Je dois dire que je m'attendais à un peu plus de réactions pour le chapitre précédent. Mais l'important c'est que ça plaise donc continuons.
Les mois passent en Abion...
En Albion, la Guilde des Héros, si souvent admirée, n'avait pas toujours existé, et son lieu d'implantation avait été choisi par deux personnes.
Lorsque le mystérieux Scythe, venu d'au-delà de la mer, emmena Nostro pour lui prodiguer son entrainement, bien des années auparavant, il s'établit dans une petite clairière entourée de forêt.
L'endroit était isolé, calme. Une eau claire coulait à travers ruisseaux et cascades. Cette place plut tellement au redoutable guerrier qu'il s'y installa de manière plus importante.
Ceux qui lui succédèrent s'y établirent aussi en profondeur, aménageant les lieux, construisant des bâtiments aptes à accueillir les futurs apprentis de la nouvelle Guilde des Héros.
Avec le temps, des routes furent tracées, des infrastructures établies, et la voie vers Bowerstone établie, permettant aux voyageurs de trouver les Héros pour résoudre leurs problèmes et à ces derniers de se rendre dans l'Albion.
Un pan de forêt demeura, à la lisière des bâtiments. Toujours présente, jamais élaguée. Un repaire pour toute la faune locale, mais une faune contrôlée, encadrée, afin d'exclure les pires abominations et ne conserver que la vermine envahissante mais guère dangereuse.
Les Bois de la Guilde servaient en effet de terrain d'entraînement pour divers tests des apprentis. L'un des plus communs était l'anéantissement des scarabées géants qui pullulaient. Une espèce au rythme de reproduction absolument fantastique, capable de quintupler sa population en quelques jours. Chose curieuse pour des coléoptères, ces créatures possédaient des mâchoires et des griffes dont l'impact créait une démangeaison non-létale mais extrêmement désagréable. Mais là encore, le jeune sorcier avait depuis longtemps renoncé à une idée de normalité pour le design des créatures magiques.
C'est avec son bâton d'entraînement fermement serré dans la main droite qu'Harry entra dans ce coin reculé de la Guilde. Ce n'était pas sa première forêt emplie de créatures magiques, bien au contraire. C'était cependant la première fois qu'il y entrait sans sa fidèle baguette magique, sans sa cape d'invisibilité et sans personne pour l'accompagner.
Mais telle était la règle du jeu.
Si je ne suis pas capable d'affronter de telles conditions, je n'arriverai jamais à vaincre mes ennemis.
La zone était sombre et humide, il y régnait une odeur de terre boueuse, sans doute due aux multiples ruisseaux qui traversaient ce périmètre de l'Albion. Quelques traits de lumière traversaient le faîte des arbres les plus hauts, baignant le chemin dans une étrange lueur.
La Forêt Interdite était bien moins humide que celle-là.
Il avança avec précaution. Aucune indication précise ne lui avait été donnée sur le lieu du nid et le nombre d'individus. Ce serait à lui d'estimer ce chiffre.
- « C'est un minimum, garçon ! » Lui avait dit le Maître avec son calme habituel. « Un Héro se voit la plupart du temps confier une quête souvent abstraite : détruire des bandits dans une zone inconnue, sauver un marchand perdu entre deux villes, trouver un escroc apparemment arrivé par Bowerstone et qui aurait bu un verre à Oakvale. Vos quêtes ne seront jamais précises, sauf cas très rares – qui sont parfois encore plus terribles si vous me permettez cette disgression. »
Ses pas sur les feuilles produisaient des chuintements qui retentissaient sinistrement dans le silence.
Ce fut un bruissement soudain qui le mit sur ses gardes. En groupe. Leur corps, d'un étrange bleu, et gros comme une assiette, luisait dans l'obscurité. Ils étaient une dizaine.
Ils se déplacent en groupe.
Il n'y avait pas de temps à perdre. Mais son instinct le poussa à ne pas se jeter à corp perdu dans cette multitude grouillante.
Alors il attendit. Silencieusement. Utilisant tout ce qu'il possédait de discrétion et agilité. Dans son idée, il lui fallait séparer un scarabée des autres pour le combattre tranquillement et estimer sa résistance. Ensuite, il aviserait à affinerait son plan. C'était la voie de la sagesse, murement apprise par de nombreuses séances de Soins au Créatures Magiques.
Ça ne peut pas être pire que s'occuper de Scroutts à pétard, non ?
Il prit une pierre dans une main, avisant les environs et évaluant ses chances. Puis il chassa tout doute dans sa tête, se concentra et tira. Une année entière à apprendre à tirer à l'arc avait amélioré sa précision initiale acquise au travers des matches de Quidditch. La pierre fendit l'air et tomba exactement où il l'avait prévu, au milieu de la petite mare autours de laquelle gravitaient les insectes. Tous se précipitèrent, attirés par le bruit.
Alors, sans hésiter, il se précipita sur le dernier du groupe, le plus proche de lui. Prenant son élan, il donna un grand coup dans le corps chitineux grâce au bâton d'entraînement et avec la maestria d'un de ces joueurs de tennis que critiquaient tant l'oncle Vernon. Le choc projeta la créature contre un arbre contre lequel elle rebondit avec un bruit sourd, et demeura au sol, assommée mais toujours en capacité de nuire.
Cette carapace est plutôt épaisse.
Comme on pouvait s'y attendre, le groupe de coléoptères s'était rendu compte de l'attaque d'une créature inconnue contre un des leurs. Ils se jetèrent tous sur Harry. Et ce dernier, renonçant à son plan stratégique, fonça à leur rencontre.
Pendant plusieurs minutes, le garçon frappa, esquiva de son mieux les attaques multiples autours de lui, ne cessant de se déplacer pour ne pas représenter une cible facile. A plusieurs reprises, ces maudites bestioles réussirent à le griffer ou à le mordre à la main. Et chacune de ces blessures lui causait une sensation semblable à celle du pus de bubobulb sur la peau, cette plante noire qu'il étudiait en quatrième année à Poudlard. Mais il serrait les dents. Cette sensation n'était rien par rapport aux blessures physiques et morales qu'il avait subies pendant toute sa courte vie.
Au même âge, j'avais été mordu par un Basilic, alors ce ne sont pas ces saletés qui vont venir à bout de moi !
Alors il se bâtit. Avec acharnement et orgueil. Et les scarabées d'Albion, qui n'étaient pas habituées à un adversaire aussi redoutable que ce préadolescent aux yeux verts furent tous anéantis.
S'apprêtant à tourner les talons, ce dernier se rappela soudain d'un des conseils que lui avait donné le Maître.
- « Ne tournez jamais le dos à votre cible sans avoir la certitude absolue qu'elle est définitivement hors d'état de nuire, c'est-à-dire morte. Si la cible doit rester vivante, pour une raison ou pour une autre, cela vous sera demandé sur la commande de quête. Mais j'ai connu des combattants valeureux qui avaient réussi leur mission mais ont péri parce qu'ils avaient omis de se rappeler qu'une balverine se régénère à grande vitesse ou qu'une banshee n'a aucune phase de faiblesse. »
Prudent, Harry prit un long moment pour vérifier scrupuleusement chacun des insectes sur le sol. Ce fut sage car deux d'entre eux étaient seulement étourdis. Etouffant ses sentiments il les acheva d'un puissant coup de bâton. Après tout, s'il hésitait à prendre une vie comme celle-ci, que ferait-il contre des combattants sans état d'âme.
Voilà ce qu'on lui demandait. Voilà le vrai sens de l'exercice. Derrière la trivialité de se débarasser d'une troupe de scarabées, il y avait le test de savoir si l'aspirant Héro était capable de comprendre les enjeux de son combat. Capable de mettre ses sentiments de côté. Et c'était en cela que beaucoup des apprentis échouaient, eux qui avaient eu une enfance dorée sans connaissance des difficultés du monde.
C'était la réalité.
Être prêt à tous les sacrifices pour parvenir au résultat escompté. Car il fallait faire des sacrifices pour le bien du plus grand nombre. C'était la philosophie qui guidait les missions héroïques : on tuait un chef de bandits et ses sbires pour protéger un village. On anéantissait une cohorte de nuisibles pour protéger les cultures vivrières.
Harry était loin d'adhérer en totalité à cette vision. Mais il était conscient du poids que faisaient peser les divers combats qui émaillaient l'existence.
Mais tandis qu'il songeait à l'ironie cynique de cette philosophie de la guilde, il fut violemment frappé par derrière. Sous le choc, il tomba au sol, assommé et ahuri. Tous les scarabées avaient été éliminés, il en était sûr. Alors comment…
- « Surpris ? » Fit une voix totalement humaine provenant de derrière son dos.
Il reconnut instantanément cette voix car il la connaissait parfaitement. Et avec le recul, il n'y avait guère de personnes dans la Guilde à vouloir l'attaquer dans le dos de cette façon.
- « Encore toi ? » Fit-il d'une voix affaiblie mais particulièrement agacée.
Son assaillant se plaça en face de lui. Tenue à capuche semblable à la sienne mais grise, un air arrogant sur le visage. Plus aucun doute possible. Il s'agissait de cet ancien apprenti qui l'avait pris en grippe dès le premier jour.
- « Oui, encore et toujours moi, misérable hobbes de pacotille. Mais cette fois tu n'as pas fait attention. Tu es seul, épuisé et je suis beaucoup plus fort que toi. »
Harry eut un sourire moqueur tandis qu'il se redressait lentement en prenant appui sur ses mains.
- « Ha ! Et combien de temps il t'a fallu pour avoir le courage de m'attaquer alors que tu as prétendument autant d'avantages sur moi ? Et quelle belle idée d'attendre que je sois fatigué...Une belle leçon de témérité, comme toujours…et tu t'étonnes que le Maître ne te veuille pas comme Héro ? »
Rien à faire. Harry n'était pas le genre de personne à accepter de se faire attaquer sans réagir. Mais sa dernière réplique rendit son adversaire complètement écarlate de fureur.
Ce crétin n'a décidément rien appris. Il s'enflamme toujours immédiatement.
Fou de rage, l'autre lui lança un puissant coup de pied en plein ventre qui le projeta contre terre, souffle coupé par la douleur. Cela devenait vraiment sérieux. Il tenta de se redresser pour établir une distance de sécurité relative, mais l'autre lui comprima la cage thoracique avec sa botte pour l'empêcher de bouger. Il dégaina son épée de fer et l'appuya contre sa gorge pour le dissuader de tout mouvement.
- « Arrête de bouger maintenant ! Avant que tu n'arrives, tout allait pour le mieux. Mais tu es venu avec tes grands airs, sois disant que tu comprenais tout à la vie alors que tu n'es qu'un morveux de 10 ans. »
Et tandis qu'il pérorait, le sang d'Harry bouillait dans ses veines. Il traversait les plans pour acquérir de la puissance, et un personnage insipide et arrogant venait ruiner son épreuve et l'empêcher d'arriver à ses fins.
Il analysa sa situation. Le poids de son adversaire était supérieur à ce qu'il pouvait gérer physiquement. Sa capacité respiratoire ne cessait de diminuer. Bientôt il n'arriverait même plus à réfléchir si l'acolyte ne cessait pas d'appuyer.
Soyons Serpentard….
« Si tu continues à appuyer, tu vas me tuer. Fit le garçon d'une voix sifflante. Crois-tu que le Maître va laisser un meurtre impuni ? Je suis pas certain qu'un ego froissé vaille la peine d'être traqué par des Héros dans tout Albion…. »
Machinalement, l'autre cessa d'appuyer aussi fort, tandis que le doute commençait à intégrer son esprit. Il n'avait pas véritablement prévu de tuer cet avorton. Simplement de l'impressionner et si possible de lui faire rater son épreuve. Les enfants de cet âge parlaient forts mais se dégonflaient si on haussait un peu le ton. Cependant, dans le feu de l'action il avait perdu son sang-froid et risquait désormais de le tuer. C'était bafouer une règle fondamentale de la Guilde.
Or, en pareil cas, nul doute que des guerriers de la trempe de Whisper ou Eglantine le rattraparaient en un laps de temps ridicule et le trainerait vers un terrible châtiment
Il se déconcentra un court instant et ce fut exactement ce qu'Harry attendait. D'un geste, il saisit la cheville de son adversaire et utilisa tout ce qu'il avait appris de l'étude de la Volonté. La colère et l'impuissance, conjuguées à une conviction forgée par les événements, avait abattu instinctivement les quelques murs mentaux qui l'empêchaient d'utiliser le Mana. Tout ce qu'il avait de Volonté, il le mit dans l'attaque.
La décharge qui en résulta ne valait pas les attaques du Maître et de Maze en terme de puissance, mais à bout portant elle fut très largement suffisante.
L'assaillant qui pensait tomber sur une proie sans défense, privée de ses techniques mystérieuses, en fut très largement pour ses frais car le choc électrique le projeta deux bons mètres en arrière sur les cadavres de scarabées. Lorsqu'il ouvrit les yeux, une horrible migraine en tête et le cœur au bord des lèvres, il était menacé par sa propre épée que le gamin lui avait dérobée.
Les yeux émeraudes sur cette figure encore enfantine lui semblaient aussi implacables que ceux de la divinité Skorm dont il avait vu des représentations à la bibliothèque.
- « Alors on va mettre les choses au clair, cervelle de Scroutt. J'en ai plus que marre de tes tentatives d'intimidation ridicules. Je ne te connais pas, tu ne me connais pas et tu ne représentes rien pour moi. J'ai des objectifs à remplir et des gens qui comptent sur moi pour apprendre le plus possible de connaissances et de savoir-faire. Reprend ta route. Si le Maître apprend cette volonté de me blesser grièvement que tu as démontrée, ce ne sera pas par moi. En revanche, si tu réessayes, je te mettrai hors d'état de nuire de mes propres mains.
Il s'éloigna, sans le quitter des yeux toutefois, et gardant l'épée à la main. Lorsqu'il fut assuré d'être hors de portée, il et conclut par ces derniers mots, complètement en décalage avec son attitude mature d'un instant auparavant : « Et puis je n'ai pas dix ans mais presque treize, abruti… »
Et il s'évanouit, épuisé par la quantité de magie et d'adrénaline mises en œuvre.
Lorsqu'il s'éveilla, ce fut dans son dortoir à la Guilde. Sa tenue d'apprenti, salie et abimée, lui avait été retirée et une autre avait été déposée sur une chaise. Appuyée contre un mur, se trouvait l'épée de son assaillant dont il s'était servi pour le menacer.
Les blessures causées par les insectes avaient été soignées. Demeurait simplement un énorme bleu là où la botte avait comprimé sa cage thoracique.
Il s'habilla rapidement et se dirigea vers le terrain d'entrainement où le Maître avait dit qu'il attendrait son retour. Comme de coutume, ce dernier était déjà là.
- « Vous avez mis le temps, garçon. Mais je crois que vous avez mené à bien votre mission. Mes félicitations. Ces scarabées peuvent être de vraies plaies à plusieurs. Compte tenu de la réussite de ce premier test, nous allons pouvoir approfondir l'entraînement. »
Il eut un moment de silence : « Pourquoi n'avez-vous pas porté votre épée avec vous ? »
A cette question, Harry ne sut quoi répondre et sentit la peur le faire frisonner. Que savait le Maître exactement ? Qu'est-ce qui se cachait derrière cette question posée avec calme ? Est-ce que son adversaire serait allé donner une version des événements qui le condamnait ? Il s'apprêta à s'expliquer quand son mentor leva une main.
- « La vie d'un Héro est faite de choix, jeune homme. Vous avez fait le choix d'entrer dans cette forêt de votre plein gré et de passer les épreuves qui vous y attendaient. Celles-ci sont propres à chacun. Ce que vous avez retiré de votre combat vous aidera à voir plus clairement la voie que vous foulez. Et, comme vous le comprendrez bien assez tôt, un Héro part de très bas. Il gagne son équipement et sa renommée. C'est le principe même. Albion n'a que faire des arrivistes qui n'ont pas le cœur à se dépasser et à retrousser ses manches. Le Héro se forge lui-même pour devenir unique. Et vous avez gagné cette épée, ainsi que le droit de l'utiliser. C'est pourquoi, dès demain matin je veux que vous vous présentiez avec votre nouvelle arme et nous nous emploierons à vous apprendre à la manier correctement. Et nous approfondirons votre maîtrise de la Volonté pour l'affiner et vous permettre de l'utiliser….et bien en dehors des situations d'extrême nécessité, dirons-nous".
A cet instant, Harry comprit que le Maître n'ignorait rien de cette altercation dans la forêt. Ou tout au moins, il en connaissait l'essentiel. Mais il ne cherchait pas à le faire avouer ses actions. Sa démarche par cette ignorance feinte paraissait de lui rappeler d'assumer ses choix jusqu'au bout, ainsi qu'il lui avait déclaré, au tout début de son entraînement.
C'était un monde d'adultes. Personne ne lui mâcherait le travail. Personne ne lui indiquerait quoi faire car personne n'entendait régir sa vie. Quelque soit le chemin qu'il emprunterait, il devrait l'assumer et s'y conformer. C'était aussi clair que ça.
Son respect pour le Maître en fut encore augmenté.
J'ai gagné le droit d'apprendre à manier l'épée et non plus un simple bâton.
A compter de ce jour, l'entraînement prit en effet une tournure nouvelle. L'épée était plus lourde et autrement plus dangereuse qu'un morceau de bois. Son point d'équilibre était différent et la façon de la tenir aussi. Un mouvement mal contrôlé l'exposait à des blessures sanglantes.
Le premier cour de force fut symbolique car il dut casser son bâton de ses propres mains, tâche plus difficile que prévue face à la solidité du chêne. Mais il y parvint au prix d'efforts soutenus. Les leçons suivantes ne furent plus que consacrées au duel. Le Maître l'affrontait tous les jours, d'une seule main et armé d'un simple bâton. Le jeune garçon fut tellement rossé au cours des premières leçons qu'il en vint à regretter les cognards des matches de Quidditch.
En terme d'Adresse, les cibles étaient plus loin de ses yeux. D'autres facteurs entraient désormais en ligne de compte, le sens du vent, l'inclinaison et la courbe du tir. Les exercices d'esquive firent leur apparition. Le Maître commença par le bombarder de cailloux. Ce fut des exercices où Harry excella le plus. Esquiver avait toujours été une de ses forces. Il changea d'avis lorsque les cailloux devinrent des flèches rembourrées. Bien évidemment, le Maître tirait toujours parfaitement bien et anticipait sans aucune difficulté ses déplacements.
Entre la Force et l'Adresse, il en ressortait fracassé chaque soir. Les bleus sur son corps étaient si nombreux que Whisper qui venait parfois le ramasser harassé sur le terrain ou Eglantine qui le soignait gentiment lui avaient attribué, non sans humour, le surnom de « tacheté» ce qui donnait l'impression à Harry d'être un de ces félins qu'il avait vu au zoo au cours de sa seule visite en ces lieux. Désormais, toute la Guilde l'appelait Harry le Tacheté. Le jeune apprenti en venait à maudire cette coutume d'Albion de surnommer les garçons.
L'apprentissage de la Volonté prit un nouvel essor car un cap avait été franchi depuis son combat dans la forêt. Désormais, Harry n'avait plus besoin de l'aide du Maître pour percevoir son Mana. Il passait de longues périodes à méditer et se concentrer sur celui-ci. Et à toute occasion il s'exerçait à projeter de la foudre vers une cible. Après tout, la toucher ne serait pas toujours possible.
Et lorsque tout cela était terminé, il s'entraînait en secret avec sa baguette magique afin de ne pas perdre la main. Ses nuits passées à la bibliothèque lui avaient beaucoup appris sur la faune locale, les divers Héros mais aussi les voyageurs d'entre les plans.
L'acolyte qui l'avait attaqué par derrière ne donna plus l'occasion de se plaindre de lui. S'il fusillait toujours Harry du regard, il ne l'apostrophait plus et semblait avoir renoncé à l'intimider. Quelque soient ses pensées sur leur affrontement, il n'y avait pas donné suite, et Harry trouva cette pause très satisfaisante.
En revanche, il fut bientôt accosté par d'autres membres de la Guilde.
Un soir, après ses entraînements, alors même que la lune se levait, un acolyte vint s'asseoir à quelques mètres de lui. Il était de la même tranche d'âge que les autres.
« Belle soirée, n'est-ce pas ? » Fit-il avec courtoisie. Je crois ne pas m'être vraiment présenté ces derniers mois. Je suis Nevan Soupière – ma famille est dans le matériel de cuisine, actuellement et pour un grand nombre d'année je l'espère, acolyte de la Guilde des Héros.
Enchanté. Fit simplement Harry.
Il demeurait méfiant. Cela faisait plus d'un an qu'il était là et tous ces acolytes ou apprentis plus âgés l'avaient virtuellement ignorés. Nevan ne fut pas dupe pour un sou.
« Tu prends tes distances à cause de l'incident d'il y a quelques semaines, dans la forêt, n'est-ce pas ? Pas la peine de dire le contraire, les rumeurs vont très vites ici. Je ne viens pas pour créer de polémique. »
Il fit un sourire affable et sincère.
« Je me rend compte que beaucoup d'entre nous n'ont pas été très justes à ton égard. Nous sommes habitués à fonctionner ensembles car nous sommes rentrés en même temps. La promotion Bowerstone, comme disait le vieux Maze, car nous sommes tous originaires de là-bas. Cette attaque pendant ton épreuve est la preuve que cette prise de distance était sotte de notre part. Je ne cautionne évidemment pas ce genre de gestes et nos cher camarade a eu à subir de nombreuses remontrances de notre part. Bref, je tiens avant tout à te présenter mes excuses.»
Harry les accepta avec un sourire. Il avait subi bien pire en terme de mise à l'écart. Et ce jeune adulte avait l'air très ouvert. Et puis, mieux valait avoir trop d'alliés que pas assez à son niveau. Profitant de l'occasion, il posa une question.
« D'ailleurs, comment ce fait-il que tout le monde soit au courant ? S'enquit-il car il ne s'était aperçu de rien. « Et comment ai-je été ramené à la Guilde ? »
« Tu n'as pas posé la question au Maître ? S'étonna Nevan. Remarque, je ne l'aurais pas fait non plus quand on voit son regard qui semble voir à travers soi….de toute façon, ce genre d'affaires se règlent en interne.
Il eut un rire un peu nerveux. « Ce n'est pas le Maître qui t'a trouvé. Ni aucun d'entre nous. Un des Héros était sur place pour ses propres affaires – ils sont toujours si secrets – et t'a ramené tout en trainant ton adversaire du jour de l'autre main. Arrivé à la taverne, il nous a simplement dit de te soigner et que tu avais subi une attaque en traitre pendant ton épreuve. Puis il a disparu dans la porte de Cullis de la salle de la Carte. Je ne sais pas si tu connais le principe des Portes, mais…. »
« Quel Héro ? Eglantine ? Whisper ? »
- « Oh non, pas du tout. Fit l'acolyte. Nos deux beautés fatales sont actuellement en mission. Une à Witchwood et l'autre à Bowerstone nord, si j'en crois le registre de quête qu'elles ont signé. Quant à notre puissant Tonnerre – que cela reste entre nous mais il ne tient pas l'alcool – il n'y a aucun risque que ce soit le cas. Sans quoi, tout le monde aurait entendu parler de son sauvetage héroïque de la jeune recrue de la Guilde dans une forêt maléfique et contre une cinquantaine de balverines affamées".
Il ricana.
« Il s'agit en fait du plus mystérieux de tous nos Héros récents. Le surprenant Blade comme il se fait maintenant surnommer. Tu ne verras jamais quelqu'un de plus taciturne. Mais il est redoutable car il a écrasé récemment un des chefs bandits les plus dangereux de tout l'Albion, ancien Héro et bretteur légendaire.
Je ne crois pas l'avoir déjà rencontré. Murmura Harry.
Et pourtant, tout le monde finissait par le mentionner dans la conversation.
- « Bref. L'essentiel c'est que les choses se soient terminées aussi bien que possible, dirons-nous. Je suis content d'avoir pu discuter avec toi en tout cas. Je vais aller prendre mon service, mais si tu as des question n'hésite pas à venir me trouver".
- « J'en ai juste une. Quel est exactement le rôle des acolytes de la Guilde ? Vous n'êtes pas simplement des apprentis qui ont échoué".
- « En effet". Approuva Nevan. « Les apprentis qui échouent restent apprentis ou quittent la Guilde si leur prestation est…catastrophique. Notre ami commun a échoué mais cherche à réessayer. Mais les acolytes choisissent parfois de rester à la Guilde de leur plein gré. Il faut assurer une surveillance, se charger de l'intendance ou faciliter le contact avec la population. Les gardes de Bowerstone ont leur limite dans ce cas. En ce qui me concerne, j'ai suivi le cursus complet de la Guilde, mais je me suis peu senti pour l'aventure. Alors je reste ici et m'entraîne régulièrement pour ne pas perdre le bénéfice de toutes ces années. Je suis également en charge de la salle de la Carte. Cet objet nécessite un entretien de tous les instants…."
Il se leva, l'air songeur. Puis sur un dernier signe de tête, il salua Harry et se redirigea vers les bâtiments.
A compter de ce jour, les autres acolytes furent plus cordiaux à son égard bien qu'ils restent toujours en groupe de génération. D'eux il reçut plusieurs conseils pratiques très utiles, permettant notamment d'entretenir son arme
Les semaines s'égrenèrent, apportant leurs lots de nouveautés. Harry gardait l'esprit fixé sur son entraînement qui marquait de plus en plus son corps, au même titre que l'adolescence. Ce n'est que pendant ses courts loisirs que les souvenirs de son ancienne vie revenaient le hanter.
Il n'en avait rien oublié. Pas une miette. Chacun des deuils qu'il avait été amenés à assumer en quelques mois était aussi présent dans son esprit qu'au premier jour. Et lorsque, solitaire, il s'entraînait seul dans la nuit contre un mannequin, ces sentiments violents ressortaient.
Hermione, Ron, Fred, George, Remus, Sirius, Arthur et Moly Weasley. Les moments vécus à leurs côtés avaient été, et de loin, les plus beaux de sa courte vie. Il avait vu en eux cette famille qui lui avait tant manqué pendant des années. Jamais rien ne serait plus pareil. Et jamais il ne pardonnerait.
- « Qui" ?
La voix était incroyablement profonde. Comme un souffle dans une grotte. Un murmure d'orage.
Harry se retourna. Derrière lui, suffisamment proche pour lui poser une main sur l'épaule, se tenait un homme d'environ 25 ans, grand et bien bâti. Habillé d'une armure en cuir, ses cheveux noirs flottaient au vent, et son regard, d'un bleu foncé absolument irréel reflétait la lueur des quelques torches autours d'eux.
Et dans ce regard, il y avait une souffrance. Irréelle. Cette même souffrance que Harry voyait dans le sien, chaque fois qu'il regardait son reflet.
La question, si concise soit-elle, devenait évidente.
- « Mes amis. Ma famille. Tous ceux qui m'avaient un jour aimé".
- « Comment ?" fit la voix grave.
- « Assassinés". Répondit Harry, parlant autant à son interlocuteur qu'à lui-même. « Tués sous mes yeux, torturés, brûlés dans leur propre maison.
Et tandis qu'il racontait, il voyait l'incendie dans les pupilles de son vis-à-vis. Un incendie dévorant toute chose. Et une quantité effrayante de regrets et de colère, domptée par une volonté de fer.
Il attendit une réaction quelconque. Ce furent trois mots : « Deviens plus fort »
Ni compassion, ni compréhension hypocrite, ni conseil creux. Un avis d'une personne qui savait.
Et le curieux personnage s'en retourna sans autre formalité. Il disparut.
Pendant près d'un mois, Harry n'entendit plus parler de lui. Mais une nuit il réapparut. Au même endroit. Avec la discrétion d'un fantôme.
D'un simple geste il l'attrapa par l'épaule et ils disparurent dans une lueur bleue pour réapparaître sur une petite plage, en contrebas d'un village. Les fenêtres des habitations laissaient échapper une lumière légère. Quelques bruis de conversation se perdaient dans le fracas de la mer.
- « Nous serons tranquilles. Expliqua brièvement l'homme.
Aussi charpenté qu'il soit, il se paraissait se déplacer avec une grande souplesse, faisant à peine crisser le sable sous ses pas.
Sans explication d'aucune sorte, il lui tendit une épée émoussée qu'Harry saisit machinalement, se demandant encore ce qu'il faisait là : « Bats-toi » dit-il seulement avant d'attaquer de sa propre lame.
Le jeune sorcier para le coup. La puissance qui se trouvait dedans manqua de le projeter à terre.
Ce type a une force de taureau, j'en ai le bras qui vibre.
Il contrattaqua.
« Plus fort. Plus vite. » Ne cessait de lui dire son adversaire du jour.
La duel montait en intensité. « Plus de puissance. Déchaîne toute ta rage sur moi. »
Il paraissait largement capable d'encaisser tous ses coups. Alors Harry lâcha la bride à tous les sentiments qu'il refoulait, toute son impuissance, toute sa peur d'échouer à venger ses amis.
Et l'autre accueillit son assaut de plein fouet et le contint, montant progressivement de niveau, pour obliger Harry à faire mieux. Ne lui laissant aucun répit. Toutes les bottes, les techniques et les combinaisons à l'épée que le garçon connaissait y passèrent.
Puis au bout d'un long moment, alors qu'Harry commençait à réellement s'épuiser, le combattant rompit soudain, attrapant son poignet, parvenant ainsi à l'arrêter en plein mouvement.
- « Mieux". Approuva-t-il.
Il tira le garçon vers une buche sur le sol et l'y assit d'autorité avant de s'asseoir à proximité.
- « Qui es-tu ?" Demanda Harry. « Pourquoi m'as-tu amené ici ?"
- « La Guilde est très formatrice. Son programme vise à faire ressortir ce qui n'existe pas au préalable. Mais d'autres n'ont pas la chance d'arriver dans une ambiance de vacances pour jouir d'une expérience plaisante et se vanter de ses réussites médiocres. Tu avais besoin de te défouler. J'avais besoin de savoir".
- « Toi aussi tu…"
Il ne put même achever sa question, et n'entendit qu'un bruissement. Les environs se teintèrent de bleu tandis que l'autre les ramenait à la Guilde, sans signe avant-coureur.
- « Progresse, compagnon". Déclara le jeune homme avec force.
Et il s'en alla. A cet instant, Harry ne savait pas qu'il était l'une des rares personnes en Albion à avoir pu côtoyer d'aussi près l'un des Héros les plus mystérieux d'Albion. Il ne savait pas non plus qu'il serait amené à le revoir plus tôt qu'il ne le pensait.
