«— Al.»
Une voix de femme, familière, l'appelait de temps à autre. Après l'ouïe, ce fut sa vue qui commença à lui jouer des tours. Les dunes laissant place aux montagnes qu'il venait de quitter. Et au loin, des silhouettes, des rires… Des vestiges passés, et des personnes présentes. Celles qu'il avait laissées derrière lui pour sa survie. Puis une autre voix, plus jeune, plus pure, enfantine :
«- Al, Al! Tu viens joué avec moi? »
Un visage se dessina plus précisément sur l'une des silhouettes, un regard familier et à jamais enfantin. Notre protagoniste se prit la tête entre ses mains. La chaleur lui jouait des tours. Ou peut-être qu'il s'était cogné la tête en tombant?
«— Aladdin! dépêche-toi! Je m'ennuie! »
D'une certaine façon, tous semblaient tellement réels… Pour qu'en serait-il autrement? Notre jeune Al pouvait, peut-être, atteindre ces silhouettes? Retourner à l'époque où tout n'était que soleil et rire?
Alors que notre jeune homme allait enfin atteindre ces silhouettes, celles-ci disparaissent d'un coup. La roche laissa de nouveau place au sable, et notre protagoniste se retrouva une fois encore seul. Perdu, affaibli, et avec lui-même. Il n'avait plus de force, son corps le lançait de partout, et il fallait désormais qu'il fasse face à des hallucinations? Le monde tourna à nouveau, pris d'un déséquilibre, il chuta dans le sable brûlant et dégringola le long de la dune bouillante. Ce contact ardant l'électrisa, et l'espace d'un instant, et son souffle se fit cours. La douleur s'empara de lui, plus il roulait, plus le sable semblait vouloir s'incruster dans chaque parcelle visible de son anatomie. Sa conception de son environnement se voilà, des souvenirs se mélangèrent, des visages apparurent, des mots, des voix, des cris. Ne pouvant plus bouger, son corps resta en substent sous le soleil irradiant. La fièvre prit possession de son corps sans qu'il ait eu la moindre chance de rétorquer.
«— Aladdin. Al. ALADDIN.»
Trop de voix, de visages s'enchainèrent dans son esprit. Et dans sa semi-conscience, notre protagoniste, Aladdin, se débattit avec ses démons. Des visages de son passé et de son présent s'associèrent, des personnes disparues depuis longtemps le visitèrent dans ses songes.
«— Laissez-moi, laissez-moi, LAISSEZ-MOI ! ...laissez moi ! »
Sa voix était roque et faible, à cause de la fièvre ainsi que de sa déshydratation. Toujours dans le sable, immobile, il resta soumis à la fièvre durant deux nuits et deux jours. Sans boire, sans manger, et sans aide extérieure. Juste lui et son esprit. Sa chaleur corporelle augmentait et descendait de façon drastique en cohésion avec la chaleur invivable de la journée et le froid mordant de la nuit. L'odeur putride de sa plaie toujours ouverte le dégoutait entre deux moments de conscience. La soif l'avait desséché, sa gorge en était devenue irritée. De plus lors de ses hallucinations, à ve moment là surtout, des souvenirs déchirants, ceux où sa mère et son frère avaient été tués, se jouaient en boucle dans son esprit. Le rire gras de ses ravisseurs résonnait alors pendant des heures entières. Sa propre faiblesse et sa culpabilité lui avaient arraché une ou deux larmes de colère, malgré son manque d'eau évident. Sa peau présentait désormais des brûlures par endroit, et parfois, l'odeur de chair brûlée le hantait autant que ces souvenirs. Ces moments lui rappelaient sa propre faiblesse et il se haïssait d'être toujours autant atteint par ces mêmes maux. Il souhaitait juste tout oublier. Ce qu'il avait fait. Quelle idée avait-il eu de sauvé, se garçon. Voilà ce qu'il avait gagné en agissant ainsi. Des mauvaises vacances perdues quelque part avec en primes des hallucinations désolantes.
Néanmoins, le visage du jeune garçon de 10 ans lui revint en tête. S'il était tombé dans cette crevasse, il n'aurait pas survécu. Dix ans, c'était beaucoup trop jeune pour mourir. Oui, même lui avait une conscience! Et puis, son frère, à lui, était mort lors de son dixième printemps… Aladdin secoua ses cheveux pleins de sable, face au soleil, le regard vitreux, il semblait défié par les astres de lui ôter la vie. Comme si tout cela n'était qu'un mauvais moment à passer.
À la fin de ces deux jours, toujours pris par la fièvre, mais assoiffé, Aladdin se traîna désespérément le long des dunes. Trop affaiblit pour se tenir debout, il se tirait en dépit de la mauvaise prise qu'offrait le sable. Celui-ci s'incrustait d'ailleurs dans sa plaie, l'infectant, et son bras gauche était définitivement inutilisable. Pour ne rien arranger, sa tête lui jouait constamment des tours, jonglant entre hallucination auditive et visuelle. Cependant, il n'abandonna pas. En dépit de son état, sa volonté, elle restait inflexible. Il savait que malgré ses tourments, il s'en sortirait. Il finit par apercevoir miraculeusement une oasis au loin. Cela aurait pu être un tour de son esprit, mais il s'y traîna néanmoins. Désaltéré, il n'eut qu'à attendre de se remettre. Bien entendu, des serpents à sonnettes, scorpions, et autres créatures du désert choisirent de lui rendre la tâche plus difficile. Elles finirent toutes néanmoins dans le ventre de notre protagoniste, trop affaibli en énergie pour faire le difficile. Une journée entière passa encore, lorsque, finalement la fièvre commença à retomber. Sa plaie avait cessé de saigner depuis longtemps, le soleil avait beau lui avoir brûlé la peau, il a eu le mérite de stopper ce saignement. Mais son bras, lui, le faisait toujours autant souffrir. Décidé, il se mit à marcher, encore et encore, mais rien n'apparaissait à l'horizon. Il avança ainsi toute la journée sous le soleil, en faisant très peu de pauses, jusqu'à la nuit tombée. Dès que le soleil eut disparu, la température chuta, et l'obscurité ramena avec elle sa froideur habituelle. Elle lui paralysa les membres encore douloureux et il dut dormir sur une oreille. Les jours se succédèrent, l'avancée quant à elle fut éreintante.
Laissé seul à ses pensées, notre protagoniste ne put s'empêcher de réfléchir. Sa disparition des cercles allait créer une panique. En même temps, qui aurait pu penser qu'il sortirait un jour des montagnes de Skyhr? Il n'était pas étonné non plus de ne trouver aucune forme de vie humaine dans les environs de ces montagnes. Aladdin connaissait leurs réputations de montagnes maudites. Pourtant rien n'est aussi vrai… Ces terres sont maudites.
Deux jours de marche plus tard, notre métisse retomba sur une oasis, celle-ci étant un peu plus grande et renfermant un peu plus de verdures. On y pouvait remarquer des traces encore fraîches de bête sauvage qui était venue s'y abreuver. Surement des chabouines, croisement entre un coyote et un chameau. Un miracle en effet, surtout qu'il faut se rappeler qu'il n'était pas dans une condition optimum. Son bras gauche le faisait toujours souffrir. S'il avait été dans de meilleures conditions, cette blessure aurait été guérie bien plus vite, mais vu qu'il avait dû sortir des Skyhr, il ne pouvait plus compter que sur lui-même.
En observant un peu plus les alentours, on pouvait encore apercevoir des dépouilles vilement déchirées par les vautours, à moitié enterrées dans le sable. Une partie de leurs affaires étaient enterrées dans le sable et il semblait que l'autre moitié manquait à l'appel. Ils avaient dû être victimes de pillards. Notre protagoniste fit une légère prière pour leurs âmes puis fouilla dans leurs affaires pour essayer quelque chose d'utile. Après avoir trouvé de quoi finir son voyage, il repartit sans plus état d'âme. Les êtres humains restaient des êtres humains. Cela n'avait jamais vraiment changé. Et ce n'est plus ce genre d'horreur qui pouvait l'émouvoir.
Après un jour de marche de plus, fidèle à lui-même, il arriva enfin devant une cité.
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