Bonjour et bienvenue sur cette histoire.

Disclaimer:

Naturellement, les personnages ne m'appartiennent pas.

Il n'est pas nécessaire d'être à jour dans les scans de Boruto, à part peut-être pour le tout dernier chapitre (et encore, que...).

Mention de thèmes sensibles (violence, abus), donc le rating M est de rigueur.

Bonne lecture.


« Je vais me coucher. »

Et aussitôt que ces mots furent prononcés, Kawaki, silencieux, quitta la table sans autre forme de procès.

Boruto voulut protester, mais d'un regard compatissant, son père réussit à l'en dissuader.

Il attendit que l'adolescent ait fini de monter les marches pour enfin déballer le fond de sa pensée.

« Et tu le laisses partir, comme ça ?! » s'offusqua son fils aîné.

C'est vrai, quoi ! Qu'est-ce que c'était que ces manières ! Il avait à peine touché à son assiette et s'en allait les mains dans les poches.

Jamais Himawari ou lui n'avaient été autorisés à une telle impolitesse ! Et une part de lui trouvait cela profondément injuste que cette espèce d'opportuniste se vois tout permis.

Tout ça pour quoi ? Parce qu'il avait racheté un vase ?! Était un invité ? Ou pire encore, qu'on ne voulait pas froisser les bons sentiments de sa seigneurie ?!

« Laisse, Boruto. » intervint son père, conciliant.

« Maman a pris la peine de préparer le dîner, la moindre des choses serait de rester à table. » trancha-t-il, amer.

C'était comme ça qu'on l'avait éduqué, alors il ne voyait vraiment pas pourquoi Kawaki pouvait échapper aux règles de bonne conduite ! Lui aussi avait bien envie de partir plus tôt de table pour aller finir sa partie de jeu vidéo !

« Ce n'est pas très grave, Boruto. Je pourrais toujours mettre son assiette au frigo. » tenta d'apaiser les tensions sa mère, bienveillante.

« Nan, maman, c'est pas ça le problème… » tenta d'expliquer le préadolescent, plus en quête de justice personnelle que de règles de savoir-vivre.

« Boruto… » décida d'intervenir cette fois-ci Naruto, avec beaucoup de calme. « Je pense que Kawaki a eu une journée difficile. Alors est-ce que tu penses que tu pourrais lui pardonner pour ce soir ? »

Le concerné se mordit la lèvre. Qu'est-ce que ça voulait dire "difficile", d'abord ?! Si quelqu'un était vraiment à plaindre, c'était bien Himawari. La pauvre enfant avait vu son vase réduit en miettes.

Elle avait fait de son mieux pour ne pas pleurer et n'attrister personne, mais son triste minois n'avait pas dupé grand monde. Elle était encore jeune, et des choses aussi triviales soient-elles pouvaient encore l'affecter davantage que de raison.

« Ça ne s'est pas bien passé votre passage chez Ino ? » osa demander, soucieuse, Hinata.

À vrai dire, elle avait déjà eu quelques soupçons. Kawaki, habituellement si fier et plutôt "grande gueule", s'était montré très taiseux depuis son retour de balade avec son mari. Son visage n'affichait plus hargne ni colère, mais juste un profond sentiment de vide ou de malaise.

Voir même parfois de tristesse, mais il était toujours très difficile de deviner quoi que ce soit le concernant.

Naruto regarda maladroitement ses deux enfants, ne souhaitant pas vraiment s'exprimer sur le sujet devant eux, avant de finir par rétorquer :

« En quelque sorte. »

Elle comprit qu'ils en parleraient probablement plus tard, seuls à seuls.

« Si on est de trop, faut le dire… » roula des yeux au ciel le préadolescent.

« Non, personne n'est de trop à cette table, si ce n'est cette discussion. » trancha l'Hokage. « Maintenant, mangeons avant que ça ne refroidisse. »

« Ouais, pour une fois que t'es là… » ne put s'empêcher de commenter son fils, acerbe.

Toutes ces années où, depuis sa nomination, il avait attendu qu'ils puissent partager du temps ensemble. Et finalement, il avait juste fallu que Kawaki débarque comme une fleur dans leur vie pour que miraculeusement, leur père se trouve du temps à leur accorder.

Il serra les poings.

« Moi aussi je vais me coucher. » finit-il par déclarer en se levant de table.

« Boruto… » susurra Hinata, peinée qu'il prenne les choses ainsi.

Durant un premier temps, Naruto voulut l'obliger à se rasseoir, lui priant de cesser ses caprices. Puis il se ravisa. Si son fils ne se sentait pas d'humeur à partager un repas avec eux, qu'il en soit ainsi. Il préférait encore qu'il se calme dans sa chambre, tranquillement, et que tous repartent sur de meilleures bases demain matin.

« Très bien, bonne nuit. » lui répondit seulement son géniteur en récupérant son assiette ainsi que celle de Kawaki pour les mettre au réfrigérateur.

Visiblement vexé, le plus jeune partit sans demander son reste, montant à pas farouches les marches de la maison.

Il passa devant le bureau de son père, là où dormait Kawaki, maudit le propriétaire temporaire de la pièce, puis s'en alla se coucher en claquant la porte derrière lui.

Le bruit ne manqua pas de faire tiquer le brun qui se retourna sur le canapé de la pièce avant d'essayer de fermer les yeux à nouveau.


L'obscurité.

L'odeur du bois humide, friable, rongé par les vers.

Le bruit du vent claquant contre les volets pourris que son père ne prenait même plus la peine de changer ou d'entretenir.

Le voilà de retour dans son cagibi, froid, étroit, moite.

Il ne savait même plus à quand remontait exactement son dernier repas, ni même quand il avait été autorisé à boire quelque chose, ou à aller aux toilettes. Le seul moyen d'évaluer le temps de manière approximative la nuit était la lueur de la bougie qui passait sous la porte de sa prison de bois.

Quand on se donnait bien la peine de l'allumer, bien entendu.

Il n'était même pas rare que son père découche, passant sa soirée et sa nuit à boire à la taverne du coin jusqu'au petit matin.

Il espérait que ce soir ne soit pas un de ceux-là. Il n'était certes jamais parti de la maison tard le soir, en le laissant enfermé. Mais un jour, oui, cela finirait bien par arriver. Peut-être même bien qu'il l'oublierait là, le condamnant à une mort atroce.

S'il n'avait pas tant besoin de bras adroits pour couper du bois ou lui acheter de l'alcool régulièrement, ce serait probablement ce qui finirait par arriver, oui. Parfois, il remerciait le ciel de lui avoir encore une utilité.

Accroupi, il gratta le bois friable de ses doigts, arrachant de petits bouts à chaque passage, pas plus gros et durs que des miettes de pain. Puis il les porta à ses lèvres sèches et les mâcha comme pour tromper la faim, ou peut-être plus encore l'anxiété.

À en juger l'état du sol, ce n'était pas la première fois qu'il subissait telle épreuve.

Il recracha les copeaux et recommença, faisant couler sa salive dans sa gorge pour éviter qu'elle ne s'assèche trop. Parfois, il lui arrivait de s'endormir et de rêver. Rêver de rien. Juste du vide, et de poissons flottant autour de lui.

Des fois, il aimerait en être.

Être un poisson.

Être stupide.

Il ne savait pas si c'était vrai, mais c'est ce qu'il avait entendu dire une fois. Il paraissait qu'ils se complaisait dans leur bocal rond, étroit et ennuyeux, parce qu'ils n'avaient que trop peu de mémoire pour s'en souvenir.

Alors peut-être que si lui aussi était un poisson, un de ceux qui sont colorés et qu'on gagne chaque année à la foire du coin, alors il oublierait ô combien son placard était carré, étroit et terrifiant aussi.

Il oublierait aussi le froid. La faim. La soif. Et peut-être même que l'idée d'une mort prochaine lui ferait moins peur.

Il oublierait les colères dans lesquelles son père pouvait se mettre, les violences auxquelles il pouvait s'adonner.

Peut-être même qu'il pourrait aussi oublier la douleur des bleus.

Parfois, même les yeux ouverts, il arrivait à voir ces poissons, et cela le réconfortait un peu. Il ne savait pas si c'était la faim qui le faisait halluciner, ou les coups trop répétés à la tête, mais voir ces taches colorées s'agiter autour de lui lui redonnait un peu de baume au cœur.

Soudainement, du bruit se fit entendre, le poussant à ouvrir les yeux. Des pas lourds et résonnants firent trembler le parquet de leur très modeste maison.

La lumière dans la pièce à vivre fut allumée, éclairant par le sol également sa pièce.

Il fait nuit.

Cela fait au moins six heures qu'il est ici, ou peut-être douze, ou dix-huit tout au plus. Il ne sait pas. Mais ce qui est sûr, c'est que cela fait encore plus longtemps qu'il n'a rien avalé.

Deux voix fortes et masculines émanèrent de la pièce attenante. Il reconnut l'une d'elles comme étant celle de son père, l'autre lui était bien inconnue. Subitement, la porte de son placard s'ouvrit, lui causant un désagréable éblouissement malgré la luminosité déjà faible.

« Voilà, il est là. » trancha son père, une bourse de pièces bruyante dans la main. Il le désigna d'un signe de tête nonchalant, comme on désigne une pile de bois.

« Quel âge vous dites qu'il a ? »

« Qu'est-ce que ça peut vous foutre ? Si ça vous intéresse pas, libre à vous de décliner, mais je rembourse pas. » rétorqua-t-il, clairement pas prêt à relâcher son précieux butin.

Le voyageur sembla contrarié.

« Nan, ça ira. C'est juste qu'il semble bien jeune… »

« Il est un peu petit pour son âge, mais il est robuste. » lui assura son géniteur avant de bâiller et de prendre le chemin de la sortie. « Bon, allez, moi je m'arrache : je vous attends dehors. » rétorqua-t-il avant de refermer la porte derrière lui.

Kawaki, stupéfait de la scène, n'osa dire mot. Il se contenta de regarder, toujours accroupi au sol, l'homme qui le surplombait avec son chapeau pointu.

Ce dernier s'assit sur le banc de la salle à manger et retira son couvre-chef.

« Ton père n'a pas l'air d'être un tendre, dis-moi. »

Il ne répondit rien.

« Tu veux de l'eau ? T'as l'air d'avoir la bouche sèche. »

L'enfant n'osa répondre jusqu'à ce qu'on lui demande explicitement de se lever, et qu'on lui tende un verre plein. Il accepta, hésitant, et but d'une traite, marmonnant un vague merci, fébrile.

« Tu me montres ta chambre ? »

Kawaki réfléchit quelques instants avant de désigner une couchette au fond du seul couloir de la maison.

« Ah, évidemment… tout s'explique. » sembla un peu embarrassé le voyageur avant de se délester de son manteau et de sa sacoche. « Vas-y, je te rejoins. »

« P-pourquoi faire ? » osa demander le plus jeune pour la toute première fois.

L'homme perçut son inquiétude et se sentit obligé de le rassurer.

« Hé, t'en fais pas gamin. Je suis pas comme ton père. Je ne te ferai pas de mal. »

Ses mots semblèrent le rassurer, alors il s'exécuta, et comme promis, l'autre homme le rejoignit.

Il avança à pas sereins jusqu'à l'enfant, mimant le silence du doigt, avant de détacher le cordon qui retenait son pantalon.

« Tout va bien. On va juste jouer à un jeu. D'accord ? »

Kawaki n'eut que trop de souvenirs de cette nuit-là. Ses dernières bribes d'innocence lui avaient coulé entre les jambes.


Jamais Naruto n'avait été aussi durement tiré du sommeil depuis qu'Himawari faisait ses nuits, et cela remontait maintenant à bien des années. Ses sens mis en alerte, la première chose qui lui vint à l'esprit fut de saisir le kunai rangé dans sa table de chevet et de sortir précipitamment de sa chambre.

Pour hurler ainsi à une telle heure de la nuit, quelqu'un se faisait de toute évidence agresser sous son propre toit, et il identifia sans mal le lieu du conflit : son bureau.

Kawaki.

Jigen serait-il revenu ?!

Curieux, il ne ressentait pourtant pas sa présence. Et, pour oser entrer par effraction dans la demeure du Hokage en pleine nuit, il fallait être drôlement culotté et plutôt sûr de soi. Il ne voyait pas vraiment un villageois essayer de le cambrioler, ni même de s'en prendre à Kawaki.

Il ouvrit la porte brutalement et constata, avec une certaine surprise, qu'il n'y avait personne. Aucun désordre, aucune trace de lutte, aucune présence, rien si ce n'est l'adolescent hurlant à la mort, comme terrorisé par une force invisible.

Il alluma la lampe du bureau et se précipita à son chevet.

« Hé… ! Kawaki ! Qu'est-ce qui se passe ?! »

Naruto inspecta tout de même les environs d'un œil avisé. On ne savait jamais. Cet homme avait naturellement une facilité déconcertante à apparaître et disparaître…

Il apposa une main délicate sur l'épaule du garçon, comme pour lui faire prendre conscience de sa présence. Mais ce geste pourtant des plus bienveillants fut très mal accueilli.

L'adolescent le repoussa violemment, effrayé, se plaquant contre le dossier du canapé pour instaurer une distance entre eux.

« Dégage ! Dégage ! Dégage, putain !!! »

Ses mots avaient beau être durs et violents, Naruto avait l'intuition qu'ils ne lui étaient pas réellement destinés. À vrai dire, il sentait bien que son cadet ne semblait pas particulièrement lucide, ou en tout cas pas dans l'immédiat.

Toutefois, il n'insista pas. Il laissa ses mains en évidence dans l'air, conserva cette distance sécurisante entre eux, et se fit aussi calme que possible.

Malheureusement, c'est à cet instant que choisit Boruto, ainsi que le reste de la famille, pour intervenir, curieux des cris.

« Tout va bien, papa ? » demanda Himawari, inquiète.

« ...Oui, oui, fausse alerte. Vous pouvez vous recoucher. Je m'en occupe. »

Boruto, lui, ne se fit pas prier. Hinata, elle, se décida d'aller border sa fille pour la rassurer. Nul doute que le réveil brutal avait dû la secouer un peu.

L'homme attendit que les pas s'éloignent.

« Hé, Kawaki, c'est moi. Naruto… Tout va bien, d'accord ? C'est juste moi. »

Le plus jeune s'arrêta doucement d'élever la voix, se contentant de respirer rapidement et bruyamment, avide d'air.

« Tout est OK… ? » osa-t-il demander, tandis que l'enfant le regardait comme une proie qui toise son prédateur.

Kawaki ne l'avait jamais regardé ainsi. À vrai dire, il n'avait jamais regardé personne de cette manière depuis son arrivée. Il avait habituellement toujours ce je-ne-sais-quoi de provocateur, rêche, dominateur dans le regard. Tel la pierre, il demeurait dur. Fier, il ne baissait jamais la tête. Même impuissant, il semblait toujours sur le point de mordre, comme un animal luttant pour sa vie coûte que coûte. Féroce, vigoureux.

Mais là, maintenant, il n'y avait plus rien de tout ça. Il semblait friable, fragile, sécable comme la porcelaine. Il n'avait qu'à tendre le doigt pour le briser. Il n'y avait plus aucune hargne dans son regard, plus de rage, de haine. Juste de la peur, de la terreur, de l'agonie.

La seule chose qui n'avait jamais quitté ses traits était la douleur. Elle avait toujours demeuré présente, même si parfois très bien dissimulée. Et aujourd'hui, plus que jamais.

Petit à petit, il vit les yeux du plus jeune s'embuer de larmes. Bientôt, le surplus roula sur les côtés de ses joues sans qu'il n'en fasse rien. Il se contentait de le regarder, là, fixement, intensément, avec une infinie tristesse dans les yeux.

Ce regard même qui vous déchire le cœur, celui d'une victime qui implore son bourreau de l'épargner.

« Pourquoi… ? »

Sa voix sonnait comme une supplique, faible. La réplique semblait avoir tellement de mal à glisser hors de ses lèvres.

Naruto se sentit mal. Pourtant, à nouveau, il avait la certitude que ni cette tirade ni ce regard ne lui étaient adressés.

« Kawaki… ? »

Les larmes roulèrent davantage, et bientôt, son corps fut secoué de toute part par les sanglots.

L'adolescent plaqua ses mains contre sa bouche comme pour s'empêcher de faire du bruit, empêcher les hoquets de sortir, s'empêcher d'être plus pathétique.

Ou de subir encore son courroux. Si il pleure, il le frappera. Pleurer n'arrange rien. Jamais.

« Kawaki… ? »

Oh oui, il le frappera, ou il retournera l'enfermer dans cette horrible garde-manger où…

« Kawaki ! Kawaki, s'il te plaît, reprends-toi ! Respire ! Regarde-moi et respire ! »

Quand il leva les yeux, il se sentit revenir de milliers de kilomètres. Ses oreilles se mirent à bourdonner bruyamment avant qu'un doux silence ne lui parvienne enfin.

Les yeux qu'il voyait étaient bleus, malgré la pénombre, et les traits étaient doux. Pas menaçants, même s'il saisissait ses poignets avec fermeté.

« Le… septième ? » La remarque avait presque du mal à glisser hors de sa bouche tant cela lui semblait irréaliste.

Naruto le relâcha sur-le-champ.

« Je suis vraiment désolé. J'ai cru que tu étais en train de t'étouffer. » s'excusa-t-il en réinstaurant une distance plus convenable.

Le plus jeune ne dit rien, se contentant de renifler et de respirer bruyamment, encore un peu sous le choc. Il regarda ses mains, puis autour de lui, comme cherchant à établir où commençait la réalité et où finissait concrètement le cauchemar.

Tout semblait parfaitement réel. Il avait l'air d'être chez le Hokage… Pourtant, il y avait des choses qui ne collaient pas. Il sentait toujours cette odeur de bois mouillé partout autour de lui, comme si ça lui collait à la peau. Mais pire encore…

« J'ai mal… » lui apprit-il dans une supplique douloureuse et presque enfantine…

Sa remarque inquiéta son aîné.

« …Mal ? Comment ça ? Où ça ? Tu t'es blessé ? »

Est-ce que son kama se serait activé ? Non, vu l'état de la chambre, il en doutait.

« J'ai… J'ai mal en bas, au ventre… »

« Oh, je vois. »

Naruto sembla rassuré. Si ce n'était que ça.

« Je vais demander à Hinata de te chercher quelque chose, d'accord ? Je reviens vi-… »

Kawaki lui attrapa le bras, le retenant. Paniqué.

« Nan… S'il te plaît. Reste ! »

« Tout va bien, ma chambre est juste à côté, je n'en ai pas pour-… »

« Si tu pars, il reviendra ! »

« Qui ça, "il" ? Jigen ? »

« S'il te plaît ! S'il te plaît… ! » sa voix mourut.

Il ne répondit pas à sa question, se contentant de le supplier. Avant de se lever brutalement comme pris d'une subite révélation.

« Je… Je dois changer les draps. Si je le fais pas, mon père va s'énerver ! Je dois retirer le sang et… »

Si Naruto avait encore quelques légers doutes, ils s'envolèrent. Kawaki n'était pas vraiment conscient, mais plutôt dans une espèce d'étrange phase de somnambulisme, ou de terreur nocturne.

« Kawaki, tout va bien. Il n'y a pas de sang. » lui affirma calmement le Hokage, en essayant de le convaincre de regagner son lit calmement pour lui faire passer cet élan de panique insensée.

« Je te jure que si ! Regarde ! »

Cela sembla rendre fou l'adolescent, qui retira d'un bras vif les draps, effrayé de ce que cette conséquence pourrait avoir sur lui.

Effectivement, les draps étaient bien trempés, mais ce n'était pas du sang, fort heureusement. Et Naruto s'en soulagea.

« Oh Kawaki… Vraiment, je t'assure que tout va bien. »

Il lui frotta affectueusement la tête.

« Mais-… Mais j'ai mal, je saigne ! » se défendit son cadet, en regardant entre ses jambes. Il plaqua sa main tremblante entre ses cuisses et constata, avec effroi, la sensation mouillée et poisseuse.

Il ne mentait pas, il ne mentait pas. Cette sensation était bien réelle. Il le sentait !

« Pourquoi tu ne me crois pas... ? » articula-t-il avec douleur. « R-regarde ! »

« Kawaki… »

Naruto, debout et sous le choc, prit doucement le garçon dans ses bras. Peut-être qu'il ne devrait pas, au vu des révélations faites, mais c'était la seule chose réconfortante qu'il pouvait réellement lui offrir.

Là, maintenant, il regrettait vraiment cette visite chez le fleuriste. Il avait l'impression d'avoir précipiter quelque chose. D'avoir fait émerger des choses qui auraient du rester dans les abîmes.

« ...Qui t'a fait ça ? » finit-il par lui demander avec une boule dans la voix.

Le plus âgé n'était pas dupe ou idiot. Au vu de la situation, il avait bien compris ce qui lui était arrivé. Ce qui s'était passé. Même pour un cauchemar, il y avait trop de détails. Trop de choses qu'un jeune adolescent de son âge ne pouvait imaginer seul.

Ce n'était pas qu'un simple cauchemar, c'était probablement une scène déjà vécue.

« Est-ce que c'est Jigen ?! Ton "père" ? »

Jusqu'à maintenant, il ne savait même pas que Kawaki l'avait connu.

L'adolescent ne répondit rien aux questions, trop figé et apeuré. Et il ne répondit jamais rien de concret, si ce n'est « les hommes qui dorment avec moi ». Puis il se mit à sangloter bruyamment contre la seule figure paternelle qu'il ait jamais connue, exprimant de temps à autre sa douleur.

Naruto n'insista pas. Ses demi-aveux lui coupèrent le souffle, littéralement. Là, il venait de prendre une claque. Et puissante.

Il sentit une violente chute de tension et son estomac se retourner. Il savait pertinemment que « dormir » ne voulait pas réellement dire dormir ici. Ce mot, aux airs innocents, désignait en réalité un fait bien plus sombre.

Abject. Immonde, sordide.

Et putain que c'était dur. Trop dur. On pouvait se préparer à beaucoup de choses, mais pas à ça. Pas à ce genre d'aveux. Il était lui-même père et, vraiment, c'était juste au-dessus de ses forces de rester de marbre. Cela faisait très longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi ébranlé.

Il repensait à ses propres enfants, et forcément il ne pouvait s'empêcher de faire un transfert. Alors oui, il se sentait violemment hurté et anéanti. Il avait mal. Aussi mal que si il s'agissait de son fils ou sa fille qui se confessait.

Il passa une main réconfortante dans le dos de Kawaki et essaya de le rassurer comme il put, brossant ses cheveux de son autre main. Lui-même plissa les lèvres durement, déglutissant difficilement. Ça lui rappelait des souvenirs douloureux. Pas forcément aussi atroces, mais quand même impactants.

Il y a des blessures auxquelles on ne guérit jamais vraiment. Et il savait que le garçon porterait probablement ce stigmate toute sa vie.

Il avait envie de lui dire tant de choses. Notamment qu'il ne laisserait plus jamais personne lui faire de mal. Qu'aussi longtemps qu'il serait là, il lui apporterait un foyer et la sécurité dont il a besoin. De l'affection, de la protection, un foyer sain. Mille et une choses. Mais l'émotion le rendait muet.

Complètement muet.

Cela dura de longues minutes avant que les secousses liées aux sanglots de l'enfant ne se tarissent. La respiration contre lui se fit plus sereine, mesurée, et c'est ainsi qu'il comprit qu'il avait fini par se rendormir, contre lui.

Si il ne le retenait pas, il s'effondrait comme une poupée de chiffon, c'était certain.

Pourtant, et même si cela lui brisait le cœur, il allait devoir le réveiller, parce qu'il y a des choses qu'il ne pouvait pas faire pour lui, malgré toute la bienveillance du monde.

Doucement, il tenta de le ramener à l'état d'éveil, lui tapotant les épaules.

« Kawaki. »

Son prénom fut presque prononcé dans un murmure.

L'adolescent marmonna, ensommeillé.

« Va te doucher, tu as transpiré. Je t'apporte des vêtements. »

Probablement un peu à cause de la confusion, Kawaki fut plutôt amorphe, mais assez docile. Il s'exécuta curieusement sans poser de question, cherchant un peu ses repères.

Naruto finit par le guider vers la salle d'eau, puis partit chercher des draps et du linge propres dans sa propre chambre.

« Tout va bien ? » osa demander son épouse en le voyant arriver.

« Oui, oui. Juste une nuit agitée. » la rassura-t-il. « Tu as quelque chose pour les maux de ventre ? »

Elle sembla réfléchir avant de sortir des cachets de sa propre table de chevet.

« Il est malade ? »

« Un peu, mais ça devrait aller mieux d'ici demain. »

Elle s'en soulagea.

« Tu es sûr que tu ne veux pas un coup de main ? »

« Pour ? »

Elle lui pointa du doigt les draps qu'il tenait.

« Oh, ça ira. Il a juste renversé un verre-… »

« Oui, sans aucun doute. » Elle sourit doucement. « Tu sais, je suis maman. » ironisa-t-elle gentiment avant de lui prendre le linge propre des mains. « Je te laisse faire la lessive pendant que je l'installe ? »

Il sourit.

« Merci. »

Il fit le chemin inverse avant de tomber à nouveau sur Boruto, qui semblait l'attendre dans l'entrebâillement de la porte de sa chambre.

« Je croyais t'avoir dit de te coucher ? »

« Kawaki… Il va bien ? » finit par demander son jeune fils.

Il essaya de paraître désintéressé, mais la réelle compassion dans sa voix trahissait ses intentions.

« Oui, ne t'en fais pas. » le rassura-t-il, en lui envoyant un sourire sincère. « Il a dû attraper quelque chose, c'est tout. » mentit-il vaguement.

Le petit blond ne demanda pas à en savoir plus, rebroussant chemin pour se coucher. « Bonne nuit » furent ses derniers mots.


« Tiens, je te laisse de l'eau ici, et des cachets, au cas où. Pas plus d'un toutes les quatre heures, d'accord ? Et… »

« C'est bon. » le coupa Kawaki, redevenu un peu lui-même, en s'enfonçant dans ses draps.

« Bien. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas. Et si tu te sens toujours mal demain, on pourra passer chez le médecin. »

« Non. »

« Ou le médecin pourra passer ici, comme tu veux. »

« Non plus. »

Pour être tout à fait honnête, il n'avait aucune envie de rencontrer un médecin, de près ou de loin.

« Très bien... Je vais te laisser alors. » n'insista pas le plus agé. « À demain. »

Naruto se leva doucement, réajustant la couverture sur lui.

« Attends… » finit par lui demander l'adolescent. « La lumière, on peut la laisser allumée ? »

Le septième sourit, une bienveillance sincère sur le visage.

« Bien sûr. Je passerai l'éteindre plus tard. »

Cette nuit-là, lorsque l'homme au chapeau revint dans ses songes, Kawaki n'était plus seul. Il se cachait derrière le large dos d'un homme grand et blond.