4 juillet 1997

Pour autant qu'elle puisse en juger, ils étaient dans un cottage qui détonnait profondément avec l'esthétique usuelle des Malefoy : des tons clairs, des canapés et des fauteuils moelleux, tout en conservant un style à la modestie étudiée.

Oui, Drago Malefoy faisait tache, avec ses vêtements noirs, sa mine blafarde qui correspondait si peu à celle d'un individu qui aurait eu l'opportunité de prendre le grand air. Il pointa sa baguette sur la cheminée pour allumer un feu, marmonnant un sortilège pour s'assurer que la fumée ne serait pas visible au-dehors. Hermione en profita pour aller réchauffer, sinon son cœur, du moins son corps qui grelottait.

« Pourquoi, Malefoy ? »

Il ne répondit pas, dans un premier temps.

« Demain, tu liras dans les journaux que Charity Burbage a trouvé la mort. »

« Mme Burbage ? Mais comment… ? »

« Le comment importe peu. J'étais là. Ils l'ont torturée. Et puis ce serpent l'a... »

Incapable de terminer sa phrase, elle devinait que la fin de son ancienne enseignante avait du être effroyable.

Malefoy tremblait, bien qu'il fasse des efforts pour que cela se voie le moins possible. A-t-il réalisé que les jeux auxquels il se prêtait enfant n'ont plus rien de divertissant à présent ?

En dépit de la lucidité de son hypothèse, la fureur qui parcourait ses veines menaçait de l'emporter.

« Dois-je comprendre que ce qui te gêne, c'est de l'avoir vu ? Tu préférerais que ces gens meurent sans avoir à être présent ? Se salir les mains doit être plus difficile qu'il n'y paraît, n'est-ce pas ? »

Malefoy pointa sa baguette sur elle. Elle l'ignora avec dédain, s'avançant vers lui.

« Tu n'as pas été capable de tuer Dumbledore. Je sais que tu ne me tueras pas. Si tu ne veux pas me dire pourquoi tu as agi ainsi, dis-moi au moins ce que je fais ici. »

Elle le vit s'agripper à un fauteuil, comme s'il se savait proche de perdre l'équilibre. Son autre main lâcha sa baguette et se crispa autour d'une partie de son ventre.

Au rouge qui s'écoulait entre ses mains, elle comprit qu'il était blessé, et que la couleur de son costume avait dissimulé le sang.

« Par Merlin, que s'est-il passé ? »

Sa respiration se faisait sifflante. Il luttait pour demeurer conscient.

« Lorsque j'ai appris ce qu'ils comptaient te faire, j'étais en train d'utiliser un sortilège de désillusion pour les écouter. Je pensais que mon mur d'Occlumancie était solide, mais…une faille a dû survenir. L'un des mangemorts a perçu ma présence et lancé un sortilège pour essayer de me révéler. Je suis parvenu à conserver l'illusion, mais j'ai été touché. »

Elle avança sa main vers la blessure.

« C'est une blessure magique. Elle ne cicatrisera pas d'elle-même. »

« C'est le but, Granger. »

« Qu'est-ce que tu as essayé ? »

« Je…n'ai pas eu le temps de me soigner. »

« Quoi ?! Mais enfin, tu sais que ce type de blessures nécessite des soins immédiats, autrement l'espérance de v… »

Un rire nerveux le saisit.

« Bon sang, Granger, tu ferais la bonne élève jusque dans la poêle à frire, n'est-ce pas ? Même quand ce n'est absolument pas dans ton intérêt ? »

« A l'évidence, tu rencontres aussi quelques problèmes pour ce qui est d'agir dans ton intérêt ces temps-ci, autrement tu ne te retrouverais pas dans cette position, coincé avec moi. »

Est-ce qu'il y aurait un cœur, sous cette poitrine ?

Avant de pouvoir décider consciemment si le monde s'en sortirait mieux avec un mangemort d'opérette en moins, sa main se glissa d'elle-même vers le sac où elle avait remisé de l'essence de dictame.

6 juillet 1997

Deux jours. Cela faisait deux jours qu'Hermione se retrouvait à veiller Malefoy. Les soins qu'elle avait prodigués étaient arrivés bien trop tardivement pour que le dictame agisse avec célérité. A cela s'ajoutait le fait que Malefoy avait été soigné avec la même essence quelques mois auparavant lorsqu'il avait été touché par un Sectumsempra, diminuant l'efficacité de la substance.

Pensive, elle contemplait les traits du jeune homme. Il y avait quelque chose d'absurde au fait qu'ils aient été incapables de civilité durant la période de paix dont ils avaient bénéficié à Poudlard et qu'il avait fallu une guerre pour qu'ils se sauvent mutuellement.

Dans un autre monde, ils auraient pu être rivaux dans les études mais de bons camarades. Des amis, qui sait ? Ils avaient sans doute plus d'intérêt pour les études et d'affinités électives qui auraient pu en découler qu'elle n'en avait avec Harry et Ron.

Parfois, elle se disait que ces pensées n'étaient que pures divagations. Et pourtant, ils se renvoyaient à la figure la même injure : bon élève. Petit mouton, manœuvré par son camp…

Là où il y a un camp, il y a forcément des moutons.

La vraie différence, c'est qu'elle n'avait pas le choix. Son sang lui imposait de choisir un camp pour défendre sa vie.

La vraie différence, c'est que Drago Malefoy avait le choix, lui.

Et que, pour une raison qui continuait de lui échapper, il avait choisi de ne pas devenir un meurtrier par deux fois.

Elle avait attribué son refus de tuer Dumbledore à la lâcheté. Pourtant, un lâche se serait contenté de fermer les yeux à l'entente des projets visant à la tuer.

Il n'était pas beau à voir. Ecumant de sueur, son corps se révoltait à la fois contre le dictame et l'infection qui l'avait gagné.

Lorsqu'elle essaya de quitter la maison dans l'espoir de pouvoir trouver des médicaments moldus à lui administrer, elle se rendit compte que la maison était protégée par un Fidelitas. Si elle s'avisait d'en sortir, elle ne pourrait y entrer de nouveau. Elle n'était même pas certaine de pouvoir en sortir sans dommages.

Ce qui la conduisit à secouer Malefoy comme un vieux prunier.

« Il faut tu m'indiques l'emplacement de cette maison. »

« Dans…dans tes rêv… »

« Malefoy ! Le dictame ne suffit pas ! Je dois aller chercher des médicaments moldus si tu veux espérer survivre ! »

« F…f…foutaises. Si je t'indique l'emplacement de la maison tu ne reviendras pas… »

« Ma présence ne te sera d'aucun secours sans soins supplémentaires. Tu as deux possibilités : soit tu me laisses être enfermée avec toi et tu meurs, soit tu me laisses aller chercher des médicaments et peut-être que tu auras une chance de survivre. »

Il accepta enfin de se saisir de la plume et du parchemin qu'elle lui tendait. Lorsqu'elle rentra avec des antibiotiques, des antalgiques et un thermomètre, il avait déjà atteint les 40 degrés de fièvre. A ce stade, il ne pouvait plus faire l'objet du moindre sortilège sans risquer d'envenimer la situation. Elle le plongea dans un bain glacé avant de lui faire avaler les cachets et de le mettre au lit avec une bouillotte remplie d'eau fraîche, des compresses d'eau froide.

Son absence de combativité et de répartie était à la fois reposante et inquiétante. Elle ne connaissait de lui que le mépris qu'il lui portait. Un mépris qu'elle était bien obligée de nuancer depuis trois jours.

Qui était Malefoy, une fois dépouillé de ce vernis ?