10 juillet 1997

Les jours suivants, Malefoy fut encore plus rétif à l'idée que Granger sorte pour aller chercher de la nourriture ou des soins supplémentaires : la fièvre l'avait considérablement déshydraté et elle espérait pouvoir trouver entre autres choses du sérum physiologique et des antibiotiques plus efficaces que ceux qu'elle avait piochés au hasard. Il finit par lui avouer qu'elle aurait pu ne jamais retrouver le chemin du cottage si elle était restée un peu plus longtemps dehors : la demeure était conçue pour changer d'emplacement géographique à intervalles réguliers. L'adresse qu'il lui avait remise n'était effective que pour quelques heures.

Ce fut à ce moment-là qu'elle eut l'idée d'ensorceler deux badges de la SALE qu'elle avait trouvé dans un recoin de son sac pour qu'il puisse lui communiquer en temps réel les changements de coordonnées et qu'elle puisse continuer d'écumer les pharmacies moldues dans l'espoir de trouver un traitement qui puisse l'aider à guérir.

Il avait retourné l'objet entre ses doigts, pensif.

Lorsqu'il était saisi par des accès de fièvre, elle lui appliquait des compresses froides et le veillait.

Cette nuit-là, il s'éveilla brièvement, constatant que la moitié de son corps était sur le fauteuil et l'autre avachie sur le lit, dans une position extrêmement inconfortable. Sa fièvre était tombée, pour le temps que cela durerait. Au prix d'un effort considérable, il parvint à l'étendre à ses côtés.

Lorsqu'ils s'éveillèrent, Malefoy était blotti contre Granger, sa tête logée contre sa nuque.

Interloquée, elle aurait été toute prête à le repousser violemment si elle n'avait pas noté qu'elle avait refermé d'elle-même ses bras autour de lui. Que ses mains étaient posées sur des zones chastes, que rien ne semblait donner à penser qu'il l'avait attirée dans le lit pour profiter de la situation autrement que pour trouver du réconfort. Elle sentit à ses membres qui se tendirent progressivement qu'il émergeait également.

« Pourquoi tu m'as sauvée ? »

« Parce que…j'ai essayé d'imaginer un monde ou tu n'existerais plus. Et…je n'ai pas pu. Tu es la seule personne qui m'ait jamais donné l'impression que je pourrais ne pas être saisi d'ennui à ses côtés. La seule personne que j'adorais détester. Lorsque j'étais plus jeune, je croyais…je ne sais pas ce que je croyais. Que la supériorité du sang me permettrait de l'emporter sur toi, mais que tu serais toujours là malgré tout. Je t'ai imaginée torturée, conduite à la folie comme les Londubat, souillée, tuée…ce n'est pas la première fois que j'ai imaginé cela. Déjà, à l'époque de la coupe du monde…l'idée que quelqu'un d'autre pose les mains sur toi me paraissait insupportable. »

« Alors, c'est ça ? Tu as besoin d'être le bourreau lorsque ça me concerne ? »

Elle sentit qu'il faisait plus que respirer contre elle. Ses inspirations, profondes, cherchaient volontairement à capter son odeur.

« Je ne sais pas ce que j'ai besoin d'être, mais j'ai besoin d'être quelque chose. Et toi, pourquoi tu m'as sauvé ? »

Incapable de répondre, elle laissa le silence s'installer.

« Laisse-moi deviner. En bonne petite Gryffondor, tu sauverais n'importe qui ? Même si j'étais susceptible de tuer à mon tour, même si le monde se porterait mieux sans moi ? »

« Une autre personne serait restée de marbre à l'idée que je me fasse tuer. »

« Peut-être. Mais je ne sais pas si je l'aurais fait pour quelqu'un d'autre que toi. »

« Tu l'as fait pour Dumbledore… »

« C'est vrai. Il faut croire que j'ai un truc pour les Gryffondors à la chevelure…celte ? »

Elle le sentit sourire contre sa nuque.

« Je ne te révulse pas, alors ? »

« …non. »

Peu à peu, son étreinte se fit plus ferme. Elle aurait dû angoisser, se sentir emprisonnée. Et pourtant, elle eut l'intuition qu'il relâcherait ses bras si elle cherchait à se dégager. Elle le sentait guetter sa réaction. Elle entendait son souffle court, angoissé.

La guerre changeait tout. Elle révélait la nature profonde des personnes qui s'y trouvaient engagées, et la perception du temps s'en trouvait irrémédiablement changée.

Dans un autre monde, elle n'aurait jamais accepté avec aisance qu'un individu qu'elle connaissait si peu trouvât refuge dans ses bras. Elle n'aurait jamais retourné cette étreinte et encore moins ressenti un sentiment de réconfort et d'apaisement en le faisant.

Ils se serrèrent l'un contre l'autre jusqu'à en perdre la perception des limites de leur corps, jusqu'à ce que chaque souffle se répercute dans l'autre.

13 juillet 1997

Granger s'extirpa du lit, les joues roses. Le jour, elle fuyait le regard de Malefoy dont la rémission semblait bien mieux engagée. Lorsqu'elle vérifiait son ventre, il posait furtivement sa main à proximité de la sienne. La nuit, elle acceptait pourtant de le rejoindre.

« Est-ce que je te révulse, Granger ? »

« Je n'ai pas de préjugés sur le sang, Malefoy… »

« Pourtant, tu n'acceptes d'être en contact avec moi que lorsque la lumière est éteinte. Tu as besoin d'oublier que c'est moi ? Besoin d'oublier cette Marque sur mon bras, peut-être ? Ou alors, tu imagines que je suis Weas… »

Ses mains le repoussèrent fermement.

« Si tu veux tout savoir, non, je ne pense pas à Ron. C'est bien le problème, d'ailleurs. »

Elle se pinça l'arête du nez. Il s'approcha doucement de son oreille.

« Personne ne pense à nous prévenir, tu sais. On grandit, nos hormones nous travaillent, et personne ne pense à nous dire que nos hormones se moquent éperdument du sang, des maisons, et que sais-je encore… »

« La pureté du sang ne repose sur aucune donnée objective, Malefoy… »

« Les hormones non plus. »

Elle le sentit durcir contre elle.

« Très bien. La pureté du sang ne repose sur aucune donnée objective ou tangible… »

Il pouffa de rire contre sa nuque.

« Tu n'as pas peur, Granger ? Tu as déjà… »

« Çane te regarde pas, Malefoy. Mais j'imagine que si l'idée que je sois souillée t'a fait horreur au point de préférer me sauver, tu t'abstiendras de le faire. »

Il s'éloigna brusquement.

« Tu marques un point, Granger. Contrairement à ce que tu as supposé il y a quelques jours, je ne veux pas être ton bourreau. »

« Que veux-tu être, alors ? »

Sa voix devint rauque.

« Je sais juste que le seul scénario où je serais satisfait de t'entendre crier grâce serait dans ce lit, contre ma bouche, sous mes assauts. Tu me supplierais d'arrêter tout en me serrant contre toi... »

« Malefoy… »

« Dégage, Granger. Trouve une autre chambre. Je vais suffisamment mieux pour que tu n'aies pas à t'inquiéter. Dans quelques jours, tu n'auras plus à te soucier de moi. »

Sa main trouva doucement la sienne avant de s'égarer sur son bras, puis son torse. Il ferma les yeux, ne s'autorisant aucun autre signe extérieur de son émoi, satisfait pour un instant de cette obscurité dont il s'était plaint quelques minutes plus tôt.

« Granger… »

Sa détermination s'affaiblissait doucement. Il savait mieux que personne qu'il n'était pas en état « d'assaillir » qui que ce soit. Quelque chose lui disait que c'était précisément la raison pour laquelle Granger osait l'approcher ainsi sans tenir compte de ses avertissements.

« Dans…dans quelques jours la Guerre nous rattrapera. En sept années d'études je n'ai jamais pris le temps de me consacrer à autre chose qu'aux études ou à mes aventures avec Harry et Ron. Je viens de renoncer à ma famille, et fonder mon propre foyer devient un concept de plus en plus abstrait à mesure que les heures nous rapprochent du conflit. Il se peut que je meure avant d'avoir profité de ce que j'ai appris durant toutes ces années. Je pourrais mourir avant d'aller à l'université, ou de me choisir un métier. Alors…bien que les raisons qui te poussent à vouloir passer la nuit avec moi laissent à désirer, je dois reconnaître que les miennes ne valent guère mieux… »

Il pouffa de rire.

« Toi Granger, tu sais parler aux hommes… »

« Qu'importe, puisque ce que tu recherches en moi n'est visiblement pas ma conversation ? »

Il sentit son souffle se heurter à sa chair, si proche de lui. Sa main dessinait son torse, remontait progressivement vers son visage. N'y tenant plus, il saisit ses lèvres tout en l'enlaçant. Ses mains s'égaraient dans sa nuque et ses cheveux. Allongés l'un contre l'autre, à la fois tourmentés et réconfortés par leur étreinte, il fit passer l'une de ses jambes par-dessus les siennes, désireux d'augmenter la friction entre leurs corps, saisi d'une toute autre fièvre que celle qui l'avait tenaillé durant des jours.

Elle lui retira lentement ses vêtements, faisant de même avec les siens sous lesquels il avait glissé les mains depuis un bon moment.

Il aurait voulu lui offrir la performance d'un homme sur de lui qui aspire à prendre du bon temps, être capable de se fondre dans le rôle qu'elle lui prêtait. Sa prestation s'annonçait piteuse sur ce plan : tremblant sous ses baisers, il laissait échapper des râles qui frisaient le ronronnement et se mêlaient à ses gémissements. Il ne pouvait que constater que sur ce plan là également, ils étaient susceptibles de faire jeu égal…