voir sa sœur, il ne pouvait pas se permettre de tout gâcher. S'il dépassait les limites, Komaeda retirerait l'ordinateur et il ne la reverrait plus. Pouvoir lui parler quelques secondes en avance n'en valait pas le risque.

Il était toujours assis sur ses mains quand Komaeda le rejoignit. Le jeune homme aux cheveux blancs s'en aperçut, ce qui lui tira un rire. Il tapota Naegi sur la tête comme il l'aurait fait avec un chien avant de tendre le bras vers le clavier. Naegi s'agita sur sa chaise, le visage si près de l'écran que Komaeda dut lui demander de se reculer. La tonalité s'éleva quand Komaeda démarra l'appel vers sa sœur. Naegi retint son souffle ; s'il prenait une inspiration à présent, il pariait fort que ses poumons éclateraient. Une perle de sueur glissait le long de son front.

Puis, finalement, l'écran s'anima de couleurs.

«Makoto?

-Komaru!» Son rire fut rauque et bref, comme la mixture d'un toussotement et d'un hoquet. «Komaru, comment vas-tu?»

Pour une raison incertaine, sa sœur eut un mouvement de recul. Peut-être n'avait-elle pas réellement pensé que l'image devant ses yeux était réelle.

«Je vais bien, dit lentement Komaru. Et toi? Tu vas bien?

-Bien sûr que oui, dit-il alors que Komaeda s'écartait du champ de la caméra pour leur laisser un peu d'intimité. Ne te fais pas de souci pour moi. Tout va bien. Mais sérieusement, tout va bien de ton côté?

-J'imagine, dit-elle. Rien n'a changé.»

Elle n'en paraissait pas heureuse. Naegi suivit la courbe affaissée de ses lèvres, et quelque chose bouillonna en lui, ne le rendant que plus nerveux.

«Mais ils ne te font pas de mal, ni rien, n'est-ce pas?» demanda-t-il, incapable de se retenir de jeter un coup d'œil incertain vers Komaeda. Komaeda lui sourit et lui fit un signe de la main.

«Non, dit-elle, toujours lentement. J'ai à manger et tout.

-Bien, c'est bien.»

Sa sœur n'ajouta rien pendant quelques instants. Tout en se frottant le coude, elle marmonna, son regard fixe détourné de lui: «Makoto, pourquoi ça nous arrive à nous?»

Il ouvrit la bouche. Puis la referma. Il ignorait comment expliquer, surtout en se souvenant que Komaru n'avait pas connaissance des événements d'Hope's Peak.

(Du coin de l'œil, il vit Komaeda commencer à s'approcher...)

Il reprit la parole: «Komaru, je sais que ça a pas l'air bon du tout, mais ça aurait pu être bien pire. Beaucoup de choses sont arrivées. Je ne sais pas jusqu'à quel point tu es au courant, mais les choses vont plutôt mal dans le monde extérieur en ce moment. Le monde n'est pas en bon état. Mais tu es en sécurité, n'est-ce pas? Et tu as de quoi manger et tout ce dont tu as besoin, et c'est plus que ce que la plupart des gens peuvent dire.»

(Komaeda s'était immobilisé. Il se tenait là, se contentant d'observer.)

«Komaru, fais-moi confiance. Tout va s'arranger. Le monde est sans dessus dessous en ce moment, mais je... mais je vais arranger ça, et dès que je pourrai, je viendrai te chercher. Mais j'ai besoin que tu m'attendes. J'ai besoin que tu restes en sécurité jusque-là.»

Il regarda furtivement Komaeda. Le Chanceux leva le pouce.

Encouragé, il se tourna de nouveau vers l'écran. «Tu peux faire ça pour moi? Patienter jusqu'à ce que je vienne te chercher?»

Komaru le fixait. Au fur et à mesure que s'éternisait le silence, Naegi sentit son sourire commencer à s'émietter.

«Et si quelque chose arrive avant? dit-elle finalement. Je ne sais pas ce qu'ils veulent. Ils pourraient me tuer demain et...

-Ils ne vont pas faire ça!» Naegi voulait plus que tout prendre sa sœur dans ses bras et la réconforter. Mais ce n'était pas possible, et il dut se contenter d'agripper les bords de l'écran. «Personne ne va te faire de mal. Je te promets de te protéger.»

Il faisait de son mieux pour être un grand frère digne de ce nom et la rassurer, mais... tout ce qu'il disait semblait empirer les choses. C'était une très, très bonne chose que Komaeda ne se tenait pas derrière lui, ou il aurait vu la manière dont les yeux de sa sœur s'étaient élargis quand il parlait, ou la manière dont ses ongles s'enfonçaient dans son bras. Naegi se mordit la lèvre, son cœur battant à vive allure, avec l'impression d'être au bord de la panique. Que ne faisait-il pas correctement?

«Hé. Hé, du calme.» Il leva une main, comme s'il avait affaire à un animal apeuré. «Et pourquoi tu ne me dirais pas ce que tu n'aimes pas là où tu es? Peut-être que je pourrais tirer quelques ficelles et t'obtenir des jeux vidéo ou autre chose, ou de la meilleure nourriture. Dis-moi juste ce qui pourrait améliorer ta situation. Laisse-moi t'aider...

-Arrête

Le cri perçant de Komaru était complètement inattendu. Naegi bondit en arrière dans sa chaise, et même Komaeda sursauta.

«Désolé, désolé! couina-t-il (à l'intention de Komaeda). Je ne voulais pas te mettre en colère. Je veux juste... Je veux juste t'aider et...

-Pourquoi tu parles comme ça?»

Il cligna des yeux. «Hein?

-Naegi-kun...» Komaeda s'avançait lentement, même s'il semblait lui-même décontenancé.

«Pourquoi tu parles comme si tu les avais aidés?» demanda Komaru.

Il put sentir Komaeda se raidir. Maintenant, Naegi paniquait bel et bien. Il se jeta en avant et attrapa l'écran, parlant avec l'énergie du désespoir. «Non, non, c'est pas ça! Komaru, je ne les ai pas aidés à te kidnapper ou quoi que ce soit! Je ne savais même pas qu'ils te détenaient jusqu'à bien après... Ce n'est pas ça ...!

-Tu ne parles pas comme quelqu'un qui a été kidnappé.»

Il se figea.

«Naegi-kun, c'est l'heure de dire au revoir», dit fermement Komaeda. Il avait une main sur le capot de l'ordinateur, prêt à le refermer, mais quand Naegi ne répondit pas, il s'immobilisa.

«Naegi-kun?»

Qu'avait-elle dit?

Le pensait-elle vraiment?

«Naegi-kun, je vais clore l'appel maintenant», tenta de nouveau Komaeda.

En lui parlant, est-ce que vraiment je...

«Kidnappé, murmura-t-il. J'ai été...»

Comment est-ce que j'ai pu...? Comment...?

Comment ai-je pu oublier?

Il lutta pour reprendre sa respiration, haletant bruyamment comme s'il se noyait. Komaru bondit vers l'écran et Komaeda lâcha l'ordinateur pour virevolter vers lui avec inquiétude. Tous deux crièrent son nom. Il ne les entendit pas. La seule chose qui monopolisait toute son attention, c'était ses inspirations de plus en plus superficielles et le manque d'oxygène...

«Naegi-kun!» Soudain, Komaeda était juste devant lui. Il repoussa l'ordinateur d'un coup sec, et attrapa le visage de Naegi. «Naegi-kun, regarde-moi. Tu dois respirer avec moi. Inspire. Expire. Est-ce que tu m'écoutes?»

Il ne pouvait pas – il tendit à son tour les mains vers le visage de Komaeda, désespéré d'en ressentir le contact. Celles de Komaeda trouvèrent immédiatement ses poignets, et placèrent les mains de Naegi sur ses joues.

«Tu dois respirer avec moi. Tu peux faire ça?»

Naegi hocha frénétiquement la tête.

«Ok, très bien. Maintenant, inspire. Expire.»

Naegi prit une profonde mais fragile inspiration qui se changea en gémissement. Komaeda serra ses poignets, pressant davantage les paumes de Naegi contre sa chair avant de répéter les mêmes instructions. Naegi obéit, hochant toujours éperdument la tête en réponse aux paroles douces de Komaeda. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait à s'en fendre les côtes. Des points noirs dansaient sur ses rétines.

«Bien, c'est bien. Inspire. Expire.»

Il crut qu'il allait s'évanouir. Mais les points noirs s'estompaient et l'air s'engouffrait dans ses poumons affamés.

«Tu te sens mieux?» demanda Komaeda.

Naegi demeura silencieux.

«Naegi-kun?» Komaeda lui caressa doucement le front d'un revers de main. «Naegi-kun, tu m'entends?»

Qu'est-ce qui m'arrive?

«… Est-ce que je peux avoir de l'eau?»

Komaeda faillit tomber dans sa précipitation pour obtempérer. La porte se referma à la volée, et Naegi se retrouva seul sur sa chaise. La tête basse, il y resta assis pendant presque une demi-minute, avant de rassembler finalement la force de lever la tête.

Il tendit la main vers l'ordinateur.

Komaru pleurait presque silencieusement quand il la vit. Dès que son visage apparut, elle attrapa l'écran. «Makoto! Tu vas bien?»

Il l'ignora.

«Makoto? Makoto, tu m'entends?»

Il l'ignora. Il déplaça la souris et ouvrit un navigateur.

«Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui t'est arrivé?»

Il entra le nom de la Fondation du Futur dans la barre de recherche, et cliqua sur le premier lien qui se présenta. Il devait... il devait y avoir un moyen. Il devait y avoir un moyen d'envoyer des informations ou de les contacter ou...

Ah, voilà.

«Makoto?»

Machinalement, il suivit les instructions et écrivit son message. Il cliqua sur le bouton d'envoi. Il ferma le navigateur, se tourna vers sa sœur, et s'efforça de sourire.

«Tout va s'arranger, maintenant, dit-il. Tu vas t'en sortir.

-De quoi tu...?

-La Fondation du Futur va te sauver. Ne t'inquiète pas pour moi. Juste... n'abandonne pas, d'accord?

-Makoto...?»

Il ferma l'ordinateur.

Il ouvrit la porte menant vers l'extérieur et prit ses jambes à son cou.

Il ne disposerait pas de beaucoup de temps. Si ce n'était pas Komaeda, ce seraient les soldats. Si ce n'étaient pas eux, les robots. Si ce n'était pas les robots, le reste du Désespoir Ultime. Il traversa les couloirs comme une flèche, ne tenant que quelques minutes avant de se retrouver suivi. Par un unique soldat, cela dit. Il pouvait certainement gérer. Il devait... il ne pouvait pas rester ici plus longtemps. Il devait au moins essayer.

Je ne suis pas l'un d'entre eux.

Ils m'ont kidnappé.

Je ne suis pas l'un d'entre eux!

«En approche d'une zone rouge», dit le soldat qui trottait tranquillement derrière lui.

Naegi fit volte-face. «Cours à l'autre bout du couloir et fais dix pompes!»

Le soldat tourna les talons et obéit. Naegi en profita pour se rapprocher de l'autre extrémité et quand le soldat fut au milieu de sa cinquième pompe, il avait filé de l'autre côté de l'angle du couloir.

Il entendit qu'il sonnait l'alerte dans son dos. Il l'ignora. Il savait que ce chemin menait à l'entrée principale et il devait essayer. Il devait prouver qu'il n'avait pas échoué. Il devait... il devait le faire.

L'entrée était étonnamment déserte. Cela lui tira un sourire. Peut-être que c'était son jour de chance, parce que pour quelle autre raison l'entrée principale serait-elle complètement désertée...

Parce que l'armée entière s'entrainait dans la cour, voilà pourquoi.

«Naegi Makoto», psalmodia l'armée. Le soldat qui le pourchassait le rattrapa, puis s'arrêta en vacillant, satisfait qu'il soit de nouveau sous surveillance.

«Bordel de...?» lâcha Kuzuryu. Pekoyama et lui se tenaient devant l'armée, tout près de Naegi. «Qu'est-ce que tu fous là?»

Il aurait été si facile de mentir. Il aurait été si facile d'inventer une excuse, se retourner, rentrer à l'intérieur, et prétendre que rien n'était arrivé. Ça aurait été tellement, tellement facile.

Naegi n'en fit rien et, au contraire, courut vers la voie dégagée menant vers la ville.

L'impact de ses pas se réverbérait dans son corps. Sa respiration saccadée étouffait tout autre son. Les ruines s'étendaient devant lui, obsédantes. Si proches, mais refusant de se rapprocher. Il redoubla d'effort, encore, encore jusqu'à ce qu'il ne puisse penser à rien d'autre.

Juste un peu plus. Juste un peu plus. J'y suis presque, presque...

(Ce n'était pas le cas, bien entendu).

Pekoyama le percuta de plein fouet par le côté. Ils heurtèrent les pavés avec grand bruit. Sa hanche s'enflamma de douleur, mais il n'avait pas le temps de s'en soucier. Il se tortilla et se débattit en tous sens, tendant une main vers son but qui semblait si proche...

«Naegi, mais qu'est-ce que tu fous? aboya Kuzuryu, qui venait tout juste de les rejoindre.

-S'il vous plait... Je ne peux pas... s'il vous plaît

Il éclata en sanglots, se pelotonnant en boule sous le corps de Pekoyama tandis que l'Epéiste et son maître l'observaient avec stupeur. Ses sanglots forts et violents lui permettaient à peine de reprendre sa respiration.

«Naegi-kun?»

Ah oui. Bien sûr. Komaeda l'avait finalement rattrapé. Car que lui manquait-il d'autre? Pourquoi ne pas tous se déguiser en Togami et le couvrir de quolibets tant qu'on y était?

Il se pelotonna davantage et ses sanglots redoublèrent, jusqu'à ce que le manque d'oxygène eut finalement raison de lui et qu'il perde connaissance.


Il se réveilla les poignets ligotés dans le dos. Le lit sur lequel il était allongé comportait des rambardes de chaque côté qui l'empêchaient d'en sortir en roulant sur lui-même. C'était vraiment exagéré, en considérant qu'il était aussi sanglé sur place.

D'épaisses sangles de cuir sur sa poitrine, ses hanches et ses jambes l'immobilisaient bel et bien. Il ne portait plus son sweat, car on lui avait fait revêtir à la place une sorte de pyjama léger, si bien qu'il pouvait sentir les entraves à travers le tissu. Il ne s'embêta pas à tenter de s'échapper. Il savait que ce serait vain, et il n'en possédait même pas l'énergie. Il préféra remuer d'un côté à l'autre, tentant de soulager les chatouillis et les picotements qui lui parcouraient les mains, conséquences d'une circulation sanguine insuffisante. Que s'était-il passé? Les quelques minutes précédant son évanouissement étaient troubles. Il se souvenait de ce qui s'était passé avant, cependant. Komaru. Ils parlaient. Il avait eu cette petite dispute avec elle, et elle lui avait ouvert les yeux. Il ne comprenait pas quoi exactement, mais quelque chose se passait en lui.

Il...

Il avait...

Il avait peur.

Ce n'était pas sa faute, hein? Ce n'était pas comme s'il avait laissé tomber ou quoi que ce soit d'autre. Il avait simplement été occupé. Il avait été trop occupé avec des choses comme des séjours à l'hôpital, des cadavres, et un camarade de lycée sérieusement dérangé. Ce n'était pas sa faute, n'est-ce pas? N'importe qui d'autre aurait été distrait.

Cependant, les noires volutes grasses de la culpabilité tourbillonnaient profondément dans son esprit. Il se sentait souillé. Corrompu. Indigne de sympathie. Pris dans les griffes du Désespoir Ultime, il s'était juste contenté de le supporter passivement. Il avait effrayé sa sœur. Que dirait-elle si elle avait su la vérité? Que penseraient ses parents?

Les imaginer fit trembler ses lèvres. Il savait ce qui était arrivé à ses amis, à sa sœur. Ses parents restaient la seule zone d'ombre. Même Komaeda ne lui avait rien dit sur eux. Ils pouvaient être n'importe où. Ils pouvaient être...

Il renifla bruyamment, tirant sur les liens autour de ses poignets. Il ne savait pas quel matériau ils utilisaient, doux mais résistant. Il tira dessus en vain pendant encore un moment, avant d'abandonner et de se laisser retomber avec un sanglot. Inutile. Inutile, inutile, inutile!

Ils doivent être vraiment furieux pour aller jusque-là, songea-t-il tout en soulevant légèrement la poitrine et la sangle de cuir le repoussa. En fait, ça lui remontait le moral. C'était une preuve. Ça, ces liens, étaient une preuve qu'il persévérait encore. Il gardait encore espoir. Il n'était pas brisé.

Maintenant, il devait juste survivre à la punition qui l'attendait.


La salle de réunion était sombre et calme. Kuzuryu était assis à la tête d'une longue table, les pieds posés dessus, et il tirait la tête. Des deux côtés étaient attablés d'autres membres du Désespoir Ultime, la plupart arborant un air perplexe. Komaeda, cependant, se tenait recroquevillé, avec le menton pressé contre la table alors qu'il tentait de se faire le plus petit possible. Pekoyama demeurait près d'un clavier, fixant l'écran qui se dressait derrière Kuzuryu. La porte de la salle de réunion s'ouvrit soudainement, arrachant son attention dudit écran. Mais quand ses yeux acérés déterminèrent que le nouveau venu n'était pas un danger, elle retourna son regard sur sa cible d'origine.

«Pas trop tôt! dit Kuzuryu au nouveau venu. On t'attendait tous.»

Nidai rit de bon cœur en se frottant la nuque. «Désolé! J'étais allé chier. C'est quoi le sujet, au fait?»

Kuzuryu claqua des doigts.

Pekoyama inclina la tête, puis commença à taper sur le clavier. L'écran dans le dos de Kuzuryu afficha l'image provenant d'une des caméras de surveillance extérieures. Le Désespoir Ultime suivit en silence la vidéo qui se déroula, et la forme menue de Naegi Makoto se précipita hors du bâtiment principal pour détaler vers les ruines comme un lapin terrifié. Il n'alla pas bien loin, et la caméra avait enregistré le moment où Pekoyama l'avait plaqué au sol, ainsi que sa lutte de plus en plus irrégulière par la suite. Elle interrompit finalement la vidéo quand Naegi cessa de bouger.

«Hé, c'était quoi ça? demanda Owari.

-C'est bien pour ça qu'on est là, répondit Kuzuryu. Quelqu'un veut expliquer ce bordel?

-Humm... S... si j'ai droit à la parole... Je parlais à Komaeda du comportement de Naegi avant ça, et après avoir vu cette vidéo... On dirait qu'il a fait une crise de panique. Apparemment, il en avait fait une plus tôt quand il était avec Komaeda-kun», dit Tsumiki. Elle tapota ses index l'un contre l'autre en attendant qu'on lui crie après.

Kuzuryu tambourina des doigts sur la table. «Ça s'accorde avec ce que j'ai vu. Peko?

-Je suis d'accord, dit-elle. Les symptômes correspondent.

-Génial. Alors, Komaeda, pourquoi diable faisait-il une crise de panique?»

Komaeda grimaça. Il leva lentement la tête, comme si on lui demandait de se placer dans la ligne de mire d'un sniper. «Juste avant sa première crise de panique, il...»

Kuzuryu attendit. Quand Komaeda ne fut pas coopératif, il l'encouragea: «Oui?

-... Il s'est mis en tête qu'il avait été kidnappé.»

Kuzuryu jura en abattant ses mains sur la table. L'Imposteur soupira profondément lui aussi et se pinça l'arête du nez.

«Et alors? Le gosse croit qu'on va le manger ou quoi? demanda Owari.

-Ne sois pas idiote, rétorqua l'Imposteur.

-Ouais. Qui voudrait essayer de cuisiner quelque chose d'aussi maigrichon que lui de toute façon? renchérit Saionji. Autant aller ronger un os.

-Owari a raison sur une chose, cela dit, reprit Kuzuryu. Un kidnapping ne vient pas avec des bonnes choses, d'habitude. S'il est soudainement convaincu qu'on l'a kidnappé, c'est sans doute ce qui l'a mis dans tous ses états.

-Mais c'est pas Nagito-chan qui l'a attrapé dans la rue? fit remarquer Mioda. Et on ne laisse pas partir Makoto-chan, non?

-Ce n'est pas un kidnapping. C'est de la détention protectrice! aboya Kuzuryu. Il y a une grande différence.

-Je l'avais calmé, marmonna Komaeda. Il allait bien quand je l'ai laissé.

-Hein? Tu l'a l... laissé après sa crise de panique, s'exclama Tsumiki. Tu n'aurais pas dû faire ça. Il a probablement fait une rechute!

-Alors c'est entièrement de ta faute!» cria Soda à Komaeda.

Soudain, il y eut une rafale de cris, la plupart dirigés contre Komaeda. Komaeda se tassa dans sa chaise, mais ne dit rien pour sa défense. La vague de récriminations n'en fut pas apaisée. Du moins jusqu'à ce que Kuzuryu jette un regard en coin à Pekoyama, et qu'elle abatte son épée à travers la table.

«Ecoutez, ça n'a plus d'importance, dit Kuzuryu. Ce qui importe, c'est de s'assurer de clarifier tout ça.

-D'accord, alors allons tous à l'infirmerie tout de suite pour dire à Naegi-kun que nous ne sommes pas des kidnappeurs! lança Nidai en brandissant le poing.

-Ça ne marchera pas, répliqua l'Imposteur. Si Naegi pense sincèrement qu'on le retient prisonnier, alors il n'a aucune raison de croire tout ce qu'on pourrait lui dire.

-Alors que faisons-nous?» demanda Hanamura.

Il y eut un court silence. Puis Komaeda prit la parole avec prudence. «Hier, j'ai dû lui dire que je l'aimais. Il ne comprenait pas. Il croyait que je ne faisais que l'utiliser.

-Tout d'abord, t'es un salaud tordu, dit Kuzuryu sans ménagement, mais je vois ce que tu veux dire. D'accord, le gamin ne pense pas qu'on tienne à lui.

-Il ne le p... pense pas? Mais j'ai fait tout mon possible pour m'occuper de lui et … je suis déééésooooollllééééeeee!»

Alors que Tsumiki geignait dans ses mains, Nidai lui tapota le dos. «Hé, voyons! C'est un travail d'équipe. C'est la faute de tout le monde.»

Une fois encore, Kuzuryu claqua des doigts, une idée illuminant son regard. «Je vais engager un assassin pour le tuer!»

Presque tout le monde eut quelque chose à redire, mais deux voix s'élevèrent au-dessus du tumulte.

«Kuzuryu-kun, je sais que mon opinion ne vaut rien, mais tu dois m'écouter!

-Noooon! Si tu le touches, je vais... je vais te faire quelque chose d'horrible!

-Ok, vous deux... calmez-vous.» Bien que sa voix soit ferme, Kuzuryu s'écarta de l'Infirmière furieuse – même si Pekoyama se tenait déjà à ses côtés, son épée dégainée dans la direction de Tsumiki. «Je vais donner à l'assassin un horaire et une méthode précis, d'accord? Et quand il se pointe prêt à passer à l'acte... Je vais lui exploser la cervelle et sauver la vie de Naegi! Il ne pourra pas m'accuser de ne pas tenir à lui après ça.

-Bonne idée! dit Owari. Je vais faire ça moi aussi...

-Trouve ta propre idée! On ne peut pas tous engager des assassins. Hé, quand est-ce que Tanaka arrive?

-Il devrait être là ce soir, dit l'Imposteur.

-Super, parfait. Il a l'ami de Naegi avec lui, ce qui veut dire qu'on peut commencer les préparatifs pour le sortir de la chambre de Kamukura. Est-ce que Nevermind et Koizumi ont fait leur arrêt?

-Elles y sont arrivées hier», répondit Hanamura.

Kuzuryu hocha la tête. «Soda, demande-leur de t'envoyer des photos et commence à travailler sur sa nouvelle chambre.

-Je m'en occupe! lança Soda, en brandissant sa fidèle clé à molette.

-Toi, prends ça.» Kuzuryu jeta une paire de menottes à une Tsumiki surprise.

«Qu'est-ce que c'est? Est-ce un aveu très particulier auquel nous assistons? demanda Hanamura.

-Arrête avec tes idées tordues. C'est pour s'assurer que Naegi ne s'enfuit pas une nouvelle fois.» A l'intention de Tsumiki, Kuzuryu ajouta: «Tu peux enlever les sangles et détacher ses poignets. Menotte-le au lit et dis-lui que tu le gardes là pour observer sa santé mentale ou je ne sais quoi. Fais juste en sorte qu'il soit un public captif pour les prochains jours. Vous autres, faites une pause dans votre travail et trouvez ce que vous allez faire, parce qu'on va faire en sorte qu'il nous aime, merde.»

La pièce entière applaudit. A l'extérieur dans le couloir, où les voix provenant de la salle de réunion pouvaient clairement être entendues, une silhouette remua contre le mur. La silhouette cligna des yeux et inclina lentement la tête.

«… Intéressant», dit Kamukura.