A bien y réfléchir, les raisons pour lesquelles Scorpius avait choisi de se diriger vers des études d'histoire auraient dû interroger ses proches. Du moins, ceux qui étaient au courant de ses mésaventures avec le Retourneur de Temps.

Certes, s'intéresser à l'histoire sans chercher à interférer dans le cours des événements semblait être la marque d'une démarche plus avisée que celle qui fut la sienne durant ses jeunes années.

Et pourtant, au fond de lui, Scorpius demeurait obsédé par le passé. Objet de rumeurs durant sa jeunesse, la solitude et le désœuvrement l'avaient conduit à s'intéresser à cette période antérieure à sa naissance qui avait conditionné son existence.

Lorsque Rose avait choisi de mettre un terme à leur relation, il s'était encore plus replié sur lui-même. Et il avait choisi de reprendre ses études pour devenir un chercheur.

Orphelin de mère, son père semblait être passé à côté de la souffrance que sa rupture lui avait causé. Pour lui, l'affaire était entendue : une relation avec Rose Weasley ne pouvait pas durer. Sans approuver sa relation, il ne s'y était pas non plus opposé, se murant dans le silence et l'indifférence. Il évitait Rose, tout en veillant à ce que son fils n'ait jamais à se sentir honteux de l'inviter chez lui.

Scorpius avait mis cela sur le compte d'un veuvage dont son père n'était jamais sorti. Les années passant, il s'était contenté d'œuvrer pour les affaires de la famille, comme si son existence avait cessé d'avoir un autre but que celui de préparer la vie de son fils.

Quelques semaines après qu'il eut fait la demande d'accréditation pour ses recherches, il avait fini par obtenir une réponse positive. Il n'en était guère étonné : le sujet qu'il avait soumis aurait difficilement pu lui être refusé.

La SMIG contenait les mémoires de ceux qui avaient choisi, au soir de leur existence, de faire don de leurs souvenirs pour fournir un témoignage en trois dimensions de la Guerre et de ses prémices dans l'espoir que de tels événements ne se reproduisent plus. Des dizaines de Pensines y sommeillaient, contenant chacune les souvenirs d'une personne. A charge pour les historiens d'extraire une copie de chacun des souvenirs, de les archiver et de les étiqueter afin de pouvoir les consulter pour des recherches ultérieures. Certains n'avaient fourni que quelques souvenirs, d'autres avaient donné sans compter, heureux d'être arrivés au terme de leur existence, ou soulagés de se départir de ce qui les rongeait.

Les chercheurs autorisés à consulter cette salle devaient s'engager à n'utiliser ces souvenirs que dans un but scientifique, et ne rien révéler de ce qui pouvait concerner la vie privée des donateurs. Scorpius avait signé le formulaire, indifférent. Il allait réellement chercher des informations sur la libération des elfes de maison, et il n'avait pas pour but de rendre publiques les découvertes qu'il serait susceptible de faire concernant son père.

Avant de s'y rendre, Scorpius avait consulté les registres des donations de la famille Malefoy. Il n'avait rien trouvé concernant la lutte pour la libération des elfes de maison.

En le retournant entre ses doigts, il avait fini par ressentir une forme de magie résiduelle émanant du badge. Peu doué pour faire parler les sortilèges ayant affecté les objets ou les gens, il savait que tôt ou tard, il devrait le montrer à quelqu'un pour savoir de quelle manière l'objet avait été altéré.

Ce badge lui redonnait une fragile bouffée d'espoir. L'idée qu'à une époque, la vie ne glissait pas sur Drago Malefoy. Qu'il y avait une part de fantaisie en lui qui l'avait conduit à entrer en possession de cet objet et à le conserver, quelle qu'en fut la raison.

Qu'il y avait une part de lui, si ténue fut-elle, qui aurait été susceptible d'entrer en résonnance avec son fils.