Albion, la Guilde des Héros. Nombreux étaient ceux qui, au fil des siècles, étaient passés entre ces murs. Nombreux étaient ces érudits, ces aventuriers, ces mercenaires, depuis le terrible Nostro, à avoir suivi l'entraînement des maîtres de la Force, de la Volonté et de l'Adresse.

Beaucoup y avaient vu leur destinée être révélée ou réfutée, faute de talents. Tous en étaient sortis différents.

Mais la Guilde avait très tôt été confrontée à la question de sa position par rapport aux civils.
En effet, il semblait surprenant qu'une organisation aussi puissante et, sur bien des points, aussi secrète, soit ainsi accessible au public.
La réponse était en fait totalement logique. La Guilde ne pouvait pas vivre en autarcie et dépendait en grande partie du commerce avec les marchands et artisans locaux. Dès lors, il avait fallu prévoir une entrée pour prévoir ces échanges. Néanmoins, la pièce en question était excentrée par rapport au reste des bâtiments, préservant tout le secret. Et les quelques curieux qui s'étaient aventurés à découvrir les lieux sans y avoir été autorisés s'étaient retrouvés à la porte avec une mystérieuse amnésie quant aux heures précédentes.

Et nul ne pouvait déjouer le surprenant Maître de la Guilde, doté dit-on du don d'ubiquité et de prescience.

Malgré ces précautions, il régnait toujours un joyeux raffut autours du bâtiment. Une estrade avait été montée et permettait aux héros de venir se vanter de leurs réussites ou leurs prouesses martiales, devant les badauds de Bowerstone ou de Greatwood. C'était une tradition.
Car les Héros devaient se faire connaître pour obtenir contrats et renommée.

Ces derniers temps pourtant, on ne voyait plus trop Tonnerre, réputé de loin la plus grande gueule de l'ère présente. Seule sa sœur, Whisper, faisait des apparitions régulières, apparemment en grande lutte avec un de ses concurrents.

Mais personne, définitivement personne, ne connaissait le jeune apprenti qui venait de faire son entrée. Apprenti qui, pourtant, était plus célèbre chez lui à l'âge de 11 ans que beaucoup ne le seraient dans toute leur vie.

Albion était loin d'Harry Potter, et Harry Potter était tout juste au commencement de l'Albion. Un an s'était déjà écoulé dans ce cadre intemporel où les journées étaient à la fois extrêmement longues et courtes.

Tandis que les jours s'écoulaient, le garçon se sentait de plus en plus chez lui.

Faisant tourner le bâton entre ses mains pour s'échauffer, il prenait conscience qu'à la simple adaptation succédait désormais un véritable entraînement militaire.
Ses réflexes du Quidditch se révélaient extrêmement utiles pour s'habituer à l'effort physique. Même si, Olivier Dubois lui-même n'avait jamais été aussi exigeant dans ses exercices. Et puis, tirer à l'arc n'était pas une mince affaire.
Mais Harry s'obstinait. Il s'acharnait.
Chaque nuit, des visages familiers passaient devant ses yeux. Chaque nuit, un rire empli de folie retentissait à ses oreilles. Alors il s'endurcit, serrant les dents. Et chaque nuit, l'amertume et la tristesse se muaient en détermination, la colère devenait force.

Alors il cessa de dormir et travailla à accroitre sa force, sa vivacité et sa technique. C'était harassant. Mais l'air de l'Albion semblait avoir des effets incroyables car, jour après jour, il pouvait pousser ses séances plus loin et les faire durer plus longtemps.

C'est à partir de ce moment qu'il comprit à quel point la Force et l'Adresse n'étaient rien sans la Volonté. Tout était Magie en Albion.


Et la première séance avait été magistrale.

Dès le quatrième jour, en effet, le Maître avait débuté son cours matinal sur ce point. Cela tranchait avec la routine prévue commençant par le combat à l'épée. Mais ce n'était pas plus mal, du point de vue d'Harry, car il était complètement courbaturé.

- "Garçon, vous avez eu un aperçu sommaire des deux premières disciplines, le reste sera affaire d'entraînement. Mais je crois ne plus pouvoir retarder le moment tant attendu".

Il mena Harry vers la petite île entourée de cascades où ils avaient eu leur premier entretien et lui demanda de s'asseoir au sol.

- "La Volonté est la branche la plus mystérieuse des disciplines héroïques. Un garde de cité peut être un bretteur accompli ou un archer exceptionnel par un bon entraînement. Mais il ne sera jamais un utilisateur de Volonté valable sans avoir une profonde affinité avec cette dernière. A l'inverse, le Mana a parfois poussé des hommes à y consacrer toute leur vie pour espérer en percevoir le potentiel, délaissant parfois le monde terrestre, voire se perdant dans le Néant. Quant à vous-même, vous arrivez avec une expérience modeste, certes, mais existante, qui ne saurait être occultée".

- "Quelle est la conception de la Volonté par la Guilde ?" S'enquit Harry avec curiosité.

- "Nous ne sommes ni des érudits enfermés dans des tours, ni les sorciers de votre plan d'existence garçon. La Volonté ne se résume pas à des grimoires ou des sortilèges, avec tout le respect que j'ai pour les utilisateurs de votre surprenante discipline. La Volonté doit être considérée sur des points très précis. En premier lieu, elle est toute chose et omniprésente. On ne peut la quantifier ou l'envisager dans son ensemble. Elle est vivante et poursuit des objectifs au-delà de notre vocabulaire comme le prouve votre rajeunissement. Pour les Héros de la Guilde, c'est la source de notre existence car elle nous donne la force de nous transcender.
Ces guerriers novices qui se sentent soudain le cœur de défier une horde de bandits surarmés et les font fuir par leur présence. Cet archet qui touche de sa dernière flèche l'œil d'une balverine à 150 mètres et sauve un village. J'ai été témoin, et parfois acteurs, de situations stupéfiantes. Ces actes dépassent l'entendement et sont l'œuvre de la volonté bien qu'ils soient imprévisibles.
Mais nous demeurons prudents. La Volonté n'octroi rien sans rien. La façon dont vous mènerait votre vie vous transforme garçon, et sans que vous le réalisiez. Privilégiez telle conduite et vous avez la surprise de réaliser, au saut du lit que votre miroir renvoie une image bien différente de vous-même que celle que pensiez avoir. Tonnerre, un de mes élèves, privilégiait la Force et la Volonté. Je vous garantie que lorsqu'il s'ébranle, on jurerait un orage tant il est grand et puissant".

Il s'interrompit pour laisser à son élève le temps d'intégrer l'avertissement.

- "Avant d'entendre votre point de vue, je vais vous donner ce premier conseil que je vous conseille de graver dans votre mémoire si vous comptez vous élever dans la Guilde : Soyez toujours conscients de vous-même, ne vous mentez pas. Les Héros se vendent au public, ils se créent une réputation. Cela fait partie intégrante du jeu. Mais si vous agissez aux antipodes de vos croyances profondes, vous le regretterez amèrement. Soyez bienveillant ou soyez malveillant, c'est votre chemin, mais ne le soyez pas à moitié et ne vous reniez pas".

Harry l'observa pensivement. Il était difficile de se prononcer aussi vite, mais la guilde semblait avoir un rapport au Bien et au Mal assez différent de celui qu'il connaissait en Angleterre, où les personnes pratiquant une magie maléfique étaient mises au ban de la société.
Quant à cette idée d'une magie vivante, elle semblait revenir dans leurs conversations de manière très fréquente. Et jusque-là, Harry ne s'était vraiment posé la question de la nature intrinsèque de ses dons.

Le Maître devait avoir suivi une ligne de pensée similaire car il reprit la parole sur ce point.

- "Vous m'avez montré vos dons avant-hier, garçon. Des formes de magie assez stupéfiantes. Bien entendu, les annales des héros précédents avaient mentionné des cas semblables lorsque vos pairs issus de votre plan d'existence étaient venus aussi. Mais l'observer de ses propres yeux est bien différent".

- "Je croyais que vous aviez connu le professeur Dumbledore lorsqu'il était venu ?" S'étonna Harry. "Ne vous avait-il pas montré ce genre de sorts".

- "C'est parce que vous ne m'écoutez pas jusqu'au bout, Harry". Répondit calmement le vieil homme. "Et parce que vous ne prenez pas le temps de la réflexion alors que vous devriez connaître la raison mieux que moi. A quel âge pensez-vous que le jeune Dumbledore soit entré à la Guilde pour y suivre son enseignement ?"

Le jeune garçon se rappela soudain. « Il avait 10 ou 11 ans donc il ne maîtrisait pas encore les formes de magie qu'on apprend à Poudlard car il n'y était probablement jamais allé. ».

- "Précisément. Et je me plais à supposer que dès son retour dans votre pays, et donc sa rentrée dans votre école, sa scolarité a débuté sous les meilleurs auspices".

- "Attendez, vous me dites donc que le Professeur a effectué toute sa formation ici avant de revenir en Angleterre et de rentrer à Poudlard. Mais…."

- "….il n'avait nécessairement que 11 ans à son retour ? Bien entendu. Cette intervention de la Volonté pour changer l'âge des voyageurs n'intervient pas que dans le sens des allers, Harry. Albus Dumbledore était adulte, il était expérimenté et puissant, il portait le nom héroïque de Moon lorsqu'il est rentré chez lui en compagnie de Gellert Grindelwald, le redoutable Light. Mais à son arrivée, je ne peux que supposer que toutes les années avaient disparu, le laissant jeune et apte à intégrer son école. Ceci nous ramène donc à notre sujet initial : la Volonté."

C'était beaucoup à appréhender pour Harry. Il avait peu à peu réussi à intégrer le fait d'avoir rajeuni pendant son voyage. Mais ce n'était pas réellement traumatisant pour un adolescent de revenir à un âge d'une dizaine d'années. En revanche, passer d'adulte pleinement au fait de ses pouvoirs, probablement guerrier expérimenté à enfant, ce devait être un bouleversement plus difficile à appréhender. Fallait-il y voir l'origine de la sagesse et du côté enfantin du vieux sorcier ?

- "Dites-moi, mon garçon, comment percevez-vous votre magie dans votre école ?" Demanda directement son enseignant.

- "Que voulez-vous dire ? Sur un plan physique ? Historique ?"

Le Maître eut un léger sourire devant l'air perdu de son élève.

« Peut-être ma question était trop ésotérique pour être compréhensible. A ma décharge, je ne suis pas habitué à enseigner à des voyageurs d'entre les plans. Laissez-moi reformuler. Votre formation commence vers les débuts de la deuxième décennie. Mais vous êtes certainement plus au moins au fait de l'existence de la magie avant cette date. Est-ce vous sentez quelque chose en vous qui est la Magie ?"

- "Il y a une différence entre les enfants qui naissent dans des familles sorcières et ceux qui vivent avec des moldus…je veux dire avec des personnes sans pouvoirs." Répondit Harry. "Les premiers connaissent très tôt son existence et s'habituent à sa pratique grâce à des objets magiques, comme des jouets ou des potions, ou encore des miroirs qui parlent. Sans oublier qu'ils voient leurs parents utiliser la magie. En ce qui me concerne, j'ai été élevé par des personnes dépourvues de pouvoirs, et qui détestent les pouvoirs magiques."

- "Donc vous ne connaissiez rien de la magie avant d'intégrer l'école ?"

Le jeune sorcier fit non de la tête.

- "Eh bien voilà une nouvelle différence. Interrogez n'importe quel civil de Bowerstone – c'est notre ville principale – sur la Magie et il vous dira qu'il a un ami d'un ami qui aurait des dons médicaux, ou que la cousine de son beau-frère arrive à parler aux animaux. Ce n'est pas toujours vrai et cela se rapporte au folklore de l'Albion. Mais chacun est conscient de la Volonté, intangible, surnaturelle et imprévisible. Et beaucoup cherchent à en percer les mystères avec plus ou moins de rigueur et de précautions. Je ne vous raconte même pas le nombre ahurissant de charlatans qui prétendent entendre parler la voix de la Magie, ou descendre d'Archon – c'est le premier utilisateur de Volonté, garçon. Combien de fois ai-je vu débarquer des exaltés habillés de frusques excentriques sous prétexte que Jack of Blades – un Héro au passé trouble – leur parle en rêve. Il n'en demeure pas moins que les apprentis arrivent ici, au fait de l'existence de la Magie, et avec la conviction qu'en un an ils détiendront les pouvoirs d'Avo - une divinité bienveillante – et épouseront Lady Grey dont on vous a déjà parlé ce me semble."

- "Là d'où je viens, il y a une séparation absolue entre les deux mondes. Les sorciers se tiennent cachés. Ils ont leur propre gouvernement, leur propre modèle politique. Tout est fait pour que les moldus ne connaissent pas leur existence."

Il lui narra rapidement tout ce qu'il savait du monde magique en Angleterre. L'existence du Ministère de la Magie, organe tout puissant capables de décisions arbitraires. Le rôle des oubliators, chargés de faire disparaître l'existence d'événements sorciers dans l'esprit des moldus. Mais aussi la politique très largement raciste et inégalitaire qui était à l'ordre du jour. Et bien entendu, il évoqua les termes de pureté du sang, de cracmol et autres termes discriminants envers les moldus.

- "Ce que vous me dites là, garçon, montre une société sur le déclin. Car si de telles fissures existent au sein de l'organe délibérant et en temps de paix, c'est très inquiétant. La population d'Albion n'est pas parfaite et les controverses idéologiques sont parfois extrêmement rudes. S'il fallait trouver un réel critère de discrimination ce serait l'argent qui est inégalement réparti. Mais à cela il paraît difficile de remédier aisément. Toutefois, cette divergence entre possesseurs de magie et les autres est très dangereuse et ne constitue pas une solution viable sur le long terme."

- "Cette situation était un moyen de remédier aux guerres précédentes et empêcher la paranoïa et les exécutions sommaires." Objecta Harry, sans grande conviction toute fois.

Pendant toute une année on l'avait taxé de menteur et de fou, précisément par peur de la vérité. Et c'est ce système qui lui avait pris son parrain sans procès pendant 12 ans.

- "Et pensez-vous vraiment qu'il s'agisse là d'une amélioration ? On ne soigne pas la suspition par la séparation brutale. Il n'y a pas de moldus en Albion. Tout le monde est soumis à la Volonté mais n'a pas nécessairement la possibilité de l'utiliser. Si je devais reprendre votre terminologie, l'Albion est remplie de cracmols et des sorciers-guerriers ont la charge de les protéger. N'est-ce pas mieux ?"

- "J'espère que vous avez raison". Répondit prudemment Harry.

Sa courte expérience lui avait montré que l'observation pratique d'un organe au pouvoir et des gens vivant sous son influence valait toute explication.
Le Maître fit un signe approbateur.

- "Et j'admire votre circonspection garçon. Nombreux sont ceux à se croire parfaits, et les Héros ne le sont certainement pas et doivent garder ça en tête. Nous aurons l'occasion de discuter plus en profondeur du délabrement de nos sociétés respectives. Je pense que cela intéressera énormément Eglantine. Passons maintenant à un sujet plus pratique."

Il désigna un des mannequins d'entraînement derrière eux. « Lancez un sort d'attaque dessus, garçon »

Harry obéit. Il sortit sa baguette et incanta : « Stupéfix ! ». Un rayon rouge soutenu percuta alors la cible, la faisant légèrement vibrer.

Le Maître resta un instant silencieux. Puis, tendant la main vers l'avant, il décocha une décharge électrique sur ce même mannequin. Cette fois il ne se contenta pas de vibrer mais fit littéralement un tour sur lui-même, manquant presque de tomber sous le choc.

Puis une question. Directe.

- "Vous avez lancé une attaque classique et moi de même. Je n'y ai probablement pas plus mis de concentration que vous n'en avez mis. Que vous inspire la différence d'effet ?"

- "Vous êtes plus puissant que moi". Dit Harry avec certitude.

Dire qu'il avait failli recevoir cette attaque en plein corps le jour de son arrivée…

- "Non. Ce n'est pas la raison". Rétorqua pourtant le plus âgé des deux, calme mais ferme. "Essayez encore de formuler une hypothèse. Ce n'est pas tant l'intensité que la nature qui est ici en cause."

Harry s'accorda un délai de réflexion de quelques secondes.

- "Vous avez lancé une attaque pour détruire l'adversaire et moi pour le paralyser".

- "C'est déjà mieux, mais vous passez à côté d'autre chose. Vous voulez être trop précis trop vite. J'en reviens à la question que nous évoquions au tout début de cette séance. Comment percevez-vous dans votre corp cette énergie qui vous permet de lancer des sorts ?"

Son élève ne savait pas comment répondre à cela. Il essaya cependant d'expliquer son raisonnement.

- "Depuis ma première année à Poudlard, nous apprenons à nous focaliser sur le résultat à atteindre, le visualiser. La formule nous aide à matérialiser cette volonté."

- "Et vous avez donc la réponse, garçon. Car la Volonté et le Mana ne se bornent pas au résultat à atteindre. Ils impliquent d'autres dimensions. Tout d'abord, sur le comment est produit le sort car il faut créer la Magie avant de la projeter. Il faut que le sort atteigne sa cible. Mais entre les deux, il n'y a aucun moment où l'on cesse d'utiliser la Magie. Démonstration."

Il créa une lueur électrique dans sa main droite. Il prit le temps de la montrer à son jeune élève avant de viser soigneusement la cible et de relâcher l'énergie. Le mannequin fut à nouveau touché mais cette fois la décharge ne cessa pas et continua de faire vibrer l'objet de bois et de paille.
Le Maître cessa de tirer et reprit ses explications.

- "Votre sort est extrêmement précis, bien plus que le mien. Il a été créé pour un seul but. Mais une fois que vous l'avez lancé, vous n'avez plus aucun moyen de le transformer, de le modifier, de le contrôler. Pas plus que vous ne pouvez contrôler une flèche déjà tirée. Je peux, quant à moi, choisir de maintenir, ralentir ou accélérer l'intensité de mon sort, si tant est que je dispose des réserves suffisantes bien évidemment. Ainsi, avec ce seul sort, je peux détruire, étourdir, mais aussi revigorer à très faible intensité une personne évanouie. A titre de comparaison, avec une telle modalité de lancement de sort, vous pourriez ne paralyser qu'un seul membre, ou à forte dose paralyser le cœur lui-même et tuer votre cible."

- "Mais si c'est le cas, pourquoi est-ce que ce genre de réflexion n'a pas été faite par les voyageurs entre les plans et que la pratique d'un stupéfix amélioré ne s'est pas démocratisée ?"

- "Et qui vous dit que ce n'est pas le cas ? Combien de fois avez-vous vu votre directeur combattre ? Une fois, peut être deux. Pouvez-vous m'affirmer qu'un combattant plus que centenaire comme lui n'a pas envisagé ce genre de possibilités et qu'il n'a pas utilisé de version améliorée des sorts que vous maîtrisez. Et que connaissez-vous des autres voyageurs entre les plans et de la magie qu'ils utilisent ? Il serait bien orgueilleux de penser comprendre d'autres utilisateurs de magie sans en faire le tour avec rigueur."

Harry ne put qu'acquiescer à ces paroles de sagesse. Il prit une pierre sur le sol. D'une formule, il la métamorphosa en assiette. « Et comment qualifieriez-vous ce genre de démonstration en magie ? »

- "Strictement de la même façon". Fit l'autre avec calme. "Vous avez projeté votre magie sur une cible qui en a été affectée. Mais une fois ce sort lancé, vous n'avez plus de lien direct avec cette cible. Pour qu'elle revienne à sa forme initiale, vous aurez besoin que la magie contenue dedans s'épuise ou lancer un nouveau sort qui soit opposé. Le problème demeure."

- "Donc la Volonté consiste à créer un lien magique avec sa cible ?" S'enquit Harry avec intérêt.

C'était une conception novatrice par rapport à ses connaissances propres. Nul doute qu'Hermione aurait adoré, si elle avait été vivante.

- "Bien entendu. Vous attaquez ou vous soignez et vous créez un lien avec votre cible qui vous permettra de doser votre sort pour diverses finalités. Vous lancez un sort de protection et ce sera avec vous-même si vous lancez un sort de bouclier avec la technique de votre école, il demeurera un temps avant de disparaître. Lancez le avec la méthode de la Volonté et vous ferez varier son intensité selon les besoins, ce qui vous laissera toujours une protection modeste mais omniprésente. Lorsque vous avez attaqué Maze, il n'a pas eu à lancer un sort défensif, il était déjà présent, juste moins puissant."

- "C'est impressionnant !" S'émerveilla Harry. "Je…j'ai encore un peu de mal à tout comprendre, mais c'est vraiment impressionnant."

Le Maître sourit devant cette joie enfantine. « Et si nous essayions maintenant ? »

Il fit asseoir Harry en tailleur par terre avant de s'installer en face et de saisir ses mains.

« Je demande d'habitude à mes apprentis de faire le vide dans leur tête et d'essayer de se concentrer. Mais à vous, compte tenu de votre parcours, je vais rajouter une étape et plus spécifiquement vous encourager à concentrer votre Magie dans vos mains, comme si vous essayiez de lancer un sort sans votre baguette. Je la percevrais et essaierai de m'y adapter avant de vous la renvoyer."

Les premiers temps, Harry ne sentit rien. Il lui fallut quelques instants de perplexité avant de réfléchir véritablement à un moyen de se conformer à la consigne. Quelles situations de sa vie précédente se rapprochaient le plus d'une concentration de sa magie….il repensa aux exercices de métamorphose les plus complexes qu'il avait appris en fin de Cinquième année et nécessitaient une attention soutenue pour transformer un être vivant en objet. A ces moment là, la magie opérait lentement et impliquait un flux constant pendant quelques secondes pour réussir.
Il chercha alors à se rappeler cette sensation de rigueur.

Les minutes passèrent dans le silence, et soudain une sensation étrange. Un flot d'énergie qui semblait joindre leurs mains, le faisant légèrement frisonner.

- "J'ai perçu votre Mana et vous renvoie le mien à la même intensité, Harry. Essayez de garder cette sensation dans vos mains et peu à peu de chercher à l'augmenter".

Les yeux fermés, le garçon restait concentré sur cette sensation, tentant de l'analyser pour mieux la retrouver par la suite.

Mais à l'instant où les mains se lachèrent, la sensation disparut presque instantanément. Harry fut un peu déçu mais pas réellement désemparé. Depuis presque cinq ans il s'était habitué à ne pas réussir ses actes de magie du premier coup. Ce n'était pas réellement différent sur ce point.

- "Bien, ce n'était pas mal pour un premier jet. Régulièrement les apprentis ont un mal fou à percevoir le Mana et perdent toute concentration quand cela arrive."

- "Comment se sont débrouillés les Héros comme Tonnerre, Whisper ou celui dont vous m'avez parlé hier ?"

- "Tonnerre n'était pas destiné à devenir un Héro. Il était déjà trop âgé en arrivant. Mais son talent pour la Volonté et sa force qu'il souhaitait mettre au service de la Guilde étaient trop importants pour le rejeter à la porte. Il n'y a pas eu à lui apprendre la Volonté de fait.
Whisper était arrivée toute petite dans la Guilde. Elle était très active et avait une obstination et une volonté de fer. Mais elle n'était guère intéressée par la Volonté, sauf pour renforcer ses techniques de combat à l'arme ou améliorer sa rapidité. Quant à notre apprenti sans talent apparent, et bien je me bornerai à dire que l'entraînement n'a pas été de tout repos."

- "Et vous n'avez pas parlé de moi, Maître". Fit la voix d'Eglantine juste derrière eux.

La jeune femme était arrivée sans qu'Harry ne s'en aperçoive. Gentiment taquine, elle l'enlaça par derrière avec tant d'énergie qu'elle le souleva de terre.

- "Coucou mon petit Harry". Fit-elle en tournant joyeusement sur elle-même. "Tu t'amuses bien avec les mannequins ?"

- "Eglantine, arrête de me taquiner !" Protesta Harry avec une moue indignée.

- "Euh…non." Sourit Eglantine avec une moue moqueuse et attendrie. "Tu es trop mignon avec ton air sérieux et tes cheveux dans tous les sens".

Elle cessa de le faire tournoyer et frotta doucement sa chevelure.

- "Attention à ne pas trop me le malmener. S'amusa légèrement le Maître. Avec l'entraînement rigoureux qui l'attend dès cet après-midi, il vaut mieux qu'il soit bien sur ses pieds".

- "Bien entendu maître". Fit Eglantine en faisant un clin d'œil au jeune garçon.

Ce dernier fit un effort pour avoir l'air vexé, mais ne put s'empêcher de sourire timidement. Il n'avait pas l'expérience d'une réelle affection d'un adulte, même s'il était conscient qu'il y avait une grande part de taquinerie.

Mais c'était tout de même les prémices d'une nouvelle famille, d'une nouvelle vie.


Oui, tout était magie en Albion. Et Harry le sentait tandis que ses forces ne cessaient de s'accroitre.

Un an plus tard, Harry repensait encore à ce premier entraînement de volonté. Chaque jour depuis lors, il passait ses soirées à tenter de percevoir la Volonté. Et depuis quelques jours maintenant, il avait cette sensation de frémissement de plus en plus présente. A certains moments, une lueur bleue soutenue illuminait ses mains à chaque tentative.
En parallèle, il avait enfin réalisé un tir parfait à l'arc, suite à quoi le Maître lui avait conseillé de ne pas s'extasier trop longtemps car la cible était à la fois proche et immobile. Aussi il l'avait fait reculer de plusieurs pas.

Enfin, il connaissait désormais chacun des enchaînements de base avec un bâton et était capable de les enchaîner quelque soit l'ordre demandé. Il frappait avec force et régularité le mannequin d'entrainement qui était de plus en plus malmené. A la dernière séance, la tête avait même été détachée d'un seul coup.
Avec la Force et l'Adresse, il se sentait désormais largement capable de postuler au rôle de batteur dans une équipe de Quidditch.

Après tous ces mois, les questionnements sur la situation de son monde d'origine avaient progressivement cessé de monopoliser son esprit. Pour réussir ses objectifs, il devait impérativement s'améliorer : telle était sa pensée.

Aussi, ses journées étaient bien établies. Le matin était consacré à l'apprentissage de la Force, le début d'après-midi à l'Adresse et la soirée à la Volonté. Trois repas scindaient ces journées. Ses nuits l'épuisaient plus qu'autre chose alors il choisit d'y renoncer et de les remplacer par de l'entraînement physique mais également de l'apprentissage théorique dans la bibliothèque de la Guilde.

Ses relations avec les autres habitants de la Guilde n'avaient en revanche que peu évolué. Les marchands et artisans le saluaient toujours courtoisement mais jamais davantage. En Albion, seule la force conférait le respect. Et cette logique s'appliquait aussi aux apprentis plus âgés ou aux acolytes recalés qui l'ignoraient la plupart du temps. Tous sauf un.
Il y avait cet acolyte qui nourrissait à son encontre une aversion constante. Ses tentatives d'intimidations prenaient parfois de telles proportions que le Maître de Guilde avait lui-même été obligé de rappeler qu'au sein du bâtiment les dissensions n'avaient pas leur place et que s'il voulait régler ses comptes qu'il le fasse dans un cadre réglementaire. Alors, l'acolyte se taisait, mais n'en pensait pas moins.
La seule autre personne qui regardait le jeune sorcier avait un œil aussi méfiant était Maze, le second chef de la Guilde. Enfin, l'ignorer avec un mépris condescendant serait un terme plus exact compte tenu du nombre minime de leurs interactions.

Quant aux héros en exercice, Harry les voyait rarement. Whisper le saluait toujours avec sa rudesse franche mais honnête et il lui était arrivé de donner quelques conseils moqueurs. Tonnerre ne lui adressait jamais la parole, trop occupé à raconter ses exploits à la taverne. Et Eglantine était….fidèle à elle-même.

Ainsi les jours se succédaient. Mais l'apprentissage du jeune garçon, désormais âgé d'une bonne douzaine de printemps, prit une direction nouvelle à la fin de la première année.

Ce matin là, le maître de la guilde lui avait en effet donné une première mission. L'élimination de scarabées géants qui pullulaient dans la petite forêt alentour. Pour la réussir, Harry devait les éradiquer jusqu'au dernier. Compte tenu du rôle d'évaluation de l'épreuve, le jeune sorcier avait évidemment interdiction d'utiliser sa baguette magique afin de démontrer la réalité de ses progrès.

C'est avec un simple bâton qu'Harry Potter, apprenti à la Guilde des Héros d'Albion entra dans la sombre forêt.