Coucou. Oui ça fait un moment et je suis désolé. Je fais au mieux. J'espère que ce chapitre vous plaira tout de même. :)
En Albion, comme chaque année. C'était la fête du poulet. Et il n'était pas rare de voir des familles entières revêtues de costumes à plume sur les chemins du pays. Les recettes les plus farfelues revinrent à la mode comme la bière de la basse-court, la liqueur gallinacée ou la crème coquetière.
Trois autres années passèrent à la Guilde. Harry avait désormais l'âge d'avant son départ d'Angleterre. Parfois, au petit matin, il restait songeur sur ce qu'aurait pu être sa vie. Il avait repris son apparence de 16 ans, ce qui était assez symbolique à ses yeux car tout avait basculé à ce moment-là. Silencieusement, il s'observait dans les rares miroirs de la Guilde.
Il était resté très fin, mais musclé de façon harmonieuse. Rien d'ostentatoire, que de l'utile. Cela l'avait d'ailleurs obligé à changer de tenues à plusieurs reprises. Mais son visage reflétait une confiance plus soutenue qu'avant son arrivée et il avait surtout pleinement conscience de son corps, et de ses capacités physiques quelque chose d'inconnu à ceux dépourvus d'un entraînement acharné.
Cela étant, il n'avait pas réellement 16 ans de son point de vue.
J'ai rajeuni de 5 ans en revenant ici, mais je suis resté le même dans mon esprit. J'ai vécu 21 ans….
Et il était puissant. Bien plus puissant qu'au même âge dans son autre existence. Il lui arrivait parfois de se dire, non sans humour, qu'il pourrait désormais se battre avec Malefoy, Crabbe et Goyle à lui tout seul. Ou jouer tous les postes au Quidditch. Et puis la réalité le rattrapait et son esprit redevenait sombre.
Ses combats avec le maître duraient maintenant de longues minutes et le nombre de coups qu'il recevait avait diminué drastiquement. Il combinait la Force avec l'Adresse pour créer et utiliser des combinaisons et stratégies d'attaques. Et désormais, lorsqu'il affrontait des acolytes il prenait de plus en plus le dessus.
Son objectif actuel consistait à savoir utiliser les armes avec ses deux mains, afin de jongler de l'une à l'autre, et éventuellement d'utiliser sa baguette magique en complément d'une lame.
L'arc lui était devenu familier et désormais il se déplaçait toujours avec le sien et quelques flèches. Il avait appris à s'adapter aux mouvements aléatoires des mannequins mécaniques, parvenant à tirer parfaitement plusieurs flèches avec un temps mort minimal.
Quant à la Volonté, ses progrès étaient devenus spectaculaires. Il arrivait à lancer la foudre des deux mains et maintenir le flux. Et ses séances de méditation duraient parfois des heures où, se plongeant au fond de lui-même, il se focalisait sur le va-et-vient du Mana. À ces instants, il avait l'impression de sortir de son corps et de voguer à travers les courants d'énergie.
Une sensation déroutante qu'il avait découverte au cours d'une des leçons du Maître.
- Garçon, avait-dit le vieil homme, vos progrès sont constants c'est indéniable. Et votre perception du Mana ne cesse de s'accroître. Pour autant, lancer des étincelles n'est pas une finalité en soi. Vous devez étendre votre horizon.
Il lui avait alors montré une posture de méditation assez surprenante – puisqu'à plat ventre le nez dans le sol – permettant apparemment de se recentrer.
- Vous devez vous réconcilier avec vous-même afin que vos talents magiques antérieurs n'entrent jamais en conflit avec vos nouvelles connaissances, mais s'y assortissent. Sans quoi, vous allez vous écarteler magiquement et probablement vous transformer en ingrédients de tourte à la viande.
Avec une certaine appréhension, il s'y était essayé. Et au bout de plusieurs séances, il était parvenu à cet état de calme et de concentration sur sa propre magie.
En parallèle, il passait de longues heures à étudier la théorie des autres sorts, tentant de les acquérir. Après tout, l'électricité n'était pas une finalité en soi. Ce travail d'expertise en bibliothèque lui rappelait parfois ses heures de classe à Poudlard à la différence notable que jamais au cours de ses études à Poudlard il n'avait ressenti cette soif de connaissance le poussant à s'acharner dans la compréhension de texte de son propre gré.
Lorsqu'il avait le temps, il s'intéressait également au monde de l'Albion, discutant avec les marchands et les voyageurs. Il était conscient que dès son apprentissage achevé, il serait lancé sur les routes. Et contrairement à la plupart de ses compagnons, il n'avait aucune connaissance solide de la géographie du pays.
Enfin, il connaissait au moins un autre lieu de l'Albion….
Au cours des derniers mois, il avait revu le mystérieux Héro à quelques reprises. Ce dernier arrivait toujours de nuit, au cours de ses entraînements solitaires. Sans un mot il les ramenait sur cette plage et ils se battaient. Chaque combat était une remise en question pour Harry car ses progrès paraissaient complètement dérisoires face à son adversaire. Ce dernier dominait leur échange avec une insouciance presque dérangeante et toute la force d'Harry semblait se heurter à la poigne du puissant guerrier.
Les paroles de l'autre guerrier étaient toujours emplies de conseils et de regrets. Un soir, après l'avoir ramené, il avait dit : « Les apprentis n'ont pas le droit de sortir de la Guilde. Mais cette règle n'a de sens que lorsqu'on a des parents chez qui se réfugier pour échapper aux difficultés de l'entraînement. Nous nous reverrons. En attendant, bats-toi. Encore et toujours. Chaque jour est une potentialité ».
Ils n'échangeaient guère. La discussion se faisant par le fracas des armes. Mais, petit à petit, une certaine entente semblait se tisser. Aussi, Harry prit un jour l'initiative d'interroger son camarade sur le lieu où ils se trouvaient et la raison pour laquelle ce dernier l'amenait toujours ici.
Son adversaire d'infortune lui désigna le village qu'on apercevait au sommet de la falaise. Il prit la parole d'une voix aussi profonde que d'habitude : « Oakvale, ma terre natale. J'étais enfant, insouciant, heureux. Des bandits sont venus. Ils ont brûlé tout le village, détruit chaque maison. J'ai vu mon père assassiné, ma mère et ma sœur torturées. Enfant, je ne l'étais plus. Tu es arrivé à 11 ans, mais tu n'étais déjà plus enfant non plus. Il y avait des rumeurs. J'en ai eu la certitude le jour où je t'ai entendu crier dans les Bois de la Guilde, contre ce prétentieux fantoche qui n'avait jamais connu une quelconque difficulté dans sa vie de privilégié. C'est pour cette raison que je t'ai ramené. »
- "Ces bandits….étaient-ce ceux que tu as tués ? Cette nouvelle a fait le tour d'Albion. On prétend que seul, tu as éliminé tout un camp pourtant lourdement retranché".
Si ces faits étaient véridiques, alors le Héro d'Oakvale était encore plus puissant qu'il ne l'avait pensé. Rien de surprenant alors à ce qu'Harry ne parvienne pas à le mettre en difficulté.
- "Tuer leur chef les a fait me surnommer Blade. Répondit simplement l'autre".
Il garda un instant le silence avant d'ajouter une dernière phrase. « Je m'étais trompé en partie. Ces bandits ont pillé mon village. Ils ont enlevé ma grande sœur. Mais ce faisant ils l'ont en partie sauvée du véritable responsable. Je l'ai retrouvée sur place. Elle était aveugle mais vivante. Durant plus d'une décennie elle avait vécu avec eux ».
- « Pourquoi les avoir tués alors ? »
Le regard bleu océan se fit vide.
- « Parce qu'ils savaient et n'ont rien dit. Parce que même vivante, ma sœur était otage, condamnée à utiliser ses dons pour de mauvaises raisons. Parce qu'une bonne action par intérêt égoïste n'efface pas des décennies de vols, viols et meurtres d'innocents. »
Il n'y avait aucune forme de satisfaction dans sa voix monocorde. Ce meurtre ne lui avait rien apporté.
- "Et pourquoi m'avoir parlé de tout ça alors que personne ne semble te connaître à la Guilde ?"
- "Parce que nous, nous ne sommes rien. Nous sommes seuls. Notre passé a été piétiné. Nous voulons survivre et nous voulons qu'ils payent de nous avoir rendus seuls. La fin de ton apprentissage approche, comme le mien s'est également terminé. Je n'ai pas le don de voyance de Thérésa – ma sœur – mais j'ai le pressentiment que tu auras un rôle à jouer dans le Destin de cette terre, et moi aussi."
Ce fut à Harry de s'assombrir. Les termes de Destin et de rôle à jouer semblaient ressortir d'outre-tombe, d'un passé maintenant lointain, mais toujours vivace. Près de six ans étaient passés loin de l'Angleterre. Loin de sa patrie natale. Mais ce terme de Destin continuait à le hanter dès que sa concentration se fanait.
- "Là d'où je viens on m'a qualifié de tous les noms car j'avais survécu à mes parents. On a établi des prophéties prétendant que je devais vaincre le Mal. Cette destinée écrite avant même ma naissance m'a privée de bien des choses, à commencer par une famille. Je te suis infiniment reconnaissant pour toute l'aide que tu m'as apporté, Blade. Mais je préfère être parfaitement clair avec toi dès maintenant. L'Albion se débrouillera seul pour régler ses problèmes. Je ne suis pas là pour être à nouveau l'élu d'une prophétie."
Son interlocuteur l'observa un instant sans mot dire. Le jeune adolescent aux yeux émeraudes s'était renforcé depuis leur première rencontre. Il commençait à transformer son chagrin et sa colère en détermination froide.
Le Héro n'était pas au fait de l'histoire exacte de son jeune camarade. Il le savait venu de loin, et plus âgé que son apparence ne le laissait penser.
Il vit l'homme derrière l'adolescent. Et sa détermination en fut confortée.
- "Tout comme je n'ai jamais voulu être un Héro. Répliqua cependant Blade. Guerrier ou mage, c'était le lot de tous les enfants de mon âge, mais je n'aurai jamais choisi cette voie au prix de mon enfance. Je n'ai pas choisi. La Volonté s'est imposée. Sans doute que l'on m'a présenté à toi comme un guerrier sans pitié, ne vivant que d'entraînement et de fureur au combat, détestant ses pareils – et ils sont détestables avec leur prétention et leur hypocrisie. Ce fut le cas quand j'avais ton âge, adolescent taciturne et rebelle. Moi aussi je crachais sur leurs visions pré-écrites du rôle de chacun, et moi aussi je ne les écoutais que d'une oreille, concentré que j'étais sur ma seule vengeance. Tu revois continuellement les flammes de ta maison calcinée, et moi aussi ce brasier était un phare dans le flot de ma fureur. Et voilà que je me retrouvais là, sur cette même plage, à contempler mon village à peine restauré, tandis que toute ma rancœur semblait se déverser dans ma lame."
Il sembla se rasséréner lentement, tandis qu'Harry l'écoutait religieusement. Chacune de ses paroles faisait écho à ses propres pensées.
Le Héro fit soudain jaillir une gangue de feu dans sa main ouverte. Il la tint entre eux, comme un rappel de ce que sa chaleur pouvait coûter à autrui.
- "Le Feu…..voilà ce qui me caractérisait. Et ce fut ainsi, jusqu'à la minute où j'entrais dans ce camp de bandit Mais la suite des opérations n'était pas celle qu'on me prête. Si le hasard n'avait pas replacé ma sœur sur mon chemin, je me serais probablement borné à tuer ces bandits, détruire leur camp et retourner à la vie civile. J'aurais alors vécu paisiblement dans mon village natal que tu vois là-haut, reconstruit ma maison et élevé une sépulture pour mes parents. Tout a changé avec ce revirement du Destin. Je l'accepte et suivrais la bonne fortune que l'on m'accordera en tant qu'Héro. Mais ça ne m'empêchera pas de tracer ma route, quoiqu'en pensent Skorm, Avo ou je ne sais trop quelle autre divinité. Car, à ce que je sache, personne n'a écris un compte rendu exhaustif de ma vie. Et rien ne prouve que je ne finirais pas comme paysan."
Puis sans signe avant coureur, il lança son attaque enflammée sur Harry qui l'esquiva de justesse avant de le regarder bouche-bée.
- "Mais…qu'est-ce qui te…. ? »
Une deuxième attaque manqua de lui brûler la joue.
- "Le feu est notre faiblesse depuis notre enfance. Affronte-la directement ! Dénie-lui tout droit à t'atteindre. Ne la fuis pas. Brise-la."
Cette fois il lui tira droit dessus. Mais Harry avait anticipé. Et concentrant la Volonté dans ses mains, il confronta sa propre magie aux flammes. L'attaque était puissante, mais il ne fléchit pas. Ses paumes semblaient littéralement fondre, tant la chaleur des deux énergies opposées était terrifiante.
Mais finalement, au prix d'un effort terrible de volonté, il prit le dessus et écrasa l'attaque lancée par Blade entre ses mains.
Essoufflé il retomba au sol. L'ombre colossale de son adversaire le recouvrit avant qu'une main ne l'attrape au collet de sa tenue et ne le soulève littéralement du sol, avec une facilité absolument déroutante, jusqu'à ce que ses pieds ne touchent plus terre.
- "Et voilà pourquoi ton esprit doit être fort et que tu dois avancer dans ta vie sans chercher des échappatoires sous prétexte que tu veux dénier au Destin sa force. Regarde ce que la Volonté peut faire de chacun de nous. Le Destin existe, Harry mais pas nécessairement comme un carcan. Ces gens qui t'ont prédis ton avenir n'ont vu qu'une partie, une finalité. Mais tu ignores complètement quel chemin va t'y conduire. Une mauvaise parade dans ce camp de bandits et je mourrais, ne recroisant plus jamais Thérésa. Je pouvais choisir de ne pas m'attarder à Oakvale, tourner le dos à mon passé et repartir immédiatement sans m'occuper des bandits. Ce sont nos choix qui nous caractérisent. Pas le leur. Ils n'ont pas à te donner le chemin. Tes choix t'appartiennent."
- "Depuis que je suis né, on me destine à un combat dont je n'ai pas voulu. On m'a forcé à endosser la tenue du Sauveur. Cracha Harry avec amertume. Où est mon choix dans tout ça ? Pourquoi ça devrait être moi ? Je n'aspire à rien d'autre qu'à tuer la meurtrière de mes amis. Mais l'ennemi qu'on veut me voir vaincre est monstrueux….plus je progresse et plus je réalise le gouffre qu'il me reste à parcourir. Malgré ces six ans, il peut encore probablement me tuer d'un seul geste, sans même prononcer un mot. Ses connaissances magiques sont trop éloignées des miennes."
- "Oui. Pour l'instant. Une prophétie te déclare partie à un combat avec un être qui te surpasse en tout point ? Mais qui te fais croire que ton Destin ne se trouve précisément pas en Albion ? Que justement ce sont les capacités acquises avec le Maître, ou sur cette plage, qui ne seront pas déterminantes ? Tu es plus fort qu'avant. Tes chances sont donc accrues. C'est du pragmatisme de base. Elles ne feront que s'accroître lorsque tu parcourras le monde comme Héro. Mais peux-tu affirmer quand cet affrontement aura lieu, et surtout si ce sera le bon ? Tu peux affronter ton ennemi cinquante fois, et ne le battre finalement qu'à la dernière. Je ne crois pas que le Destin soit si précis qu'il te donne date et heure. Et il y a mille façons d'interpréter, comme il y a mille façons de vaincre. Je te tiens actuellement à ma merci et tu es épuisé physiquement et magiquement. Si je t'étrangle, cette prophétie n'aura plus cour. Le souhaites-tu pour autant ?"
N'ayant rien à répondre à cela, Harry se borna à secouer la tête. Blade le reposa dans le sable de la plage.
- "Bien. Alors cesse donc de te morceler la tête avec des hypothèses. Engrange des forces et des connaissances ainsi que tu l'as fais depuis ces quelques années. Ça ne sera jamais du luxe que d'être bien affûté. Mon Destin s'est dessiné à une époque où j'étais physiquement capable de l'affronter et de m'en relever. Tu as probablement survécu à plusieurs rencontres avec ton ennemi, pourtant réputé indépassable, si tu le connais si bien. Telle est la Volonté. Tu me dis te sentir encore trop faible ? Mais c'est le lot de nous tous. C'est le principe même du progrès. Un an auparavant, je n'aurais pas vaincu Doubles-Lames, ni ne serait parvenu à sa porte pour essayer. Une bonne décennie auparavant, le Maître de la Guilde lui-même considérait que j'étais a priori le pire apprenti de la Guilde. Ai-je renoncé ? Ai-je stagné ? Me suis-je précipité dès ma nomination comme Héro pour venger mes amis ? Non. Chaque chose arrivera, quand elle arrivera. Le mieux que l'on puisse faire est de se préparer au maximum. Et ça te sera toujours utile dans n'importe quel combat. C'est tout. Et tu peux trouver ne pas progresser assez, mais je n'ai encore jamais entendu parler d'une personne survivant à une épée dans la tête. Ça aussi c'est pragmatique."
Et d'un geste tout à fait machinal, il sortit une outre remplie de bière et lui tendit. Comme si la conversation qu'ils venaient d'avoir avait été tout à fait banale.
Ils n'en reparlèrent plus. Blade espaça ses séances d'entraînement avec Harry. Ce dernier appris que le Héro était maintenant sur une mission de très longue durée à Witchwood, une petite île réputée extrêmement dangereuse.
Mais leur discussion tournait toujours dans sa tête le jour où le Maître lui indiqua la présence de bandits dans les Bois de la Guilde.
Ce jour-là, il s'entraînait au tir à l'arc et avait reçu pour consigne de réussir tous ses tirs, sur cible mouvante, mais en ne touchant que la tête des mannequins. Tandis que l'adolescent se concentrait, un acolyte avait chuchoté quelque chose dans l'oreille du maître. Ce dernier n'avait pas même changé d'expression. Il avait simplement fait signe à Harry de s'arrêter.
« Nous avons de la visite dans les Bois de la Guilde, et d'un autre niveau que les scarabées de la dernière fois. Des bandits qui suivaient probablement les marchands. C'est une occasion en or, garçon, de vous frotter à des adversaires davantage à la hauteur.
Il y a quand même pas mal de monde dans ces bois. Pourquoi Maze ne va pas s'en charger ? Après tout, il m'avait presque tué pour bien moins que ça.
Il accepta cependant cette mission.
Très bien.
- "Soyez toutefois prudent, garçon. Les bandits ne sont pas les pires rencontres que vous ferez en Albion. Mais l'appât du gain peut rendre un homme très dangereux, surtout lorsqu'il sait se servir d'armes. N'hésitez pas à utiliser tout ce que vous avez appris ici, et avec l'aide de Blade."
Le ton paisible de son mentor acheva de convaincre Harry qu'une fois encore le vieil homme n'ignorait rien de ses sorties sur la plage d'Oakvale.
Les premiers temps, il s'était interrogé sur la réaction des chefs de la Guilde face à la violation si manifeste des règles mises en place. Ce n'était toutefois pas la première fois qu'il franchissait des frontières interdites, notamment dans sa vie à Poudlard. Mais le Maître semblait pratiquer la jurisprudence Dumbledore consistant à le laisser vagabonder sans tenter de le freiner véritablement.
Ou alors Blade avait raison et l'on considérait que ces règles avaient une réelle finalité pour les personnes ayant une famille en Albion et qui, pour progresser, devaient être écartés de leur zone de confort. Sachant cela, il avait cessé de se poser des questions. Tant qu'il assumerait ses choix, tout irait pour le mieux.
Lorsqu'il entra dans la forêt, les événements de la fois précédente lui revinrent en mémoire. Cela faisait plus de quatre ans qu'il n'y était plus retourné. Depuis, ses talents s'étaient considérablement accrus. Seraient-ils suffisants pour autant ?
Le petit groupe de bandits s'était installé dans un autre coin que la zone géographique qu'il connaissait déjà. Ils n'étaient pas nombreux, ni spécialement discrets.
Ils ont allumé un feu ? Sérieusement…
Il s'approcha discrètement d'une position dégagée sur le petit campement. Contrairement à la fois précédente, il disposait d'un moyen d'attaquer à longue distance.
La première flèche fusa avec un léger sifflement. Elle pénétra l'armure légère de sa cible avec un bruit léger. Le bandit tomba avec un léger cri. Deux autres suivirent. Ne s'attendant pas à être attaqués, et ne percevant pas leur assaillant, ils furent lents à se mettre en mouvement.
Lorsqu'ils purent s'organiser un minimum, ils n'étaient plus que trois.
Alors Harry dégaina son épée et sauta dans la mêlée. Avec le recul, c'était un mauvais choix tactique que d'abandonner une position dégagée.
Ce fut un rude combat. Les trois malfrats n'avaient pas la science du Maître ou la technique imparable de Blade. Mais ils étaient habitués aux affrontements à plusieurs et aux coups vicieux. Et surtout, ils attaquaient pour tuer, ce qu'Harry ne faisait pas consciemment. Comment aurait-il pu ?
Même confronté à des Mangemorts il ne s'était jamais résolu à lancer des sorts véritablement dangereux ou pouvant causer la mort. La seule chose qu'il ait choisie de poignarder de son propre gré avait été un journal. Au cours de son entraînement il n'avait tué que des scarabées.
Utiliser des flèches avait cet avantage d'établir une distance et d'éviter directement d'avoir à se poser des questions. Lancer des sorts avait ce même avantage : sa main pouvait rester éloignée de sa cible.
Mais lorsque son épée versa le sang pour la première fois, il s'aperçut que derrière ces cibles il y avait des humains. Et il n'arrivait pas à dépasser cet état de fait.
Les mots de Bellatrix Lestrange semblèrent résonner narquoisement dans son esprit : « Il faut le vouloir, souhaiter la souffrance de l'autre. La juste colère n'aura aucun effet contre moi ».
Ce mélange de peur et de colère fut déterminant. Il eut un infime moment d'hésitation. Sa garde se baissa. Et l'épée d'un des bandits lui entra violemment dans le poumon.
La blessure qu'il ressentit fut atroce. Comme si tout l'air avait été expulsé de son corps, et remplacé par de l'acide. Par réflexe, il fit un large mouvement circulaire avec sa lame pour éloigner la menace.
Un des bandits fut blessé à la gorge et les deux autres se replièrent de quelques pas, avec prudence.
Harry sentait peu à peu la douleur prendre de plus en plus de force. Il ne parvenait plus à respirer et sentait le goût du sang dans sa bouche. Il voulut tousser mais il se retint de toutes ses forces. S'il cédait à ce besoin, il avait le sentiment que tout empirerait.
Le temps pressait. De sa main gauche, il sortit une potion énergétique, de celles procurées par la Guilde et l'avala avec une horrible difficulté. Déjà les deux hommes se rapprochaient.
Le regain d'énergie procuré par la boisson fut salvateur. La douleur diminua légèrement. Mais il savait que ce ne serait que temporaire. Et de toute évidence, ses ennemis aussi. Lâchant la bouteille, il para la première attaque et utilisa ce gain de temps pour lâcher son épée et sortir sa baguette.
« Expulso ! » Cria-t-il tandis que du sang goûtait de sa bouche.
Soufflé par le sort, le bandit fit un vol plané et s'écrasa contre un arbre. Harry y avait mis bien plus de force qu'habituellement. Il n'attendit pas et pointa l'artefact contre sa blessure.
« Episkey ! Anapneo ! »
Deux sorts de soin étudiés en sixième année à Poudlard. Il les avait seulement lus sur le manuel de sortilèges avant de partir pour Albion, puis étudié longuement pendant ses nuits de veille entre deux entraînements. Merlin et Avo étant loués, il n'avait pas omis d'emporter ses manuels avec lui. Faute de situations adéquates, il ne les avait jamais utilisés. Ce n'était sans doute pas optimal, mais il ne connaissait que ça, n'ayant pas encore appris le sort de régénération du Maître.
Le premier sort arrêta le flot de sang. Le second dégagea ses voies respiratoires. Alors il concentra toute son énergie temporaire dans sa main gauche. La décharge d'énergie qu'il projeta contenait ses toutes dernières forces. Elle perfora littéralement le cœur de son dernier adversaire.
Victorieux mais aux portes de la mort, Harry s'écroula dans une mare de sang en songeant avec cynisme que c'était déjà la deuxième fois qu'il s'évanouissait dans cette forêt.
Pourvu que je me fasse pas dévorer par les descendants de ces scarabées/
Un voile noir descendit sur ses yeux et une intense douleur déchira sa poitrine. Il sombra dans l'inconscience.
o/o
- L'épée a perforé son cœur. Cette lame était une vraie saloperie, elle était à la fois rouillée et empoisonnée. Je n'arrive même pas à m'imaginer comment il a pu combattre avec tout ça, et surtout survivre deux heures couché sur le sol. Rien que sa blessure au poumon est déjà moche, mais il semble aussi s'être fait toucher dans le dos, quoique plus légèrement. C'était juste. Si je ne l'avais pas retrouvé, même vos dons n'auraient pas suffi, Maître. Depuis quand les bandits sont aussi dangereux ?
- Ce n'est pas si nouveau. La mort d'un de leurs plus grands chefs les a désorganisés. Ils sont aux abois. Récemment j'ai entendu parler de vols dans les échoppes de forgerons. Chacun semble vouloir tirer sa part du gâteau. Si de tels individus s'approchent aussi près de la Guilde c'est plutôt inquiétant. J'imagine que nous n'allons pas tarder à avoir des nouvelles quêtes à ce sujet.
Un temps de silence.
- Il a commencé à remuer. Je vais rester avec lui. Allez-vous reposer.
- A vos ordres, Maître.
Lorsqu'Harry ouvrit les yeux, il s'aperçut qu'il avait été ramené à la Guilde. Tâtant son corps avec précaution, ses doigts rencontrèrent un bandage autours de son torse. En dehors de cela, il portait un pyjama à plumes avec écris « Fête du Poulet ».
- C'est une mission réussie, garçon. Fit la voix parfaitement calme du Maître de la Guilde. Quelques décisions un peu aventureuses et risquées, un esprit un peu agité, mais les bandits ont bien été neutralisés. Ce qui est ce que les clients demandent et ils nous ont d'ailleurs payé avec ce surprenant ensemble de nuit que vous portez actuellement. Nous aurons à rediscuter de certaines choses. Quand vous vous sentirez d'attaque, venez me rejoindre auprès des mannequins.
- Combien de temps ai-je dormis ?
- Vous vous êtes réveillé à plusieurs reprises, à demi-conscient, ce qui nous a permis de vous donner de l'eau et quelques aliments liquides afin que vous repreniez des forces. Whisper avait proposé de la bière de Skorm qui donne, je cite, « du cœur au ventre », mais j'ai considéré que ce n'était pas forcément le mieux. Si c'est la durée totale depuis votre combat, c'est une semaine. Vous n'ignorez pas que la technique de soin est prodigieusement consommatrice d'énergie. Je vous attends sur place.
Et il quitta la pièce. Son jeune élève n'attendit pas davantage. Si réellement il était couché depuis une semaine, alors il n'y avait pas de temps à perdre. Il attrapa la tenue de la Guilde neuve posée sur une chaise à ses côtés et s'habilla prestement.
Sans surprise, le Maître s'y trouvait déjà. Et il entra directement dans le vif du sujet.
- Comment qualifieriez-vous votre prestation ? Demanda-t-il, impassible.
- Hésitante. Avoua Harry. J'avais plutôt bien commencé en éliminant la moitié à l'arc mais au moment de tuer à l'épée j'ai été dérouté…et je l'ai payé.
Le Maître hocha la tête. « On ne peut jamais se préparer à prendre une vie sans prendre une vie garçon. Et contrairement à l'idée tenace, ce ne sont pas les combattants issus des familles les plus aisées qui hésitent le plus. Couvez trop un enfant et il se sent en sécurité. Mais cette sécurité est pesante et finis par donner envie de repousser ses limites. J'ai connu des fils et filles de marchands, de maçons, de forgerons, qui se sont révélés capables de planter une lame. Cela est dû à plusieurs facteurs. Dans votre cas, garçon, votre passé est bien plus un frein, alors même que vous avez connu plus de drames que nombre de guerriers d'Albion. Savez-vous pourquoi ? »
Harry n'eut pas à réfléchir longtemps.
- « Parce qu'en tuant, je me vois comme ces gens qui m'ont tout pris et ont tué. Parce que j'ai peur de leur ressembler. »
- « Précisément ! » Approuva le Maître. « Et c'est en cela que vous devez impérativement travailler sur la façon dont vous voulez vous comporter en Héro. Ces armes que vous apprenez à manier tueront. C'est indéniable. Elles écourteront des vies. Elles plongeront des existences dans la souffrance. »
Il désigna l'épée portée par son élève. « Vous êtes déjà un bretteur plus qu'honorable au vu de votre jeune âge. Un archer potable et un remarquable manieur de Volonté, compte tenu de l'avantage avec lequel vous partez. L'expérience martiale ne se construira qu'à travers les voyages dans le monde, les quêtes, les rencontres. C'est le principe même de la voie du Héro. Mais tandis que vous grandissez et devenez plus âgé que vous ne l'avez jamais été, ce n'est plus tant le comment manier vos armes que le pourquoi qu'il faut travailler afin de franchir le cap sur lequel vous buttez actuellement et devenir l'adulte que je vois en vous ».
- « Est-ce que ça doit faire de moi un tueur ? »
Pour la première foi depuis longtemps, Harry crut discerner une lueur de sévérité dans le regard azur du Maître. Sa voix, pourtant fut aussi calme que la rivière à leur côté, tout en étant presque aussi fraîche.
- « Oui. Vous devez apprendre à tuer. À blesser. À briser. Parce que vos ennemis ne se priveront jamais de le faire et que vous ne pouvez pas combattre sportivement toute votre vie. Ces bandits pour agressifs qu'ils puissent paraître, ne sont rien en comparaison des dangers qui peuplent l'Albion. Une Balverine peut vous trancher en deux d'un seul coup de patte. Un Hobbes est proportionnellement aussi fort que vous et deux fois plus rapide. Un homme-creux ne ressentira pas une once de souffrance, et attaquera jusqu'à être brisé en miettes. Vous vous dites que vous vous en sortirez parce qu'ils ne sont pas humains ? Erreur. Une Balverine est humaine, elle ne fait que se transformer. Un homme-creux est un cadavre ambulant. Et un cadavre humain. Il ne sort pas de nulle part, garçon. SI vous hésitez, vous mourrez. ».
Il s'interrompit un instant avant de reprendre. « Je sais parfaitement quelle horreur peut représenter le fait de tuer un être humain pour une personne encore jeune. J'ai enseigné longtemps. Mais considérez ceci : les personnes malveillantes et les personnes bienveillantes tuent. La différence se situe dans le général et l'exception. Un Héro malveillant tuera sans réfléchir, sans regret aucun, avec plaisir même. Il anéantira un fermier et sa ferme pour gagner une plus grosse prime. Et exceptionnellement, il épargnera son adversaire. Un Héro noble et courageux, un défenseur de l'innocent tuera des bandits, des Hobbes, des Banshees. Il n'y prendra aucun plaisir et ne le fera que par exception. C'est cela qui doit guider votre voie, Harry. Vous ne prendrez aucun plaisir à tuer. Ce ne sera qu'un devoir, un recours. Mais arrivé au dernier moment, ou dans une situation critique, ce choix il vous faudra le faire. »
- « Est-ce que ça me rend faible que d'en être pour l'instant incapable ? »
- Non. Parce que c'est un cheminement. Vous n'êtes déjà plus le même qu'avant ce combat dans la forêt. Et quoi que vous en pensiez, vous êtes encore extrêmement jeune. Vous aviez besoin de vous confronter au prix de ces connaissances que vous cherchez à acquérir pour un motif personnel. Rien n'est gratuit dans le combat. Et c'est là que votre véritable entraînement va pouvoir commencer. Ce que la Guilde veut enseigner, ce n'est pas d'être le plus robuste de son village, le plus adroit ou celui qui arrive à tirer des feux d'artifice avec ses mains. Non. C'est d'être le plus pragmatique quel que soit son mode de vie. Faire des choix concrets. C'est cela qui doit primer dans chaque décision. Vivez votre vie, confrontez-vous à vos peurs et limites et un jour peut être vous comprendrez un peu mieux votre place, et votre rôle. Pour ce faire, ne rejetez pas en bloc le fait de tuer. Et soyez efficace dans vos attaques, pour éviter d'avoir à faire de la boucherie inutilement. Après tout, à moins que je ne m'abuse mais vous pouvez aussi tuer sans arme. C'est en cela qu'il s'agit d'un conseil général sur votre état d'esprit dans sa globalité.
Harry acquiesça. Les dernières semaines étaient riches de remise en question. De doute et aussi de franchise. Et ces arguments sonnaient parfaitement justes. A quoi bon manier l'épée, tirer à l'arc, créer du feu par magie pour ne l'utiliser qu'en entraînement sans prise de risque.
Je me suis sans doute trop reposé sur l'idée d'avoir encore plusieurs années avant d'avoir à me salir les mains. Ma soif de sang me fait plus peur que je ne le croyais. J'étais en contradiction, tiraillé entre ma vengeance et mes principes moraux…..
Une remarque lui vint en tête.
- L'homme le plus bienveillant et lumineux que je connaisse, le Directeur de mon école, a probablement été confronté à cela aussi. A ce dilemme.
- Bien entendu. J'ai consulté ses états de service et me souviens encore de quelques bribes de l'époque. Il a été le Héro Moon, garçon. Un Héro confirmé. Il a notamment à son actif le démantèlement d'un trafic d'oie des sables, la destruction d'une enclave de nécromanciens alcooliques et la constitution d'un orchestre. Il s'est battu dans l'arène. Il avait au moins le double de votre âge actuel quand il est parti de ce plan d'existence et a donc vraisemblablement tué. Pouvez-vous m'affirmer que cela l'a rendu mauvais ? Ce dilemme, comme vous le nommez, vous travaille parce que votre cas est particulier. Vous avez rajeuni, vous êtes arrivé ici juste après un drame. Vous vous arrachez les cheveux pour essayer de comprendre une vision de votre destinée dont vous avez une connaissance relative et nébuleuse. Vous avez un ennemi terrible, garçon. Ne lui simplifiez pas la tâche à faisant de votre existence un simple compte à rebours. Imposez votre rythme. Peut-être que ce Destin que vous craigniez autant s'accomplira par votre propre volonté quand vous aurez acquis suffisamment de pouvoir et irez le défier de votre propre gré. Peut-être que cet ennemi mourra de vieillesse, ce qui ferait de vous son vainqueur de fait. Peut-être et peut être pas. Cette question n'appartient à personne. Combattez, vivez, devenez fort. Découvrez comment les guerriers de cette terre ont vaincu leurs propres ennemis. L'Albion n'est pas dépourvue de ses monstres surpuissants, et ce dès ses origines. Mais ils ont tous morts et les Héros ont survécu. Devenir un guerrier c'est un état d'esprit, une acquisition qui se répercute sur toute la vie. Tuez en dernier recours, sans désirer ou rejeter la possibilité que cela arrive. Tuer un bandit, un assassin, ou son propre voisin transformé en homme-creux pour sauver dix villageois d'une mort certaine, accepter de faire des sacrifices ; ceci garçon est ce que nous appelons ici la recherche du plus grand bien.
Il lui tendit un livre. « Voyez-vous Harry, il y a une histoire sur laquelle vous devriez vous pencher. Celle du premier Archon, William Blake. Il est né lui aussi avec l'idée de devoir faire s'effondrer l'incarnation du Mal de son époque. Il n'a vécu que pour ça. Sa vision du Destin, ses choix, ses erreurs de jugement….tout ceci pourra sans doute éclairer votre lanterne.
J'attends vos commentaires avec impatience.
