Chapitre 1: Niwe anginn
Le bruit étouffant des combats planait sur l'ensemble du château et sur la cour extérieure. Cette bâtisse, autrefois resplendissante, n'était plus qu'un amas de ruines, ravagées par la fureur des derniers affrontements de l'Ultime Bataille. Les rares survivants, quelle que soit leur bannière, cessèrent peu à peu de se battre, comme si quelque chose au fond d'eux leur soufflait que cela n'avait plus de sens. Ceux qui tenaient encore debout contemplèrent leur environnement, horrifiés. Il était impossible de dire qui était vivant ou mort, encore moins quel camp avait remporté cette guerre.
L'attaque avait frappé par surprise, au crépuscule de Samhain. Ce jour sacré, destiné à honorer les morts, avait été souillé. À la place des rituels et des hommages, l'Ultime Bataille avait éclaté, emportant avec elle la majorité des combattants. Ainsi, cette école, berceau du savoir du monde sorcier britannique, dernier refuge de cette guerre atroce, était tombée.
Un silence pesant envahit progressivement les lieux, laissant à chacun le soin de comprendre qu'ils avaient tout perdu. Personne n'avait gagné : ni la Lumière, ni les Ténèbres. Seul le désespoir triomphait. Ce silence fut soudain brisé par un cri de douleur et d'agonie, suivi de pleurs déchirants et du bruit sourd de corps tombant à genoux sous le poids insoutenable de la réalisation. Cette guerre était finie… Mais à quel prix ?
Des familles entières décimées. Des corps d'enfants inanimés, les yeux grands ouverts, figés à jamais dans le vide. Des couples s'étreignant même dans la mort. Des parents ayant protégé leurs enfants au péril de leur vie. Et, éparpillés parmi les débris, les corps sans vie de créatures magiques qui s'étaient jointes à cette bataille sordide. Partout, des preuves de pertes incalculables jonchaient le sol poussiéreux de l'école autrefois magnifique.
Dans une pièce presque entièrement effondrée, une silhouette chancelante s'effondra à genoux, un gémissement de douleur échappant de ses lèvres. Peu importait qu'il s'agisse de douleur physique ou psychique ; cela ne changeait rien à l'intensité de sa souffrance. Une unique larme cristalline déborda de ses yeux d'émeraude, traçant lentement son chemin sur une joue tâchée de sang et de poussière. Son monde s'était écroulé. Sa maison n'était plus. Poudlard était tombé.
Cet endroit, qui avait été un refuge, un sanctuaire. L'endroit où il s'était senti en paix avec sa magie. Sa magie… Elle l'avait toujours accompagné. C'était bien plus qu'un pouvoir pour lui. C'était une amie, une confidente… une Mère. Oui, la Magie était sa mère. Peu importait ce que disaient les autres. Elle avait toujours veillé sur lui, le réconfortant quand le monde semblait vouloir l'écraser. Elle pleurait avec lui quand elle était impuissante à le protéger, se contentant de lui offrir un soutien invisible.
Il avait tenté d'en parler, une fois, durant sa première année. On l'avait regardé étrangement avant de balayer ses paroles d'un geste désinvolte, prétextant qu'il devait être épuisé pour raconter de telles absurdités. Certes, il s'entraînait dur avec ses professeurs particuliers, mais ses progrès étaient jugés impressionnants, selon le Directeur.
Pourtant, avec le temps, il avait compris qu'il était le seul à ressentir un lien aussi fort avec la magie. Cela l'avait fait se sentir étrange, puis, finalement, privilégié. Il possédait quelque chose que les autres ne semblaient pas avoir, et cela le comblait de bonheur.
À partir de ses huit ans, un an après que le Directeur l'eut retiré des griffes des Dursley pour l'entraîner au combat magique, il s'était lancé dans des recherches sur d'anciennes célébrations oubliées destinées à honorer la Magie. Jamais laissé seul, il ne pouvait guère faire plus que chuchoter quelques mots à la Magie une fois couché dans son lit, les rideaux tirés pour lui offrir un semblant d'intimité.
Ces moments étaient précieux. Il souriait doucement lorsqu'il sentait sa magie réchauffer son cœur, comme un doux réconfort. Grâce à elle, il s'endormait en paix, même après les journées d'entraînement les plus éprouvantes. Parfois, les larmes coulaient silencieusement, la pression pesant lourd sur ses frêles épaules. Dans ces instants, il percevait la magie de Poudlard se mêler à la sienne, l'entourant de sa chaleur apaisante. Elle le berçait jusqu'à ce que le sommeil l'emporte, toujours là pour lui, fidèle et aimante, même au cœur des pires tourments.
C'était cet endroit où il s'était senti chez lui, où il avait appris à honorer sa Mère, où il avait enfin pu être lui-même… Cet endroit qui s'était écroulé sous la violence de l'Ultime Bataille. L'unique larme qui roulait sur sa joue acheva sa course le long de sa mâchoire avant de s'écraser sur le sol de ce qui avait été, autrefois, la Grande Salle de Poudlard.
Lorsque cette larme cristalline toucha le sol, elle se brisa dans un bruit surnaturel, déclenchant une décharge d'énergie qui se propagea sur tout le territoire de Poudlard. La magie de l'édifice, consciente de son destin, se rassembla dans un ultime effort au sommet de la tour d'astronomie. Elle fit alors résonner son chant, profond et vibrant.
Elle savait qu'en agissant ainsi, elle disparaîtrait à jamais. Mais elle voulais aider cet enfant, l'enfant de la Magie. Celui qui avait toujours été si respectueux envers elle, qui la remerciait chaque fois qu'elle le guidait là où il devait aller, qui l'honorait à sa manière. Cet enfant le méritait. Il méritait une vie meilleure. Une vie entourée de personnes prêtes à prendre soin de lui: des adultes responsables, des amis, des frères et des sœurs.
Et c'est dans un tel endroit qu'elle avait décidé de l'emmener, peu importait le prix à payer, même si cela signifiait qu'elle ne pourrait plus renaître. La décision était prise. Le processus avait commencé, et il n'y avait plus de retour en arrière.
Le jeune homme, à genoux, sentit au fond de lui sa magie s'accorder avec celle de Poudlard, comme un chant mélodieux et vibrant. Il se mordilla la lèvre, tentant désespérément de retenir ses larmes, avant de finalement éclater en sanglots et de s'effondrer en avant sur le sol. C'était tellement injuste! Il avait tout fait pour détruire Voldemort, tout fait pour sauver les gens qui attendaient qu'il soit un héro! Et à la fin, tout ce qu'il récoltait, c'était la vision de sa maison en ruines.
Dans un accès de rage et de désespoir, il se mit à frapper le sol de toutes ses forces, jusqu'à ce que ses mains s'ouvrent et commencent à saigner. Il n'avait plus rien: plus de maison, plus de famille, plus de baguette. Il ne lui restait que sa magie. Il aimait sa magie, mais perdre autant de choses rendait tout cela si douloureux.
Une caresse, semblable à une brise, vint doucement effleurer sa joue, tandis qu'il sentait une chaleur grandir petit à petit en lui. Tout autour de lui devint de plus en plus flou. Il avait l'impression de transplaner, et pourtant, il ressentait encore le froid du sol sous lui. C'était si perturbant. Il sentit son souffle se couper lorsque la magie autour de lui devint plus lourde. Une poignée de secondes passa dans un silence assourdissant avant que l'air ne se déchire dans un bruit à faire trembler les entrailles de la Terre.
Le sol sous lui devint mou et humide ainsi que geler; la chaleur dans sa poitrine commençait à l'étouffer. Il osa ouvrir les yeux, mais les referma aussitôt lorsqu'une lumière d'un or éclatant vint l'aveugler. Un mal de tête le pris presque immédiatement, lui arrachant un léger grognement de douleur. Le jeune garçon sentit son corps se mettre à trembler de plus en plus, avant de finalement céder lorsque sa magie caressa délicatement sa nuque. Faisant confiance à son amie, il se laissa tomber dans l'inconscience et s'écrasa de tout son long sur la neige. Depuis quand est-ce qu'il y avait de la neige le premier novembre ?
D'un point de vue extérieur, on pouvait voir une lumière dorée envelopper la fine silhouette, tandis que celle au sommet de la tour d'astronomie s'amenuisait doucement. De grandes bourrasques de vent se mirent à tourbillonner dans la Grande Salle, repoussant poussière et débris loin de l'enfant. Le vent était si violent que personnes ne pouvait approcher du centre de la pièce.
La Magie avait décider d'aider cet enfant, et elle irait jusqu'au bout, peu importe les conséquences, même si cela signifiait blesser ceux qui se trouvaient sur son chemin. L'air devint de plus en plus lourd, presque irrespirable. Un silence pesant s'installa sur le château et le parc, écrasant tout sous son poids, jusqu'à ce qu'il soit brusquement briser par un bruit semblable à l'effondrement d'un immense dôme en verre.
Au même instant, la lumière dorée disparut, emportant avec elle le vent qui avait continuellement tournoyé autour de l'enfant… qui, lui aussi, avait disparu.
Poudlard fit alors résonner son chant une dernière fois. Un chant mêlant la tristesse pour les nombreuses vies perdues et une joie douce-amère pour cet enfant qu'elle avait toujours aimé. Il était désormais en sécurité, entouré de personnes qui prendraient soin de lui et de son innocence. Cette innocence qu'il avait réussi à préserver, malgré tout. Malgré les épreuves, malgré ceux qui l'avaient préparé à n'être qu'une marionnette, un soldat programmé uniquement pour tuer.
Le froid mordant de l'hiver le réveilla, s'attaquant sans pitié à ses plaies ouvertes. Il sentit la neige sous ses doigts, sa froideur intense se mêlant à la brûlure de ses blessures. Un éclair d'incompréhension traversa son regard à demi ouvert, avant qu'un pauvre couinement de douleur ne lui échappe. Une vague de souffrance écrasante s'abattit sur lui, lui arrachant des larmes silencieuses.
Autour de lui, il ne voyait rien qui pourrait l'aider, rien d'autre que cette étendue immaculée de neige à perte de vue… et son propre sang qui, lentement, venait entacher cette blancheur pure. L'enfant ferma les yeux. Malgré la douleur qui déchirait son corps, un faible sourire naquit sur ses lèvres. Résigné, il accueillait la mort avec une étrange sérénité. Il allait s'éteindre dans un endroit vierge de toute violence, où, avec le temps, la neige effacerait sans effort les traces de son sang.
Mais l'ombre de sa vie passé vint hanter ces derniers instants. Son sourire fané céda la place à un profond chagrin. Il allait mourir sans avoir jamais connu l'amour d'une famille. Cette pensée brisa quelque chose en lui. Les larmes qu 'il avait un temps retenues revinrent avec une intensité dévastatrice.
Ignorant la douleur de son corps, il se recroquevilla sur lui-même, secoué par des sanglots incontrôlables. Ce qui commença par de faibles gémissements devint des plaintes plus audibles, jusqu'à ce qu'un hurlement de pure douleur déchire sa gorge. Il ne voulait pas mourir. Pas comme ça. Pas après une vie où il n'avait connu que la souffrance.
Il tenta de se relever, désespéré, mais son corps, paralysé par le froid, lui refusa tout mouvement. Ses dernières forces l'abandonnaient. Alors que l'obscurité semblait prête à l'engloutir, un bruit soudain brisa le silence glacial : des pas précipités dans la neige, le craquement distinct de quelqu'un qui courait vers lui. Il pria presque pour que ça soit une personne venu pour l'achever, ses pensées étaient embrouiller par la fièvre, il ne savait plus se qu'il voulait.
Cette journée particulièrement froide de décembre rassemblait la majorité des occupants du château dans la Grande Salle. Seuls quelques pensionnaires avaient préféré la chaleur de leur lit ou celle des cheminées de leur salle commune. L'ambiance de la salle était douce et agréable, animée par les conversations tranquilles des adultes et les rires des enfants et adolescents.
Yule avait été célébré la veille, avec un jour de retard à cause d'une infestation de pixies. Nous étions désormais le 24 décembre. Bien que cette date n'ait pas encore la même signification qu'aujourd'hui, la magie du rituel de la veille imprégnait encore l'air. Elle insufflait à chacun une humeur joyeuse et légère.
Les adultes observaient les jeunes avec des sourires plus ou moins discrets, savourant cette rare quiétude. Eux aussi ressentaient cette magie vibrante dans l'atmosphère, une énergie qui semblait danser autour d'eux. Elle murmurait doucement, comme pour leur indiquer que ce jour était bien plus spécial qu'ils ne pouvaient l'imaginer.
Et même si la magie semblait vouloir les prévenir, tous furent pris par surprise lorsque l'explosion magique ébranla les fondations du château. D'un seul mouvement, tout le monde se leva, baguettes en main, prêts à défendre les plus jeunes. Un silence tendu s'installa, comme si le monde retenait son souffle. Mais rien ne se produisit.
Du moins, jusqu'à ce qu'une seconde déflagration, cette fois accompagnée d'une lumière éclatante faite d'or pur, secoue à nouveau les lieux. Elle projeta au sol ceux qui s'étaient trop vite relâchés. Un frisson d'inquiétude parcourut les adultes tandis qu'ils échangeaient des regards graves. C'était inédit, même pour eux.
Rapidement, ils se ressaisirent et commencèrent à donner des ordres. Les élèves les plus âgés de chaque maison furent chargés d'aller chercher leurs camarades restés dans les salles communes et de les escorter jusqu'à la Grande Salle. Là, un couple d'adultes resterait pour veiller sur eux.
Les six autres adultes, eux, allaient se répartir dans le château et à l'extérieur, dans l'espoir de localiser la source de cette lumière dorée et des secousses. Ils espéraient trouver une explication, ou au moins un début de réponse.
Trois des quatre hommes se précipitèrent immédiatement hors du château, tandis que le dernier échangeait un regard avec les deux femmes. Il leur annonça qu'il commencerait par les cachots avant de remonter, prétextant une possible nouvelle infestation de pixies. Mais les deux femmes n'étaient pas dupes. Elles savaient qu'il disait cela autant pour les rassurer que pour se rassurer lui-même.
La puissance des secousses ne présageait rien de bon. Cela, tout le monde pouvait le sentir.
À l'extérieur, les trois hommes s'étaient dispersés pour tenter de localiser la source de cet étrange événement magique. Tous les trois étaient sur les nerfs, leur vigilance exacerbée par l'inconnu. Ils tenaient fermement leurs épées, prêtes à compléter leurs baguettes, et scrutaient l'horizon avec une intensité digne des elfes sylvestres.
L'un d'eux, un homme aux cheveux noirs de jais, aperçut une petite forme dans la neige, presque perdue dans l'immensité blanche. Pensant qu'il s'agissait simplement d'un animal, il détourna son attention. Mais à cet instant précis, un hurlement d'agonie déchira le silence glacial, venant exactement de cette silhouette.
Avant même que le cri ne s'achève, il avait déjà alerté ses deux compagnons d'un hurlement puissant. Dans un mouvement fluide, il rangea son épée et sa baguette, puis se mit à courir à toute vitesse vers ce qui ressemblait de plus en plus à un petit corps. Plus il s'approchait, plus il pouvait distinguer les contours frêles et immobiles d'un enfant. Il le vit justement tenter de se redresser, mais le froid glacial semblait l'avoir figé, le laissant incapable de bouger.
L'homme accéléra encore, son instinct lui criant qu'il n'y avait pas une seconde à perdre. Il sentit la magie dans l'air s'agiter, comme si elle elle-même tentait désespérément de venir en aide à l'enfant. Lorsqu'il atteignit enfin le corps, il glissa sur le sol enneigé, poisseux de sang, et s'agenouilla à côté de la petite silhouette.
Un glapissement de peur lui échappa lorsqu'il vit l'état du corps. Trop frêle, trop blessé, trop proche de l'inconscience. La gravité de la situation le heurta de plein fouet. Ses doigts tremblants naviguèrent avec précaution au-dessus des plaies tandis qu'il murmurait un sort de diagnostic.
Le résultat du sort apparut devant lui, et son cœur se serra en constatant la gravité des blessures. D'un mouvement rapide, il se releva et prit le corps fragile dans ses bras. Le poids, presque inexistant, renforça son sentiment d'urgence. Sans perdre une seconde, il se mit à courir en direction du château, le souffle court et la mâchoire serrée.
Le pronostic vital était engagé. Chaque minute comptait. Pourtant, il grogna de frustration en réalisant qu'il ne pouvait pas utiliser la nouvelle méthode de transport magique récemment découverte. Cette technique, bien qu'extrêmement rapide, était encore trop instable et risquait d'aggraver les blessures déjà critiques de l'enfant. Et si cela devait le tuer, alors cela n'avait aucun sens.
Il resserra sa prise sur le petit corps, le serrant contre lui comme pour insuffler un peu de sa propre chaleur, jurant silencieusement de tout faire pour lui sauver la vie.
En courant, les deux hommes qui l'avaient accompagné finirent par le rattraper, bien que difficilement. La neige rendait leur progression laborieuse, et la course effrénée de leur compagnon, alourdi par le poids dans ses bras, semblait presque impossible à suivre. Lorsqu'ils parvinrent à sa hauteur, il leur expliqua rapidement la situation, sa voix tendue et haletante reflétant l'urgence de la situation.
Le plus jeune des deux voulut immédiatement repartir dans le parc, arguant qu'il n'avait pas encore trouvé la véritable source des secousses. Mais l'homme aux cheveux noirs et aux yeux verts, semblables à des labradorites polies, l'arrêta d'un geste ferme.
— Inutile, dit-il d'une voix rauque, entre deux respirations. La source… c'est lui.
Il resserra légèrement sa prise sur le petit corps dans ses bras, comme pour appuyer ses propos.
— Enfin… pas seulement lui, corrigea-t-il après un bref silence. Je pense que c'est la magie elle-même qui a provoqué cette déflagration et cette lumière. Une sorte d'appel à l'aide… Pour qu'on trouve cet enfant.
Le jeune homme fronça les sourcils, clairement perplexe, mais un regard vers le visage tendu de son père le convainquit de ne pas insister. Ce dernier semblait tout aussi incrédule, mais il hocha gravement la tête.
Le troisième homme, observant la scène, esquissa un sourire malgré la gravité de la situation. La ressemblance frappante entre le jeune homme et son père, aussi bien dans leurs traits que dans leurs expressions, lui donnait presque envie de rire. Mais il préféra retenir cette impulsion. Ce n'était ni le moment ni l'endroit pour se laisser distraire par des pensées légères.
Au lieu de cela, il accéléra le pas, incitant les autres à faire de même. Leur priorité était claire : atteindre la Grande Salle, le seul lieu où ils trouveraient des sorciers suffisamment compétents pour soigner ce mystérieux invité.
Il lui fallut encore quelques minutes pour atteindre les portes massives de la Grande Salle. Sans ralentir sa course, il leva une main tremblante, et d'un geste précis, les fit s'ouvrir violemment, les envoyant s'écraser contre les murs dans un fracas assourdissant.
Le vacarme résonna à travers toute la pièce, faisant sursauter les occupants. Plusieurs élèves tombèrent à la renverse, surpris par l'explosion soudaine de bruit. Mais l'homme n'y prêta aucune attention. Il traversa la salle d'un pas rapide et déterminé, sa silhouette sombre et imposante semblant dévorer l'espace.
Ses yeux se fixèrent sur une femme au centre de la salle, qui discutait avec des élèves plus jeunes. C'était sa collègue, son amie, et surtout, la personne la plus qualifiée en matière de sorts de soins.
— Helga ! cria-t-il, sa voix empreinte d'une urgence désespérée. — Il a besoin de toi. Maintenant. Son pronostic vital est engagé !
Arrivé à sa hauteur, il fit apparaître d'un geste un lit étroit aux draps immaculés, semblable à ceux de l'infirmerie. Avec une délicatesse incongrue, il y déposa le petit corps qu'il portait. Mais cette scène ne fit qu'aggraver la douleur dans sa poitrine : l'enfant paraissait encore plus frêle et vulnérable allongé sur le lit immaculé.
Le regard lourd, il tendit un parchemin à Helga, fruit du sort de diagnostic qu'il avait lancé plus tôt. La sorcière s'en empara rapidement et commença à lire. À mesure que ses yeux parcouraient les lignes, son visage pâlit, et une expression de colère mêlée d'horreur se dessina sur ses traits.
— Par Merlin… souffla-t-elle, sa voix à peine un murmure.
Les mots inscrits sur le parchemin étaient accablants. La liste des blessures semblait interminable : une grande partie des nerfs étaient endommagés, presque tous les os de sa cage thoracique brisés, et ses jambes dans un état si critique qu'elles semblaient avoir été broyées. Mais ce n'était pas tout. Les marques visibles d'abus étaient omniprésentes : des cicatrices laissées par des coups de fouet, de martinet, ou de canne. Certaines blessures internes, très anciennes, témoignaient d'un calvaire encore plus sombre.
Le diagnostic indiquait également que l'enfant, qui semblait âgé de 10 à 12 ans, avait subi des actes impensables entre ses 5 et 7 ans. Des larmes se mirent à briller dans les yeux d'Helga alors qu'elle lisait les mots "lésions dues à des pénétrations non consenties."
— Quel monstre… souffla-t-elle, la voix brisée par l'émotion, avant de lâcher un juron coloré.
Elle se reprit rapidement et commença à travailler, son expression mêlant détermination et chagrin. Elle pointa sa baguette vers l'enfant et lança un premier sort pour le plonger dans un coma magique. Ce sort empêcherait son corps, déjà si meurtri, de subir davantage de stress.
Elle enchaîna aussitôt avec un deuxième sort, cette fois dirigé vers ses yeux.
— Myopie, lut-elle à haute voix, avec un ton presque incrédule.
L'homme aux cheveux noirs, qui observait tout, ne put s'empêcher de laisser échapper un rire nerveux. La mention de cette condition banale, presque insignifiante au milieu de tant d'horreurs, semblait là pour les faire souffler un instant dans le torrent d'émotions sombres.
Mais ce répit fut de courte durée. Helga tourna un regard grave vers lui, ses lèvres pincées en une fine ligne.
— Il va falloir mobiliser tout notre savoir-faire, dit-elle doucement, mais avec une autorité inébranlable.
L'homme hocha la tête, prêt à tout pour sauver cet enfant.
Cela leur prit toute la journée. Les soins étaient régulièrement interrompus par des moments où ils craignaient de perdre l'enfant. Pendant les rares instants de répit, ils s'autorisaient à souffler un peu pour recharger leur magie, qui diminuait considérablement à force des nombreux sorts qu'ils lançaient. Lors d'un de ces moments, ils avaient déplacé avec précaution le blessé vers l'infirmerie. Là-bas, ils bénéficieraient de plus de calme, et la magie du château instaurerait automatiquement une zone de quarantaine, empêchant quiconque, sans autorisation, d'y pénétrer.
Helga s'assit sur un tabouret près du lit, son regard fixé sur le jeune garçon étendu là, si frêle qu'il semblait disparaître sous les draps blancs.
— Comment peut-on faire ça à un enfant ? murmura-t-elle, sa voix tremblante.
Salazar, debout près de la fenêtre, observait la neige qui tombait doucement. Il gardait le silence, mais son poing serré trahissait son agitation intérieure.
— Salazar, tu m'écoutes ? reprit Helga doucement.
Il se retourna, ses yeux semblables à des labradorites vertes posés sur elle, avant de dériver vers l'enfant.
— Je t'écoute, dit-il enfin. C'est juste… incompréhensible.
Helga hocha la tête, jouant nerveusement avec l'ourlet de sa robe.
— Ce garçon… il ne s'est pas brisé en une nuit. Certaines de ces blessures datent d'années. Il a vécu des horreurs, Salazar.
— Je sais, répondit-il sombrement. Quand je l'ai trouvé… il n'a même pas essayé de se dérober. Il n'y avait aucune peur. Juste… de la résignation.
Il s'approcha lentement du lit, son regard s'adoucissant malgré lui en observant le visage enfantin marqué par la souffrance.
— Personne ne mérite ça, murmura-t-il presque pour lui-même.
Helga remarqua son expression et posa une main sur son bras.
— Il est en sécurité maintenant, dit-elle doucement.
Salazar ne répondit pas immédiatement. Il tendit la main, hésitant un instant, avant de frôler une mèche de cheveux de l'enfant.
— En sécurité… pour l'instant, murmura-t-il. Mais que se passera-t-il après ? Quand il se réveillera ? Quand il se souviendra de tout ça ?
Helga l'observa attentivement, remarquant un éclat dans ses yeux qu'elle ne voyait pas souvent.
— Il aura besoin de temps. De patience. Et de beaucoup d'amour, répondit-elle doucement.
Salazar se redressa, ses traits reprenant leur masque de froide détermination.
— Il aura tout ce qu'il faut, dit-il avec une résolution tranquille. Je m'en assurerai.
Helga arqua un sourcil, surprise par le ton de sa voix.
— Tu parles comme si tu avais déjà un plan, fit-elle remarquer.
Il détourna légèrement le regard, les mâchoires serrées.
— Non. Pas encore. Mais… cet enfant ne mérite pas d'être abandonné une seconde fois.
Helga le regarda un long moment avant de sourire doucement.
— Tu as un cœur plus grand que tu ne veux bien l'admettre, Salazar.
Il lui lança un regard noir, mais elle savait qu'il n'était pas sérieux.
— Dis cela à quelqu'un d'autre, Helga. Toi, tu es bien trop perspicace.
Ils échangèrent un sourire, mais le regard de Salazar retourna rapidement vers l'enfant. Sa main s'attarda un instant sur le drap, comme s'il cherchait à transmettre un peu de chaleur à ce petit corps brisé.
Helga, bien qu'elle ne dise rien, sentit que quelque chose était en train de changer chez lui.
Quelques minutes après leur dernière conversation, Helga et Salazar terminèrent de poser les sorts d'alarme pour être avertis dès que l'enfant serait proche de se réveiller. Le chemin vers la Grande Salle, pour le repas du soir, se fit dans un silence pesant, chacun plongé dans ses réflexions.
En franchissant les grandes portes de la salle, un lourd silence les accueillit. Tous les regards se tournèrent vers eux, remplis d'attente et d'inquiétude. Un grand roux à la carrure imposante se leva immédiatement pour venir à leur rencontre.
— Salazar, Helga… Comment va-t-il ? demanda-t-il, sa voix résonnant comme un écho aux pensées des personnes présentes dans la pièce.
Helga échangea un regard avec Salazar avant de répondre, la voix grave :
— Bonsoir, Godric. Son pronostic vital n'est plus engagé, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il va mieux. Le sort de coma magique va s'estomper progressivement, et ensuite… cela dépendra de lui.
Godric déglutit difficilement, hochant la tête en signe de compréhension. Il se décala pour leur laisser le passage. Helga et Salazar prirent place à une table ronde, un peu à l'écart, afin de pouvoir discuter sans être entendus par les élèves.
Ils furent rapidement rejoints par deux femmes et trois hommes. Rowena Serdaigle, vêtue d'une robe bleu profond presque noir, s'assit avec une grâce naturelle aux côtés de son mari Eldwin. Myrthle Gryffondor, chaleureuse et élégante, prit place près de son époux Godric, lui offrant un léger baiser sur la tempe. Edmund Poufsouffle, en tenue pratique qui témoignait d'une journée de travail manuel, s'assit à côté de sa femme Helga, posant une main rassurante sur son bras. Enfin, Thalion, le fils de Godric, le portrait craché de son père, vint s'asseoir à côté de sa mère, les yeux fixés sur Salazar.
Le silence s'étira jusqu'à ce que Thalion, d'une voix basse, brise enfin la tension.
— Maintenant que nous sommes loin des oreilles des élèves… Pouvez-vous nous dire la vérité sur ses blessures ?
Helga échangea un regard avec Salazar, hésitant un instant avant de parler.
— Ses blessures… Elles sont les pires que j'aie jamais vues. Physiquement, il est stabilisé, mais ce qui nous inquiète le plus, ce sont les blessures invisibles, celles de l'âme.
Salazar, qui observait la table avec une intensité farouche, finit par prendre la parole.
— Son corps porte les traces d'années de maltraitance. Des marques de coups, de fouets, de cannes… et pire encore. Ce n'est pas seulement la gravité de ses blessures qui me trouble, mais leur ancienneté. Certaines datent d'au moins cinq ans. Cet enfant a survécu à des horreurs inimaginables… seul.
Rowena serra les poings, ses traits nobles se crispant sous l'effet de la colère et de la tristesse.
— Et sa magie ? demanda-t-elle d'une voix contrôlée. Vous avez dit qu'elle était… particulière.
— Oui, confirma Salazar, la mâchoire serrée. Sa magie semble incroyablement puissante, mais elle a été bridée. Probablement intentionnellement. C'est comme si… quelqu'un l'avait empêché de se défendre.
Eldwin Serdaigle, sérieux, fronça les sourcils.
— Vous voulez dire que quelqu'un a bloqué sa magie ?
Helga hocha la tête.
— C'est ce que nous pensons. Et cela me révolte autant que ses blessures physiques.
Myrthle posa une main douce sur le bras de son mari pour calmer son agitation visible.
— Alors, que faisons-nous ? Cet enfant a besoin de soins, mais aussi d'un foyer… d'une famille.
À ces mots, Salazar sembla se raidir. Ses doigts se crispèrent sur le bord de la table, et il détourna légèrement le regard.
— Nous verrons quand il se réveillera, dit-il finalement d'une voix rauque, presque inaudible.
Edmund intervint alors, sa voix grave et posée brisant la tension :
— Salazar a raison. Cet enfant devra choisir son chemin, mais il ne le fera pas seul. Nous serons là pour lui. Tous autant que nous sommes.
— Oui, ajouta Godric avec conviction, son ton empreint de cette passion qui lui était si propre. Peu importe ce qui l'a amené ici, il fait maintenant partie de ce château. Et ici, personne ne sera jamais abandonné.
Un silence respectueux s'installa autour de la table. Helga observa Salazar du coin de l'œil. Il avait l'air pensif, presque troublé. Était-ce de la culpabilité, de la colère… ou autre chose ?
Pour la première fois, elle eut l'impression que, malgré son air distant et austère, quelque chose dans cet enfant semblait avoir touché une corde sensible chez Salazar. Peut-être que, sans le savoir, il commençait déjà à envisager un lien plus fort avec ce petit être blessé…
9 pages, 5 157 mots. 31 décembre 2024.
